Déclaration de Mme Michèle Alliot-Marie, présidente du RPR, sur le renouveau du RPR, son opposition à la politique gouvernementale, le quinquennat et ses propositions pour moderniser l'Etat et favoriser l'intégration sociale, Paris le 17 juin 2000.

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Circonstance : Assises du RPR à Paris, le 17 juin 2000

Texte intégral

Amis, Compagnons,
Vous voici, nous voici 10 000 ; 10 000 rassemblés aujourd'hui, veille d'une date anniversaire vivante dans la mémoire nationale : celle du 18 juin 1940 qui vit le général de Gaulle interpeller l'honneur et la grandeur de la France ; 10 000 rassemblés ici en ce lieu symbolique de la porte de Versailles où, voici 24 ans, Jacques Chirac a créé le RPR, notre RPR.
Nous voici 10 000 venus de toute la France, du Nord et d'Aquitaine, d'Alsace et de Bretagne, du Languedoc-Roussillon et du Centre, de Provence et des Ardennes, de Corse, d'Outre-mer, de l'étranger. Nous voici 10 000 rassemblés pour dire notre joie d'être ensemble, unis, réconciliés, déterminés à agir, à agir pour nos idées, pour nos valeurs, pour Jacques Chirac, pour la France.
Oui, amis, compagnons, je suis heureuse et je suis fière qu'ensemble nous puissions montrer d'où nous venons, ce que nous sommes, ce que nous voulons.
Merci d'être venus si nombreux, si chaleureux dire ce qu'est, ce que veut la vraie France, la vôtre, la nôtre, celle du peuple de France. Vous êtes formidables.
Il y a six mois vous m'avez portée à la Présidence du RPR. Un RPR affaibli par des échecs électoraux, un RPR traumatisé par le départ de plusieurs grands responsables, un RPR divisé par des querelles de personnes, un RPR incertain de son avenir, mais un RPR riche de ses militants, fort de leurs convictions, solide dans son refus de la fatalité du déclin.
Fixer des Assises 6 mois plus tard, c'était un pari fou, compte tenu du travail à faire ; remettre en route le Centre national, faire nos élections internes dans toutes les circonscriptions, mettre en place les instruments d'une démocratie participative ouverte à tous, relancer la formation des adhérents à une échelle jamais connue, préparer les échéances municipales à Paris et dans toute la France, recruter de nouveaux talents, renouer avec le débat des idées, associer chaque militant à l'élaboration de notre réflexion, retisser les liens de l'union de l'opposition, préparer l'alternance sur des idées fortes, faire notre travail d'opposant en nous opposant à un gouvernement apparemment aussi populaire que manipulateur.
Et pourtant, ces missions les voici toutes en cours de réalisation, ces Assises, les voilà réussies, grâce à chacun d'entre vous. Elles sont uniques dans nos annales parce que ce sont les vôtres.
De grandes, de belles Assises, nous en avons eu autour de Jacques Chirac, d'Alain Juppé, de Philippe Séguin. Elles ont rythmé la vie de notre mouvement. Elles sont dans notre coeur !
Celles-ci, j'ai voulu qu'elles se fassent autour de vous, de chacune et de chacun d'entre vous.
Si leur forme déconcerte certains, si d'autres affûtent le stylo de leurs critiques, qu'ils sachent que c'est en toute connaissance que ces choix ont été faits. Ces Assises veulent mettre en valeur des militants seuls ; ces Assises sont tournées avec détermination vers l'avenir, vers l'action, vers la reconquête ! Et vous êtes le socle de la reconquête !
Soyons lucides, alors qu'il y a moins d'un an, certains nous voyaient moribonds et parfois s'en réjouissaient. C'est grâce à vous, militants d'abord, à nos adhérents remobilisés que le RPR a résisté. Vous en avez connu des doutes ! vous en avez subi des critiques et des sourires condescendants et vous avez tenu ! Alors, nous, les responsables du Mouvement : Christian Poncelet, Alain Juppé, Edouard Balladur,
Philippe Séguin, Nicolas Sarkozy, Jean-Louis Debré, Josselin de Rohan, Adrien Gouteyron, nous avons voulu, pour vous remercier, que vous soyez les héros de nos Assises, de cette rencontre de la volonté et du coeur.
Parce que vous y aspirez, ce sont des Assises de l'Union. Certains qui nous connaissent mal s'attendaient à des débats difficiles. Vous aurez une manifestation d'Unité. Nous avons eu des débats avant, au cours de la préparation. Ils furent riches et animés, libres et égalitaires. Chacun, élu ou militant, y a été écouté au même titre.
