Message de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur l'influence et le rayonnement de la francophonie, Paris le 20 mars 2002.

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Circonstance : Célébration de la Journée de la francophonie le 20 mars 2002

Texte intégral

La journée du 20 mars nous donne l'occasion de célébrer la Francophonie instituée il y a 32 ans à l'initiative de quatre hommes d'Etat remarquables, Habib Bourguiba, Diori Hamani, Norodom Sihanouk et Léopold Sédar Senghor qui vient de nous quitter. En cette date symbolique, beaucoup de nos pensées et de nos hommages iront vers ce dernier dont l'oeuvre politique et littéraire illustre si bien les idéaux et la vitalité de la Francophonie.
Forte de ses racines dans lesquelles elle puise sa raison d'être et sa cohérence, la Francophonie ne saurait se confondre avec un champ clos créé par les liens qu'une histoire commune a façonnés entre ses membres. De nouveaux pays ont rejoint les pères fondateurs. La Francophonie s'est affirmée comme une communauté de valeurs, une organisation à vocation universelle en prise avec les défis de son temps. La Francophonie s'efforce inlassablement de rassembler autour des valeurs de fraternité, de tolérance et d'universalité des pays qui veulent tous affirmer, par delà leurs particularismes, une vision commune du monde susceptible de façonner des relations humaines plus justes et plus respectueuses au sein des sociétés et entre les peuples.
C'est sans doute cette ouverture naturelle de la Francophonie sur le monde qui nourrit son pouvoir d'attraction et explique qu'elle se soit propagée bien au-delà de ses frontières linguistiques naturelles. Car si le français compte 170 millions de locuteurs dans le monde, ce qui le situe, somme toute, à un rang modeste, le 7ème ou 8ème, l'influence de la Francophonie est bien supérieure à ces données quantitatives. Le français est avec l'anglais la seule langue à être présente sur tous les continents. Son statut de langue internationale lui confère une situation enviée qu'il nous appartient de défendre dans les grandes organisations multilatérales. C'est la raison pour laquelle la Francophonie a mis en place un plan de relance du français dans les organisations internationales qui prévoit le financement de postes stratégiques de jeunes experts francophones, des mécanismes de soutien à la traduction et l'interprétation ou encore un plan d'action pluriannuel visant à consolider le rôle du français comme langue pivot dans les instances européennes. Sur la scène internationale comme dans les relations d'affaires ou dans la vie courante, le français ne saurait se figer. Il lui appartient d'entériner les évolutions, d'anticiper et de susciter les progrès des sciences et des techniques pour conserver sa force d'attraction et sa capacité de dire et de faire. Cette ambition, la France ne saurait la mener seule et c'est avec le concours de ses partenaires et grâce à l'action de l'Organisation internationale de la Francophonie et de ses opérateurs qu'elle y parviendra. C'est le sens du colloque international qui réunira ce 20 mars à Bruxelles une pléiade d'intervenants de très haut niveau réunis pour débattre de la modernité du français, langue du monde.
Je suis confiant car je sais pouvoir compter sur l'engagement résolu des 54 Etats et gouvernements qui, avec la France, représentent une communauté de plus de 500 millions d'êtres humains. Si nous nous reconnaissons tous dans les vertus du français alors que notre familiarité avec lui présente des degrés variables, c'est parce que, dans notre diversité, nous sommes convaincus que la Francophonie n'est pas au service exclusif du français, la cause d'une langue unique qui prétendrait exclure les autres. Elle est au contraire le combat de toutes les langues. Dire que nous avons le français en partage, c'est affirmer qu'il n'est le monopole d'aucun d'entre nous, qu'il a des visages multiples et qu'il n'existe que dans l'altérité, exposé dans nos Etats et à leurs frontières au contact d'autres langues minoritaires comme majoritaires, à des voisinages et à des compagnonnages avec lesquels il entretient des liens féconds.
En même temps qu'elle s'ouvrait à de nouveaux pays, la Francophonie a étendu ses champs d'intervention. La langue française demeure notre ciment mais elle est aussi le creuset d'un processus de création que viennent sans cesse renouveler de nouveaux écrivains, des dramaturges, des penseurs, des poètes, des chanteurs issus du monde entier, mais aussi la communauté des universitaires et des chercheurs dont beaucoup sont affiliés aux quelques quatre cents établissements que fédère l'Agence universitaire de la Francophonie. Notre langue est un trait d'union, elle relie également des sportifs, des plasticiens, des danseurs, des spécialistes et des citoyens dans des réseaux professionnels et associatifs. Elle leur permet de se retrouver dans des jumelages, des festivals, des partenariats, des programmes de développement, des manifestations culturelles, des séminaires, des rencontres sportives ou des initiatives individuelles.
Si la solidarité qui unit les membres de la Francophonie se traduit par des réalisations concrètes, sa vocation politique s'est également affirmée. Elle s'articule désormais autour de deux priorités : l'approfondissement de la démocratie et de l'Etat de droit au sein de l'espace francophone et la promotion de la diversité linguistique et culturelle.
Depuis 1997 la Francophonie s'est dotée d'un Secrétaire général et s'est imposée comme un acteur déterminant des relations internationales. Elle place l'enracinement de la démocratie dans l'espace francophone au centre de son action comme l'indique très clairement la Déclaration de Bamako adoptée en novembre 1999 et les positions très fermes qu'elle a pris à l'occasion des situations conflictuelles auxquelles certains de ses membres ont été confrontés.
La promotion de la diversité linguistique et culturelle constitue l'autre grand axe de sa politique. Son objectif est d'éviter que la mondialisation ne devienne une source d'aggravation des inégalités et de négation des identités, mais qu'elle soit au contraire un facteur de développement et de dialogue des cultures. Les Etats et gouvernements membres de la Francophonie estiment en effet que les Etats ou gouvernements ont le droit d'établir librement leur politique culturelle, et de se doter des moyens et instruments nécessaires à leur mise en oeuvre. C'est dans ce sens qu'ils se sont exprimés lors de la Conférence des ministres francophones sur la Culture qui s'est tenue à Cotonou, en juin 2001. La déclaration qui en est issue a fait de la Francophonie la première organisation internationale à affirmer l'importance de la diversité culturelle. Ce combat pour la diversité culturelle n'est d'ailleurs pas celui de la seule Francophonie. De nombreux Etats, ainsi que les autres grandes aires linguistiques constituées, sont concernés, et la Francophonie s'emploie à les rallier à cette cause en poursuivant ses efforts dans ce domaine où elle a joué un rôle pionnier. Si la Conférence de Cotonou a constitué une étape importante, le Sommet qui se tiendra à Beyrouth, en octobre 2002, sur le thème du dialogue entre les cultures devrait marquer de nouveaux progrès.
C'est donc une Francophonie toujours plus ouverte sur le monde et en phase avec son temps que j'appelle de mes voeux. Je veux dire ma reconnaissance à tous ceux qui contribuent, chaque année davantage, à la faire vivre dans le monde entier. A travers toutes les manifestations qui se dérouleront aujourd'hui, cette célébration marquera le caractère véritablement universel de la Francophonie. J'adresse ici mes vifs remerciements à nos partenaires et à nos établissements culturels et d'enseignement pour l'imagination dont ils font preuve en cette journée. Je les remercie pour ce portrait d'une Francophonie captivante, innovante et accueillante qu'ils dessinent et qui saura, j'en suis sûr, recueillir les suffrages du public. Qu'un plein succès vienne couronner leurs efforts.
(Source :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 22 mars 2002)