Texte intégral
(Editorial du 3 septembre 1999)
Depuis plusieurs jours, c'était à qui, parmi les dirigeants du Parti Socialiste, discuterait de ce que pourrait faire le gouvernement avec des rentrées fiscales qui, paraît-il, dépassent les prévisions. Jospin a tranché, le gouvernement diminuera les impôts ! Et toute la presse a repris ce refrain, sans dénoncer la façon scandaleuse dont ce sera fait, et surtout sans dénoncer le fait que Jospin ment.
Ceux des travailleurs qui s'attendent à de bonnes surprises sur leurs feuilles d'impôts seront déçus. Ce ne sont pas leurs impôts qui seront diminués, lorsque le gouvernement diminuera les impôts sur le revenu, mais ceux des " classes moyennes ".
Il est question de diminuer la TVA, mais pas la TVA sur les produits de consommation, uniquement celle sur les travaux d'amélioration et de transformation des locaux d'habitation. Cette diminution ne concernera évidemment pas le travailleur refaisant ses papiers peints lui-même. Et combien y aura-il de travailleurs, de salariés, qui auront les moyens de transformer leur logement, s'ils en ont un, même si une TVA de 5,5 % au lieu de 20,6 % diminue la facture de l'entreprise qui ferait ces travaux ? Par contre ce sera un vrai cadeau pour les bourgeois qui moderniseront leurs appartements et leurs villas de luxe en les transformant, ce qu'ils auraient fait de toute façon.
Par ailleurs, Jospin a déclaré qu'il fallait faire de la lutte contre le chômage le grand objectif des dix ans qui viennent. C'est-à-dire que les chômeurs d'aujourd'hui devraient se consoler en songeant qu'en 2010, si Jospin tient ses promesses, le chômage aura substantiellement diminué.
Cette allusion à la première décennie du XXIe siècle n'est évidemment pas un hasard. Jospin est pratiquement assuré d'être Premier ministre jusqu'à la fin de la législature, c'est-à-dire jusqu'en 2002. Et ce qu'il vise à présent, c'est l'élection présidentielle, en 2002 aussi, en disant dès maintenant qu'on doit lui faire confiance et patienter encore jusqu'en 2010. Mais quelles raisons les travailleurs auraient-ils d'attendre, pour voir le gouvernement s'attaquer réellement au problème du chômage ?
Si le gouvernement avait voulu le faire, il l'aurait pu depuis longtemps. Ce ne sont pas les emplois utiles à créer qui manquent dans les transports en commun, dans l'enseignement, dans les hôpitaux, et plus généralement dans tous les services publics. Et le véritable scandale c'est que les rentrées fiscales supplémentaires ne vont pas servir à créer de tels emplois. Cet argent servira une fois de plus à distribuer des cadeaux aux plus riches. Et le patronat se voit offrir, en plus, des activités lucratives qui devraient relever des services publics, comme les cantines scolaires, le nettoyage des hôpitaux et des gares, ou le ramassage des ordures ménagères.
Bien évidemment, ces entreprises sont avant tout soucieuses de faire des bénéfices - on nous dit que c'est " la loi du marché " - et elles tentent de faire assurer ces tâches avec le moins de personnel et aux salaires les plus bas. La grève des éboueurs marseillais est, après beaucoup d'autres, l'un des témoignages de cette situation.
Dominique Strauss-Kahn, qui avait sans doute un peu abusé des cocktails, aurait entonné, d'après la presse, l'Internationale lors de cette " université d'été " du Parti Socialiste. Il est vrai qu'il est bien placé pour savoir, en tant que ministre de l'Économie et des Finances, que les paroles de l'Internationale, comme " l'État opprime et la loi triche ", et " l'impôt saigne le malheureux ", sont toujours justes un siècle après avoir été écrites. Mais les travailleurs n'ont vraiment rien à attendre des gens qui sont socialistes en chansons, et défenseurs des pires tares du système capitaliste dans leurs actions de tous les jours.
