Déclaration de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie, devant la communauté française d'Egypte, sur les relations culturelles franco-égyptiennes, Le Caire, 23 juin 2002.

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Circonstance : Voyage officiel de M. Dominique Galouzeau de Villepin au Proche-Orient du 23 au 26 juin 2002

Texte intégral

Monsieur l'Ambassadeur,
Mesdames et Messieurs, Chers compatriotes,
C'est évidemment avec grand plaisir qu'à peine arrivé au Caire, je suis heureux de me trouver parmi vous. Je commence ici un déplacement, au Proche-Orient, dans une région qui est à la fois inquiète et troublée. La France, par son histoire, par ses liens très anciens avec cette région, par l'idée qu'elle se fait de son rôle dans le monde, se doit de faire tout ce qui est possible pour reprendre le dialogue et nourrir l'espoir d'un retour de la paix.
L'Egypte, chacun le sait bien, occupe une place déterminante dans cette région. Par son importance démographique, par son importance économique, par les contacts privilégiés qu'elle entretient avec tous les protagonistes et par le poids qui lui confère la sagesse de ses dirigeants. De même par son engagement au service de la paix depuis près d'un quart de siècle. L'Egypte, vous le savez mieux que quiconque est ici, dans cette région, une puissance-clé. C'est donc avec beaucoup d'intérêt mais aussi beaucoup d'estime que je viens m'entretenir avec les responsables de ce pays.
Vous avez fait, chers amis, le choix de vivre à l'étranger, de représenter la France, de défendre ses idées, de défendre ses couleurs et ce dans la diversité de vos activités. Ce choix, c'est aussi bien évidemment celui de la connaissance des autres, du dialogue des cultures et vous avez pu mesurer au fil des derniers mois, et en particulier depuis le 11 septembre, à quel point ce dialogue, cette connaissance des autres, ce partage, sont aujourd'hui d'actualité. En ces temps où les tentations de repli et d'exclusion sont fortes, nous avons besoin d'hommes et de femmes qui, comme vous, agissent chaque jour pour conjurer le vertige du repli sur soi. C'est ce même choix qu'une écrasante majorité de français vient de faire à l'occasion du second tour de l'élection présidentielle.
Mais le dialogue doit aussi se nourrir au quotidien de votre présence en Egypte et de celle des Egyptiens résidant en France. Nos relations économiques et culturelles, l'activité des associations, dont je tiens tout particulièrement à saluer ici les représentants y contribuent chaque jour.
La relation franco-égyptienne est ancienne, marquée par des noms prestigieux. Elle se définit à mes yeux par deux mots : le respect et l'affection. L'impressionnant legs de l'ancienne Egypte et la vitalité de l'Egypte contemporaine que vous côtoyez tous les jours, ne cessent de fasciner les Français. Ils ont d'ailleurs montré leur fidélité à l'Egypte en étant les premiers à revenir visiter ce pays après le choc du 11 septembre. De son côté, la France a été, pour bien des Egyptiens, le pays de référence lorsqu'il s'est agi de moderniser leur pays.
Aujourd'hui, notre présence économique et culturelle reste remarquable et ce grâce à tous ceux, à commencer par vous-mêmes, qui font vivre cette relation. Pourtant, dans ces domaines, rien n'est définitivement acquis, tout doit être confirmé par une action opiniâtre. Je sais combien vous vous engagez, quotidiennement, avec passion, pour que nos entreprises, notre langue, notre culture aient la place qu'elles méritent en Egypte. Les réalisations françaises dans le domaine des infrastructures de l'énergie et les exportations de biens de consommation, nous placent parmi les premiers partenaires économiques et financiers de ce pays.
