Texte intégral
Comme je l'ai souligné à la commission du dialogue social français au niveau européen, le 3 mars dernier et en présence du 1er Ministre : " faire de l'Union européenne un espace économique fondé sur l'innovation et les connaissances, propre à élever les niveaux de croissance économique avec des emplois plus nombreux et meilleurs, et une cohésion sociale accrue " constituait un objectif pour les 10 années à venir dont nous pouvions nous féliciter, dès lors que sa finalité était bien d'assurer le plein emploi, revendication fondamentale de la CGT s'il en est.
Avant la tenue du sommet, tant les documents de la commission que ceux de la présidence portugaise préconisaient la définition d'objectifs quantifiés : l'heure était à la mise en place des critères sociaux de Lisbonne comme il y avait eu les critères monétaires de Maastricht.
Finalement, le seul critère retenu est celui d'une croissance à 3 %. Alors que 65 millions de personnes, soit 18 % de la population (entre 11 et 24 %, selon les différents pays de l'Union Européenne), vivent en dessous du " seuil de pauvreté* ", l'objectif proposé dans les documents préparatoires de passer à 15% en 2005 et à 10% en 2010 n'a pas été retenu, pas plus d'ailleurs que celui de la réduction du chômage au taux de 4%. Comment dans ces conditions oser parler de " l'éradication " de l'exclusion !
Seule la résistance affirmée du gouvernement français à toute nouvelle étape de la libéralisation des secteurs de l'électricité, des services postaux et des transports peut être taxée de positive.
Il ne reste que le rendez-vous de Nice en décembre, sous la présidence française, pour décider d'un véritable agenda social européen qui fixe un calendrier pour la mise en place d'une véritable législation sociale européenne.
L'avis quasi unanime de la presse c'est que l'Union Européenne aurait choisi le " compromis " consistant à succomber aux sirènes du libéralisme tout en préservant (??) le " modèle social " européen.
En enfourchant le cheval de Troie de la " 3ème voie ", l'Union vient d'inventer une nouvelle recette du " pâté d'alouettes ", où le social risque de n'être qu'une gelée insipide destinée à fondre dans le grand chaudron de l'élargissement.
Des réalités et des ambiguïtés qui renforcent la nécessité d'agir :
Après Michelin, Unilever, ABB Alstom, Rover, les syndicats européens veulent faire obstacle aux conséquences des concentrations et restructurations. Des décisions unilatérales des grands groupes, tout à fait étrangères à l'intérêt général, peuvent ruiner en un jour plusieurs années de politique opiniâtre de développement local menée par une région ou un pays : la conquête de droits nouveaux à l'échelle européenne en matière d'information et de consultation des salariés est devenue une urgence pour une Europe sociale.
Les 21 et 22 mars, le Comité Exécutif de la CES a réaffirmé sa campagne de mobilisation 2000 pour le plein emploi, pour des droits sociaux étendus et contre les discriminations salariales en confirmant 2 Euromanifestations : l'une à Porto le 19 juin, la seconde à Nice les 7 ou 8 décembre, à la veille des 2 prochaines sessions du Conseil Européen.
Réussir syndicalement la présidence française c'est s'engager sur ces objectifs, avec une forte volonté d'unité. Comme nos camarades portugais de la CGTP le 23 mars à Porto, nous devons relever le défi européen, peser sur les décisions, mener de pair des actions nationales et européennes témoignant d'une forte mobilisation, assurant la visibilité de l'action syndicale européenne dans " l'esprit de Vilvorde ".
Face aux risques d'affaiblissement des systèmes de protection sociale, confirmés à Lisbonne au nom d'un libéralisme " moderne " et " efficace ", les manifestations des retraités européens le 17 mai prennent du relief.
De même la CGT sera présente lors de la mobilisation des femmes le 17 juin à Paris, et le 17 octobre à Paris et Bruxelles, dans le cadre de la " marche mondiale ".
Fin juin un sommet social mondial aura lieu à Genève. La CGT, sa région Rhône Alpes, y seront pour clamer dans la ville siège de l'Organisation Internationale du Travail la nécessité de faire avancer les droits sociaux fondamentaux pour les travailleurs.
Le mal-vivre et la mal-bouffe, la sécurité alimentaire et la sécurité de l'emploi méritent une même résolution dans l'action ! Ce que les ONG et les syndicats ont été capables de faire au sommet de l'OMC à Seattle en 1999, nous devons pouvoir le faire en 2000 dans toute l'Europe pour imposer l'élaboration de droits sociaux fondamentaux et leur intégration dans les traités.
Bernard THIBAULT
* Le revenu " médian " est calculé de telle façon que 50% des gens gagnent plus et donc 50% gagnent moins : le seuil de pauvreté dans un pays s'établit à 60 % du revenu médian national.
(Source http://www.cgt.fr/08europe/position/sommet_mvx.htm) le 28 février 2003)