Tribune de MM. Alain Juppé, député marie de Bordeaux, Philippe Douste-Blazy, député maire de Toulouse et Jean-Claude Gaudin, sénateur maire de Marseille, dans "Le Figaro" du 25 mai 2002, sur l'union de la droite et du centre pour la campagne des élections législatives, intitulée "Le vote utile".

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Média : Emission Forum RMC Le Figaro - Le Figaro

Texte intégral

Depuis plus de quinze ans, la question de l'union des partis de la droite et du centre est un thème récurrent du débat politique. L'Union existe déjà dans les esprits : les électeurs, depuis longtemps, l'exigent, comme une mesure de bon sens et d'efficacité. Mais l'Union, jusqu'à présent, n'a guère progressé dans les structures des partis eux-mêmes.
De façon symptomatique, l'initiative de l'Union en mouvement a été conçue, lancée et portée en dehors des partis existants, par un groupe d'hommes et de femmes mesurant la difficulté de laisser aux structures partisanes le soin d'engager leur propre réforme. L'UEM ne s'est pas faite contre les partis - plusieurs chefs de partis y ont participé dès l'origine - mais à côté. D'emblée, elle a souhaité placer son action sur le terrain privilégié du débat d'idées et de la réflexion sur les programmes, davantage que sur celle des structures.
A cette initiative naissante, l'élection présidentielle qui vient de s'achever a donné un formidable coup d'accélérateur.
C'est d'abord la leçon du scrutin lui-même et, en particulier, du premier tour. L'élimination du candidat de gauche au profit de l'extrême droite a résulté directement de la pratique irraisonnée d'une règle selon laquelle, " pour exister ", toute formation politique se doit d'avoir un candidat à l'élection présidentielle. Il faudrait singulièrement manquer de clairvoyance pour ne pas admettre que ce qui vient d'arriver à la gauche aurait pu, dans des circonstances politiques à peine différentes, nous arriver à nous.
Mais au-delà du scrutin lui-même, l'attitude des Français au cours de cette élection a démontré leur lassitude à l'égard d'un comportement de la classe politique qui délaisse trop, à leurs yeux, l'action au profit du discours. Les Français attendent aujourd'hui des réponses précises à leurs problèmes de vie quotidienne : leur sécurité, leur emploi, l'éducation de leurs enfants... Ils attendent également de leurs dirigeants et de ceux qui prétendent à ce rôle une vision plus claire des grands enjeux comme la construction de l'Europe, la maîtrise de la mondialisation économique, la préservation du milieu naturel.
Cette volonté d'agir, ce souci d'éclairer l'avenir, Jacques Chirac les a portés. Le nouveau gouvernement qu'il vient de désigner s'en fait désormais l'interprète. Construire à leur service une majorité parlementaire large et unie qui leur donnera les moyens de mettre en oeuvre concrètement les engagements pris devant les électeurs n'est pas, à l'évidence, un enjeu subalterne.
Les exigences politiques de cette période exceptionnelle ont permis très rapidement de faire sauter les verrous qui, depuis des années, entravaient la construction de l'union des formations de la droite et du centre, de dépasser le stade des discussions d'état-major, des alliances électorales éphémères et des accords programmatiques de circonstances. Sur les bases jetées par l'Union en mouvement, la nouvelle Union pour la majorité présidentielle a rassemblé, en quelques jours, la quasi-totalité des députés issus du RPR, de DL et de l'UDF. Des structures de direction provisoires et collégiales ont été mises en place. Elles conduiront, dans un premier temps, la participation de l'Union aux élections législatives. Elles engageront, au-delà, l'élaboration des statuts de la future formation politique qui sera définitivement portée sur les fonts baptismaux lors d'assises constitutives réunies à l'automne 2002.
