Conférence de presse de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie, sur l'engagement de la France et de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine, à Sarajevo le 6 septembre 2002.

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Circonstance : Voyage en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo de M. de Villepin, les 6 et 7 septembre 2002 : visite en Bosnie-Herzégovine le 6

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Je suis très heureux, mais aussi très ému de me retrouver ici aujourd'hui, sur cette terre de Bosnie-Herzégovine que tant de liens, à commencer par ceux de l'esprit et ceux du coeur, unissent, vous le savez, à la France. Il existe en effet, entre nos deux pays, une affinité profonde forgée dans l'épreuve et inscrite dans la durée tout au long de ces difficiles années. Tous les Français ont ressenti, devant les drames de la période de la guerre, une profonde compassion. Beaucoup d'entre eux, membres des organisations humanitaires ou intellectuels, ont voulu agir et témoigner. La France a, par ailleurs, payé ici le prix du sang au travers de ses nombreux soldats tombés au service de la paix en Bosnie-Herzégovine.
L'engagement de la France en Bosnie-Herzégovine est d'abord un engagement en faveur des valeurs qui fondent notre civilisation. Le refus des haines ethniques et religieuses, le respect de l'autre, la primauté du droit sur la force, ce qui était en jeu aux heures les plus sombres de la guerre. Ce qui reste en jeu aujourd'hui, ce sont ces valeurs qui sont au coeur de ce que nous sommes. La France a joué un rôle moteur, à chacune des grandes étapes de la construction de la paix en Bosnie-Herzégovine. C'est sous l'impulsion du président de la République Jacques Chirac, à l'été 1995, et après la reprise par les troupes françaises du pont de Verbanja, qu'a été mise en place la force de réaction rapide. Une force qui a profondément modifié l'équation militaire et diplomatique et qui a, vous le savez, ouvert la voie aux accords de paix signés à Paris, en décembre 1995, après Dayton.
C'est encore sous l'impulsion du président Chirac que les pays européens, lors du Sommet de Zagreb de novembre 2000 ont clairement affirmé la vocation européenne de la Bosnie-Herzégovine, dessinant ainsi les contours de cette européanisation des Balkans qui reste aujourd'hui, plus que jamais, notre feuille de route commune. Fidèle à ses convictions, la France entend peser aujourd'hui de tout son poids pour que l'Union européenne et la communauté internationale dans son ensemble restent engagées en Bosnie-Herzégovine afin d'y promouvoir notamment l'indispensable reconstruction économique. Notre pays pourra d'autant mieux se faire entendre que les autorités bosniennes sauront assurer le bon fonctionnement de leurs institutions communes, consolider l'Etat de droit et promouvoir les réformes économiques nécessaires.
Tel est le message central que j'ai passé aux différents interlocuteurs que j'ai eu le plaisir de rencontrer cet après-midi, la présidence collégiale bien sûr, le ministre des Affaires étrangères, M. Lagumdzija, et le ministre de l'Intégration européenne et président du Conseil des ministres, M. Mirikevic. J'aurai tout à l'heure un entretien avec l'équipe du haut représentant dans le prolongement de celui que j'ai eu, il y a quelques semaines, avec Lord Ashdown, à Paris, pour lui souligner notre entier soutien. Enfin, je rencontrerai demain le commandant de la SFOR, dont je rappelle que la France est le deuxième pays contributeur.
Ce rapprochement de la Bosnie-Herzégovine avec l'Union européenne dont la France entend rester l'un des moteurs doit constituer notre horizon commun. L'Union européenne est très engagée en Bosnie-Herzégovine, les pays européens y fournissent plus de 70 % des forces militaires présentes. L'Union européenne assumera en janvier 2003 la relève de l'ONU pour la police civile. Elle constitue, et de loin, le principal partenaire économique de la Bosnie-Herzégovine et le principal contributeur à l'effort de reconstruction. Même si un certain sentiment de lassitude s'exprime parfois chez certains acteurs internationaux, chez certains bailleurs de fonds, la France reste convaincue de la nécessité de maintenir l'engagement de la communauté internationale. Elle est plus déterminée que jamais à aider la Bosnie-Herzégovine à retrouver le chemin de l'Union européenne. Ce chemin exigeant suppose évidemment, en retour, un engagement résolu des acteurs politiques mais aussi du peuple bosnien dans son ensemble, ceci pour la mise en oeuvre des réformes nécessaires ; l'affermissement de la réconciliation entre les communautés, le combat résolu contre les mafias et les trafics en tous genres, la réforme économique, l'amélioration de la coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, le développement d'une coopération plus étroite avec les Etats voisins.
Les élections du 5 octobre doivent marquer une étape importante pour l'enracinement de la démocratie et de l'Etat de droit. Notre objectif commun est donc clair : conjuguer nos efforts pour que la Bosnie-Herzégovine puisse rejoindre demain la grande famille européenne. La Bosnie-Herzégovine a beaucoup à apporter à l'Europe car son ambition est de faire de la diversité un atout et une richesse. C'est aussi l'ambition de l'Europe. Votre pays se situe au carrefour du monde byzantin et du monde latin, de la chrétienté et de l'Islam, il a vocation à être un trait d'union entre ces ensembles et non le lieu de leur affrontement. Nous devons faire de cette diversité une richesse commune.