Un rapport reproduisant les idées de chacun a été fait et rendu publique.
Chacun peut le constater, il a réellement servi de base à nos orientations, comme il sera la substance de notre programme futur.
Aujourd'hui en effet, n'en déplaise aux esprits chagrins, il n'est question que des orientations de notre action, pas d'un programme détaillé de 100, 98 ou 130 mesures. On ne fait pas un programme 18 mois avant des législatives. Cela viendra en temps voulu.
Aujourd'hui, dans la droite ligne de nos valeurs, des fondements de notre vision gaulliste de la société, rappelés avec constance dans nos Assises précédentes, nous sommes là pour affirmer les orientations qui vont guider notre action et notre réflexion au cours des mois qui viennent, en notre sein et avec nos partenaires de l'UDF, de DL, des Radicaux, de Génération Ecologie et tous ceux qui veulent, avec nous, autre chose que la gauche et les socialistes, les communistes et les verts, pour notre pays.
Nos orientations marquent une rupture avec le socialisme, ses principes et sa
pratique.
J'entends déjà les commentateurs dire : ça y est, elle fait de l'opposition frontale !
D'abord, quand on est dans l'opposition, si on ne s'oppose pas,
qu'est-ce qu'on fait ? Et bien on disparaît ! Je n'ai pas été élue pour faire disparaître le mouvement gaulliste, mais pour le conduire à la victoire.
Ensuite, pour s'auto décerner des louanges, le premier ministre le fait très bien tout seul. Sa formule préférée semble être : "je suis modeste et je m'en vante". Serait-ce un cas psychique intéressant de modestie contrariée ?
En plus, Monsieur Jospin doit être bon pédagogue. En la matière il a fait école. Dans un salon de l'autosatisfaction, les membres du gouvernement rafleraient toutes les médailles d'or.
Pour autant devons-nous nous laisser aveugler ? Notre devoir n'est-il pas de montrer aux Français l'ampleur de ce qu'ils pressentent ? Comment ne pas dire que le gouvernement s'enferme dans une vision dépassée de la société et qu'aujourd'hui il fait du sur place ?
La vision dépassée, c'est celle d'une lutte des classes revue et corrigée, version 2000, (parfois à peine corrigée d'ailleurs). Elle est affirmée et mise en oeuvre par le gouvernement.
Le ministre du travail encourage l'opposition entre salariés et patrons et elle intervient pour modifier par la loi les accords syndicaux déjà actés, parce qu'à ses yeux ils donnaient un avantage aux chefs d'entreprise ; le ministre de l'environnement oppose ceux qui vivent et travaillent dans le monde rural et ceux qui sont dans les villes et elle dote les seules zones urbaines de moyens financiers nouveaux, laissant le monde rural désarmé dans la course à l'adaptation et les agriculteurs affaiblis dans celle de la mondialisation ; le gouvernement distingue les retraités et les actifs et il reprend aux premiers, par les prélèvements fiscaux, ce qu'ils ont acquis en travaillant et en épargnant ; le gouvernement dresse les uns contre les autres les classes moyennes et les plus démunis et il pénalise fiscalement toujours plus les premiers ; le gouvernement oppose les salariés du public et ceux du privé en réservant aux seuls fonctionnaires l'épargne complémentaire pour la retraite en déduction des impôts ; le gouvernement oppose l'hôpital public et le secteur privé et il dote le seul premier de nouveaux moyens.
Voici quelques exemples de la méthode Jospin. "Je suis socialiste. Je fais du socialisme. Je défends ceux-là seuls qui peuvent m'apporteur leurs voix".
Non le devoir des gouvernants ce n'est pas cela.
Le devoir des gouvernants c'est de rassembler, de réconcilier la diversité, de donner à chaque citoyen, dans sa spécificité, l'envie de partager un destin commun.
La conception dépassée des socialistes c'est aussi celle d'un égalitarisme aveugle qui nie la différence entre les individus pour encadrer tout le monde dans les mêmes lois, règlements et contrôles. Il empêche la récompense des 4 efforts, qui refuse que chaque homme, chaque femme, soit encouragé à retrouver sa dignité singulière.
Regardez l'école : les socialistes en sont encore à l'école de Jules Ferry, dont l'idéal est que tous les enfants du même âge fassent à la même heure, la même dictée, dans des classes semblables. Qu'on me comprenne bien. Je ne critique pas ce principe appliqué au début du siècle à une France majoritairement analphabète. Il a permis de faire accéder à la formation de base des millions de jeunes. Je dis que compte tenu des connaissances acquises en matière psychologique, compte tenu des nouvelles technologies, compte tenu du niveau d'information des Français, s'accrocher en 2000 à des méthodes mises au point en 1890, c'est dépassé.
