Texte intégral
A. Chabot - Un plus de 3 % des voix à l'élection présidentielle, moins de 5 aux législatives, un président battu, des finances exsangues, un plan social pour les salariés du parti... Franchement, vous dirigez un bateau qui coule ou qui a déjà coulé ?
- "Nous avons connu un coup très sévère, très rude et nous essayons maintenant de travailler à reconstruire, à rebâtir un projet communiste moderne dans ce pays. Mais c'est un défi très difficile à relever, je ne me cache pas la difficulté, les communistes en sont conscients. Nous allons commencer à organiser le débat aujourd'hui et demain, et puis il va se poursuivre certainement sur plusieurs mois."
Qu'est-ce que vous avez payé aux élections ? Votre participation au Gouvernement ?
- "Certainement, la gestion de notre participation au Gouvernement. Beaucoup de ceux et celles qui vivent de leur travail ont eu l'impression qu'on s'éloignait d'eux, qu'on était devenu un parti un peu comme les autres, trop institutionnel. Mais il ne faudra pas s'arrêter là dans le débat, il faudra remonter peut-être plus loin encore sur la difficulté que nous avons eue après l'échec du socialisme réel, à construire, à donner du sens à un projet réellement nouveau."
Vous dites : "la gestion de notre participation au Gouvernement", mais vous étiez membre de ce gouvernement. Vous étiez bien dans ce gouvernement ou de temps en temps, vous vous êtes dit : "Et si on partait ?" ?
- "Bien sûr, on a pu se poser cette question, mais on a voulu être un parti qui agisse vraiment au quotidien pour changer la vie des gens, y compris en participant à tous les niveaux de responsabilité. Par contre, j'ai l'impression, dans les débats que j'ai eus avec des électeurs aux législatives - cela m'a été dit -, que nous n'avons pas su assez montrer les avancées que nous obtenions - mais ce n'est pas cela l'essentiel - et surtout montrer à quels blocages nous nous sommes heurtés, pourquoi nous n'avons pas réussi à peser plus dans cette majorité de la gauche plurielle. Les gens nous le reprochent aujourd'hui, en nous disant qu'on ne les a pas assez tenus au courant, qu'on ne leur a pas dit vraiment toute la vérité."
La logique de ces blocages, c'était de dire : "On ne peut pas avancer, donc on s'en va", plutôt que d'essayer de négocier, de bricoler à l'Assemblée...
- "On pouvait aussi mieux informer, peut-être, ceux et celles qui veulent vraiment faire bouger les choses dans ce pays, sur le poids du pacte de stabilité, sur la nécessité de mener un combat pour modifier la construction européenne, sur l'intervention nécessaire des citoyens et des citoyennes pour faire bouger les choses. C'est peut-être ce qui nous a manqué pendant toute cette période."
C'est la stratégie d'alliance avec le Parti socialiste qui est aussi mise en cause, non ?
- "Il va falloir qu'on réfléchisse aussi sur cette question, parce que si vous regardez toutes ces dernières années, le Parti communiste a été vécu, et nous-mêmes avons fait campagne sur ce thème, sur l'idée "Il faut peser à gauche". Donc, nous étions vécus comme ceux qui étaient un peu l'aiguillon du Parti socialiste. Or je crois qu'il faut que le Parti communiste retrouve maintenant des projets, des objectifs autonomes et pas seulement par rapport au Parti socialiste. Les gens ont eu l'impression que nous ne jouions pas ce rôle d'aiguillon et donc que nous n'étions plus utiles."
La stratégie d'union de la gauche, de majorité plurielle, c'est fini, ce n'est pas bon pour vous ?
- "La gauche existe mais il faut la revivifier, justement, en l'imprégnant plus de projets de transformation cette société. Beaucoup de gens ont eu l'impression que gauche et droite, c'était pareil, parce qu'ils avaient l'impression que les discours étaient identiques et que les actes étaient peu différents."
Au Parti communiste, on voit bien qu'il y a plusieurs lignes, plusieurs idées qui commencent à se développer : il y a ceux qui disent qu'il faut revenir en arrière - ce n'est pas votre avis - et puis, il y a ceux qui justement voudraient s'allier à d'autres forces, les plus radicales, l'extrême gauche, avec tous ceux qui luttent d'une autre manière contre la mondialisation, ce qu'on appelle "le pôle de radicalité".