Ils doivent par contre tourner le dos à ceux qui leur parlent des " lois du marché ", qui ne sont que des lois artificielles faites pour qu'une minorité s'enrichisse en appauvrissant la majorité de la population.
(Editorial du 10 septembre 1999)
En ces jours de rentrée scolaire, les ministres concernés sont contents d'eux. A les entendre, tout va pour le mieux dans la meilleure des Éducations nationales : il y aurait globalement moins d'élèves pour le même nombre d'enseignants, les classes seraient moins chargées. Claude Allègre et Ségolène Royal se relayent à la télévision pour vanter des mesures comme l'aide individualisée aux élèves en difficultés ou la remise à niveau, et pour les présenter comme un pas important vers " l'égalité des chances " en matière d'éducation.
Ces gens-là n'ont aucune pudeur ! Comment oser parler " d'égalité des chances ", même sur le plan strictement scolaire ? Les discours sur le " nombre moyen d'élèves " par classe ne changent rien aux classes surchargées dans les écoles des quartiers populaires, là où justement il faudrait des classes à l'effectif réduit pour assurer un enseignement et pas du gardiennage ! Ils ne changent rien à l'inadaptation de ces véritables casernes surpeuplées que sont les collèges et les lycées de banlieue. Ils ne changent rien aux fermetures de classes dans les écoles de campagne, obligeant les élèves à se déplacer vers l'école d'une autre commune plus ou moins éloignée. Ils ne changent rien à l'insuffisance de matériel et au délabrement, souvent, des bâtiments eux-mêmes.
L'année passée a été marquée par des mouvements de protestation des enseignants des banlieues populaires revendiquant des moyens et du personnel supplémentaires. L'Education nationale manque cruellement de personnel et pas seulement d'enseignants, mais aussi de personnel technique, d'assistantes, d'infirmières. C'est un comble lorsqu'il y a tant de chômeurs ! Tous les ans, des milliers de jeunes diplômés, souvent ceux justement qui sont issus des milieux populaires, ne trouvent pas de place dans l'enseignement ou seulement une place de vacataire mal payé.
En embauchant le personnel nécessaire, l'Etat diminuerait le chômage en même temps qu'il se donnerait les moyens d'assurer une éducation digne de ce nom, même pour les enfants des couches sociales les plus défavorisées. Mais ce n'est pas le choix qu'il fait. Il préfère dépenser des centaines de milliards en subventions et aides au patronat. Rien que la deuxième loi Martine Aubry - cette loi qui donne des armes supplémentaires au patronat contre les travailleurs - coûtera 120 milliards de francs de plus à l'Etat ! " L'aide publique " sera offerte à tout patron qui daignera signer un accord sur les 35 heures sans même la moindre obligation de créer des emplois !
Voilà pourquoi il n'y a pas d'argent pour créer les emplois qui manquent dans l'Education nationale ; pas plus qu'il n'y en a pour en créer dans les hôpitaux, dans les transports, dans les services publics indispensables. Au lieu d'augmenter le nombre d'enseignants, le gouvernement réduit les programmes, c'est-à-dire offre un enseignement au rabais pour les enfants des classes populaires, pour la jeunesse ouvrière. Les enfants de riches, même ceux qui n'ont pas la capacité d'accéder aux meilleurs lycées, ont toujours la ressource des écoles privées ou des cours particuliers.
Et puis, il faut un sacré toupet aux ministres du gouvernement socialiste pour parler " d'égalité des chances ", lorsqu'il y a trois millions de chômeurs dans ce pays et lorsque deux autres millions, au bas mot, survivent avec un travail et un salaire précaires. Combien d'enfants de milieu populaire non seulement ne peuvent pas trouver chez eux un environnement leur permettant d'apprendre, mais ont du mal même à être nourris chaque jour convenablement ? Et la rentrée scolaire représente une charge financière difficile pour cette majorité de salariés qui gagnent à peine plus que le Smic.