L'échec scolaire est là, hélas, pour le démontrer. Nous proposons une autre école pour le XXIème siècle plus personnalisée, modernisée, qui ne gaspille ni la compétence et la bonne volonté des enseignants, ni les potentialités des jeunes.
Autre exemple du caractère dépassé des conceptions uniformisatrices du gouvernement : celui de la loi rendant obligatoire les 35 heures : réduire le temps de travail et l'organiser différemment, pourquoi pas ? Pourquoi pas pour les entreprises qui le souhaiteraient ? Pourquoi pas pour les salariés qui y aspiraient ?
Mais pourquoi l'exiger aussi, de façon autoritaire et obligatoire, de ceux qui ne la voudraient pas ou ne pourraient pas l'appliquer, surtout quand l'Etat se révèle incapable de mettre en uvre chez lui ce qu'il impose aux autres ?
Qu'est-ce qui peut justifier que l'on empêche ainsi les salariés de profiter des fruits de la croissance mondiale et européenne retrouvée du fait du blocage des salaires. Il faudra indéniablement assouplir la loi sur les 35 heures pour les salariés, comme pour les entreprises, afin de tenir compte des réalités de bon sens comme des aspirations personnelles.
Les doctrines ont cet avantage qu'elles dispensent d'avoir des idées et surtout des idées neuves ou réalistes. Cette ringardise gouvernementale est sans espoir d'amendement. Spécialistes de la repentance pour autrui, ils ne sont pas prêts à confesser leurs erreurs doctrinales. Aujourd'hui, arcqueboutés sur ces certitudes dépassées, les membres du gouvernement font de plus du "sur-place".
Tétanisé par la perspective de l'élection présidentielle, le Premier ministre a trouvé un slogan gouvernemental "Il est urgent de tergiverser". Sur les retraites, c'est l'entassement des commissions sur les expertises. On sait depuis longtemps que quand on ne veut pas une réforme, on l'enterre en créant une commission. Ici, on les accumule. Cela devient plus épais que le sarcophage du réacteur de Tchernobile.
Sur la réforme de l'Etat ou sur l'épargne salariale, Laurent Fabius nous joue :"je ne suis ni pour ni contre, bien au contraire".
Sur la fiscalité, c'est un petit pas d'allègement en avant pour 10 grands pas d'augmentation en arrière.
Sur l'école, Jack Lang parade bien plus dans la rue que dans son ministère.
Sur la modernisation de la société, il est à craindre que les désillusions terminales ne soient à proportion des illusions initiales.
Jour après jour, dérapage ministériel après dérapage, invective personnelle après invective, cette majorité se révèle comme "une minorité accidentellement grossie d'opinions différentes ou même opposées". Voilà pourquoi nous voulons rompre avec la vision et les méthodes de la coalition gouvernementale.
A nous de faire la démonstration aux Français qu'il y a une autre politique possible et une autre façon de faire de la politique. A nous de tracer un nouveau chemin. A nous de montrer qu'un nouveau souffle pour une autre politique cela existe avec le RPR.
Jamais depuis 30 ans, la France n'a bénéficié d'une situation économique internationale aussi favorable. Jamais dans notre histoire, les avancées technologiques n'ont permis aux hommes de maîtriser autant les contraintes matérielles de leur environnement. Jamais non plus la politique n'a paru aussi "déphasée" par rapport à l'accélération des échanges, des regroupements industriels, des techniques de communication. Jamais enfin, le fossé entre ceux qui s'insèrent dans ce mouvement général et ceux qui le considèrent avec recul et crainte n'est apparu aussi large.
Dans une France anesthésiée par la pensée unique, dans un pays où 65 % des Français ne votent plus ou votent pour des mouvements extrêmistes ou corporatistes, notre responsabilité c'est de redonner à la politique sa mission, sa place, sa grandeur, c'est de rendre au citoyen sa dignité, sa capacité et la volonté de maîtriser son destin, c'est de permettre à la France d'assurer la cohésion de son peuple, de jouer un rôle déterminant dans la paix du monde et pour l'épanouissement des hommes.
I - La politique.
Il est à la mode de dénigrer la politique et de critiquer les politiques.
