Texte intégral
R. Elkrief - Vous avez succédé à N. Notat, il y a à peu près trois semaines. On va parler du style Chérèque dans un instant, mais parlons du Smic qui est l'objet d'une négociation ce matin. Vous avez été assez sévère avec J.-P Raffarin en disant qu'il a fait son premier faux pas en annonçant qu'il n'y aurait pas de coup de pouce D'habitude, la CFDT est souvent un syndicat assez réaliste qui ne fait pas dans la surenchère ?
- "Sur la forme, il est évident que le Premier ministre a fait un faux pas. Le président de la République, pendant la campagne électorale, a fait sienne des propositions de la CFDT de modifier les règles du dialogue social. Le Premier ministre, entre les deux élections, avait repris ces idées et avait dit qu'il était pour modifier le système du dialogue social en France. Or en décidant ou en annonçant, avant même d'avoir reçu les partenaires sociaux, une décision est effectivement un faux pas par rapport à cette nouvelle méthode que nous attendons. Donc, nous espérons que le Premier ministre va se ressaisir et engager cette réforme du dialogue social que nous attendons de nos voeux. "
F. Fillon va recevoir un certain nombre de représentants des syndicats, donc celui de la CFDT. La CFDT va demander à tout prix un coup de pouce sur le Smic ou bien vous serez plus à l'écoute d'autres propositions et notamment l'harmonisation des différents Smic qui existent aujourd'hui à cause de l'application des 35 heures ?
- "Justement, vous l'avez dit, la difficulté aujourd'hui c'est qu'on ne peut pas parler du Smic, on parle des Smic, il y en aura cinq au mois de juillet en fonction de l'année du passage aux 35 heures, plus un Smic différent pour ceux qui sont encore à 39 heures. Donc nous demandons des coups de pouce différenciés qui peuvent aller jusqu'à 6 % pour permettre de la façon la plus rapide possible d'atteindre un seul Smic. Nous avons aujourd'hui jusqu'à 111 euros par mois de différence entre deux smicards, c'est-à-dire un 13ème mois sur l'année. Donc l'urgence est de donner des évolutions différentes au Smic pour arriver enfin à un seul Smic. "
Si, par exemple, F. Fillon vous annonçait aujourd'hui un calendrier précis et qu'il vous disait, qu'on va donner la priorité à l'harmonisation des Smic dans deux ans, dans trois ans, vous accepteriez de renoncer au coup de pouce ?
- "Notre priorité, effectivement, est l'harmonisation des Smic. Pour cela, il faut des coups de pouce, donc il n'est pas question d'y renoncer. Je l'ai dit, pour ceux qui sont au Smic le plus bas, 6 % minimum en plus de la revalorisation obligatoire, c'est-à-dire plus de 8 %. Donc, si nous avons un calendrier précis et le plus court possible, effectivement nous sommes prêts à discuter une évolution différenciée de ces Smic. "
Que répondez-vous à ceux qui, comme R. Barre, P. Douste-Blazy ou J. Barrot hier soir au Grand Jury, RTL-Le Monde-LCI, disent que quand on augmente le SMIC, on déstabilise l'échelle des salaires que finalement, on travaille contre l'emploi ?
- "Le gros problème en France, actuellement, c'est qu'il y a trop de salariés au Smic. 13 % des salariés sont payés au Smic."
2,7 millions.
- "L'effet est fort. Donc là, il y a une contradiction, en particulier de la part du Medef, qui d'un côté, dit de laisser les partenaires sociaux négocier d'une façon autonome et de ne pas augmentez pas le Smic. Mais qui refuse depuis des années de rouvrir la négociation dans les branches professionnelles sur les minima conventionnels. Ce que nous disons en plus sur cette démarche sur le Smic, c'est que si nous voulons dans l'avenir que le Smic pèse moins sur l'échelle des salaires, rouvrons les négociations dans les branches, pour que des salariés ne restent pas au Smic toute leur vie. "
On augmente finalement les bas salaires et on varie un peu les échelles des salaires ?