L'école ne guérit pas les maux de la société, au mieux elle les reflète mais, dans la réalité, elle les accentue. Les discours mensongers des ministres ne réduisent pas l'inégalité criante entre les chances respectives d'un enfant de travailleur et un enfant des classes aisées. Ils ne sont destinés qu'à les dissimuler.
(Editorial du 17 septembre 1999)
Edouard Michelin a donc pris la scandaleuse décision de supprimer 7 500 postes dans ses différentes usines, soit 10 % des effectifs totaux, alors que son entreprise a fait des milliards de bénéfice rien qu'au premier semestre 1999.
Il y a 10 ou 15 ans, on nous disait que les travailleurs devaient se sacrifier car les entreprises arrivaient à peine à survivre. Aujourd'hui ce ne sont que communiqués annonçant des bénéfices en augmentation d'une année sur l'autre, voire d'un trimestre sur l'autre, et des envolées à la Bourse du prix des actions industrielles et commerciales.
On nous dit que tout cela est une aberration du capitalisme, une forme inhumaine mais récente. Ce ne serait plus le bon capitalisme, le capitalisme libéral d'antan, mais le capitalisme ultra-libéral et sauvage. Ce ne serait plus le capitalisme familial, mais le capitalisme des actionnaires (pourtant là, il s'agit bien de la famille Michelin comme ailleurs de la famille Peugeot, de la famille Pierre Fabre ou de la famille Bouygues, etc.). Ce ne serait plus le capitalisme hexagonal mais la mondialisation et, aujourd'hui, tout serait de la faute de ces capitaux fluctuants qui achètent celles des actions qui assurent des profits immédiats et revendent les autres au plus vite.
On accuse en particulier les fonds de pension américains où les cadres salariés américains cotisent toute leur vie pour bénéficier d'une retraite l'âge venu. Et l'on nous dit que " les retraités américains " veulent le plus d'argent possible. Comme si ces fonds étaient gérés par les retraités eux-mêmes et non par d'énormes banques ou compagnies d'assurances !
Et certains vont même jusqu'à nous dire, comme Chirac et sans doute bientôt Jospin, que ce qu'il faut c'est faire aussi des fonds de pension en France. C'est-à-dire augmenter ces capitaux qui iront alimenter encore plus la spéculation boursière et permettront à des Michelin de dire " c'est le marché qui m'oblige à licencier ". Autrement dit on nous propose d'éteindre un incendie avec de l'essence.
La décision de Michelin a cependant provoqué un plus grand scandale que bien d'autres qui l'avaient précédée, sauf peut-être la fermeture de l'usine Renault de Vilvorde.
Alors Jospin se dit préoccupé et Robert Hue retrouve des accents combatifs dont la fête de L'Humanité n'avait pas résonné depuis bien longtemps. Robert Hue propose un " moratoire " avant tout licenciement et de supprimer les subventions aux entreprises qui n'embauchent pas. Mais est-ce qu'un moratoire signifie qu'on attendra quelques semaines avant de procéder aux licenciements, mais qu'on les fera quand même ? Évidemment, car ni Robert Hue ni le gouvernement ne se donnent les moyens de s'opposer aux ukases des grands capitalistes. Quand les capitalistes réduisent à la misère des milliers de familles, c'est la démocratie. Quand on revendique que la population ait un droit de regard sur la comptabilité des grandes entreprises afin de ne pas les laisser libres de disposer sans contrôle de leurs bénéfices, ce serait de la dictature. C'est le monde à l'envers, la dictature du capitalisme serait, selon ces gens-là, la liberté... mais le contrôle démocratique de la population sur leurs agissements serait la dictature !
Le PCF propose à tous les partis de gauche une manifestation contre le chômage. Lutte Ouvrière y participera en espérant que ce sera aussi contre les licenciements et pour le contrôle sur les finances des grandes entreprises.
Il est évident qu'une telle manifestation nationale, accompagnée d'une grève générale nationale, de 24 heures, serait un premier pas pour engager une contre-offensive des travailleurs contre les diktats du patronat.