Q - (A propos de l'arrestation de personnes inculpées par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie)
R - Vous connaissez la détermination française et européenne concernant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Nous sommes déterminés à ce qu'il puisse mener à bien ses travaux. Il y a là un engagement au service des valeurs communes qui sont les nôtres. Qui dit valeurs communes dit règles d'application communes. Et il est donc très important que le TPIY, qui a déjà pu traduire un certain nombre de responsables, puisse continuer son oeuvre. Que ce travail puisse être mené jusqu'au bout est important pour l'ensemble d'entre nous, pour la communauté internationale comme pour la région.
Q - (A propos du rapprochement de la Bosnie-Herzégovine avec l'Union européenne)
R - Au cours des différents entretiens que j'ai pu avoir avec la présidence collégiale, avec le ministre des Affaires étrangères et avec le ministre de l'Intégration européenne, le président du Conseil des ministres, j'ai eu l'occasion de rappeler ce qu'était l'esprit de Zagreb dont vous savez que le président de la République française avait pris l'initiative. Affirmer tout d'abord notre ambition, la volonté de reconstituer l'unité de la famille européenne, mais aussi la nécessité de s'engager dans un processus de réformes qui implique, de la part de chacun des Etats des Balkans, de chacune des entités, un effort important pour faire respecter l'Etat de droit, pour avancer dans le sens de la démocratie, pour lutter contre le crime organisé, contre l'immigration illégale, contre les mafias
Parallèlement, il est aussi important d'avancer dans le sens de la coopération régionale et, dans ce contexte, le sommet tripartite qui s'est tenu à Sarajevo au mois de juillet constitue, bien évidemment, un pas dans la bonne direction et une étape importante. Vous le savez, sur les critères de la feuille de route, beaucoup a été fait et la Bosnie-Herzégovine a fait un effort important au cours des derniers mois. Nous voulons avancer dans le processus de stabilisation, c'est important. Nous pourrons bientôt nous engager dans la voie d'une étude de faisabilité qui permettra le début des négociations en direction des accords d'associations. Le commissaire chargé des relations extérieures de l'Union européenne sera présent ici à Sarajevo dans quelques jours et il aura l'occasion de faire le point sur l'ensemble de ces questions. Nous reparlerons bien sûr à Quinze des perspectives ouvertes dans ce domaine concernant les avancées vers un accord d'association.
Q - Le premier pas, c'est l'étude de faisabilité : quand espérez-vous que cela sera signé avec la Bosnie-Herzégovine ?
R - Il est évident que c'est un processus qui doit suivre chacune des étapes. Il est d'abord important de constater que la feuille de route a bien été satisfaite, ce qui permettra alors de lancer l'étude de faisabilité et de préparer l'accord d'association. Le commissaire européen, je vous l'ai dit, sera là dans quelques jours pour faire le point sur ces avancées et nous reparlerons dans les prochaines semaines à Quinze de façon à lancer le processus indispensable. C'est évidemment une discussion que nous devons tenir à Quinze.
Q - Vous parlez de l'européanisation de la Bosnie-Herzégovine, mais nous avons toujours quinze personnes qui sont des criminels de guerre et qui sont en liberté. Vous êtes probablement au courant des positions différentes émises par la France concernant l'arrestation de ces individus. Certaines critiques ont été adressées à la SFOR : considérez-vous qu'elle devrait être plus énergique dans l'action de l'arrestation de M. Karadjic ?
R - Je l'ai dit et je le redis de la façon la plus claire et la plus ferme : la France est déterminée à traduire l'ensemble des criminels de guerre devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Il n'y a pas d'ambiguïté sur cette question et il est bien évident que tous les moyens qui sont à notre disposition sont utilisés dans ce but, en liaison avec les responsables de votre pays, à qui il revient d'apporter leur contribution et de prendre leurs responsabilités dans ce domaine.
En conclusion, vous me permettrez de vous indiquer le message de solidarité de la France, qui est aux côtés de la Bosnie-Herzégovine dans son effort de réformes, dans son effort de reconstruction. A ce message de solidarité s'ajoute un message d'espoir, compte tenu des progrès accomplis tout au long de ces années.
J'y ajouterai, si vous le permettez, un message de responsabilité : la Bosnie-Herzégovine va voter dans quelques semaines. C'est une étape importante, nous avons besoin que se mobilisent tous ceux qui pensent qu'il est essentiel d'avancer dans le chemin de la démocratie, dans le chemin des réformes. Nous voulons reconstituer la grande famille européenne et nous avons besoin de l'ensemble des énergies au service de cette grande ambition. Chacun d'entre vous détient entre ses mains une partie de l'avenir de ce pays, de cette région : il est important que chacun en prenne toutes les responsabilités.
Je vous remercie.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 septembre 2002)