Peut-être l'ont-ils bien cherché ? Plus commentateurs qu'acteurs, ils ont depuis quelque temps subi les événements sans chercher le moins du monde à les maîtriser.
Faute sans doute d'être occupés à autre chose, ils ont donné impression de se déchirer pour des places, postes et autres avantages. Ils ont donné le sentiment d'ignorer les problèmes quotidiens et les aspirations individuelles. Ils ont renoncé au débat des idées.
Comment ne pas comprendre dès lors la méfiance des Français, leur indifférence aux élections, leur goût pour la cohabitation ? Rendre à la politique sa mission d'anticiper et de guider les évolutions de la société, c'est réagir à cette dérive.
Nous devons affirmer le rôle premier du politique. Il ne s'agit ni de s'occuper de tout, ni de laisser tout faire. Le but et la grandeur de la politique c'est de redonner un sens aux mots : engagement, responsabilité, solidarité, proximité, renouveau ; c'est de permettre aux hommes de vivre mieux, plus libre et n'ayons pas peur du mot plus heureux.
Les idéologies qui ne placent pas l'Homme au centre de leurs préoccupations sont dangereuses, inutiles et dépassées.
Parce que nous voulons donner à l'Homme sa place et sa dignité, nous lui reconnaissons le droit de faire lui-même ses choix de société.
Les instruments de la démocratie ne sauraient demeurer théoriques.
Le citoyen doit pouvoir choisir et contrôler. Ses niveaux de formation et d'information lui en donnent aujourd'hui les possibilités. Il nous revient de lui en fournir les leviers.
C'est tout l'enjeu de la modernisation de l'Etat. C'est aussi ce qui explique les réticences de certains, peu enclins à partager le pouvoir qu'ils ont capté.
Moderniser l'Etat, c'est mettre le secteur public au service du citoyen et non, comme trop souvent, le contraire. C'est en faire un instrument efficace, ni hypertrophié, ni plus coûteux que les avantages qu'il apporte, ni aléatoire au gré des grèves de ses agents ; c'est en faire un instrument maniable par tous, c'est-à-dire compréhensible dans ses structures qu'il faut simplifier, motivé par l'intérêt du public, c'est-à-dire permanent dans l'exercice de sa mission, motivant pour ses agents, c'est-à-dire reconnaissant pour ceux qui cherchent à l'améliorer, évalué dans ses résultats.
Moderniser l'Etat, c'est revivifier la vie politique en favorisant la connaissance du fonctionnement réel des institutions, en encourageant l'accès de tous ceux qui le souhaitent aux fonctions électives, en permettant aux citoyens de choisir réellement et régulièrement les dirigeants du pays.
Le débat actuel sur la réduction de la durée du mandat présidentiel est significatif.
Nos institutions telles que nous les a léguées le Général de Gaulle répondent à une double préoccupation : d'abord permettre l'expression régulière de la volonté populaire à travers l'élection du Président de la République au suffrage universel direct, le référendum, l'élection des députés au suffrage direct, ensuite assurer l'efficacité et la continuité de l'Etat face à toutes les circonstances.
Nos institutions à travers le départ volontaire du Général de Gaulle, le décès du Président Pompidou et trois cohabitations, ont prouvé leur capacité d'assurer la continuité de la République.
De cette double préoccupation de départ découlent les limites du débat actuel. Le quinquennat peut être la pire ou la meilleure des choses.
La pire si cette réforme doit conduire à une évolution incontrôlée d'institutions qui ont prouvé leur efficacité et qui - ce n'est pas forcément négligeable - recueillent l'adhésion des Français.
La meilleure si elle permet, sans remettre en cause l'équilibre de nos institutions, aux Français de plus et mieux participer aux choix fondamentaux pour l'avenir du pays.
Le programme sur lequel est élu le Président de la République est au coeur de ces choix fondamentaux. Or, de nos jours les circonstances changent de plus en plus vite, parfois profondément. Il y a 6 ans le chômage augmentait. Nous étions en état de stagnation économique. Grâce à la croissance mondiale et européenne, grâce à l'effort de tous les Français, grâce au travail préparatoire d'assainissement mené par
Edouard Balladur et Alain Juppé, la France bénéficie depuis 3 ans de la relance de l'activité de nos entreprises et de la baisse du chômage, même si c'est moins que beaucoup de nos voisins. Une autre approche des prochaines années est donc possible.
Elle sera proposée lors de la prochaine campagne présidentielle. Mais plus l'accélération est rapide et importante, plus il convient de s'adapter au rythme de la société moderne.
