Texte intégral
Madame, Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Mes chers confrères.
J'ai été très sensible à la demande que vous m'avez faite d'ouvrir les travaux de la première rencontre des services médicaux en milieu pénitentiaire, qui se tient ici aujourd'hui et demain. C'est une date importante, c'est un point de départ pour toute une pratique qui doit affirmer ses marques sa philosophie et définir ses ambitions ; c'est pourquoi, je vous remercie vivement de votre invitation.
Comment vous dire combien je suis heureux de me retrouver parmi vous ? J'ai partagé vos interrogations, j'ai participé à vos combats, me voici en votre compagnie. Parmi les pionniers des premières heures et parmi ceux, nombreux, qui vous ont rejoints médecins, infirmières et autres professionnels de santé pour vivre cette mission fondamentale qui consiste à faire vivre le principe qui, plus qu'un principe de citoyenneté est celui de l'égale dignité de tous les êtres humains. Mais c'est un principe que toute démocratie se doit d'affirmer et de revendiquer. A l'évidence le droit aux soins, à la prévention à l'éducation à la santé sans discrimination est un élément majeur de la cohésion sociale et le gouvernement a l'ambition de le réaffirmer et de l'assurer dans le quotidien de chacun.
Nombreux sont ceux qui avaient compris très tôt l'enjeu d'assurer des soins de qualité en milieu pénitentiaire. Le rapport du professeur Marc Gentilini sur : "Les infections à VIH, hépatites, toxicomanies dans les établissements pénitentiaires et état d'avancement de l'application de la loi du 18 janvier 1994 " en témoigne. Je me suis également laissé dire que la réunion que nous avions tenue, les anciens s'en souviennent peut-être, à la Faculté de médecine rue des Saints Pères en mars 1993 avait été déterminante pour la genèse de la réforme.
Je mesure également l'importance que revêt pour chacun d'entre vous cette première rencontre qui vous permet de dialoguer, d'échanger, de vous aider mutuellement, car je devine que la mise en place des UCSA, au sein des prisons, ne s'est pas faite sans difficulté et ne se vit pas comme un long fleuve tranquille. Cela permet en tout cas de revendiquer votre identité et d'attirer l'attention sur vos contraintes.
Trois ans, deux mois, et deux jours après la publication de la loi du 18 janvier 1994. je mesure le chemin que vous avez déjà parcouru, en coopération avec les personnels de l'administration pénitentiaire et dans un dialogue que vous souhaitez le plus confiant possible avec chacun des détenus. Je mesure également la force de votre engagement et de votre volonté de réussir cette ambitieuse reforme qui est à la fois conforme à nos principes éthiques et aux enjeux d'une véritable santé publique que nous appelons de tous nos vux.
Au cours de ces deux journées vous proposez quatre thèmes de réflexion : un bilan de fonctionnement à un an, l'épidémiologie médicale et dentaire, avec la participation des dentistes du programme 13.000, la prescription des anxiolytiques et des neuroleptiques et le secret médical en prison. En conclusion, les modalités d'éducation pour la santé seront débattues:
Ces perspectives ouvriront ainsi la porte comme vous le souhaitez, à un prochain congrès que vous envisagez de centrer sur les hépatites virales, l'éducation sur la santé et la prise en charge des auteurs de crimes sexuels.
Parce que je sais combien les infirmières sont proches des patients, je me réjouis qu'un colloque infirmier se déroule parallèlement. C'est juste et légitime, compte tenu de l'environnement. Le thème retenu : " les protocoles infirmiers applicables en prison " mérite à juste titre toute notre attention.
En ouvrant ces journées, je souhaite évoquer le secret médical, thème qui sera l'objet d'une table ronde durant cette matinée. Mieux que personne vous savez que le secret médical est destiné à protéger non le médecin mais le patient. C'est singulièrement vrai en milieu pénitentiaire où cette question se pose de manière spécifique. On a glosé sans fin sur la relation médecin malade en environnement carcéral. S'agit-il d'un détenu malade ou d'un malade détenu ? Bien entendu, ceci est une fausse question, chaque médecin sait que le colloque singulier reste intangible quel que soit le cadre.
Des détenus sont parfois enclins - tout comme chacun d'entre nous à révéler eux-mêmes la réalité de leur maladie. Ils communiquent ainsi des informations à leurs compagnons, aux magistrats, aux personnels de surveillance et aux visiteurs de prison.