Ce serait un premier pas pour redonner confiance aux travailleurs dans leur force et dans leurs luttes. On verrait alors les Michelin, les Seillière, les Peugeot et autres dictateurs de la finance, bien forcés de se montrer un peu plus ouverts aux revendications des travailleurs.
(Editorial du 24 septembre 1999)
Après la scandaleuse décision de Michelin de supprimer 7 500 postes dans ses usines malgré des bénéfices en hausse, c'est au tour de Daewoo d'envisager des suppressions d'emplois et peut-être la fermeture de ses usines de Lorraine. Enfin, le PDG du nouveau trust pétrolier issu de la fusion de Total et d'Elf, s'il promet qu'il n'y aura pas de " licenciements secs ", annonce déjà des suppressions d'emplois.
Maintenant qu'il s'agit de licencier, Daewoo invoque les lois du marché. Mais l'entreprise n'avait jamais refusé, au nom des lois du marché, les subventions, les cadeaux fiscaux ! Elle n'a pas refusé un seul centime des centaines de millions accordés sur les finances publiques par le département, par la région, par les institutions européennes ! Et aucun des hommes politiques qui se sont vantés à l'époque d'avoir obtenu des créations d'emplois, grâce à ces millions généreusement distribués, n'exige aujourd'hui que ces sommes soient remboursées.
L'annonce provocante de Michelin qui a entraîné immédiatement la hausse à la Bourse des actions de l'entreprise résume l'attitude du grand patronat dans son ensemble. Mais contrairement à d'autres, elle a fait scandale, au point de faire réagir Jospin lui-même.
Mais il y a de quoi être indigné du cynisme avec lequel le chef du gouvernement s'est défaussé de ses responsabilités.
Le gouvernement aurait le pouvoir d'interdire les licenciements destinés à satisfaire les marchés financiers. C'est la volonté politique qui lui manque. Ne pas intervenir de façon autoritaire contre les patrons qui choisissent de pousser des milliers de familles ouvrières vers la misère, alors que leurs bénéfices suffiraient largement à maintenir tous les emplois, est aussi un choix. C'est le choix de favoriser encore plus les riches actionnaires au détriment des travailleurs et des chômeurs.
Il y a cependant une chose à retenir de la déclaration hypocrite de Jospin qui, dans son intervention télévisée, a fait mine de souhaiter une réaction des travailleurs. Puisque le gouvernement proclame lui-même son incapacité de réagir aux diktats du patronat, ce sera aux travailleurs d'imposer les mesures indispensables pour arrêter le désastre.
Les syndicats de chez Michelin ont organisé des manifestations mardi 21 septembre. Il est question de manifestations syndicales pour le début d'octobre. Le Parti Communiste a proposé, par la voix de Robert Hue à la fête de L'Humanité, l'organisation d'une grande manifestation d'organisations politiques.
Les militants de Lutte Ouvrière participeront à toutes ces manifestations car il est de l'intérêt du monde du travail qu'elles soient assez massives pour montrer que les travailleurs et les chômeurs en ont assez de recevoir des coups de la part du patronat et du gouvernement et qu'ils pourront bien commencer à les rendre !
Mais il ne s'agit pas seulement d'imposer un " moratoire " sur les licenciements qui ne ferait que repousser les délais pour les travailleurs menacés. Il faut les interdire sous peine d'expropriation au moins dans toutes les entreprises qui font du profit. Comme il faut imposer la reconnaissance du droit de contrôle des travailleurs et de la population sur les comptes et sur la gestion des grandes entreprises. Il est inacceptable que les groupes financiers aient le monopole de décisions qui affectent la vie de centaines ou de milliers de travailleurs et qui peuvent ruiner toute une région !
Mais ces manifestations n'impressionneront le patronat que si elles ne sont pas sans lendemain. Il faut qu'elles annoncent d'autres étapes, d'autres manifestations, accompagnées de grèves nationales, jusqu'à ce que l'ensemble des travailleurs retrouve confiance dans la lutte. Les travailleurs ont la force collective de faire reculer le patronat. Il faut qu'ils s'en servent !
