Interview de M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville à LCI le 17 juin 2002, sur les actions prioritaires de son ministère, notamment le logement et la sécurité et les résultats de l'élection législative du 16 juin.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

A. Hausser Avec 63,88 % des voix, vous êtes le mieux réélu des ministres de ce Gouvernement. Vous avez peut-être plus que d'autres l'obligation de ne pas décevoir ?
- "D'abord, je ne suis pas du tout sûr de votre remarque. R. Dutreil face au Front national doit faire mieux, me semble-t-il. Et tout cela n'a pas beaucoup d'importance, non pas plus que d'autres [...]. Mais c'est marrant : depuis six semaines qu'on est déjà à l'action, on sent bien qu'on a une responsabilité majeure. Le résultat est très amplifié par le mode de scrutin, mais la France n'est pas passée à droite. Il y a eu un cri de colère au premier tour des présidentielles, un énorme cri de colère"
Tout le monde l'a entendu...
- "Et après, "Vous êtes aux manettes, allez-y !". Il y a eu un début qui n'était pas facile en six semaines, qui était plutôt réussi, de J.-P. Raffarin et de son équipe. Et les Français sont très pragmatiques : "Maintenant que vous avez les commandes, montrez-nous ce que vous savez faire !"."
Cinq ans, c'est très long. Est-ce que vous avez un programme pour cinq ans ?
- "Oui, le programme de J. Chirac, de l'UMP et la façon de traiter les problèmes comme ils viendront, parce qu'il y aura évidemment des nouveaux sujets. Les grandes lignes sont clairement établies. Pour ma part, je ne sais pas quelles seront mes nouvelles fonctions"
Vous restez au Gouvernement ?
- "J.-P. Raffarin présente la démission de son gouvernement sortant, le président de la République désignera un Premier ministre ; je ne sais pas si je serais appelé dans cette équipe. Très franchement"
A priori, oui ?
- "Très franchement, je le souhaite vivement... Mais voilà comment ça fonctionne..."
Vous avez eu six semaines, vous dites que vous êtes déjà passés à l'action. C'était quand même assez difficile en six semaines de s'installer et de faire campagne. Est-ce que vous avez déjà eu le temps de voir si les contours de votre ministère correspondent à ce que devrait être votre action ? Ou est-ce que vous souhaitez élargir votre domaine de compétences ? Je pense à une question précise : il y a encore eu un accident dans un ascenseur ce week-end, est-ce que cette question relève de la politique de la ville ou du logement en particulier ?
- "Il y a vraiment deux sujets : l'état du patrimoine privé social ou public social dans notre pays et ce qui va tout autour est franchement délabré et lamentable. Ce problème des ascenseurs va se reproduire de plus en plus fréquemment. Cette dame coincée à Amiens, c'est une simple horreur. Il y a eu à Montfermeil la semaine dernière, Dieu merci, sans incident humain, une chaîne de compensation qui a cassé, dans le même ascenseur où il y avait eu un drame un an avant avec un petit. Alors pourquoi tout cela prend ? Parce que le parc est très ancien, les ascenseurs sont vieux et surtout, les sociétés de maintenance refusent ou ont de plus en plus de mal à intervenir ; ils ont tout simplement la trouille et cette dégradation de nos quartiers est quelque chose de terrible. Alors, comment faut-il le réorganiser de manière gouvernementale ? Je ne sais pas, mais en tous les cas, la partie bâtie, logement, espace public dans la politique de la ville doit être absolument prioritaire."
Et vous l'avez fait valoir auprès du Premier ministre ?
- "Mais vous savez, on travaille en équipe. Donc, bien sûr, je l'ai indiqué, je ne sais pas quelle sera la réponse. Mais quoi qu'il arrive, le logement sera une action prioritaire."
C'est-à-dire en matière de financement ?
- "D'abord de financement, de méthode de travail, parce que ce qui est terrible, c'est qu'il n'y a pas tellement de problème budgétaire, puisque pas une agglomération, pas une région ne vous refuse de participer à un grand projet urbain pour raser un certain nombre de tours, pour requalifier ces sites. Donc, on a un problème de méthodes, pas tellement un problème budgétaire. Quel que soit celui qui aura à assumer la fonction, je pense qu'il sera très soutenu par le Gouvernement."
Je reviens à la question des cinq ans. Cinq ans, c'est long, est-ce que vous ne courez pas le risque de l'immobilisme ?
- "Ecoutez, [cela fait] 13 ans [que je suis] à Valenciennes, cela fait plus que cinq ans ! Et quand je vois avec quelle énergie les élus qui sont avec moi se battent, encore la semaine dernière sur des nouveaux projets, je pense qu'il n'y a pas de risque d'immobilisme. Vous savez cinq ans, c'est très court, contrairement à ce qu'on y joue. Je vous donne un exemple : si on veut changer radicalement Montfermeil par exemple, il faut, quand je pense à un certain nombre de grandes barres, qu'il faudrait détruire pour des petites maisons ; l'ensemble des procédures, même si on appuie sur le bouton aujourd'hui avec la mise à disposition des terrains, des lois très compliquées - la loi SRU, le SCOT, le SDO etc. -, quoi qu'il arrive, on en a pour trois ans et demi, quatre ans. Donc, même si on appuie sur le bouton maintenant, l'effet est [dans] quatre ans. Donc, cinq ans en tout, c'est court."
C'est court, mais il ne faut pas décevoir, comme dirait J.-P. Raffarin. Revenons au quotidien et à l'immédiat. Je ne sais pas si vous allez participer à l'élection du président de l'Assemblée nationale, je pense que le Gouvernement sera formé avant. Qui est votre candidat ? J.-L. Debré ou E. Balladur ?
- "Imaginez-vous que je ne serai probablement pas à l'Assemblée nationale ? Donc, vous demanderez à ma suppléante quel est son homme de cur."
Alors, quel est l'homme de votre cur ?
- "L'homme de son cur... C'est elle qui sera députée, ce n'est pas moi."
Dans votre département, M. Aubry a été battue. Est-ce une sanction personnelle ou est-ce la sanction du Parti socialiste ?
- "Ce qui est sûr, c'est que c'est un symbole, c'est quand même le symbole des grandes lois sociales. [...] Il n'y a pas de débat autour de la CMU par exemple. Il y a un gros débat autour des 35 heures, on [le] voit dans le service public, dans les hôpitaux, dans les villes : manifestement, il y a un rejet de ça. Il y a un livre qui a été assez terrible, qui s'appelle "La dame les 35 heures", et puis peut-être quelques petites maladresses de mairie - même si ce n'est pas le même territoire, je pense au le marché de Wazemmes par exemple - n'ont pas été bien compris ou perçues par l'opinion. Mais c'est vrai que c'est un symbole. C'est surprenant dans un département du Nord et dans une ville de Lille, qui reste à côté, quoi qu'en dise Libération, très ancrée à gauche."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 18 juin 2002)