Texte intégral
Chers Amis, Chers Camarades,
La campagne que nous engageons est sans précédent sous la Vè République. Certes, ce n'est pas la première fois que se tiennent des élections législatives au lendemain d'un scrutin présidentiel. Mais, c'est la seule fois où, une consultation présidentielle s'étant transformée en référendum pour la République, il appartient au peuple de déterminer, à peine un mois plus tard, la politique qui sera conduite pour le quinquennat qui s'ouvre.
Le rendez-vous des 9 et 16 juin n'est donc pas conçu pour confirmer ou pour contredire un vote, mais pour affirmer et pour dire une volonté.
Tout est donc ouvert, rien n'est inscrit. Le 5 mai n'a pas été un choix en faveur d'une politique, mais le rejet d'une menace et la sauvegarde de l'essentiel. Il revient dès lors au scrutin législatif de départager la Gauche de la Droite, ce qui lui confère une importance -convenons en- décisive pour l'avenir de notre nation, pour la condition de chaque personne et de chaque famille.
Nous abordons cette échéance après une grande épreuve suivie d'un formidable sursaut.
L'épreuve, celle du 21 avril nous a touchés durement. Sans doute parce que nous ne l'avions pas imaginée, anticipée et suffisamment combattue.
Mais aussi parce qu'elle nous est apparue imméritée, injuste, cruelle -notamment par rapport à l'action accomplie par Lionel Jospin auquel je veux une nouvelle fois rappeler notre gratitude et notre amitié. Nous avons su surmonter cette déception dans la solidarité et l'unité, démontrant ainsi la force de notre mouvement et l'esprit de responsabilité de chacun. Il est vrai que nous avons été aidés par le formidable sursaut civique qui a surgi : la mobilisation des jeunes, les manifestations nombreuses -notamment celle du 1er mai, l'impressionnant courant d'adhésion vers nous.
Aussi, par un paradoxe politique invraisemblable, c'est la Gauche qui est apparue tout entière à l'initiative et au combat contre l'extrême droite, quand la droite s'affairait exclusivement au règlement des différends en son sein pour bâtir à la hâte et aux forceps une nouvelle organisation partisane. Et le caractère massif du vote du 5 mai, loin de la réjouir, a semblé contrarier l'interprétation qu'elle avait prévu d'en donner.
Depuis, d'ailleurs, cette droite s'efforce de gommer la nature exceptionnelle de ce scrutin présidentiel, pour n'y voir que la façon la plus commode d'assurer la prééminence du Chef de l'Etat sur l'ensemble du pouvoir.
Ainsi, alors même que Jacques Chirac n'a réalisé que moins de 20 % des suffrages au premier tour de la Présidentielle, tout est fait pour laisser croire qu'il aurait reçu du pays un mandat pour appliquer sa politique, son programme et ses propositions. C'est ignorer le sens du vote du deuxième tour. Il s'agissait, pour une majorité de Français (beaucoup de gauche), d'écarter et non pas d'adhérer. Et encore moins de donner à un homme le monopole du pouvoir.
Les électeurs de Gauche qui ont fait leur devoir le 5 mai ont désormais la volonté de faire entendre leur voix pour la défense de leurs idées. C'est cette énergie citoyenne, apparue au lendemain du 21 avril, qui est notre meilleur atout dans la bataille démocratique qui s'ouvre. Il nous incombe de l'entretenir et de la faire vivre, et c'est ce que vous faites dans vos circonscriptions. Ce qui suppose de tirer clairement les principales leçons du choc que nous avons subi.
Le plus simple tient à la dispersion des de l'offre politique et donc à l'émiettement des suffrages. Elle nous a été fatale lors de l'élection présidentielle, elle peut encore nous créer des dommages sérieux avec l'inflation du nombre des candidats pour les législatives pour des raisons qui tiennent davantage aux règles de financement de la vie politique qu'à l'expression légitime de la diversité des opinions. Conscient du danger, nous en avons limité les effets avec l'accord que nous avons passé avec nos partenaires de la gauche et les Verts pour parvenir à des candidatures uniques là où des risques sérieux existent de présence exclusive de la droite et de l'extrême droite au second tour.
Mais il faut aller plus loin en appelant les électeurs à créer, dès le premier tour, une dynamique indispensable à la victoire le 16 juin.
Choisir la Gauche dès à présent, c'est décider en fait de la faire gagner. La frustration née de la présidentielle doit être mis au service du vote décisif pour la législative. Qu'au moins cette expérience douloureuse clarifie les enjeux à venir et contribue au rassemblement autour de nos candidats.
Mais nous ne pouvons espérer l'emporter simplement par une meilleure organisation de la gauche et une plus grande compréhension de la mécanique électorale. Nous devons surtout entendre et traduire les messages que les Français nous ont adressés. J'en détacherai cinq principaux :
Une exigence de règles et donc d'Etat par rapport à la maîtrise de la mondialisation libérale, mais aussi aux besoins de sûreté et de tranquillité publique ;
Une demande de justice sociale par rapport à la précarité, au creusement des inégalités, mais aussi au regard de la nécessaire valorisation du travail et de l'indispensable récompense de l'effort à travers une amélioration du pouvoir d'achat ;
Une volonté de démocratie plus simple, plus proche, plus responsable, avec des compétences claires pour chaque échelon administratif, un rapprochement de l'exercice de la décision publique du citoyen, des lois moins nombreuses mais mieux appliquées ;
Le souhait d'une démarche politique plus en prise avec la vie associative, les élus locaux et les acteurs sociaux, une démarche politique plus représentative de la réalité de la société, plus respectueuse de la diversité des territoires ;
Une exigence de projet collectif capable de fixer des repères aux citoyens, de donner un sens à la communauté nationale et un contenu politique et social à la construction européenne.