- "Tout à fait, il est tout à fait anormal actuellement que certains salariés soient au Smic toute leur vie. C'est une perspective de carrière qui n'est quand même pas très réjouissante. Donc, il nous faut faire des validations des acquis professionnels, par exemple, pour que ceux-ci puissent évoluer et ne pas avoir le même salaire au bout de trente ans de carrière que ce qu'ils ont eu, lorsqu'ils sont rentrés dans la vie professionnelle. "
Il y a eu ce Conseil européen de Séville, pendant lequel finalement l'Europe, d'une certaine manière, a rappelé à la France certains engagements et a demandé à la France - au Gouvernement notamment -, que s'il faisait une baisse d'impôt, il fallait en échange faire des économies. Cela veut dire des économies sur le fonctionnement de l'Etat, notamment. Cela vous inquiète ?
- "Là, une nouvelle fois, je trouve que le Gouvernement a mis un peu la charrue avant les bufs. Il nous parle de réforme de l'Etat - elle est utile et nous l'appelons nous aussi à la CFDT - pour adapter les dépenses de l'Etat en fonction des besoins, selon les différents secteurs. Il nous parle aussi de nouvelles dépenses, en particulier sur la justice, sur la police, donc tout cela va coûter de l'argent et l'Etat français est endetté. Donc, il nous semble préférable de dire ce que l'on veut et ensuite adapter les recettes, c'est-à-dire les impôts, à ce qui est nécessaire."
Cette baisse annoncée des 5 % est superflue pour vous, elle est inutile ?
- "Elle est un peu précipitée d'autant plus qu'on ne connaît pas encore aujourd'hui quelles vont être les grandes dépenses de l'Etat. En plus, - et vous savez que la CFDT insiste là-dessus particulièrement -, cette baisse des impôts va surtout favoriser les hauts salaires. Donc là aussi, il n'est pas nécessairement obligatoire de favoriser les hauts salaires. Relancer le pouvoir d'achat, c'est peut-être aussi aider les bas salaires."
Le Conseil européen de Séville demande aussi à la France de se soucier officiellement de la réforme des retraites. Est-ce que vous dites comme vos collègues de FO : " Si on touche aux retraites, on fait la grève générale. "- c'est ce que disait, je crois, le représentant de FO dans la fonction publique.
- "Il ne faut pas se tromper de débat. Aujourd'hui, une réforme des retraites est nécessaire. Ne pas faire de réforme des retraites, c'est accepter qu'elles ne soient pas assurées pour demain. Plus on attend, plus le niveau des retraites pour demain va baisser. Qui plus est, la pression démographique et le nombre de personnes qui vont être à la retraite met en danger complètement notre système. Donc ne rien faire, c'est se mettre en danger. Donc pour nous, il nous semble heureux que l'Europe dise à la France de faire cette réforme que tous les autres pays européens ont engagée. Il n'y a pas de raison que la France ne la fasse pas. Il y a plus de choses à gagner dans une réforme que de chose à perdre, c'est notre démarche. "
Et dans quel délai ? Parce qu'on parle de 2003 et certains s'inquiétaient, ils trouvaient que c'était presque un peu tard.
- "On ne peut pas faire une réforme en deux jours. Le sujet est très complexe, les régimes spéciaux en France sont complexes, les régimes de base aussi. Donc, il nous faut aussi faire beaucoup de pédagogie pour convaincre les Français que c'est nécessaire. Certains imaginent que ça va être une catastrophe, que ça va être très difficile. Ce n'est pas simple mais il faut faire comprendre aux Français qu'ils ont intérêt à cette réforme. Donc, d'une part, de la pédagogie, ensuite une discussion sur cette réforme, une année pour l'engager, c'est utile, mais il faut l'engager. "
Vous avez pris la succession de N. Notat il y a environ trois semaines. Ce n'est pas trop difficile de succéder à une aussi forte personnalité ?