L'Union pour la majorité présidentielle alignera, lors du scrutin des 9 et 16 juin, près de 540 candidats qui ont accepté de participer à l'aventure que constitue la création de ce nouveau mouvement politique. Les députés élus siégeront dans un groupe commun à l'Assemblée nationale. Ils y apporteront leur contribution et leur soutien à la politique de réformes voulue par le président de la République et mise en oeuvre par le premier ministre. L'ambition électorale de l'UMP est claire : elle souhaite constituer dans la prochaine assemblée un groupe majoritaire, instrument de réformes, rempart contre le retour d'une nouvelle cohabitation stérile, clairement démarqué de la gauche et de l'extrême droite.
Bien entendu, le succès de notre démarche suscite des critiques, voire des caricatures.
Nous avons commencé d'y répondre, non par la polémique mais en leur opposant des faits et des comportements :
- Sur le plan électoral, l'UMP a désigné aux côtés de candidats gaullistes et libéraux près de 150 candidats issus des familles radicale et centriste. Un tiers environ de ces candidats n'ont pas à ce jour décidé de rejoindre l'Union. Ils ne se verront pas pour autant opposer de candidature UMP.
- S'agissant de la construction du futur mouvement politique, le Conseil des fondateurs de l'Union a adopté le 21 mai un texte d'orientations qui guidera la rédaction des statuts de l'Union. Ce texte reconnaît au sein de l'UMP l'existence de familles de pensées organisées, dotées d'importants moyens d'expression politique et de ressources financières garantissant leur autonomie. La diversité des opinions et des philosophies qui existent aujourd'hui au sein de la droite et du centre pourra ainsi subsister dans l'Union : les grandes familles gaulliste, centriste, libérale, y trouveront leur place aux côtés de courants de pensée moins nombreux mais plongeant des racines profondes dans l'histoire politique du pays : les radicaux, les indépendants...
- La cohérence de cet ensemble politique sera assurée par l'affirmation du principe démocratique : les dirigeants de l'Union seront élus, comme il se doit, par les adhérents du Mouvement.
Il y a quelques semaines, l'ambition de cette construction pouvait paraître utopique. Elle est en passe aujourd'hui de devenir réalité : une réalité majeure qui va bouleverser le paysage politique français des prochaines années.
Les hommes et les femmes qui se sont engagés dans cette entreprise en connaissent les difficultés. Ils ont assez de bon sens cependant pour mesurer qu'au-delà des sensibilités différentes, les clivages d'autrefois ont laissé la place sur l'Europe, la décentralisation, la fiscalité et l'économie, la priorité à la sécurité, l'accompagnement social de la mondialisation, à de réelles convergences.
L'ambition de l'UMP n'est ni d'imposer un mode unique de pensée et d'expression, ni de faire un parti unique. Une telle vision serait vouée à l'échec. Notre projet est de construire, avec tous ceux qui le souhaitent, un lieu de vie commune, un lieu de débats qui nous permettra ensemble d'actualiser nos doctrines et nos projets et d'en poursuivre l'adaptation au monde moderne. Débarrassés des rigidités et concurrences artificielles qu'imposent les frontières des vieilles formations politiques, il sera plus facile aussi, dans le cadre de l'Union, d'adapter notre mouvement aux exigences nouvelles de la société : engager une politique résolue pour donner aux femmes une plus grande place dans nos rangs, veiller à ce que nos adhérents, nos cadres, nos candidats reflètent mieux la diversité sociale et culturelle du pays. Nous avons, à cet égard, un travail immense à accomplir. C'est l'enjeu des prochaines années.
A plus court terme, forte de l'intérêt massif suscité auprès des élus et des candidats, l'UMP doit servir d'instrument au vote utile des électeurs de la droite et du centre : vote utile pour conforter une union qui n'a jamais été aussi concrète ; vote utile pour poursuivre la mise en oeuvre des engagements de campagne de Jacques Chirac ; vote utile pour empêcher le retour aux affaires d'une gauche radicalisée par sa récente défaite ; vote utile, enfin, pour faire obstacle à une nouvelle progression de l'extrême droite, qui menace de déchirer le tissu national.
Cette stratégie cohérente et responsable nous conduira au succès.
(source http://www.rpr.asso.fr, le 17 juin 2002)