Interview de M. Hervé Morin, président du groupe parlementaire UDF à l'Assemblée nationale, dans "France Soir" du 4 novembre 2002, sur l'activité parlementaire du groupe UDF, les relations entre l'UDF et l'UMP et sur l'action du gouvernement.

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Média : France soir

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Quel bilan tirez-vous de ces quatre mois à la tête du groupe UDF ?
Il y a quatre mois, tout le monde disait qu'on ne pèserait pas, qu'on existerait pas. Mais, finalement, entre les députés UMP qui ont une liberté de parole assez relative et les socialistes englués dans les débats internes, on nous entend beaucoup plus que les autres. Pour reprendre une phrase de Rudy Salles (député UDF des Alpes-Maritimes), ils ont le droit de ne rien dire et, au PS, on sait déjà ce qu'ils vont dire, tandis qu'à l'UDF, on est écouté car notre discours n'est pas convenu.
Vous avez subi de nombreux départs après les élections. Qu'est-ce que cela a changé pour vous ?
La plupart des notables sont partis, pas les militants. Il y a aujourd'hui une vraie cohésion au sein de l'UDF. Pendant la campagne présidentielle, il fallait se battre dans notre propre maison. C'est comme si, dans une équipe de foot, la moitié des joueurs cherchait à gagner contre son camp. Pour la première fois de l'histoire de l'UDF, nous sommes unis. Et il règne une ambiance " de copains " au sein du groupe qui se fait plaisir. A tel point que nous avons décidé de partir quatre jours à la montagne, fin janvier, pour allier détente et réflexion dans le cadre de journées parlementaires d'hiver.
Vous appartenez à la majorité et pourtant vous voulez conserver votre liberté de parole. N'est-ce pas difficile, dans ces conditions, de garder une ligne de conduite cohérente ?
Notre ligne de conduite, c'est d'avoir le courage de dire la vérité aux Français et de ne pas oublier le 21 avril. Le 21 avril n'exprimait pas qu'un besoin de sécurité, mais une volonté de changer les choses. Je crains que le politiquement correct ne revienne déjà. Or la politique ne retrouvera du crédit que si les Français ont le sentiment que droite et gauche, ce n'est pas la même chose. Il faut de la confrontation.
La société française a beaucoup évolué, mais la société politique, elle, est restée dans le même schéma depuis vingt ans. A l'UDF, nous serons des agitateurs d'idées et une force de proposition que notre positionnement politique nous permet et que nous sommes les seuls à avoir.
Comment jugez-vous l'action du gouvernement ?
Le gouvernement a fait le plus facile, en augmentant les moyens de la justice et de la police ou en diminuant les impôts, et il fallait le faire. Il lui faut désormais s'attaquer aux dossiers délicats et douloureux, comme les retraites ou la nécessaire réforme de l'Etat. On aurait pu utiliser ces six premiers mois pour s'occuper de ces dossiers. Le risque est grand que les perspectives électorales revenant, nous soyons ensuite en retrait, ce qui serait mortel pour la majorité et grave pour la France. Notre pays décline lentement mais sûrement ; il a besoin de réformes.
N'y a-t-il pas là le spectre de 1995, la peur de se mettre l'opinion à dos ?
Oui, c'est le syndrome Juppé. On l'a vu sur les 35 heures : il s'agissait, pour le gouvernement, de faire l'équilibre entre ceux qui ne voulaient toucher à rien et ceux qui voulaient toucher à tout. Mais la politique, ce n'est pas seulement rechercher l'équilibre entre des positions divergentes, mais proposer un cap pour le pays.
Quelles sont aujourd'hui les relations entre l'UMP et l'UDF ?
Le début fut très difficile : seul Nicolas Sarkozy nous a associés à ses projets et s'est rapproché de nous. Lui fait de la politique : son ambition ne s'arrête pas au ministère de l'Intérieur. Aujourd'hui, les relations se sont détendues et nous commençons à être beaucoup plus associés, ce qui nous satisfait.
Vous ne croyez pas à l'unité de l'UMP ?
L'UMP n'aura fait la preuve de son unité qu'avec l'instauration d'une procédure pour la nomination d'un candidat à la présidentielle. Si j'en crois les journaux, trois dirigeants de l'UMP pensent déjà à l'avenir, Juppé, Fillon, Sarkozy. L'unité de façade de la maison risque vite de se lézarder. De ce côté-là, l'UDF n'a pas de problème : nous avons avec François Bayrou, un seul leader.
Propos recueillis par Thomas de Rochechouart
(Source http://udf.org, le 5 novembre 2002)