Avec la surpopulation pénale, il est bien difficile, en effet, de ne pas faire état directement ou indirectement de sa maladie. Les détenus ne parlant pas français doivent être assistés pour transmettre leur demande écrite de soin, tout comme les détenus illettrés. Une consultation médicale nécessite alors la présence d'un médiateur lié par le secret professionnel et il faut qu'on le lui dise.
Il arrive, et pas seulement pour un impératif de sécurité, que les consultations se déroulent en présence des surveillants. Ceux-ci doivent savoir, eux aussi, qu'ils sont soumis au secret professionnel. Alors, et ce sera peut-être un des thèmes de discussion, secret médical et secret professionnel : Quels sont les territoires d'ombres qui se recoupent ? Peut-on partager un secret de cet ordre et sinon comment peut-on contourner la difficulté ? Quoiqu'il en soit, " le secret médical n'a aucune raison d'être moins respecté en milieu pénitentiaire ", cela on peut le lire dans le rapport sur les aspects déontologiques du secret médical en milieu pénitentiaire du Conseil national de l'Ordre des médecins, publié en 1996. En cas de partage d'un secret, par exemple avec le juge d'application des peines, l'accord du patient est à solliciter au préalable. Plus généralement, dans le cas où des personnels autres que soignants sont amenés à connaître une information d'ordre médical, il fait rappeler que le concept de secret professionnel est intangible et s'impose à tous.
La continuité de la prise en charge entre l'avant-détention et l'après-détention, combien indispensable, ne saurait être un motif pour transgresser le secret médical. Le relais doit s'établir entre médecins quel que soit le lieu d'accueil et le type de soins, somatiques ou psychiatriques. J'avoue que ces procédures sont à éclaircir.
Le secret médical doit s'appliquer en prison comme ailleurs. Avec la même volonté, avec la même complexité. Dans la communication qu'il a faite lors de l'élaboration du rapport de mars 1994 sur le secret médical, le professeur Guy Nicolas, rapporteur général du Haut Comité de la santé publique, concluait ainsi : " Vouloir concilier la rigueur du secret médical et les besoins de la santé publique peut apparaître comme une gageure et pourtant chacune des deux composantes du dilemme poursuit le même but, l'intérêt du malade. C'est donc à cet intérêt et à lui seul qu'il faut s'attacher pour lever les obstacles dont certains sont quasi idéologiques. Appliquer sans nuance un secret médical absolu, c'est porter inutilement préjudice au malade en le privant par exemple du bénéfice de la législation sociale. Vouloir établir une cloison étanche entre les secteurs administratifs et médicaux dans les établissements de soins ou de protection sociale est totalement illusoire. "
Cette observation fait écho à la réflexion qu'exprimait M. Marceau Long pour le 3e Congrès international d'éthique médicale en mars 1991 : " Le secret médical doit demeurer une garantie fondamentale pour le patient et le médecin, mais l'intérêt général de la santé publique ne doit pas permettre qu'il soit le refuge derrière lequel on s'abrite alors que le respect de la personne n'est pas véritablement en cause "
La loi, la déontologie médicale et notre éthique imposent de respecter le secret médical. En milieu pénitentiaire, des mesures simples devraient permettre de mieux le garantir. Par exemple, fournir aux détenus des enveloppes à destination du service médical et convenir qu'elles ne pourront être ouvertes que par un médecin ; informer les détenus que les documents médicaux ne sont accessibles qu'au personnel soignant ; s'assurer enfin que les programmes de formation initiale et continue des personnels de l'administration pénitentiaire fassent référence à la notion de secret médical et au respect du secret professionnel.
Telles sont les réflexions que je souhaitais exprimer sur ce thème majeur de l'exercice médical. Avant de terminer mon propos, je voudrais vous rendre hommage, pour ce que vous faites, pour ce que font les infirmières au plus près, ici et ailleurs, des patients. Je rends également hommage aux personnels de l'administration pénitentiaire pour leur adaptation. Pour eux également, la mise en uvre de la loi de janvier 1994 constitue une révolution dans le fonctionnement de leur service.
Mon souhait le plus vif est que, par son excellence et son humanisme, l'organisation de la santé en milieu pénitentiaire contribue à convaincre les détenus qu'ils sont écoutés et à les aider à avoir foi en eux et à participer à leur propre réinsertion. Tout ce que vous ferez sera relayé. Vous avez eu la tâche exaltante de définir un domaine médical qui doit affirmer comme tous les autres champs de la pratique sanitaire, sa technicité, sa grandeur, ses contraintes, mais surtout sa mission dans toute son étendue.
Pour tout ce que vous faites en ce sens, merci.