Ces attentes, ces craintes, ces espoirs, nous avons voulu les intégrer dans notre programme pour les élections législatives, en cohérence avec le travail considérable mené depuis 1997 et le projet présidentiel de Lionel Jospin.
Ne rien changer à nos propositions, c'eût été ne rien avoir écouté ni compris. Les bouleverser, c'eût été abandonner la leçon apprise de Lionel Jospin : l'honnêteté dans les promesses et le respect des engagements.
Aussi, avons-nous organisé notre plate-forme autour de grandes priorités qui dessinent une voie pour le progrès en France.
1 - Le progrès pour l'emploi :
Le chômage reste une préoccupation majeure. Nous l'avons fait baisser durant la précédente législature de près d'un million. C'est un engagement équivalent que nous devons prendre pour la prochaine avec des nouvelles mesures : le contrat de retour à l'emploi pour les chômeurs de longue durée, le droit à la formation tout au long de la vie avec une seconde chance donnée ceux qui ont reçu le moins de formation à l'école, la réforme du mode de calcul des cotisations sociales pour favoriser les entreprises de main-d'uvre. Parallèlement, nous proposons, par une négociation entre les partenaires sociaux, de réduire le recours au travail précaire et de revaloriser les bas salaires. Car, le soutien de la demande est une condition de la reprise de la croissance.
2 - Le progrès par les services publics :
Leur présence et leur efficacité sont la garantie de la cohésion économique, sociale et territoriale. Il faut donc préserver leur identité et assurer leur bonne marche aux besoins : cela vaut pour l'hôpital, pour l'Education, pour les transports publics. Cela vaut aussi pour les forces de sécurité et les équipes de prévention, si l'on veut agir durablement sur les causes même des phénomènes que nous mettons en évidence.
3 - Le progrès par l'intégration républicaine :
C'est la condition même de la vie en commun. Ce qui suppose une politique contre toutes les formes de violence, le rappel à la règle dès l'école, des tuteurs pour aider et accompagner les enfants et les familles à problèmes, une justice plus proche, plus indépendante. Mais, la République, c'est aussi d'en finir avec les ghettos et les discriminations de toute nature et le refus de stigmatiser une catégorie de la population. La République, c'est aussi de faire vivre le principe de laïcité.
4 - Le progrès par la solidarité entre les générations :
Chaque temps de la vie doit trouver son équilibre : la jeunesse, par une autonomie reconnue pour suivre un parcours de formation et d'insertion ; les familles pour concilier vie professionnelle et vie personnelle ; les personnes âgées pour assurer dignement leur fin de vie. À cet égard, la question de l'avenir des retraites est essentielle.
Elle supposera des mesures fortes et sans doute courageuses pour garantir le système par répartition et le droit au départ à 60 ans, en tenant compte de la pénibilité du travail et de la liberté de chacun. Nous affirmons clairement notre refus des fonds de pension.
5 - Le progrès par l'Europe :
Elle manque aujourd'hui d'un projet politique et d'un contenu social. Nous proposerons une clarification institutionnelle et démocratique à travers une constitution et un traité permettant une protection des salariés par rapport aux risques de délocalisation ou du dumping social ou fiscal.
Telle est notre volonté d'agir. Elle est fondée sur des intentions fermes et sur le souci d'associer, plus que nous ne l'avons fait jusqu'à présent, toutes les forces vives du pays aux décisions essentielles, à travers des structures de dialogue, de concertation et la définition des règles de la démocratie sociale.
L'enjeu des élections législatives pourrait se résumer simplement : qui de la Gauche ou de la Droite a les meilleures solutions pour le pays ? Qui est capable de la faire avancer et de la réformer dans le progrès social ? Qui l'expose, à l'inverse, à plus de risques individuels et d'inégalités sociales sans garantie d'efficacité économique ?
La réponse serait simple si la droite n'avançait pas masquée depuis le début de la compétition. Jacques Chirac a, en effet, fait campagne sur le seul thème de la sécurité pour éviter de s'exprimer sur tous les autres. Si cela ne l'a pas servi directement, le bénéfice qu'en a tiré l'extrême droite a provoqué, de façon invraisemblable, son succès après un septennat raté et une autorité atteinte. Aujourd'hui, c'est le gouvernement Raffarin qui opère la même mystification.
Inconnu des Français jusqu'à sa nomination -ce qui était finalement sa plus grande qualité, le Premier ministre ne peut par définition inspirer de rejet ou de méfiance. Homme de communication, pour ne pas dire de publicité, il s'est construit un personnage débonnaire et modéré, alors qu'il vient du giscardisme et de l'aile la plus libérale de la droite. Il flatte le terrain, supposé ne jamais mentir, alors qu'il n'a jamais été élu au suffrage universel direct.
Son gouvernement est son exact reflet. Derrière plusieurs personnalités dites de la société civile, habilement choisies, encore que l'épreuve est souvent cruelle à la longue, c'est bien le RPR avec les proches de Jacques Chirac qui occupent les postes principaux à la seule exception du Ministère de l'Economie et des Finances confié, pour la première fois de notre histoire, à un dirigeant patronal en l'occurrence du MEDEF. Celui-ci le lui a bien rendu -encore que je ne sais si c'est vraiment un service- en apportant au gouvernement Raffarin un soutien de Mr Seillière explicite à sa politique.
Mais, le gouvernement n'est pas là pour agir, en tout cas d'ici le 16 juin, mais pour annoncer, promettre, rencontrer, voyager. Bref, occuper, que dis-je saturer l'espace médiatique. Chaque soir à la télévision, c'est un ballet ininterrompu : arrivées ministérielles ici, rencontres avec des délégations ailleurs, création de commissions partout, séminaire gouvernemental pour doubler les images du Conseil des Ministres, sans oublier les visites nocturnes du Ministre de l'Intérieur, sûrement pour renforcer à moindres frais les effectifs ! La lutte contre l'insécurité est devenue un spectacle médiatique permanent.