(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 30 août 2005)
Depuis plusieurs jours, c'était à qui, parmi les dirigeants du Parti Socialiste, discuterait de ce que pourrait faire le gouvernement avec des rentrées fiscales qui, paraît-il, dépassent les prévisions. Jospin a tranché, le gouvernement diminuera les impôts ! Et toute la presse a repris ce refrain, sans dénoncer la façon scandaleuse dont ce sera fait, et surtout sans dénoncer le fait que Jospin ment.
Ceux des travailleurs qui s'attendent à de bonnes surprises sur leurs feuilles d'impôts seront déçus. Ce ne sont pas leurs impôts qui seront diminués, lorsque le gouvernement diminuera les impôts sur le revenu, mais ceux des " classes moyennes ".
Il est question de diminuer la TVA, mais pas la TVA sur les produits de consommation, uniquement celle sur les travaux d'amélioration et de transformation des locaux d'habitation. Cette diminution ne concernera évidemment pas le travailleur refaisant ses papiers peints lui-même. Et combien y aura-il de travailleurs, de salariés, qui auront les moyens de transformer leur logement, s'ils en ont un, même si une TVA de 5,5 % au lieu de 20,6 % diminue la facture de l'entreprise qui ferait ces travaux ? Par contre ce sera un vrai cadeau pour les bourgeois qui moderniseront leurs appartements et leurs villas de luxe en les transformant, ce qu'ils auraient fait de toute façon.
Par ailleurs, Jospin a déclaré qu'il fallait faire de la lutte contre le chômage le grand objectif des dix ans qui viennent. C'est-à-dire que les chômeurs d'aujourd'hui devraient se consoler en songeant qu'en 2010, si Jospin tient ses promesses, le chômage aura substantiellement diminué.
Cette allusion à la première décennie du XXIe siècle n'est évidemment pas un hasard. Jospin est pratiquement assuré d'être Premier ministre jusqu'à la fin de la législature, c'est-à-dire jusqu'en 2002. Et ce qu'il vise à présent, c'est l'élection présidentielle, en 2002 aussi, en disant dès maintenant qu'on doit lui faire confiance et patienter encore jusqu'en 2010. Mais quelles raisons les travailleurs auraient-ils d'attendre, pour voir le gouvernement s'attaquer réellement au problème du chômage ?
Si le gouvernement avait voulu le faire, il l'aurait pu depuis longtemps. Ce ne sont pas les emplois utiles à créer qui manquent dans les transports en commun, dans l'enseignement, dans les hôpitaux, et plus généralement dans tous les services publics. Et le véritable scandale c'est que les rentrées fiscales supplémentaires ne vont pas servir à créer de tels emplois. Cet argent servira une fois de plus à distribuer des cadeaux aux plus riches. Et le patronat se voit offrir, en plus, des activités lucratives qui devraient relever des services publics, comme les cantines scolaires, le nettoyage des hôpitaux et des gares, ou le ramassage des ordures ménagères.
Bien évidemment, ces entreprises sont avant tout soucieuses de faire des bénéfices - on nous dit que c'est " la loi du marché " - et elles tentent de faire assurer ces tâches avec le moins de personnel et aux salaires les plus bas. La grève des éboueurs marseillais est, après beaucoup d'autres, l'un des témoignages de cette situation.
Dominique Strauss-Kahn, qui avait sans doute un peu abusé des cocktails, aurait entonné, d'après la presse, l'Internationale lors de cette " université d'été " du Parti Socialiste. Il est vrai qu'il est bien placé pour savoir, en tant que ministre de l'Économie et des Finances, que les paroles de l'Internationale, comme " l'État opprime et la loi triche ", et " l'impôt saigne le malheureux ", sont toujours justes un siècle après avoir été écrites. Mais les travailleurs n'ont vraiment rien à attendre des gens qui sont socialistes en chansons, et défenseurs des pires tares du système capitaliste dans leurs actions de tous les jours.