Mesdames, Messieurs,
Mes chers confrères.
J'ai été très sensible à la demande que vous m'avez faite d'ouvrir les travaux de la première rencontre des services médicaux en milieu pénitentiaire, qui se tient ici aujourd'hui et demain. C'est une date importante, c'est un point de départ pour toute une pratique qui doit affirmer ses marques sa philosophie et définir ses ambitions ; c'est pourquoi, je vous remercie vivement de votre invitation.
Comment vous dire combien je suis heureux de me retrouver parmi vous ? J'ai partagé vos interrogations, j'ai participé à vos combats, me voici en votre compagnie. Parmi les pionniers des premières heures et parmi ceux, nombreux, qui vous ont rejoints médecins, infirmières et autres professionnels de santé pour vivre cette mission fondamentale qui consiste à faire vivre le principe qui, plus qu'un principe de citoyenneté est celui de l'égale dignité de tous les êtres humains. Mais c'est un principe que toute démocratie se doit d'affirmer et de revendiquer. A l'évidence le droit aux soins, à la prévention à l'éducation à la santé sans discrimination est un élément majeur de la cohésion sociale et le gouvernement a l'ambition de le réaffirmer et de l'assurer dans le quotidien de chacun.
Nombreux sont ceux qui avaient compris très tôt l'enjeu d'assurer des soins de qualité en milieu pénitentiaire. Le rapport du professeur Marc Gentilini sur : "Les infections à VIH, hépatites, toxicomanies dans les établissements pénitentiaires et état d'avancement de l'application de la loi du 18 janvier 1994 " en témoigne. Je me suis également laissé dire que la réunion que nous avions tenue, les anciens s'en souviennent peut-être, à la Faculté de médecine rue des Saints Pères en mars 1993 avait été déterminante pour la genèse de la réforme.
Je mesure également l'importance que revêt pour chacun d'entre vous cette première rencontre qui vous permet de dialoguer, d'échanger, de vous aider mutuellement, car je devine que la mise en place des UCSA, au sein des prisons, ne s'est pas faite sans difficulté et ne se vit pas comme un long fleuve tranquille. Cela permet en tout cas de revendiquer votre identité et d'attirer l'attention sur vos contraintes.
Trois ans, deux mois, et deux jours après la publication de la loi du 18 janvier 1994. je mesure le chemin que vous avez déjà parcouru, en coopération avec les personnels de l'administration pénitentiaire et dans un dialogue que vous souhaitez le plus confiant possible avec chacun des détenus. Je mesure également la force de votre engagement et de votre volonté de réussir cette ambitieuse reforme qui est à la fois conforme à nos principes éthiques et aux enjeux d'une véritable santé publique que nous appelons de tous nos vux.
Au cours de ces deux journées vous proposez quatre thèmes de réflexion : un bilan de fonctionnement à un an, l'épidémiologie médicale et dentaire, avec la participation des dentistes du programme 13.000, la prescription des anxiolytiques et des neuroleptiques et le secret médical en prison. En conclusion, les modalités d'éducation pour la santé seront débattues:
Ces perspectives ouvriront ainsi la porte comme vous le souhaitez, à un prochain congrès que vous envisagez de centrer sur les hépatites virales, l'éducation sur la santé et la prise en charge des auteurs de crimes sexuels.
Parce que je sais combien les infirmières sont proches des patients, je me réjouis qu'un colloque infirmier se déroule parallèlement. C'est juste et légitime, compte tenu de l'environnement. Le thème retenu : " les protocoles infirmiers applicables en prison " mérite à juste titre toute notre attention.
En ouvrant ces journées, je souhaite évoquer le secret médical, thème qui sera l'objet d'une table ronde durant cette matinée. Mieux que personne vous savez que le secret médical est destiné à protéger non le médecin mais le patient. C'est singulièrement vrai en milieu pénitentiaire où cette question se pose de manière spécifique. On a glosé sans fin sur la relation médecin malade en environnement carcéral. S'agit-il d'un détenu malade ou d'un malade détenu ? Bien entendu, ceci est une fausse question, chaque médecin sait que le colloque singulier reste intangible quel que soit le cadre.
Des détenus sont parfois enclins - tout comme chacun d'entre nous à révéler eux-mêmes la réalité de leur maladie. Ils communiquent ainsi des informations à leurs compagnons, aux magistrats, aux personnels de surveillance et aux visiteurs de prison.