La seule mission du gouvernement Raffarin, ce n'est pas de gouverner mais de faire campagne non pas sur ses intentions mais sur ses silences. Il n'y parvient qu'imparfaitement. Sa nature est trop forte. Et en quinze jours, il a laissé poindre ce que pourrait être sa politique s'il avait les mains libres pour agir au-delà du 16 juin.
D'abord sur les impôts, l'annonce répétée, comme un tract, d'une baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu est sans doute la mesure la plus inopportune et la plus injuste qui soit dans la période que nous traversons. Au moment où les déficits se creusent faute d'une croissance suffisante, la perte de 2,7 Mds d'euros (15 milliards) risque de peser lourd sur le fonctionnement des services publics, alors que cette baisse va profiter pour 70 % aux 10 % des contribuables les plus favorisés.
Ensuite sur les 35 heures :l'acte d'accusation est dressé à chaque occasion comme pour mieux justifier, au nom de leur assouplissement, leur abrogation. F. Fillon a parlé d'un moratoire à l'hôpital public, et d'une liberté plus grande donnée aux chefs d'entreprise pour recourir aux heures supplémentaires. Dans les deux cas, c'est la fin du processus.
Quant à la protection sociale, les annonces de nouvelles baisses de charges pour les entreprises conjuguées à des promesses d'augmentation tarifaire pour les professions de santé conduisent soit des relèvements de CSG - la droite s'y était déjà essayée dès 1993, soit à des remboursements massifs. Et les Français se souviennent de la période Juppé.
Enfin sur la sécurité, le soin d'impressionner plutôt que d'apaiser jusqu'à la démonstration par le ministre de l'intérieur de nouvelles armes ou à la constitution de groupes d'intervention dont nul ne maîtrise précisément la mission.
Et j'aurais mauvaise grâce d'oublier le retour aux pratiques antérieures en matière de justice : intervention de la chancellerie dans les dossiers individuels, abandon de la jurisprudence sur les ministres mis en examen, préparation dans la plus grande discrétion d'une amnistie à travers une réforme de l'abus de bien social.
Mais, au-delà de ces orientations, plus ou moins dissimulées, atténuées ou corrigées pour ne point faire peur jusqu'au 16 juin, elles ne révèlent qu'imparfaitement ce que serait la politique de la droite si elle était livrée à elle-même. Les incrédules peuvent se référer aux années Juppé et Balladur. Le premier reste l'inspirateur exclusif de Jacques Chirac, le second a fourni une bonne part du personnel politique de l'équipe Raffarin. Les plus lucides peuvent déjà décrypter la lettre du programme de l'UMP pour en comprendre l'esprit.
Dans tous les domaines, c'est la menace de la régression sociale qui pointe :
En matière fiscale, c'est la priorité donnée à la baisse des impôts les plus favorisés : au-delà de l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés, l'impôt sur les successions et sans doute sur l'ISF.
En matière budgétaire, c'est compte tenu de l'assèchement des ressources fiscales, la diminution du nombre des fonctionnaires et la privatisation des services publics qui était engagée.
En matière d'emploi : c'est le retour aux cadeaux fiscaux, aux baisses de charges supposer favoriser l'embauche et à la liberté de licencier avec l'abrogation de la loi de modernisation sociale.
En matière de retraites, c'est le choix de la capitalisation au risque de mettre en cause les régimes par répartition.
En matière de sécurité : c'est l'abandon du préventif pour le tout répressif avec les dangers d'une telle stratégie sur l'image de la jeunesse dans notre société.
En matière européenne : c'est le risque de la banalisation libérale de la France avec la pression d'une majorité de gouvernements de droite au sein de l'Union : les services publics en seraient les premières victimes.
La campagne électorale doit nous permettre d'éclairer les Français sur la portée du scrutin et sur le rôle de la gauche dans cette confrontation. Elle n'est pas là simplement pour résister, défendre, endiguer, protéger ou préserver. Sa responsabilité est d'abord d'empêcher mais surtout d'agir au nom de l'intérêt général et des valeurs qu'elle porte.
Or la droite voudrait nous priver de ce droit légitime à gouverner au nom d'une diabolisation, d'ailleurs nouvelle dans sa bouche, de la cohabitation.
La formule est d'ailleurs impropre dans le cas d'espèce. Autant en 1997, après la dissolution ratée, c'est Jacques Chirac qui a accepté -sans contrainte- de laisser gouverner une majorité différente de celle qu'il avait rassemblée deux ans plus tôt, autant aujourd'hui, élu par 82 % des français, il ne peut prétendre être mis en contradiction par l'arrivée d'une majorité de gauche à l'Assemblée Nationale. Mais n'entrons pas dans un débat de spécialites. Restons-en à quelques vérités simples :
Les Français sont libres de choisir souverainement, à l'occasion des élections législatives, les orientations qui leur paraissent les plus conformes à leurs intérêts.
La constitution autorise une lecture parlementaire des institutions sans qu'il soit besoin de la réformer encore moins de la bousculer. Elle fut même écrite dans cet esprit, et cette inspiration a prévalu plusieurs fois dans notre Histoire récente.
Le mandat du président de la république qu'il a reçu du peuple le 5 mai n'est pas en cause pas plus que sa fonction d'autant moins dois-je le dire que dans des circonstances exceptionnelles il est vrai, nous avons participé à son élection.
Le gouvernement aura pleine compétence pour mener sa politique sans risque de confusion ou d'immobilisme.
Les dangers ne se situent donc pas dans l'hypothèse où nous l'emporterions, mais dans l'hypothèse inverse, celle où la droite l'emporterait au mois de juin prochain.
Le premier est celui de la concentration du pouvoir dans les mêmes mains comme aux beaux jours de la République Gaulliste, mais sans le Général de Gaulle : Elysée, Matignon, Assemblée Nationale, le Sénat, le Conseil Constitutionnel, l'essentiel du pouvoir économique. Bref " l'Etat UMP " ou " l'Etat RPR ", ce qui revient au même.