Ils doivent par contre tourner le dos à ceux qui leur parlent des " lois du marché ", qui ne sont que des lois artificielles faites pour qu'une minorité s'enrichisse en appauvrissant la majorité de la population.
(Editorial du 10 septembre 1999)
En ces jours de rentrée scolaire, les ministres concernés sont contents d'eux. A les entendre, tout va pour le mieux dans la meilleure des Éducations nationales : il y aurait globalement moins d'élèves pour le même nombre d'enseignants, les classes seraient moins chargées. Claude Allègre et Ségolène Royal se relayent à la télévision pour vanter des mesures comme l'aide individualisée aux élèves en difficultés ou la remise à niveau, et pour les présenter comme un pas important vers " l'égalité des chances " en matière d'éducation.
Ces gens-là n'ont aucune pudeur ! Comment oser parler " d'égalité des chances ", même sur le plan strictement scolaire ? Les discours sur le " nombre moyen d'élèves " par classe ne changent rien aux classes surchargées dans les écoles des quartiers populaires, là où justement il faudrait des classes à l'effectif réduit pour assurer un enseignement et pas du gardiennage ! Ils ne changent rien à l'inadaptation de ces véritables casernes surpeuplées que sont les collèges et les lycées de banlieue. Ils ne changent rien aux fermetures de classes dans les écoles de campagne, obligeant les élèves à se déplacer vers l'école d'une autre commune plus ou moins éloignée. Ils ne changent rien à l'insuffisance de matériel et au délabrement, souvent, des bâtiments eux-mêmes.
L'année passée a été marquée par des mouvements de protestation des enseignants des banlieues populaires revendiquant des moyens et du personnel supplémentaires. L'Education nationale manque cruellement de personnel et pas seulement d'enseignants, mais aussi de personnel technique, d'assistantes, d'infirmières. C'est un comble lorsqu'il y a tant de chômeurs ! Tous les ans, des milliers de jeunes diplômés, souvent ceux justement qui sont issus des milieux populaires, ne trouvent pas de place dans l'enseignement ou seulement une place de vacataire mal payé.
En embauchant le personnel nécessaire, l'Etat diminuerait le chômage en même temps qu'il se donnerait les moyens d'assurer une éducation digne de ce nom, même pour les enfants des couches sociales les plus défavorisées. Mais ce n'est pas le choix qu'il fait. Il préfère dépenser des centaines de milliards en subventions et aides au patronat. Rien que la deuxième loi Martine Aubry - cette loi qui donne des armes supplémentaires au patronat contre les travailleurs - coûtera 120 milliards de francs de plus à l'Etat ! " L'aide publique " sera offerte à tout patron qui daignera signer un accord sur les 35 heures sans même la moindre obligation de créer des emplois !
Voilà pourquoi il n'y a pas d'argent pour créer les emplois qui manquent dans l'Education nationale ; pas plus qu'il n'y en a pour en créer dans les hôpitaux, dans les transports, dans les services publics indispensables. Au lieu d'augmenter le nombre d'enseignants, le gouvernement réduit les programmes, c'est-à-dire offre un enseignement au rabais pour les enfants des classes populaires, pour la jeunesse ouvrière. Les enfants de riches, même ceux qui n'ont pas la capacité d'accéder aux meilleurs lycées, ont toujours la ressource des écoles privées ou des cours particuliers.
Et puis, il faut un sacré toupet aux ministres du gouvernement socialiste pour parler " d'égalité des chances ", lorsqu'il y a trois millions de chômeurs dans ce pays et lorsque deux autres millions, au bas mot, survivent avec un travail et un salaire précaires. Combien d'enfants de milieu populaire non seulement ne peuvent pas trouver chez eux un environnement leur permettant d'apprendre, mais ont du mal même à être nourris chaque jour convenablement ? Et la rentrée scolaire représente une charge financière difficile pour cette majorité de salariés qui gagnent à peine plus que le Smic.