Si l'on veut, au bout de 5 ans, faire accepter légitimement par le peuple un nouveau programme, l'élection est nécessaire. Au moins les choses sont claires et complètes et c'est le peuple souverain qui choisit qui il veut. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle seul un référendum peut apporter une réponse à la question sur la réduction du mandat présidentiel. C'est aussi la raison pour laquelle il ne saurait être question de limiter le nombre de mandats. Quelle curieuse conception de la démocratie que celle qui prétend restreindre la volonté du peuple !
Aujourd'hui, adopter le quinquennat, c'est sans nostalgie déplacée, sans toucher aux clés de voûte de nos institutions, reconnaître rationnellement les réalités du monde moderne. La position moderne, équilibrée et raisonnable de Jacques Chirac est la nôtre. Le RPR l'appuiera de toutes ses forces.
II - Notre deuxième engagement, en rupture avec la conception socialiste c'est de rendre au citoyen sa dignité.
Les socialistes ne font pas confiance aux individus. Ils s'en méfient.
Ils encadrent leurs possibilités d'agir par de multiples lois et règlements qui les enserrent autoritairement et en permanence.
Notre vision est exactement inverse. Nous l'avons toujours affirmé et démontré, avec le Général de Gaulle et la participation, avec Jacques Chaban-Delmas et la nouvelle société, avec Jacques Chirac et son refus de la fracture sociale. Nous voulons offrir à nos concitoyens les moyens concrets de leur liberté et de leur dignité.
C'est pourquoi nous entendons leur rendre le sens et le goût de la responsabilité, les moyens d'exercer leurs responsabilités.
Que les parents ne sachent plus ce que sont leurs responsabilités à l'égard de leurs enfants, que l'école ne se donne pas les moyens d'apprendre que les droits s'accompagnent de devoirs, que la réussite professionnelle ou l'activité associative soient découragées, que la mise en cause de la responsabilité en cas de faute ne soit pas effective, tout cela conduit à une société sans repères et sans perspective.
Redonner sa place et son rôle à la famille, c'est donner aux parents les moyens d'assumer leurs responsabilités ; accorder aux mères de famille les moyens concrets leur permettant de choisir librement leur vie ; créer dans les quartiers, une véritable école des parents pour les familles désorientées et incapables d'assumer leurs responsabilités à l'égard de leurs enfants.
Rendre à l'école sa place dans l'apprentissage de la responsabilité : c'est en refaire le creuset de l'égalité républicaine, celle où le mérite compense et remplace les inégalités d'origine.
Donner les mêmes diplômes à tous ne sert à rien si de ce simple fait, ce sont les relations familiales qui conditionnent à nouveau la réussite professionnelle.
Le problème n'est pas d'amener une classe d'âge au niveau du bac, c'est d'amener chaque élève au niveau le plus haut possible et le plus adapté possible à son avenir professionnel et au monde actuel, en utilisant les techniques modernes pour la formation, en rendant réellement possibles les réorientations.
Or, le gouvernement n'a rien fait de concret en ce sens au cours des dernières années. Il a affirmé l'accès au numérique pour les élèves, mais l'Etat n'a pas dépensé un franc pour équiper les collèges et les lycées. Ne parlons pas des écoles
On a vanté la révolution d'Internet mais rien n'a été tiré de ses conséquences pour le système de formation dont le caractère dépassé, emmêlé et isolé, est encore souligné.
On a compris que l'accélération technologique conduirait chaque élève à exercer plusieurs métiers dans sa vie. Quelles conséquences en a-t-on tiré pour renforcer la formation de base, celle qui permet tout au long de sa vie de se requalifier ? Aucune.
Le monde d'aujourd'hui est plein de gens qui passent leur temps à tenir des discours et qui n'en tirent jamais les conséquences. Nous, non seulement nous essayons de prévoir les conséquences, mais surtout, nous nous engageons à mettre en uvre les solutions qui s'imposent.
Redonner aux individus le goût des responsabilités c'est bien sûr aider ceux qui en ont besoin. Mais ce filet de secours doit s'accompagner du coup de pouce nécessaire pour se réinsérer. Nous devons redonner à tout être, à tout Français, la conscience de ce qu'il est et de tout ce qu'il peut, bref, la conscience de sa condition humaine", comme l'a dit un jour André Malraux. Le but de la solidarité n'est pas de maintenir la personne, momentanément en difficulté, en état d'assistanat permanent, contraire à la dignité. C'est de lui redonner la force, l'élan pour se sortir de cette passe difficile. Il faut donc éviter d'abord tout ce qui décourage de reprendre un travail ou de faire un peu plus ; éviter que celui qui travaille n'ait jamais une situation inférieure à celui qui ne fait pas d'effort ; effacer les effets de seuils qui font perdre à celui qui fait un effort supplémentaire le bénéfice de son travail.