Nous ne sommes pas les seuls à nous en alerter. François BAYROU qui connaît bien son camp exprime ma même inquiétude quand il déclare " qu'il n'est pas bon pour la République que le RPR occupe toutes les responsabilités en France ". Je crois que, sur ce point-là, nous pouvons faire confiance à Bayrou.
Mais plus grave serait encore la perspective de laisser toute liberté à la droite de mener son programme pour 5 ans. L'expérience, au moins depuis 1986, nous enseigne combien les risques de conflits sociaux, de blocage de la société, de difficultés avec la jeunesse lorsque les conservateurs estiment avoir tous les droits et tous les moyens pour agir à leur guise. La vertu du dialogue, le respect des partenaires comptent peu lorsqu 'il faut faire passer en force, y compris par ordonnances, un plan sur la Sécurité Sociale, une réforme de l'Education nationale ou des remises en cause du droit du travail.
Si bien que le risque majeur représenté par le résultat des prochaines élections législatives n'est pas dans l'ordre institutionnel mais dans le désordre social.
Voilà pourquoi la gauche doit fortement revendiquer l'exercice de la responsabilité sans craindre de perdre son identité ou sa capacité de réformer profondément le pays. Elle a monté pendant 5 ans qu'elle en avait la force et la crédibilité. Elle dispose d'équipes crédibles et renouvelées et son envie d'air est intacte. Voilà pourquoi les socialistes doivent se battre pou gagner.
Certes, j'entends de bonnes âmes nous souhaiter pour notre confort collectif sans doute voire pour notre santé individuelle, une cure d'opposition préparant une victoire future en 2007. Et d'autres plus charitables encore d'ajouter que la droite aurait tôt fait de se rendre impopulaire ce qui rehausserait -dans le même temps- le prestige et la nostalgie de la gauche. La belle affaire ! Qui peut croire en effet que Jacques Chirac procèderait à une nouvelle dissolution dans deux ans ?
Ce qui est en cause dans cette élection législative ce n'est pas une péripétie politique sans conséquence, c'est un choix qui engagera irréversiblement le pays pour 5 ans. Il n'y aura ni interruption ni session de rattrapage. En cas de victoire, la droite aura toute légitimité pour faire sa politique et défaire nos acquis. 5 ans c'est long, trop long dans la vie d'un homme, d'une femme pour que ce risque soit pris. En 5 ans, ce sont les conditions de formation, de travail, de vie, d'accès aux services publics ou de passage à la retraite qui peuvent profondément être modifiées et peut-être de façon irrévocable. Il y a là comme un devoir moral qui incombe à la Gauche que de revendiquer l'exercice de la responsabilité.
Aussi dans cette campagne, nous devons tout faire pour donner du sens à l'élection. C'est l'honneur de la gauche de ne pas se réfugier dans la posture protestataire ou le refus de la responsabilité ou la fuite en avant verbale. C'est parce qu'elle est comptable d'intérêts et de valeurs qui dépassent le sort individuel de tel ou tel qu'elle se présente avec la ferme intention de l'emporter.
Majoritaire, la Gauche ne se dérobera pas à son devoir et se dévouer quelles que soient les difficultés pour le bien commun. Minoritaire, elle contribuera par la force des choses à faire vivre, dans l'équilibre, notre démocratie en luttant âprement en liaison avec le mouvement social pour éviter le pire, sans perdre pour autant sa culture de gouvernement.
Dans ce moment politique, à bien des égards exceptionnel, je l'ai dit tout est possible. La gauche dispose d'atouts sérieux : le bilan laissé par L. Jospin, le programme et la mobilisation d'un électorat frustré par le résultat des présidentielles. La droite parce qu'elle sent la fragilité de son énorme succès du 5 mai, utilise avec un art consommé de la propagande politique tous les moyens que lui offre le gouvernement, sans compter les interventions prévues et répétées de J. Chirac dans la campagne.
Mais sa crainte de voir le pouvoir lui échapper lui fait perdre jusqu'à ses réflexes républicains par rapport à l'extrême droite. Déjà la complaisance dont l'UMP fait preuve à l'égard de C. Million, Blanc, Soisson ou Mancel est inadmissible après ce qui s'est passé dans l'élection présidentielle mais aujourd'hui c'est le président délégué du RPR qui annonce le maintien des candidats de droite dans les triangulaires au risque assumé, délibéré, voulu sans doute, de faire passer des députés d'extrême droite.
Cette attitude est contraire à l'esprit du vote du 5 mai. Elle confirme que la droite n'a rien compris à la mobilisation civique contre l'extrême droite et est prête à tous les arrangements pour battre la gauche, et les pâles démentis n'y changeront rien. Monsieur Lepeltier a dit tout haut au nom du RPR ce que l'UMP pense tout bas.
Et bien nous le disons nettement. Comme nous l'avons fait lors de la Présidentielle, nous ne prendrons jamais ce risque, quel que soit le prix momentané à payer. Les français doivent être juges du comportement de chacun.
Il nous reste à peine un mois pour convaincre. Je sais que pour beaucoup d'entre vous entre la droite et l'extrême droite la tâche est rude. Mais l'enjeu est considérable. Il y va de l'image de notre pays, de sa cohésion sociale pour longtemps, de la force de notre démocratie, de l'avenir de la construction européenne. Comme candidats socialistes, nous devons écarter le péril de la régression sociale, lutter surtout contre l'extrême droite et incarner l'espérance. Elle justifie l'impérieuse obligation de gagner. À nous, par notre volonté collective, par notre action dans chaque circonscription, de faire en sorte que les français choisissent la gauche, la voie du progrès.
