Point de presse de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, sur les relations franco-saoudiennes et sur la situation au Proche-Orient, à Djeddah le 26 juin 2002.

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Circonstance : Tournée au Proche-Orient de M. Galouzeau de Villepin, du 23 au 26 juin 2002 : voyage en Arabie saoudite le 26

Texte intégral

Je suis très heureux de conclure ce premier déplacement dans la région par l'Arabie saoudite.
L'Arabie saoudite, vous le savez, est un interlocuteur majeur pour la France avec lequel nous entretenons une concertation permanente. Je tiens tout particulièrement à remercier son Altesse Royale le Prince héritier Abdallah vice-gardien des deux Lieux Saints ; son Altesse Royale le Prince Sultan, vice-Premier ministre et ministre de la Défense et son Altesse Royale le Prince Saoud Al Faysal, ministre des Affaires étrangères pour l'accueil amical qu'ils ont bien voulu me réserver.
Nos relations, vous le savez, sont excellentes. Mes entretiens ont été denses et chaleureux. Il y a une grande communauté de vues entre la France et l'Arabie saoudite. Nos deux pays ont une histoire déjà ancienne. La France a été l'un des premiers pays a reconnaître le gouvernement du Roi Abdelaziz en 1926 et j'ai eu le plaisir de remettre au Prince héritier un message écrit du président de la République.
J'ai confirmé à mes interlocuteurs notre volonté de renforcer notre partenariat stratégique. C'est d'abord un dialogue politique nourri au plus haut niveau. Le président de la République y est particulièrement attaché comme en témoigne sa visite dans le Royaume en novembre dernier.
La présence des entreprises françaises et les investissements français doivent être développés. Nos entreprises, vous le savez, sont prêtes à participer aux grands projets de développement du Royaume dans les secteurs de l'énergie, de l'eau, des télécommunications, de l'électricité, des transports ferroviaires et je suis heureux d'avoir signé ce matin un accord de protection et de promotion des investissements. Il constitue une étape déterminante et une incitation appréciable pour les investisseurs français qui bénéficient désormais d'un cadre juridique stable et sûr dans le cadre de la politique d'ouverture et de développement qui est menée par le Royaume.
La coopération culturelle, scientifique et technique est partie intégrante de ce partenariat et elle couvre de très nombreux domaines, qu'il s'agisse de la formation professionnelle, des secteurs de pointe ou de la coopération universitaire.
Dans le contexte dramatique que vous connaissez, la situation au Proche-Orient a bien sûr été au cur de nos entretiens. L'influence du Royaume sur ce dossier est importante. Il est essentiel que l'Arabie continue à mettre tout son poids en faveur de la recherche d'une solution. J'ai rappelé, pour ma part, la position de la France qui rejoint très largement celle de l'Arabie saoudite. Il ne pourrait y avoir de paix, de sécurité dans la région que par une prise en compte de l'aspiration légitime du peuple palestinien à vivre libre dans un Etat viable, souverain, indépendant et pacifique.
Cette réalité doit conduire Israël à mettre fin à l'occupation et à reprendre le cours des négociations. Cette aspiration du peuple palestinien ne pourra être satisfaite que par la négociation. Le terrorisme prend en otage la région et n'a qu'un objectif : ruiner toute perspective de paix. Dans ce contexte, les réformes engagées par le Président Arafat, de même que la tenue d'élections sont nécessaires mais c'est aux Palestiniens et à eux seuls qu'il revient de désigner leurs représentants.
Surtout ces mesures doivent aller de pair avec la reprise d'un processus politique. Le processus politique est le seul à même de répondre aux espoirs des peuples de la région à une paix durable. La communauté internationale doit se mobiliser, c'est sa responsabilité, c'est ce qu'ont fait les pays arabes à l'occasion du Sommet de Beyrouth à l'initiative de l'Arabie saoudite. C'est aussi ce qu'a rappelé le président Bush dans son discours dont j'ai relevé les convergences avec les objectifs français et européens sur la création d'un Etat palestinien, sur la tenue d'élections, sur les réformes nécessaires.
L'action internationale doit s'appuyer sur le très large consensus qui existe, sur le point d'aboutissement nécessaire d'un processus de négociation. La création, aux côtés de l'Etat d'Israël reconnu par tous et pleinement intégré dans son environnement régional, d'un Etat palestinien viable sur la base de la frontière de 1967. C'est ce que l'Union européenne a pour sa part rappelé lors du Sommet de Séville.