Sans doute, est-ce le moment de réintroduire la problématique de l'impôt négatif.
Redonner le goût des responsabilités, c'est mettre fin à un système fiscal confiscatoire qui décourage aujourd'hui d'en faire plus, qui empêche d'économiser ; c'est restituer aux Français le produit de leur travail et les encourager à produire en baissant fortement les prélèvements obligatoires.
Aucun Français ne doit être conduit à donner à l'Etat plus de 50 % de ce qu'il gagne, cotisations sociales comprises.
Nous devons nous fixer comme objectif de permettre à chaque citoyen de ce pays d'accéder à la propriété, avant sa retraite, de se constituer un patrimoine dont il pourra bénéficier lui-même et transmettre à ses descendants en franchise d'impôt jusqu'à un montant double de celui fixé aujourd'hui, soit l'équivalent du patrimoine français moyen.
Faire partager à tous les fruits d'une croissance plus forte, c'est faire participer les salariés aux résultats et au capital de l'entreprise. La participation est le canevas de ce partage. Elle doit être généralisée.
Redonner le sens des responsabilités c'est aussi rappeler le respect des règles de la vie en société et les faire respecter. Le citoyen doit pouvoir vivre et agir sans crainte perpétuelle de se voir agressé ou menacé dans sa vie quotidienne.
La sécurité est devenue une préoccupation majeure de nos concitoyens ; leur angoisse première dans certaines régions. De laxisme en tolérance, d'agression verbale en agression tout cours, la situation s'est dégradée. Elle atteint pour les plus fragiles le seuil de l'intolérable. C'est le fonctionnement même des institutions qui est en cause.
Il faut faire partager à tous l'objectif de la tolérance zéro. Nous sommes tous concernés. Cette mobilisation collective passe par la restauration de l'autorité parentale, par la réhabilitation du respect de l'école, par une réforme de la justice, par l'exigence de plus de décentralisation, par l'autorité des services publics, par la solution des problèmes de l'exécution réelle des peines.
Une mesure dans un domaine ne suffit pas. C'est une uvre collective à mettre en place.
De même aujourd'hui, les craintes issues de l'insécurité s'étendent à d'autres domaines que les agressions des personnes.
Le domaine alimentaire et sanitaire est considéré avec inquiétude autour de nous.
Que mangeons-nous ? Quelle eau buvons-nous ? (accessoirement, quel vin d'ailleurs ?) Quel air respirons-nous ? Comment pouvons nous protéger notre santé ?
La qualité des soins, l'excellence de l'hôpital, la préservation du libre choix du praticien, la qualité de la relation humaine entre le patient et le praticien, la garantie de remboursement des soins, sont les exigences des Français qui doivent être garantis à tous. Nous refusons une médecine à deux vitesses.
Parallèlement, l'Etat doit accroître ses efforts d'information et de dissuasion énergique de nouveaux fléaux qui touchent en particulier les jeunes, alcoolisme, tabagisme, ou plus grave encore, sida, désespérance et suicide. Les maîtres mots d'une politique sanitaire seront la prévention, le dépistage, la lutte sans faille contre toutes les toxicomanies. C'est pourquoi nous sommes contre la dépénalisation de la drogue.
De ces nouvelles inquiétudes, naissent de nouvelles exigences. Nous ne saurions nous soustraire à ces interrogations : que faisons-nous de notre monde ?
Quel monde laisserons-nous à nos enfants ?
Le principe de précaution ne doit pas être un alibi pour ne pas assurer ses responsabilités.
Les Verts, au-delà de quelques incantations et anathèmes, n'ont pas apporté de réponses, trop préoccupés d'investir le domaine idéologique de l'extrême gauche.
En fait, c'est chacun d'entre-nous qui doit se sentir responsable et se mobiliser pour préserver, reconquérir, transmettre la qualité et la diversité de ce qui nous entoure et nous fait vivre. Notre environnement est un problème essentiel de société. C'est notre problème. A nous d'agir pour apporter des réponses justes, efficaces et de bon sens allant de la formation à l'information, de l'incitation à la coordination.
Voilà ce qui signifie pour nous, rendre le goût et le sens des responsabilités.
III - Retrouver la cohésion nationale est pour nous la troisième exigence. La France doit se réconcilier avec son histoire et avec sa diversité.