L'école ne guérit pas les maux de la société, au mieux elle les reflète mais, dans la réalité, elle les accentue. Les discours mensongers des ministres ne réduisent pas l'inégalité criante entre les chances respectives d'un enfant de travailleur et un enfant des classes aisées. Ils ne sont destinés qu'à les dissimuler.
(Editorial du 17 septembre 1999)
Edouard Michelin a donc pris la scandaleuse décision de supprimer 7 500 postes dans ses différentes usines, soit 10 % des effectifs totaux, alors que son entreprise a fait des milliards de bénéfice rien qu'au premier semestre 1999.
Il y a 10 ou 15 ans, on nous disait que les travailleurs devaient se sacrifier car les entreprises arrivaient à peine à survivre. Aujourd'hui ce ne sont que communiqués annonçant des bénéfices en augmentation d'une année sur l'autre, voire d'un trimestre sur l'autre, et des envolées à la Bourse du prix des actions industrielles et commerciales.
On nous dit que tout cela est une aberration du capitalisme, une forme inhumaine mais récente. Ce ne serait plus le bon capitalisme, le capitalisme libéral d'antan, mais le capitalisme ultra-libéral et sauvage. Ce ne serait plus le capitalisme familial, mais le capitalisme des actionnaires (pourtant là, il s'agit bien de la famille Michelin comme ailleurs de la famille Peugeot, de la famille Pierre Fabre ou de la famille Bouygues, etc.). Ce ne serait plus le capitalisme hexagonal mais la mondialisation et, aujourd'hui, tout serait de la faute de ces capitaux fluctuants qui achètent celles des actions qui assurent des profits immédiats et revendent les autres au plus vite.
On accuse en particulier les fonds de pension américains où les cadres salariés américains cotisent toute leur vie pour bénéficier d'une retraite l'âge venu. Et l'on nous dit que " les retraités américains " veulent le plus d'argent possible. Comme si ces fonds étaient gérés par les retraités eux-mêmes et non par d'énormes banques ou compagnies d'assurances !
Et certains vont même jusqu'à nous dire, comme Chirac et sans doute bientôt Jospin, que ce qu'il faut c'est faire aussi des fonds de pension en France. C'est-à-dire augmenter ces capitaux qui iront alimenter encore plus la spéculation boursière et permettront à des Michelin de dire " c'est le marché qui m'oblige à licencier ". Autrement dit on nous propose d'éteindre un incendie avec de l'essence.
La décision de Michelin a cependant provoqué un plus grand scandale que bien d'autres qui l'avaient précédée, sauf peut-être la fermeture de l'usine Renault de Vilvorde.
Alors Jospin se dit préoccupé et Robert Hue retrouve des accents combatifs dont la fête de L'Humanité n'avait pas résonné depuis bien longtemps. Robert Hue propose un " moratoire " avant tout licenciement et de supprimer les subventions aux entreprises qui n'embauchent pas. Mais est-ce qu'un moratoire signifie qu'on attendra quelques semaines avant de procéder aux licenciements, mais qu'on les fera quand même ? Évidemment, car ni Robert Hue ni le gouvernement ne se donnent les moyens de s'opposer aux ukases des grands capitalistes. Quand les capitalistes réduisent à la misère des milliers de familles, c'est la démocratie. Quand on revendique que la population ait un droit de regard sur la comptabilité des grandes entreprises afin de ne pas les laisser libres de disposer sans contrôle de leurs bénéfices, ce serait de la dictature. C'est le monde à l'envers, la dictature du capitalisme serait, selon ces gens-là, la liberté... mais le contrôle démocratique de la population sur leurs agissements serait la dictature !
Le PCF propose à tous les partis de gauche une manifestation contre le chômage. Lutte Ouvrière y participera en espérant que ce sera aussi contre les licenciements et pour le contrôle sur les finances des grandes entreprises.
Il est évident qu'une telle manifestation nationale, accompagnée d'une grève générale nationale, de 24 heures, serait un premier pas pour engager une contre-offensive des travailleurs contre les diktats du patronat.