Dans le domaine culturel, le projet majeur de création d'une université française en Egypte viendra, dès la rentrée prochaine, renforcer notre place dans la formation des élites égyptiennes. Je sais l'implication de beaucoup d'entre vous, de l'ambassadeur au premier chef, et de toutes les entreprises pour nourrir ce grand projet. Je tiens donc ici, à remercier les nombreuses entreprises françaises et égyptiennes qui ont soutenu cette belle idée, essentielle pour maintenir et développer le lien intellectuel et affectif si fort entre les Français et les Egyptiens. Ce lieu d'excellence sera le résultat d'un partenariat exemplaire avec les meilleures universités françaises, qui apporteront leur concours pour faire de cet établissement un centre de formation supérieure de niveau international, dont les diplômes seront reconnus dans toute l'Europe. Nous avons là un point d'appui incomparable pour poursuivre avec l'Egypte une relation de proximité culturelle vieille de plus de deux siècles.
L'éducation "à la française" reste, je m'en réjouis, une référence dans ce pays. Je veux ici rendre hommage aux enseignants qui, dans nos écoles ou en milieu égyptien, contribuent à maintenir cette éminente réputation. Je sais aussi que, tant au sein de la communauté française que chez nos amis égyptiens, la construction du nouveau lycée du Caire est très attendue, et je suis très heureux de vous dire que je prendrai le 27 juin, c'est à dire dès mon retour, une décision concernant le projet retenu à l'issue du concours lancé à ce sujet.
Je n'oublie évidemment pas le prestige de l'archéologie française en Egypte. Depuis Champollion, Mariette ou Maspero, la France, je dirais presque "normalement", tient la première place. Il y a un an, le professeur Lauer nous quittait, presque centenaire, avec toute une vie consacrée au site de Saqqarah. Après lui, la tradition se maintient au plus haut niveau, de Saqqarah à Alexandrie, de Louxor à Tanis. En France vous le constatez à votre tour, la passion de l'Egypte ne se dément pas. Voilà une valeur sûre, ancienne et moderne, de notre relation bilatérale constamment nourrie par vos efforts. Je suis heureux et fier de la permanence de l'excellence française dans ce domaine.
Mes chers compatriotes,
Ce premier voyage au Proche-Orient a lieu dans un moment grave, tragique même. On fait face à la spirale de la violence aveugle et de la répression brutale qui semblent se conjuguer pour empêcher que ce conflit puisse trouver une issue. Cette tragédie doit cesser. L'expérience des deux dernières années doit montrer que la poursuite de la confrontation ne pouvait mener nulle part. Seule une approche politique, aboutissant à une solution juste, établie sur le respect des droits de chacun, peut permettre de répondre aux aspirations des peuples de la région à une paix durable. Les Palestiniens savent qu'ils n'obtiendront pas la réalisation de leurs voeux si le droit d'Israël à vivre en sécurité n'est pas solidement et définitivement établi. Les Israéliens de leur côté savent que leur exigence légitime et fondamentale à la reconnaissance et à la sécurité ne pourra être satisfaite que par le respect des droits et des aspirations légitimes et fondamentaux de leurs voisins palestiniens.
L'Egypte et la France, les présidents Moubarak et Chirac, n'ont jamais cessé d'échanger leurs vues, très naturellement convergentes, et d'associer leurs actions pour que la coexistence des peuples de la région s'impose et que la paix s'installe. Nous allons poursuivre cette tâche, d'autant plus indispensable qu'elle est difficile. Je m'y emploierai naturellement au cours de mes entretiens dans la région et commencés évidemment au Caire. Nous devons redonner confiance aux Palestiniens, aux Israéliens et à tous ceux qui les entourent.
Pour terminer, je voudrais dire à chacun et chacune d'entre vous combien il est important que vous continuiez à incarner cette France qui va vers les autres, qui recherche la rencontre avec tous les peuples du Proche-Orient ; cette France qui doit être exemplaire pour rapprocher les cultures et les hommes dans cet espace méditerranéen où nous puisons nos racines ; cette France, enfin, qui exporte le meilleur de ses produits et de ses idées et qui joue son rôle naturel de carrefour des cultures.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 juin 2002)