- "Je ne suis pas favorable à un cartel d'organisations qui se présenterait à gauche de la gauche. L'essentiel, c'est le contenu, ce sont les objectifs, la politique que nous voulons mener. Quels points communs ai-je avec des organisations qui se réfèrent encore à la dictature du prolétariat, comme c'était le cas pour le Parti il y a des dizaines d'années ? Il ne faut pas penser à des agrégats mais plutôt penser à discuter avec les hommes et les femmes qui se réfèrent à la gauche et voir avec eux quelle nouvelle alternative on peut construire."
Vous ne discutez ni avec A. Laguiller ni avec O. Besancenot, mais vous discutez avec qui alors ?
- "D'abord, on peut discuter avec tout le monde, y compris avec ceux que vous citez, y compris avec les dirigeants du Parti socialiste, avec ceux des Radicaux de gauche ou des Verts. Mais au-delà des discussions d'appareils, il faut reconstruire en bas. Je vais proposer ce matin de lancer des grands forums avec tous ceux et celles qui sont intéressés à reconstruire l'alternative à gauche."
C'est effectivement aujourd'hui votre conférence nationale ; il y aura aussi R. Hue. Et les amis de R. Hue disent qu'il faut continuer la mutation. "Mutation", c'est un mot magique, mais qu'est-ce qu'il y a derrière ce mot ? Vous êtes d'accord avec cela d'ailleurs : en gros, on ne change rien ?
- "Je ne veux pas revenir en arrière, c'est clair ! Il faut poursuivre notre effort de modernisation. C'est peut-être en redevenant pleinement communiste, c'est-à-dire en revenant aux sources du communisme, de cette mise en partage, de cette mise en commun, que portait la pensée communiste, que nous avancerons le mieux."
Est-ce que vous avez encore quelque chose d'original à dire ?
- "Je le pense. Dans une société française, mais aussi mondiale, de plus en plus marquée par la fracture sociale, par les inégalités, par l'injustice, où les gens sont de plus en plus pauvres d'un côté, et d'autres de plus en plus riches de l'autre, il y a la place pour un Parti communiste français, pour un combat pour la transformation de notre société, pour une autre mondialisation. Nous pouvons être un des artisans de ce combat."
Pourquoi ne pas faire une grande formation de la gauche ? Il y a ce qui se passe à droite avec l'UMP, pourquoi ne faites-vous pas l'UMG, l'Union pour une majorité de gauche, à côté du Parti socialiste par exemple ?
- "Pour mener quelle politique ? Pour mener la politique qui a été menée ces dernières, où nous avons cédé devant la pression libérale, où nous avons appliqué une construction européenne ultralibérale ? Je n'ai pas envie de mener cette politique donc je n'ai pas envie de rentrer dans un grand parti de gauche qui la mènerait."
Vous en voulez beaucoup à L. Jospin ?
- "Ce n'est pas une question d'homme, c'est une question de rapport de force, de débat politique. Je pense qu'il y a besoin d'un grand débat à gauche aujourd'hui."
Dans la série "On ne change pas", est-ce qu'il faut que R. Hue reste président, et vous secrétaire générale ? Vous vous entendez toujours bien avec R. Hue ?
- "Oui, il n'y a pas de problème malgré ce qu'on entend parfois... La question des directions sera une des questions qui sera posée par les communistes s'ils le souhaitent et si nous avons un congrès - je pense que ce sera le cas. Il n'y aura aucun sujet tabou. Mais pour ma part, je pense que l'attitude de faire face, de ne pas quitter le navire, est aussi une attitude qui se défend."
Il y aura des règlements de compte au sein du Parti communiste ?
- "J'espère que non. J'espère que nous saurons dépasser toute démarche de clans, de pouvoir, de règlements de comptes, parce que lorsqu'on est un parti qui est aussi bas au niveau des scores électoraux, il faut plutôt s'occuper de trouver des réponses pour qu'il se reconstruise au lieu de penser à sa carrière ou à d'autres sujets."
Certains disent que R. Hue n'a pas pu mener la campagne présidentielle qu'il voulait. C'est vrai ou pas ?
- "Je n'ai pas cette impression. Il avait, avec son conseil de campagne, les moyens de mener sa campagne, et il l'a fait de la bonne façon. La campagne, par rapport à l'échec électoral, ce n'est pas ça l'essentiel."