Ce serait un premier pas pour redonner confiance aux travailleurs dans leur force et dans leurs luttes. On verrait alors les Michelin, les Seillière, les Peugeot et autres dictateurs de la finance, bien forcés de se montrer un peu plus ouverts aux revendications des travailleurs.
(Editorial du 24 septembre 1999)
Après la scandaleuse décision de Michelin de supprimer 7 500 postes dans ses usines malgré des bénéfices en hausse, c'est au tour de Daewoo d'envisager des suppressions d'emplois et peut-être la fermeture de ses usines de Lorraine. Enfin, le PDG du nouveau trust pétrolier issu de la fusion de Total et d'Elf, s'il promet qu'il n'y aura pas de " licenciements secs ", annonce déjà des suppressions d'emplois.
Maintenant qu'il s'agit de licencier, Daewoo invoque les lois du marché. Mais l'entreprise n'avait jamais refusé, au nom des lois du marché, les subventions, les cadeaux fiscaux ! Elle n'a pas refusé un seul centime des centaines de millions accordés sur les finances publiques par le département, par la région, par les institutions européennes ! Et aucun des hommes politiques qui se sont vantés à l'époque d'avoir obtenu des créations d'emplois, grâce à ces millions généreusement distribués, n'exige aujourd'hui que ces sommes soient remboursées.
L'annonce provocante de Michelin qui a entraîné immédiatement la hausse à la Bourse des actions de l'entreprise résume l'attitude du grand patronat dans son ensemble. Mais contrairement à d'autres, elle a fait scandale, au point de faire réagir Jospin lui-même.
Mais il y a de quoi être indigné du cynisme avec lequel le chef du gouvernement s'est défaussé de ses responsabilités.
Le gouvernement aurait le pouvoir d'interdire les licenciements destinés à satisfaire les marchés financiers. C'est la volonté politique qui lui manque. Ne pas intervenir de façon autoritaire contre les patrons qui choisissent de pousser des milliers de familles ouvrières vers la misère, alors que leurs bénéfices suffiraient largement à maintenir tous les emplois, est aussi un choix. C'est le choix de favoriser encore plus les riches actionnaires au détriment des travailleurs et des chômeurs.
Il y a cependant une chose à retenir de la déclaration hypocrite de Jospin qui, dans son intervention télévisée, a fait mine de souhaiter une réaction des travailleurs. Puisque le gouvernement proclame lui-même son incapacité de réagir aux diktats du patronat, ce sera aux travailleurs d'imposer les mesures indispensables pour arrêter le désastre.
Les syndicats de chez Michelin ont organisé des manifestations mardi 21 septembre. Il est question de manifestations syndicales pour le début d'octobre. Le Parti Communiste a proposé, par la voix de Robert Hue à la fête de L'Humanité, l'organisation d'une grande manifestation d'organisations politiques.
Les militants de Lutte Ouvrière participeront à toutes ces manifestations car il est de l'intérêt du monde du travail qu'elles soient assez massives pour montrer que les travailleurs et les chômeurs en ont assez de recevoir des coups de la part du patronat et du gouvernement et qu'ils pourront bien commencer à les rendre !
Mais il ne s'agit pas seulement d'imposer un " moratoire " sur les licenciements qui ne ferait que repousser les délais pour les travailleurs menacés. Il faut les interdire sous peine d'expropriation au moins dans toutes les entreprises qui font du profit. Comme il faut imposer la reconnaissance du droit de contrôle des travailleurs et de la population sur les comptes et sur la gestion des grandes entreprises. Il est inacceptable que les groupes financiers aient le monopole de décisions qui affectent la vie de centaines ou de milliers de travailleurs et qui peuvent ruiner toute une région !
Mais ces manifestations n'impressionneront le patronat que si elles ne sont pas sans lendemain. Il faut qu'elles annoncent d'autres étapes, d'autres manifestations, accompagnées de grèves nationales, jusqu'à ce que l'ensemble des travailleurs retrouve confiance dans la lutte. Les travailleurs ont la force collective de faire reculer le patronat. Il faut qu'ils s'en servent !
(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 30 août 2005)