C'est le chemin que je vous propose pour les semaines qui viennent
(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 27 mai 2002)
La campagne que nous engageons est sans précédent sous la Vè République. Certes, ce n'est pas la première fois que se tiennent des élections législatives au lendemain d'un scrutin présidentiel. Mais, c'est la seule fois où, une consultation présidentielle s'étant transformée en référendum pour la République, il appartient au peuple de déterminer, à peine un mois plus tard, la politique qui sera conduite pour le quinquennat qui s'ouvre.
Le rendez-vous des 9 et 16 juin n'est donc pas conçu pour confirmer ou pour contredire un vote, mais pour affirmer et pour dire une volonté.
Tout est donc ouvert, rien n'est inscrit. Le 5 mai n'a pas été un choix en faveur d'une politique, mais le rejet d'une menace et la sauvegarde de l'essentiel. Il revient dès lors au scrutin législatif de départager la Gauche de la Droite, ce qui lui confère une importance -convenons en- décisive pour l'avenir de notre nation, pour la condition de chaque personne et de chaque famille.
Nous abordons cette échéance après une grande épreuve suivie d'un formidable sursaut.
L'épreuve, celle du 21 avril nous a touchés durement. Sans doute parce que nous ne l'avions pas imaginée, anticipée et suffisamment combattue.
Mais aussi parce qu'elle nous est apparue imméritée, injuste, cruelle -notamment par rapport à l'action accomplie par Lionel Jospin auquel je veux une nouvelle fois rappeler notre gratitude et notre amitié. Nous avons su surmonter cette déception dans la solidarité et l'unité, démontrant ainsi la force de notre mouvement et l'esprit de responsabilité de chacun. Il est vrai que nous avons été aidés par le formidable sursaut civique qui a surgi : la mobilisation des jeunes, les manifestations nombreuses -notamment celle du 1er mai, l'impressionnant courant d'adhésion vers nous.
Aussi, par un paradoxe politique invraisemblable, c'est la Gauche qui est apparue tout entière à l'initiative et au combat contre l'extrême droite, quand la droite s'affairait exclusivement au règlement des différends en son sein pour bâtir à la hâte et aux forceps une nouvelle organisation partisane. Et le caractère massif du vote du 5 mai, loin de la réjouir, a semblé contrarier l'interprétation qu'elle avait prévu d'en donner.
Depuis, d'ailleurs, cette droite s'efforce de gommer la nature exceptionnelle de ce scrutin présidentiel, pour n'y voir que la façon la plus commode d'assurer la prééminence du Chef de l'Etat sur l'ensemble du pouvoir.
Ainsi, alors même que Jacques Chirac n'a réalisé que moins de 20 % des suffrages au premier tour de la Présidentielle, tout est fait pour laisser croire qu'il aurait reçu du pays un mandat pour appliquer sa politique, son programme et ses propositions. C'est ignorer le sens du vote du deuxième tour. Il s'agissait, pour une majorité de Français (beaucoup de gauche), d'écarter et non pas d'adhérer. Et encore moins de donner à un homme le monopole du pouvoir.
Les électeurs de Gauche qui ont fait leur devoir le 5 mai ont désormais la volonté de faire entendre leur voix pour la défense de leurs idées. C'est cette énergie citoyenne, apparue au lendemain du 21 avril, qui est notre meilleur atout dans la bataille démocratique qui s'ouvre. Il nous incombe de l'entretenir et de la faire vivre, et c'est ce que vous faites dans vos circonscriptions. Ce qui suppose de tirer clairement les principales leçons du choc que nous avons subi.
Le plus simple tient à la dispersion des de l'offre politique et donc à l'émiettement des suffrages. Elle nous a été fatale lors de l'élection présidentielle, elle peut encore nous créer des dommages sérieux avec l'inflation du nombre des candidats pour les législatives pour des raisons qui tiennent davantage aux règles de financement de la vie politique qu'à l'expression légitime de la diversité des opinions. Conscient du danger, nous en avons limité les effets avec l'accord que nous avons passé avec nos partenaires de la gauche et les Verts pour parvenir à des candidatures uniques là où des risques sérieux existent de présence exclusive de la droite et de l'extrême droite au second tour.
Mais il faut aller plus loin en appelant les électeurs à créer, dès le premier tour, une dynamique indispensable à la victoire le 16 juin.
Choisir la Gauche dès à présent, c'est décider en fait de la faire gagner. La frustration née de la présidentielle doit être mis au service du vote décisif pour la législative. Qu'au moins cette expérience douloureuse clarifie les enjeux à venir et contribue au rassemblement autour de nos candidats.
Mais nous ne pouvons espérer l'emporter simplement par une meilleure organisation de la gauche et une plus grande compréhension de la mécanique électorale. Nous devons surtout entendre et traduire les messages que les Français nous ont adressés. J'en détacherai cinq principaux :
Une exigence de règles et donc d'Etat par rapport à la maîtrise de la mondialisation libérale, mais aussi aux besoins de sûreté et de tranquillité publique ;
Une demande de justice sociale par rapport à la précarité, au creusement des inégalités, mais aussi au regard de la nécessaire valorisation du travail et de l'indispensable récompense de l'effort à travers une amélioration du pouvoir d'achat ;
Une volonté de démocratie plus simple, plus proche, plus responsable, avec des compétences claires pour chaque échelon administratif, un rapprochement de l'exercice de la décision publique du citoyen, des lois moins nombreuses mais mieux appliquées ;
Le souhait d'une démarche politique plus en prise avec la vie associative, les élus locaux et les acteurs sociaux, une démarche politique plus représentative de la réalité de la société, plus respectueuse de la diversité des territoires ;
Une exigence de projet collectif capable de fixer des repères aux citoyens, de donner un sens à la communauté nationale et un contenu politique et social à la construction européenne.
