Texte intégral
Beaucoup s'interrogent sur les rapports du Medef avec le gouvernement. Certains, surtout intéressés aux petits côtés politiciens, épient : le Medef va-t-il abandonner l'âpreté des critiques jadis adressées au gouvernement Jospin parce que la nouvelle majorité est de droite ? Va-t-il, à l'inverse, continuer à polémiquer comme du temps de la " majorité plurielle " ? On voudrait mettre le Medef en difficulté : ce qui était bon sous la gauche ne le serait plus pour la droite. Le Medef confirmerait ainsi la nature politique dont on l'a soupçonné ces dernières années.
D'autres pensent que, dans le nouveau contexte, le Medef aura du mal à respecter sa ligne " société civile ", distincte de la sphère politique, avec droit d'ingérence. Va-t-il être amené aux compromis, lui qu'on a connu si intransigeant, pour ne pas gêner le gouvernement ? L'élection d'une majorité, plus favorable à ses thèses, lui créerait, à tout prendre, une situation finalement plus inconfortable que la précédente : cogérer l'économique et le social serait moins simple que s'opposer et proposer.
A ces questions, nous répondons de la manière la plus sereine : la ligne politique du Medef ne se définit pas en terme de soutien ou de critique a priori du gouvernement Raffarin, dont nous souhaitons très vivement qu'il réussisse, mais par rapport à une analyse de la situation française telle qu'elle ressort à la fois de la conjoncture économique et financière et du choc des récentes élections. Plus important que les rapports du Medef avec le gouvernement, il y a les leçons que les organisations de la " société civile " doivent tirer de la récente séquence électorale, avec les indications qu'elle donne sur les attentes des Français. C'est cela qui définit nos responsabilités. Le nouveau gouvernement de la France est engagé dans un combat national, et le Medef, sur son terrain propre, l'est aussi : ce n'est que si la France gagne dans la compétition économique qu'elle retrouvera confiance en elle-même. Il y a solidarité et complémentarité dans les objectifs respectifs de la société politique et de la société civile.
Plus que jamais, l'heure est aux " refondations ". Ce que nous avons dit avec force dès 1998 en matière sociale s'est depuis largement étendu : refondation morale exigée par la montée des " incivilités ", de l'insécurité et de la délinquance ; refondation éthique, pour que tous les acteurs du système économique respectent les droits et devoirs liés à leur responsabilité et restaurer la confiance ; refondation économique exigée par les transformations du capitalisme ; refondation de l'Etat par la réforme et la décentralisation ; refondation politique face à la montée des extrêmes et à la poussée de l'abstention.
Tout se passe donc comme si les élections avaient étendu le champ des nécessaires refondations. L'heure n'est pas à la gestion, à essayer de récolter à la va-vite les fruits du changement de majorité. Le résultat des élections, présidentielle et législative, n'a pas mis fin à l'attente extrême et urgente des Français. La réforme en profondeur de notre pays, que nous avons appelée de nos voeux tout au long des cinq dernières années, est plus que jamais à l'ordre du jour. Elle est devenue de la responsabilité de tous. Nous avons tous l'ardente obligation d'être des réformateurs, des refondateurs. Précisément, si, avant les élections, on pouvait parler de la nécessité des réformes - surtout conçues comme des actes de gestion et d'administration -, celles-ci prennent aujourd'hui un nouveau sens. Elle doivent fonder des institutions pour l'avenir.
La responsabilité du Medef, comme celle de l'ensemble des partenaires sociaux, est de contribuer à cette refondation sérieuse, profonde des institutions économiques et sociales de la France, une refondation qui ne cède pas aux pressions politiques.
La conjoncture crée en même temps un nouveau contexte pour la refondation sociale. Celui d'un gouvernement qui loin de s'y opposer, et de mettre son énergie à y résister, semble plutôt l'appeler de ses vux. En s'engageant sur un renouveau de la " démocratie sociale " et en transformant la résistance conservatrice d'hier dans le domaine social en une volonté réformatrice, en annonçant toute une série de réformes : de la formation professionnelle considérée comme une " assurance emploi " aux retraites en passant par l'assurance maladie, en appelant à la libération des énergies et à la baisse des charges, en réhabilitant la valeur " travail " et en assouplissant les 35 heures, en cherchant à créer les conditions d'un nouveau dynamisme de l'innovation et de la création. Comment ne pas partager de tels objectifs qui expriment bien des demandes depuis longtemps formulées par les entrepreneurs ? Le point est de savoir ce qu'ils signifient en matière de réformes et de nouvelles institutions.
Car les entreprises n'admettraient pas que l'on s'arrête à mi-chemin ou que l'on retarde le moment des réformes. Ceci ne se fera pas, car cela n'est pas possible. Il faut réformer, les Français l'ont dit. C'est ce qui fait la différence avec 1995, quand le camp des conservateurs, des immobiles, est entré en résistance et a réussi, finalement, à l'emporter.
Les choses sont, il est vrai, difficiles. Le précédent gouvernement laisse une série de problèmes non résolus : les 35 heures qu'il faudra bien assouplir, la réforme des retraites qui sera d'autant plus difficile à mener qu'on se rapproche des échéances démographiques de 2005, les smics multiples, le déficit croissant de l'assurance maladie. Il y a là d'immenses chantiers dont l'ouverture va s'échelonner dans l'année qui vient. Ils vont conduire à redéfinir le visage, et les institutions sociales de la France. La procédure, la méthode, le chemin n'ont été qu'esquissés par le Premier ministre dans son discours de politique générale. Définissons au plus vite les méthodes de travail, en distinguant ce qui relèvera de la seule information des partenaires sociaux, de leur consultation afin de recueillir leur avis, d'une véritable concertation, ou, enfin, d'une négociation pour laquelle ils auraient pleinement reçu mandat.