Sur les autres questions - qu'il s'agisse de la sécurité régionale, de l'Iraq, des évolutions internes en Iran, de la situation entre l'Inde et le Pakistan, ou en Afghanistan - j'ai constaté que nous avions des préoccupations très proches et un attachement commun à des solutions pacifiques et au maintien de la stabilité.
S'agissant de la coopération avec la communauté internationale dans la lutte contre le terrorisme qui a déjà porté des fruits, j'ai marqué le souhait qu'elle se poursuive, se renforce. J'ai souligné auprès de mes interlocuteurs notre rejet de toute confusion entre le terrorisme et l'Islam ainsi que notre confiance dans la poursuite d'un dialogue intense entre les civilisations.
Q - Quelle est votre réaction à l'appel du président Bush à un renversement du président Arafat et aux autres propositions qu'il a exprimées ?
R - La France en ce qui la concerne a exprimé une très grande convergence d'objectifs avec la déclaration du président Bush, comme celle d'ailleurs de l'Union européenne en ce qui concerne le rejet du terrorisme, le soutien au processus de réformes et au principe des élections.
Mais il va de soi que si ces élections sont nécessaires - et le président Arafat, quand je l'ai vu hier, m'a annoncé sa volonté de les tenir au tout début de l'année prochaine pour les élections présidentielles et législatives et au mois de mars pour les élections municipales - il appartient au peuple palestinien lui-même de décider de ses représentants. Personne ne peut s'y substituer.
Q - Monsieur le Ministre. Depuis sa création Israël a montré qu'il ne respecte pas les résolutions du Conseil de sécurité. Que peut faire l'Union européenne ? Quel est son rôle vis-à-vis de ce discours mis en route et vis-à-vis du processus de paix ?
R - Je vous ai rappelé la convergence d'objectifs qui est la nôtre et le sentiment d'urgence que nous avons et qui est très largement partagé sur cette question du Proche-Orient. Pendant trop de décennies, on a appris à vivre avec cette crise en la qualifiant de régionale. Aujourd'hui, dans le monde de l'après 11 septembre, chacun comprend bien que dans un monde incertain, imprévisible, où les interactions, où les interdépendances sont très profondes, on ne peut pas s'accommoder de ce type de crises sans de grands dangers.
Et c'est donc la nécessité d'une volonté politique qui s'exprime aujourd'hui et avec laquelle nous nous retrouvons avec l'Arabie saoudite et la majorité de la communauté internationale. Nécessité au-delà des mesures de sécurité que chacun doit prendre vis à vis de ces peuples, bien évidemment d'avancer dans un espoir de paix qui puisse offrir une solution au désespoir que connaît aujourd'hui le peuple palestinien : l'humiliation, l'absence d'avenir. Il est très important donc de se mobiliser et d'essayer de convaincre.
La perspective aujourd'hui d'une avancée dans le domaine de la paix, les pas qui existent et qui sont proposés doivent être crédibilisés. Sur ce dossier comme dans beaucoup d'autres, il faut des résultats, sortir de la logique de la déclaration, de l'incantation, essayer d'avancer et de marquer des points de façon à convaincre chacune des parties, la communauté internationale, que cela est possible. C'est dans cet esprit très pragmatique qu'a été écrite la déclaration du Conseil européen de Séville, annonçant et avançant la nécessité des réformes, des élections. Il faut que chacune des parties prennent les décisions qui permettent de marquer clairement sa volonté d'une solution de paix. A partir de là, chacun prenant sa responsabilité, la communauté internationale pourra apprécier véritablement où sont les blocages, pourra dire que telle partie n'est pas suffisamment respectueuse de cet ensemble et c'est pour cela que le dialogue est si important au sein de cette communauté : dialogue avec les Américains, le Quartet, nécessité de trouver un cadre et un calendrier.
Dans l'esprit français, la conférence internationale, peut offrir ce cadre indispensable à condition bien sûr que les objectifs soient clairement définis, qu'on s'entende sur l'objectif final : c'est bien la création d'un Etat palestinien viable, souverain, pacifique ; à condition que l'on s'entende sur la nécessité de reconnaître à Israël sa sécurité dans les frontières sûres et reconnues.
La communauté internationale est à peu près d'accord. Il est donc important qu'un cadre - et la conférence internationale nous paraît appropriée -, un calendrier permettrait véritablement de rapprocher les points de vue et de prendre les décisions aujourd'hui indispensables. Il y a là une nécessité qui s'impose à nous. Nous avons peu de temps, chacun le voit bien : la situation est dramatique, elle peut demain devenir plus dramatique encore. Nous avons donc un devoir de vigilance et d'action qui s'impose à tous.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 juin 2002)