Ces attentes, ces craintes, ces espoirs, nous avons voulu les intégrer dans notre programme pour les élections législatives, en cohérence avec le travail considérable mené depuis 1997 et le projet présidentiel de Lionel Jospin.
Ne rien changer à nos propositions, c'eût été ne rien avoir écouté ni compris. Les bouleverser, c'eût été abandonner la leçon apprise de Lionel Jospin : l'honnêteté dans les promesses et le respect des engagements.
Aussi, avons-nous organisé notre plate-forme autour de grandes priorités qui dessinent une voie pour le progrès en France.
1 - Le progrès pour l'emploi :
Le chômage reste une préoccupation majeure. Nous l'avons fait baisser durant la précédente législature de près d'un million. C'est un engagement équivalent que nous devons prendre pour la prochaine avec des nouvelles mesures : le contrat de retour à l'emploi pour les chômeurs de longue durée, le droit à la formation tout au long de la vie avec une seconde chance donnée ceux qui ont reçu le moins de formation à l'école, la réforme du mode de calcul des cotisations sociales pour favoriser les entreprises de main-d'uvre. Parallèlement, nous proposons, par une négociation entre les partenaires sociaux, de réduire le recours au travail précaire et de revaloriser les bas salaires. Car, le soutien de la demande est une condition de la reprise de la croissance.
2 - Le progrès par les services publics :
Leur présence et leur efficacité sont la garantie de la cohésion économique, sociale et territoriale. Il faut donc préserver leur identité et assurer leur bonne marche aux besoins : cela vaut pour l'hôpital, pour l'Education, pour les transports publics. Cela vaut aussi pour les forces de sécurité et les équipes de prévention, si l'on veut agir durablement sur les causes même des phénomènes que nous mettons en évidence.
3 - Le progrès par l'intégration républicaine :
C'est la condition même de la vie en commun. Ce qui suppose une politique contre toutes les formes de violence, le rappel à la règle dès l'école, des tuteurs pour aider et accompagner les enfants et les familles à problèmes, une justice plus proche, plus indépendante. Mais, la République, c'est aussi d'en finir avec les ghettos et les discriminations de toute nature et le refus de stigmatiser une catégorie de la population. La République, c'est aussi de faire vivre le principe de laïcité.
4 - Le progrès par la solidarité entre les générations :
Chaque temps de la vie doit trouver son équilibre : la jeunesse, par une autonomie reconnue pour suivre un parcours de formation et d'insertion ; les familles pour concilier vie professionnelle et vie personnelle ; les personnes âgées pour assurer dignement leur fin de vie. À cet égard, la question de l'avenir des retraites est essentielle.
Elle supposera des mesures fortes et sans doute courageuses pour garantir le système par répartition et le droit au départ à 60 ans, en tenant compte de la pénibilité du travail et de la liberté de chacun. Nous affirmons clairement notre refus des fonds de pension.
5 - Le progrès par l'Europe :
Elle manque aujourd'hui d'un projet politique et d'un contenu social. Nous proposerons une clarification institutionnelle et démocratique à travers une constitution et un traité permettant une protection des salariés par rapport aux risques de délocalisation ou du dumping social ou fiscal.
Telle est notre volonté d'agir. Elle est fondée sur des intentions fermes et sur le souci d'associer, plus que nous ne l'avons fait jusqu'à présent, toutes les forces vives du pays aux décisions essentielles, à travers des structures de dialogue, de concertation et la définition des règles de la démocratie sociale.
L'enjeu des élections législatives pourrait se résumer simplement : qui de la Gauche ou de la Droite a les meilleures solutions pour le pays ? Qui est capable de la faire avancer et de la réformer dans le progrès social ? Qui l'expose, à l'inverse, à plus de risques individuels et d'inégalités sociales sans garantie d'efficacité économique ?
La réponse serait simple si la droite n'avançait pas masquée depuis le début de la compétition. Jacques Chirac a, en effet, fait campagne sur le seul thème de la sécurité pour éviter de s'exprimer sur tous les autres. Si cela ne l'a pas servi directement, le bénéfice qu'en a tiré l'extrême droite a provoqué, de façon invraisemblable, son succès après un septennat raté et une autorité atteinte. Aujourd'hui, c'est le gouvernement Raffarin qui opère la même mystification.
Inconnu des Français jusqu'à sa nomination -ce qui était finalement sa plus grande qualité, le Premier ministre ne peut par définition inspirer de rejet ou de méfiance. Homme de communication, pour ne pas dire de publicité, il s'est construit un personnage débonnaire et modéré, alors qu'il vient du giscardisme et de l'aile la plus libérale de la droite. Il flatte le terrain, supposé ne jamais mentir, alors qu'il n'a jamais été élu au suffrage universel direct.
Son gouvernement est son exact reflet. Derrière plusieurs personnalités dites de la société civile, habilement choisies, encore que l'épreuve est souvent cruelle à la longue, c'est bien le RPR avec les proches de Jacques Chirac qui occupent les postes principaux à la seule exception du Ministère de l'Economie et des Finances confié, pour la première fois de notre histoire, à un dirigeant patronal en l'occurrence du MEDEF. Celui-ci le lui a bien rendu -encore que je ne sais si c'est vraiment un service- en apportant au gouvernement Raffarin un soutien de Mr Seillière explicite à sa politique.
Mais, le gouvernement n'est pas là pour agir, en tout cas d'ici le 16 juin, mais pour annoncer, promettre, rencontrer, voyager. Bref, occuper, que dis-je saturer l'espace médiatique. Chaque soir à la télévision, c'est un ballet ininterrompu : arrivées ministérielles ici, rencontres avec des délégations ailleurs, création de commissions partout, séminaire gouvernemental pour doubler les images du Conseil des Ministres, sans oublier les visites nocturnes du Ministre de l'Intérieur, sûrement pour renforcer à moindres frais les effectifs ! La lutte contre l'insécurité est devenue un spectacle médiatique permanent.