(Source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 26 juin 2002)
- "Nous avons connu un coup très sévère, très rude et nous essayons maintenant de travailler à reconstruire, à rebâtir un projet communiste moderne dans ce pays. Mais c'est un défi très difficile à relever, je ne me cache pas la difficulté, les communistes en sont conscients. Nous allons commencer à organiser le débat aujourd'hui et demain, et puis il va se poursuivre certainement sur plusieurs mois."
Qu'est-ce que vous avez payé aux élections ? Votre participation au Gouvernement ?
- "Certainement, la gestion de notre participation au Gouvernement. Beaucoup de ceux et celles qui vivent de leur travail ont eu l'impression qu'on s'éloignait d'eux, qu'on était devenu un parti un peu comme les autres, trop institutionnel. Mais il ne faudra pas s'arrêter là dans le débat, il faudra remonter peut-être plus loin encore sur la difficulté que nous avons eue après l'échec du socialisme réel, à construire, à donner du sens à un projet réellement nouveau."
Vous dites : "la gestion de notre participation au Gouvernement", mais vous étiez membre de ce gouvernement. Vous étiez bien dans ce gouvernement ou de temps en temps, vous vous êtes dit : "Et si on partait ?" ?
- "Bien sûr, on a pu se poser cette question, mais on a voulu être un parti qui agisse vraiment au quotidien pour changer la vie des gens, y compris en participant à tous les niveaux de responsabilité. Par contre, j'ai l'impression, dans les débats que j'ai eus avec des électeurs aux législatives - cela m'a été dit -, que nous n'avons pas su assez montrer les avancées que nous obtenions - mais ce n'est pas cela l'essentiel - et surtout montrer à quels blocages nous nous sommes heurtés, pourquoi nous n'avons pas réussi à peser plus dans cette majorité de la gauche plurielle. Les gens nous le reprochent aujourd'hui, en nous disant qu'on ne les a pas assez tenus au courant, qu'on ne leur a pas dit vraiment toute la vérité."
La logique de ces blocages, c'était de dire : "On ne peut pas avancer, donc on s'en va", plutôt que d'essayer de négocier, de bricoler à l'Assemblée...
- "On pouvait aussi mieux informer, peut-être, ceux et celles qui veulent vraiment faire bouger les choses dans ce pays, sur le poids du pacte de stabilité, sur la nécessité de mener un combat pour modifier la construction européenne, sur l'intervention nécessaire des citoyens et des citoyennes pour faire bouger les choses. C'est peut-être ce qui nous a manqué pendant toute cette période."
C'est la stratégie d'alliance avec le Parti socialiste qui est aussi mise en cause, non ?
- "Il va falloir qu'on réfléchisse aussi sur cette question, parce que si vous regardez toutes ces dernières années, le Parti communiste a été vécu, et nous-mêmes avons fait campagne sur ce thème, sur l'idée "Il faut peser à gauche". Donc, nous étions vécus comme ceux qui étaient un peu l'aiguillon du Parti socialiste. Or je crois qu'il faut que le Parti communiste retrouve maintenant des projets, des objectifs autonomes et pas seulement par rapport au Parti socialiste. Les gens ont eu l'impression que nous ne jouions pas ce rôle d'aiguillon et donc que nous n'étions plus utiles."
La stratégie d'union de la gauche, de majorité plurielle, c'est fini, ce n'est pas bon pour vous ?
- "La gauche existe mais il faut la revivifier, justement, en l'imprégnant plus de projets de transformation cette société. Beaucoup de gens ont eu l'impression que gauche et droite, c'était pareil, parce qu'ils avaient l'impression que les discours étaient identiques et que les actes étaient peu différents."
Au Parti communiste, on voit bien qu'il y a plusieurs lignes, plusieurs idées qui commencent à se développer : il y a ceux qui disent qu'il faut revenir en arrière - ce n'est pas votre avis - et puis, il y a ceux qui justement voudraient s'allier à d'autres forces, les plus radicales, l'extrême gauche, avec tous ceux qui luttent d'une autre manière contre la mondialisation, ce qu'on appelle "le pôle de radicalité".