Avec la surpopulation pénale, il est bien difficile, en effet, de ne pas faire état directement ou indirectement de sa maladie. Les détenus ne parlant pas français doivent être assistés pour transmettre leur demande écrite de soin, tout comme les détenus illettrés. Une consultation médicale nécessite alors la présence d'un médiateur lié par le secret professionnel et il faut qu'on le lui dise.
Il arrive, et pas seulement pour un impératif de sécurité, que les consultations se déroulent en présence des surveillants. Ceux-ci doivent savoir, eux aussi, qu'ils sont soumis au secret professionnel. Alors, et ce sera peut-être un des thèmes de discussion, secret médical et secret professionnel : Quels sont les territoires d'ombres qui se recoupent ? Peut-on partager un secret de cet ordre et sinon comment peut-on contourner la difficulté ? Quoiqu'il en soit, " le secret médical n'a aucune raison d'être moins respecté en milieu pénitentiaire ", cela on peut le lire dans le rapport sur les aspects déontologiques du secret médical en milieu pénitentiaire du Conseil national de l'Ordre des médecins, publié en 1996. En cas de partage d'un secret, par exemple avec le juge d'application des peines, l'accord du patient est à solliciter au préalable. Plus généralement, dans le cas où des personnels autres que soignants sont amenés à connaître une information d'ordre médical, il fait rappeler que le concept de secret professionnel est intangible et s'impose à tous.
La continuité de la prise en charge entre l'avant-détention et l'après-détention, combien indispensable, ne saurait être un motif pour transgresser le secret médical. Le relais doit s'établir entre médecins quel que soit le lieu d'accueil et le type de soins, somatiques ou psychiatriques. J'avoue que ces procédures sont à éclaircir.
Le secret médical doit s'appliquer en prison comme ailleurs. Avec la même volonté, avec la même complexité. Dans la communication qu'il a faite lors de l'élaboration du rapport de mars 1994 sur le secret médical, le professeur Guy Nicolas, rapporteur général du Haut Comité de la santé publique, concluait ainsi : " Vouloir concilier la rigueur du secret médical et les besoins de la santé publique peut apparaître comme une gageure et pourtant chacune des deux composantes du dilemme poursuit le même but, l'intérêt du malade. C'est donc à cet intérêt et à lui seul qu'il faut s'attacher pour lever les obstacles dont certains sont quasi idéologiques. Appliquer sans nuance un secret médical absolu, c'est porter inutilement préjudice au malade en le privant par exemple du bénéfice de la législation sociale. Vouloir établir une cloison étanche entre les secteurs administratifs et médicaux dans les établissements de soins ou de protection sociale est totalement illusoire. "
Cette observation fait écho à la réflexion qu'exprimait M. Marceau Long pour le 3e Congrès international d'éthique médicale en mars 1991 : " Le secret médical doit demeurer une garantie fondamentale pour le patient et le médecin, mais l'intérêt général de la santé publique ne doit pas permettre qu'il soit le refuge derrière lequel on s'abrite alors que le respect de la personne n'est pas véritablement en cause "
La loi, la déontologie médicale et notre éthique imposent de respecter le secret médical. En milieu pénitentiaire, des mesures simples devraient permettre de mieux le garantir. Par exemple, fournir aux détenus des enveloppes à destination du service médical et convenir qu'elles ne pourront être ouvertes que par un médecin ; informer les détenus que les documents médicaux ne sont accessibles qu'au personnel soignant ; s'assurer enfin que les programmes de formation initiale et continue des personnels de l'administration pénitentiaire fassent référence à la notion de secret médical et au respect du secret professionnel.
Telles sont les réflexions que je souhaitais exprimer sur ce thème majeur de l'exercice médical. Avant de terminer mon propos, je voudrais vous rendre hommage, pour ce que vous faites, pour ce que font les infirmières au plus près, ici et ailleurs, des patients. Je rends également hommage aux personnels de l'administration pénitentiaire pour leur adaptation. Pour eux également, la mise en uvre de la loi de janvier 1994 constitue une révolution dans le fonctionnement de leur service.
Mon souhait le plus vif est que, par son excellence et son humanisme, l'organisation de la santé en milieu pénitentiaire contribue à convaincre les détenus qu'ils sont écoutés et à les aider à avoir foi en eux et à participer à leur propre réinsertion. Tout ce que vous ferez sera relayé. Vous avez eu la tâche exaltante de définir un domaine médical qui doit affirmer comme tous les autres champs de la pratique sanitaire, sa technicité, sa grandeur, ses contraintes, mais surtout sa mission dans toute son étendue.
Pour tout ce que vous faites en ce sens, merci.