La seule mission du gouvernement Raffarin, ce n'est pas de gouverner mais de faire campagne non pas sur ses intentions mais sur ses silences. Il n'y parvient qu'imparfaitement. Sa nature est trop forte. Et en quinze jours, il a laissé poindre ce que pourrait être sa politique s'il avait les mains libres pour agir au-delà du 16 juin.
D'abord sur les impôts, l'annonce répétée, comme un tract, d'une baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu est sans doute la mesure la plus inopportune et la plus injuste qui soit dans la période que nous traversons. Au moment où les déficits se creusent faute d'une croissance suffisante, la perte de 2,7 Mds d'euros (15 milliards) risque de peser lourd sur le fonctionnement des services publics, alors que cette baisse va profiter pour 70 % aux 10 % des contribuables les plus favorisés.
Ensuite sur les 35 heures :l'acte d'accusation est dressé à chaque occasion comme pour mieux justifier, au nom de leur assouplissement, leur abrogation. F. Fillon a parlé d'un moratoire à l'hôpital public, et d'une liberté plus grande donnée aux chefs d'entreprise pour recourir aux heures supplémentaires. Dans les deux cas, c'est la fin du processus.
Quant à la protection sociale, les annonces de nouvelles baisses de charges pour les entreprises conjuguées à des promesses d'augmentation tarifaire pour les professions de santé conduisent soit des relèvements de CSG - la droite s'y était déjà essayée dès 1993, soit à des remboursements massifs. Et les Français se souviennent de la période Juppé.
Enfin sur la sécurité, le soin d'impressionner plutôt que d'apaiser jusqu'à la démonstration par le ministre de l'intérieur de nouvelles armes ou à la constitution de groupes d'intervention dont nul ne maîtrise précisément la mission.
Et j'aurais mauvaise grâce d'oublier le retour aux pratiques antérieures en matière de justice : intervention de la chancellerie dans les dossiers individuels, abandon de la jurisprudence sur les ministres mis en examen, préparation dans la plus grande discrétion d'une amnistie à travers une réforme de l'abus de bien social.
Mais, au-delà de ces orientations, plus ou moins dissimulées, atténuées ou corrigées pour ne point faire peur jusqu'au 16 juin, elles ne révèlent qu'imparfaitement ce que serait la politique de la droite si elle était livrée à elle-même. Les incrédules peuvent se référer aux années Juppé et Balladur. Le premier reste l'inspirateur exclusif de Jacques Chirac, le second a fourni une bonne part du personnel politique de l'équipe Raffarin. Les plus lucides peuvent déjà décrypter la lettre du programme de l'UMP pour en comprendre l'esprit.
Dans tous les domaines, c'est la menace de la régression sociale qui pointe :
En matière fiscale, c'est la priorité donnée à la baisse des impôts les plus favorisés : au-delà de l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés, l'impôt sur les successions et sans doute sur l'ISF.
En matière budgétaire, c'est compte tenu de l'assèchement des ressources fiscales, la diminution du nombre des fonctionnaires et la privatisation des services publics qui était engagée.
En matière d'emploi : c'est le retour aux cadeaux fiscaux, aux baisses de charges supposer favoriser l'embauche et à la liberté de licencier avec l'abrogation de la loi de modernisation sociale.
En matière de retraites, c'est le choix de la capitalisation au risque de mettre en cause les régimes par répartition.
En matière de sécurité : c'est l'abandon du préventif pour le tout répressif avec les dangers d'une telle stratégie sur l'image de la jeunesse dans notre société.
En matière européenne : c'est le risque de la banalisation libérale de la France avec la pression d'une majorité de gouvernements de droite au sein de l'Union : les services publics en seraient les premières victimes.
La campagne électorale doit nous permettre d'éclairer les Français sur la portée du scrutin et sur le rôle de la gauche dans cette confrontation. Elle n'est pas là simplement pour résister, défendre, endiguer, protéger ou préserver. Sa responsabilité est d'abord d'empêcher mais surtout d'agir au nom de l'intérêt général et des valeurs qu'elle porte.
Or la droite voudrait nous priver de ce droit légitime à gouverner au nom d'une diabolisation, d'ailleurs nouvelle dans sa bouche, de la cohabitation.
La formule est d'ailleurs impropre dans le cas d'espèce. Autant en 1997, après la dissolution ratée, c'est Jacques Chirac qui a accepté -sans contrainte- de laisser gouverner une majorité différente de celle qu'il avait rassemblée deux ans plus tôt, autant aujourd'hui, élu par 82 % des français, il ne peut prétendre être mis en contradiction par l'arrivée d'une majorité de gauche à l'Assemblée Nationale. Mais n'entrons pas dans un débat de spécialites. Restons-en à quelques vérités simples :
Les Français sont libres de choisir souverainement, à l'occasion des élections législatives, les orientations qui leur paraissent les plus conformes à leurs intérêts.
La constitution autorise une lecture parlementaire des institutions sans qu'il soit besoin de la réformer encore moins de la bousculer. Elle fut même écrite dans cet esprit, et cette inspiration a prévalu plusieurs fois dans notre Histoire récente.
Le mandat du président de la république qu'il a reçu du peuple le 5 mai n'est pas en cause pas plus que sa fonction d'autant moins dois-je le dire que dans des circonstances exceptionnelles il est vrai, nous avons participé à son élection.
Le gouvernement aura pleine compétence pour mener sa politique sans risque de confusion ou d'immobilisme.
Les dangers ne se situent donc pas dans l'hypothèse où nous l'emporterions, mais dans l'hypothèse inverse, celle où la droite l'emporterait au mois de juin prochain.
Le premier est celui de la concentration du pouvoir dans les mêmes mains comme aux beaux jours de la République Gaulliste, mais sans le Général de Gaulle : Elysée, Matignon, Assemblée Nationale, le Sénat, le Conseil Constitutionnel, l'essentiel du pouvoir économique. Bref " l'Etat UMP " ou " l'Etat RPR ", ce qui revient au même.