- "Je ne suis pas favorable à un cartel d'organisations qui se présenterait à gauche de la gauche. L'essentiel, c'est le contenu, ce sont les objectifs, la politique que nous voulons mener. Quels points communs ai-je avec des organisations qui se réfèrent encore à la dictature du prolétariat, comme c'était le cas pour le Parti il y a des dizaines d'années ? Il ne faut pas penser à des agrégats mais plutôt penser à discuter avec les hommes et les femmes qui se réfèrent à la gauche et voir avec eux quelle nouvelle alternative on peut construire."
Vous ne discutez ni avec A. Laguiller ni avec O. Besancenot, mais vous discutez avec qui alors ?
- "D'abord, on peut discuter avec tout le monde, y compris avec ceux que vous citez, y compris avec les dirigeants du Parti socialiste, avec ceux des Radicaux de gauche ou des Verts. Mais au-delà des discussions d'appareils, il faut reconstruire en bas. Je vais proposer ce matin de lancer des grands forums avec tous ceux et celles qui sont intéressés à reconstruire l'alternative à gauche."
C'est effectivement aujourd'hui votre conférence nationale ; il y aura aussi R. Hue. Et les amis de R. Hue disent qu'il faut continuer la mutation. "Mutation", c'est un mot magique, mais qu'est-ce qu'il y a derrière ce mot ? Vous êtes d'accord avec cela d'ailleurs : en gros, on ne change rien ?
- "Je ne veux pas revenir en arrière, c'est clair ! Il faut poursuivre notre effort de modernisation. C'est peut-être en redevenant pleinement communiste, c'est-à-dire en revenant aux sources du communisme, de cette mise en partage, de cette mise en commun, que portait la pensée communiste, que nous avancerons le mieux."
Est-ce que vous avez encore quelque chose d'original à dire ?
- "Je le pense. Dans une société française, mais aussi mondiale, de plus en plus marquée par la fracture sociale, par les inégalités, par l'injustice, où les gens sont de plus en plus pauvres d'un côté, et d'autres de plus en plus riches de l'autre, il y a la place pour un Parti communiste français, pour un combat pour la transformation de notre société, pour une autre mondialisation. Nous pouvons être un des artisans de ce combat."
Pourquoi ne pas faire une grande formation de la gauche ? Il y a ce qui se passe à droite avec l'UMP, pourquoi ne faites-vous pas l'UMG, l'Union pour une majorité de gauche, à côté du Parti socialiste par exemple ?
- "Pour mener quelle politique ? Pour mener la politique qui a été menée ces dernières, où nous avons cédé devant la pression libérale, où nous avons appliqué une construction européenne ultralibérale ? Je n'ai pas envie de mener cette politique donc je n'ai pas envie de rentrer dans un grand parti de gauche qui la mènerait."
Vous en voulez beaucoup à L. Jospin ?
- "Ce n'est pas une question d'homme, c'est une question de rapport de force, de débat politique. Je pense qu'il y a besoin d'un grand débat à gauche aujourd'hui."
Dans la série "On ne change pas", est-ce qu'il faut que R. Hue reste président, et vous secrétaire générale ? Vous vous entendez toujours bien avec R. Hue ?
- "Oui, il n'y a pas de problème malgré ce qu'on entend parfois... La question des directions sera une des questions qui sera posée par les communistes s'ils le souhaitent et si nous avons un congrès - je pense que ce sera le cas. Il n'y aura aucun sujet tabou. Mais pour ma part, je pense que l'attitude de faire face, de ne pas quitter le navire, est aussi une attitude qui se défend."
Il y aura des règlements de compte au sein du Parti communiste ?
- "J'espère que non. J'espère que nous saurons dépasser toute démarche de clans, de pouvoir, de règlements de comptes, parce que lorsqu'on est un parti qui est aussi bas au niveau des scores électoraux, il faut plutôt s'occuper de trouver des réponses pour qu'il se reconstruise au lieu de penser à sa carrière ou à d'autres sujets."
Certains disent que R. Hue n'a pas pu mener la campagne présidentielle qu'il voulait. C'est vrai ou pas ?
- "Je n'ai pas cette impression. Il avait, avec son conseil de campagne, les moyens de mener sa campagne, et il l'a fait de la bonne façon. La campagne, par rapport à l'échec électoral, ce n'est pas ça l'essentiel."
(Source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 26 juin 2002)