- "Je n'ai pas eu le temps depuis que je suis en responsabilité de me poser la question. Je me la suis posée avant, à partir du moment où j'ai pris la décision, ça y est, c'est parti ! J'ai l'impression que je ne suis pas seul, les militants de la CFDT m'ont apporté une confiance très importante. Donc, c'est aussi une nécessité d'efficacité qu'ils attendent de moi. Mais vous voyez les dossiers, - les retraites, le Smic -, me laissent dire que je dois travailler, je dois avancer. Et puis je me poserais les questions un peu plus tard, on verra bien... "
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 24 juin 2002)
- "Sur la forme, il est évident que le Premier ministre a fait un faux pas. Le président de la République, pendant la campagne électorale, a fait sienne des propositions de la CFDT de modifier les règles du dialogue social. Le Premier ministre, entre les deux élections, avait repris ces idées et avait dit qu'il était pour modifier le système du dialogue social en France. Or en décidant ou en annonçant, avant même d'avoir reçu les partenaires sociaux, une décision est effectivement un faux pas par rapport à cette nouvelle méthode que nous attendons. Donc, nous espérons que le Premier ministre va se ressaisir et engager cette réforme du dialogue social que nous attendons de nos voeux. "
F. Fillon va recevoir un certain nombre de représentants des syndicats, donc celui de la CFDT. La CFDT va demander à tout prix un coup de pouce sur le Smic ou bien vous serez plus à l'écoute d'autres propositions et notamment l'harmonisation des différents Smic qui existent aujourd'hui à cause de l'application des 35 heures ?
- "Justement, vous l'avez dit, la difficulté aujourd'hui c'est qu'on ne peut pas parler du Smic, on parle des Smic, il y en aura cinq au mois de juillet en fonction de l'année du passage aux 35 heures, plus un Smic différent pour ceux qui sont encore à 39 heures. Donc nous demandons des coups de pouce différenciés qui peuvent aller jusqu'à 6 % pour permettre de la façon la plus rapide possible d'atteindre un seul Smic. Nous avons aujourd'hui jusqu'à 111 euros par mois de différence entre deux smicards, c'est-à-dire un 13ème mois sur l'année. Donc l'urgence est de donner des évolutions différentes au Smic pour arriver enfin à un seul Smic. "
Si, par exemple, F. Fillon vous annonçait aujourd'hui un calendrier précis et qu'il vous disait, qu'on va donner la priorité à l'harmonisation des Smic dans deux ans, dans trois ans, vous accepteriez de renoncer au coup de pouce ?
- "Notre priorité, effectivement, est l'harmonisation des Smic. Pour cela, il faut des coups de pouce, donc il n'est pas question d'y renoncer. Je l'ai dit, pour ceux qui sont au Smic le plus bas, 6 % minimum en plus de la revalorisation obligatoire, c'est-à-dire plus de 8 %. Donc, si nous avons un calendrier précis et le plus court possible, effectivement nous sommes prêts à discuter une évolution différenciée de ces Smic. "
Que répondez-vous à ceux qui, comme R. Barre, P. Douste-Blazy ou J. Barrot hier soir au Grand Jury, RTL-Le Monde-LCI, disent que quand on augmente le SMIC, on déstabilise l'échelle des salaires que finalement, on travaille contre l'emploi ?
- "Le gros problème en France, actuellement, c'est qu'il y a trop de salariés au Smic. 13 % des salariés sont payés au Smic."
2,7 millions.
- "L'effet est fort. Donc là, il y a une contradiction, en particulier de la part du Medef, qui d'un côté, dit de laisser les partenaires sociaux négocier d'une façon autonome et de ne pas augmentez pas le Smic. Mais qui refuse depuis des années de rouvrir la négociation dans les branches professionnelles sur les minima conventionnels. Ce que nous disons en plus sur cette démarche sur le Smic, c'est que si nous voulons dans l'avenir que le Smic pèse moins sur l'échelle des salaires, rouvrons les négociations dans les branches, pour que des salariés ne restent pas au Smic toute leur vie. "
On augmente finalement les bas salaires et on varie un peu les échelles des salaires ?