Nous ne sommes pas les seuls à nous en alerter. François BAYROU qui connaît bien son camp exprime ma même inquiétude quand il déclare " qu'il n'est pas bon pour la République que le RPR occupe toutes les responsabilités en France ". Je crois que, sur ce point-là, nous pouvons faire confiance à Bayrou.
Mais plus grave serait encore la perspective de laisser toute liberté à la droite de mener son programme pour 5 ans. L'expérience, au moins depuis 1986, nous enseigne combien les risques de conflits sociaux, de blocage de la société, de difficultés avec la jeunesse lorsque les conservateurs estiment avoir tous les droits et tous les moyens pour agir à leur guise. La vertu du dialogue, le respect des partenaires comptent peu lorsqu 'il faut faire passer en force, y compris par ordonnances, un plan sur la Sécurité Sociale, une réforme de l'Education nationale ou des remises en cause du droit du travail.
Si bien que le risque majeur représenté par le résultat des prochaines élections législatives n'est pas dans l'ordre institutionnel mais dans le désordre social.
Voilà pourquoi la gauche doit fortement revendiquer l'exercice de la responsabilité sans craindre de perdre son identité ou sa capacité de réformer profondément le pays. Elle a monté pendant 5 ans qu'elle en avait la force et la crédibilité. Elle dispose d'équipes crédibles et renouvelées et son envie d'air est intacte. Voilà pourquoi les socialistes doivent se battre pou gagner.
Certes, j'entends de bonnes âmes nous souhaiter pour notre confort collectif sans doute voire pour notre santé individuelle, une cure d'opposition préparant une victoire future en 2007. Et d'autres plus charitables encore d'ajouter que la droite aurait tôt fait de se rendre impopulaire ce qui rehausserait -dans le même temps- le prestige et la nostalgie de la gauche. La belle affaire ! Qui peut croire en effet que Jacques Chirac procèderait à une nouvelle dissolution dans deux ans ?
Ce qui est en cause dans cette élection législative ce n'est pas une péripétie politique sans conséquence, c'est un choix qui engagera irréversiblement le pays pour 5 ans. Il n'y aura ni interruption ni session de rattrapage. En cas de victoire, la droite aura toute légitimité pour faire sa politique et défaire nos acquis. 5 ans c'est long, trop long dans la vie d'un homme, d'une femme pour que ce risque soit pris. En 5 ans, ce sont les conditions de formation, de travail, de vie, d'accès aux services publics ou de passage à la retraite qui peuvent profondément être modifiées et peut-être de façon irrévocable. Il y a là comme un devoir moral qui incombe à la Gauche que de revendiquer l'exercice de la responsabilité.
Aussi dans cette campagne, nous devons tout faire pour donner du sens à l'élection. C'est l'honneur de la gauche de ne pas se réfugier dans la posture protestataire ou le refus de la responsabilité ou la fuite en avant verbale. C'est parce qu'elle est comptable d'intérêts et de valeurs qui dépassent le sort individuel de tel ou tel qu'elle se présente avec la ferme intention de l'emporter.
Majoritaire, la Gauche ne se dérobera pas à son devoir et se dévouer quelles que soient les difficultés pour le bien commun. Minoritaire, elle contribuera par la force des choses à faire vivre, dans l'équilibre, notre démocratie en luttant âprement en liaison avec le mouvement social pour éviter le pire, sans perdre pour autant sa culture de gouvernement.
Dans ce moment politique, à bien des égards exceptionnel, je l'ai dit tout est possible. La gauche dispose d'atouts sérieux : le bilan laissé par L. Jospin, le programme et la mobilisation d'un électorat frustré par le résultat des présidentielles. La droite parce qu'elle sent la fragilité de son énorme succès du 5 mai, utilise avec un art consommé de la propagande politique tous les moyens que lui offre le gouvernement, sans compter les interventions prévues et répétées de J. Chirac dans la campagne.
Mais sa crainte de voir le pouvoir lui échapper lui fait perdre jusqu'à ses réflexes républicains par rapport à l'extrême droite. Déjà la complaisance dont l'UMP fait preuve à l'égard de C. Million, Blanc, Soisson ou Mancel est inadmissible après ce qui s'est passé dans l'élection présidentielle mais aujourd'hui c'est le président délégué du RPR qui annonce le maintien des candidats de droite dans les triangulaires au risque assumé, délibéré, voulu sans doute, de faire passer des députés d'extrême droite.
Cette attitude est contraire à l'esprit du vote du 5 mai. Elle confirme que la droite n'a rien compris à la mobilisation civique contre l'extrême droite et est prête à tous les arrangements pour battre la gauche, et les pâles démentis n'y changeront rien. Monsieur Lepeltier a dit tout haut au nom du RPR ce que l'UMP pense tout bas.
Et bien nous le disons nettement. Comme nous l'avons fait lors de la Présidentielle, nous ne prendrons jamais ce risque, quel que soit le prix momentané à payer. Les français doivent être juges du comportement de chacun.
Il nous reste à peine un mois pour convaincre. Je sais que pour beaucoup d'entre vous entre la droite et l'extrême droite la tâche est rude. Mais l'enjeu est considérable. Il y va de l'image de notre pays, de sa cohésion sociale pour longtemps, de la force de notre démocratie, de l'avenir de la construction européenne. Comme candidats socialistes, nous devons écarter le péril de la régression sociale, lutter surtout contre l'extrême droite et incarner l'espérance. Elle justifie l'impérieuse obligation de gagner. À nous, par notre volonté collective, par notre action dans chaque circonscription, de faire en sorte que les français choisissent la gauche, la voie du progrès.
C'est le chemin que je vous propose pour les semaines qui viennent
(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 27 mai 2002)