La France ne peut être la France que, rassemblée, tolérante, mobilisée autour de ses valeurs.
Faisons de toutes nos différences, géographiques, d'activités, d'âges, d'origines, une richesse pour tous.
Réconcilions nos territoires. Ils sont divers, chacun a ses
caractéristiques et ses lacunes. Il n'est pas d'aménagement du territoire où les uns soient sacrifiés au bénéfice des autres. Le monde rural et l'agriculture sont aussi essentiels à la richesse nationale que les villes et les industries.
Réconcilions les Français entre eux. Devant la retraite affirmons la solidarité entre les âges et la justice, entre les catégories de salariés. Comment justifier encore aujourd'hui les différences de traitement outre le public et le privé ?
L'alignement des années de cotisations, l'accès des salariés du privé à une épargne retraite complémentaire constituée en déduction fiscale, comme celle des fonctionnaires, deviennent des évidences que seul Lionel Jospin ne veut pas voir, prisonnier qu'il est d'une part de son électorat.
Retrouvons le sens et la volonté de l'intégration. Pourquoi toujours montrer les refus et les échecs de l'intégration ? La France s'est faite d'une succession d'arrivées de populations qui ont partagé son histoire, ses drames et ses joies.
Pourquoi refuser de voir que les classes moyennes ont apporté à ceux qui le voulaient les clés de la réussite et de la protection sociale ? L'intégration réussie, ce n'est pas une exception. C'est la marginalisation qui l'est et qu'il faut traiter comme telle.
Si notre but c'est l'intégration, alors nous traiterons différemment l'immigration. Elle sera limitée à nos capacités de bien intégrer ceux que nous accueillons et la volonté d'intégration deviendra aussi un critère pour être accueilli de façon permanente.
Dans un monde qui devient sans frontière, la diversité d'origine des citoyens est une richesse, car elle permet de dialoguer avec tous.
La France n'a vocation ni à accueillir sans contrôle et sans exigence minimum tous ceux qui trouvent avantage à être sur son sol, ni à se replier frileusement sur elle-même.
A l'heure où elle va dans moins de 15 jours présider l'Europe, elle doit au contraire affirmer sa vocation à fixer des objectifs, à relever des défis, à offrir des perspectives.
Grâce à l'outre-mer française nous avons des ambassadeurs de notre image dans le
Pacifique, l'Océan Indien et les Caraïbes, les Amériques. Ce n'est malheureusement pas la caricature de loi programme aujourd'hui discutée qui donne satisfaction à leurs aspirations.
De même grâce à nos compatriotes installés à l'étranger, nous pouvons d'ores et déjà faire rayonner nos valeurs, notre culture, notre ambition.
IV - Permettre à la France de jouer un rôle de premier plan pour la paix dans le monde et l'épanouissement des hommes, c'est notre vocation et notre ambition.
Attentive à toutes les évolutions, la France doit participer à la définition du monde de demain.
La mondialisation, souvent mal comprise, bouleverse les équilibres économiques. La révolution numérique ouvre de nouvelles perspectives pour le meilleur ou pour le pire, selon la façon dont nous saurons nous en servir.
Pour maîtriser l'avenir, nous devons être forts et lucides.
Etre forts, c'est ce que nous proposons aux Français dans nos orientations. C'est ce que nous leur offrirons de faire s'ils adhèrent à notre programme pour les élections législatives.
Etre lucides, c'est admettre que nous avons plus de poids au sein de l'ensemble européen que seuls.
Pour nous, la Présidence française de l'Union, grâce à Jacques Chirac, sera l'occasion de relancer une démarche européenne concrète, ambitieuse et surtout proche des préoccupations des citoyens.
L'Europe est le cadre nécessaire pour faire face aux défis économiques, environnementaux et sociaux du monde actuel. Elle ne saurait pour autant se substituer aux Nations, aux Etats qui la composent.
Cessons de rêver à un grand soir institutionnel européen. Soyons concrets et pragmatiques. L'Europe a besoin de liberté intérieure afin que chacun d'entre nous puisse circuler, travailler, étudier librement dans l'espace européen.
L'Europe a besoin de démocratie et d'efficacité politique.
L'Europe doit se doter d'une véritable politique étrangère et de défense commune afin de se soustraire à sa dépendance à l'égard de la puissance américaine.
Cette approche empirique et pragmatique de l'Europe, c'est celle du mouvement gaulliste ; c'est celle que nous défendons aux côtés du Président de la République.