- "Tout à fait, il est tout à fait anormal actuellement que certains salariés soient au Smic toute leur vie. C'est une perspective de carrière qui n'est quand même pas très réjouissante. Donc, il nous faut faire des validations des acquis professionnels, par exemple, pour que ceux-ci puissent évoluer et ne pas avoir le même salaire au bout de trente ans de carrière que ce qu'ils ont eu, lorsqu'ils sont rentrés dans la vie professionnelle. "
Il y a eu ce Conseil européen de Séville, pendant lequel finalement l'Europe, d'une certaine manière, a rappelé à la France certains engagements et a demandé à la France - au Gouvernement notamment -, que s'il faisait une baisse d'impôt, il fallait en échange faire des économies. Cela veut dire des économies sur le fonctionnement de l'Etat, notamment. Cela vous inquiète ?
- "Là, une nouvelle fois, je trouve que le Gouvernement a mis un peu la charrue avant les bufs. Il nous parle de réforme de l'Etat - elle est utile et nous l'appelons nous aussi à la CFDT - pour adapter les dépenses de l'Etat en fonction des besoins, selon les différents secteurs. Il nous parle aussi de nouvelles dépenses, en particulier sur la justice, sur la police, donc tout cela va coûter de l'argent et l'Etat français est endetté. Donc, il nous semble préférable de dire ce que l'on veut et ensuite adapter les recettes, c'est-à-dire les impôts, à ce qui est nécessaire."
Cette baisse annoncée des 5 % est superflue pour vous, elle est inutile ?
- "Elle est un peu précipitée d'autant plus qu'on ne connaît pas encore aujourd'hui quelles vont être les grandes dépenses de l'Etat. En plus, - et vous savez que la CFDT insiste là-dessus particulièrement -, cette baisse des impôts va surtout favoriser les hauts salaires. Donc là aussi, il n'est pas nécessairement obligatoire de favoriser les hauts salaires. Relancer le pouvoir d'achat, c'est peut-être aussi aider les bas salaires."
Le Conseil européen de Séville demande aussi à la France de se soucier officiellement de la réforme des retraites. Est-ce que vous dites comme vos collègues de FO : " Si on touche aux retraites, on fait la grève générale. "- c'est ce que disait, je crois, le représentant de FO dans la fonction publique.
- "Il ne faut pas se tromper de débat. Aujourd'hui, une réforme des retraites est nécessaire. Ne pas faire de réforme des retraites, c'est accepter qu'elles ne soient pas assurées pour demain. Plus on attend, plus le niveau des retraites pour demain va baisser. Qui plus est, la pression démographique et le nombre de personnes qui vont être à la retraite met en danger complètement notre système. Donc ne rien faire, c'est se mettre en danger. Donc pour nous, il nous semble heureux que l'Europe dise à la France de faire cette réforme que tous les autres pays européens ont engagée. Il n'y a pas de raison que la France ne la fasse pas. Il y a plus de choses à gagner dans une réforme que de chose à perdre, c'est notre démarche. "
Et dans quel délai ? Parce qu'on parle de 2003 et certains s'inquiétaient, ils trouvaient que c'était presque un peu tard.
- "On ne peut pas faire une réforme en deux jours. Le sujet est très complexe, les régimes spéciaux en France sont complexes, les régimes de base aussi. Donc, il nous faut aussi faire beaucoup de pédagogie pour convaincre les Français que c'est nécessaire. Certains imaginent que ça va être une catastrophe, que ça va être très difficile. Ce n'est pas simple mais il faut faire comprendre aux Français qu'ils ont intérêt à cette réforme. Donc, d'une part, de la pédagogie, ensuite une discussion sur cette réforme, une année pour l'engager, c'est utile, mais il faut l'engager. "
Vous avez pris la succession de N. Notat il y a environ trois semaines. Ce n'est pas trop difficile de succéder à une aussi forte personnalité ?
- "Je n'ai pas eu le temps depuis que je suis en responsabilité de me poser la question. Je me la suis posée avant, à partir du moment où j'ai pris la décision, ça y est, c'est parti ! J'ai l'impression que je ne suis pas seul, les militants de la CFDT m'ont apporté une confiance très importante. Donc, c'est aussi une nécessité d'efficacité qu'ils attendent de moi. Mais vous voyez les dossiers, - les retraites, le Smic -, me laissent dire que je dois travailler, je dois avancer. Et puis je me poserais les questions un peu plus tard, on verra bien... "
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 24 juin 2002)