Elle a pour mission de relever les défis que chaque Etat n'a plus la capacité d'assumer seul.
Cela les Français le comprennent et le soutiennent, mais ils veulent aussi le contrôler.
Pour être clairement perçu et compris par nos concitoyens, mais aussi pour être plus efficace, le fonctionnement de l'Europe de demain doit être défini concrètement.
Son efficacité suppose une réforme institutionnelle pragmatique. Nous plaidons pour un changement de mode de scrutin pour la désignation des députés européens : seul le scrutin uninominal permet un contrôle réel de leur action par leurs électeurs.
Nous pensons que, surtout dans la perspective du nouvel élargissement, tous les pays européens n'ont pas aujourd'hui la capacité d'avancer du même pas et qu'il faut traduire cette réalité dans le fonctionnement institutionnel. A cette condition, l'Europe sera pour la France une aide dans le défi que nous lance à tous la mondialisation.
Au-delà de l'Europe en effet notre intérêt, comme notre histoire, nous porte vers tous les continents. La plus belle page de l'héritage gaulliste est sans doute dans le message universel que la France a délivré au monde déchiré de la fin du XXème siècle. Ce message d'espoir a guidé bien des peuples dans leur quête de liberté
et de dignité. Il est aujourd'hui plus moderne que jamais. Sans arrogance, mais sans concession, nous devons être nous-mêmes, attentifs aux détresses, fidèles à nos alliés, précurseurs pour un développement équilibré de toutes les potentialités des nations et des hommes. La domination d'une seule puissance, fut-elle démocratique, est aussi incertaine pour la paix que l'affrontement des blocs que nous avons autrefois combattu. Notre amitié à l'égard de notre allié américain, dont nous n'oublions pas ce que nous lui devons, ne doit pas être synonyme de passivité. Nous devons promouvoir l'émergence d'un monde multipolaire, équilibré, respectueux des cultures et des traditions des peuples, un monde qui cherche à réduire les inégalités, source des violences ethniques, un monde qui prend en compte les écarts. C'est en tenant compte des différences que nous renouerons avec un ordre politique international.
La construction d'un monde multipolaire, qui guide la politique étrangère du Président de la République, suppose d'abord que la France parle à tous les peuples, à tous les Etats, à tous les régimes, sans concession et sans angélisme . Au Maghreb, au Proche et Moyen-Orient, en Afrique, en Asie, en Amérique du Sud, sur le continent européen, les cartes géopolitiques du XXIème siècle sont en train de se redistribuer, de se renouveler. La France doit être partie prenante de cette nouvelle aventure internationale.
Mes chers compagnons,
Etre gaulliste, c'est penser à l'avenir de la France, un avenir que nous lions de façon indissociable au sort du monde !
Amis, compagnons,
Nous voici à la veille de nouvelles échéances. Elles seront essentielles pour le pays, pour chaque Française et chaque Français.
Tous, nous devons être mobilisés. Il n'y a plus de militants, de président, de parlementaires. Soyons tous les artisans des victoires à façonner.
Reconquérir le coeur et l'esprit de nos concitoyens, cela passe par l'action dans chaque commune, petite autant que grande, par la conquête de chaque canton, de chaque circonscription, par notre action déterminée pour amener à la victoire Jacques Chirac.
Cette action, nous ne la mènerons et nous ne la gagnerons pas seuls.
Toute l'opposition doit être unie dans la même détermination.
Nos électeurs ne pardonneront plus les divisions. Chacun doit le savoir. Alors, laissons les flashs des photographes et les mots creux, prônons le mouvement en marchant, prouvons l'union en unissant.
Posons d'abord nos idées communes, nos programmes élaborés ensemble, avant de monter des structures.
Reconnaissons notre pluralité de sensibilités mais pour en faire une complémentarité attractive.
Fixons nous un objectif : présenter, face à ce gouvernement, des hommes et des femmes capables d'écouter les Français, de dénoncer les erreurs, de proposer.
Choisissons comme candidats les meilleurs, en abandonnant les chauvinismes de partis, que ce soit pour les municipales ou les législatives.
Amis, compagnons, il est temps d'être forts, il est temps d'être actifs, il est temps d'être optimistes.
Le gouvernement a épuisé son crédit d'illusions ; les idées de gauche sont dépassées. A nous de montrer de quoi nous sommes capables.
Nous devons nos efforts à notre pays, à nos enfants.
Ensemble, nous gagnerons pour nos idées, pour Jacques Chirac, pour la France.
(Source http://www.rpr.fr, le 17 juin 2000).