Nous avons tous, dans la conjoncture économique et politique présente, une obligation de résultat. La refondation sociale, dans le nouveau contexte, exige encore plus d'invention, de liberté intellectuelle qu'auparavant, de volonté partagée. C'est pourquoi le gouvernement a besoin d'une société civile organisée et responsable. Les solutions que nous avons à trouver doivent être innovantes ; elles doivent permettre de dépasser problèmes, blocages et tabous. Il faut changer nos formes de pensée. Il faut oser. C'est le sens des propositions que nous avons faites récemment sur la réforme en profondeur du smic, mécanisme conçu il y a plus de trente ans : il s'agit de dépolitiser la question des salaires parce que cela a conduit à priver d'emploi les personnes les moins qualifiées, pour laisser au gouvernement le soin de définir une politique des revenus par des mécanismes fiscaux comme la prime pour l'emploi ou l'impôt négatif.
Les entrepreneurs réunis au sein du Medef sont bien entendu décidés à apporter leur contribution à cette refondation nationale. Le Medef n'a pas changé de ligne parce qu'une nouvelle majorité a accédé au pouvoir. Le Medef se pense toujours autant qu'auparavant comme une organisation de la société civile, portée par le sentiment que le renouveau passe par l'affirmation de l'esprit d'entreprise. Plus que jamais il s'agit de faire, de refaire de la France un lieu où on veut travailler, investir, créer, innover. Plus que jamais nous sommes prêts à uvrer pour une société qui donne sa chance à tous. Plus que jamais nous voulons qu'en France chacun ressente personnellement que la vie de ses enfants pourra être meilleure que la sienne.
(Source http://www.medef.fr, le 20 août 2002)
D'autres pensent que, dans le nouveau contexte, le Medef aura du mal à respecter sa ligne " société civile ", distincte de la sphère politique, avec droit d'ingérence. Va-t-il être amené aux compromis, lui qu'on a connu si intransigeant, pour ne pas gêner le gouvernement ? L'élection d'une majorité, plus favorable à ses thèses, lui créerait, à tout prendre, une situation finalement plus inconfortable que la précédente : cogérer l'économique et le social serait moins simple que s'opposer et proposer.
A ces questions, nous répondons de la manière la plus sereine : la ligne politique du Medef ne se définit pas en terme de soutien ou de critique a priori du gouvernement Raffarin, dont nous souhaitons très vivement qu'il réussisse, mais par rapport à une analyse de la situation française telle qu'elle ressort à la fois de la conjoncture économique et financière et du choc des récentes élections. Plus important que les rapports du Medef avec le gouvernement, il y a les leçons que les organisations de la " société civile " doivent tirer de la récente séquence électorale, avec les indications qu'elle donne sur les attentes des Français. C'est cela qui définit nos responsabilités. Le nouveau gouvernement de la France est engagé dans un combat national, et le Medef, sur son terrain propre, l'est aussi : ce n'est que si la France gagne dans la compétition économique qu'elle retrouvera confiance en elle-même. Il y a solidarité et complémentarité dans les objectifs respectifs de la société politique et de la société civile.
Plus que jamais, l'heure est aux " refondations ". Ce que nous avons dit avec force dès 1998 en matière sociale s'est depuis largement étendu : refondation morale exigée par la montée des " incivilités ", de l'insécurité et de la délinquance ; refondation éthique, pour que tous les acteurs du système économique respectent les droits et devoirs liés à leur responsabilité et restaurer la confiance ; refondation économique exigée par les transformations du capitalisme ; refondation de l'Etat par la réforme et la décentralisation ; refondation politique face à la montée des extrêmes et à la poussée de l'abstention.
Tout se passe donc comme si les élections avaient étendu le champ des nécessaires refondations. L'heure n'est pas à la gestion, à essayer de récolter à la va-vite les fruits du changement de majorité. Le résultat des élections, présidentielle et législative, n'a pas mis fin à l'attente extrême et urgente des Français. La réforme en profondeur de notre pays, que nous avons appelée de nos voeux tout au long des cinq dernières années, est plus que jamais à l'ordre du jour. Elle est devenue de la responsabilité de tous. Nous avons tous l'ardente obligation d'être des réformateurs, des refondateurs. Précisément, si, avant les élections, on pouvait parler de la nécessité des réformes - surtout conçues comme des actes de gestion et d'administration -, celles-ci prennent aujourd'hui un nouveau sens. Elle doivent fonder des institutions pour l'avenir.
La responsabilité du Medef, comme celle de l'ensemble des partenaires sociaux, est de contribuer à cette refondation sérieuse, profonde des institutions économiques et sociales de la France, une refondation qui ne cède pas aux pressions politiques.
La conjoncture crée en même temps un nouveau contexte pour la refondation sociale. Celui d'un gouvernement qui loin de s'y opposer, et de mettre son énergie à y résister, semble plutôt l'appeler de ses vux. En s'engageant sur un renouveau de la " démocratie sociale " et en transformant la résistance conservatrice d'hier dans le domaine social en une volonté réformatrice, en annonçant toute une série de réformes : de la formation professionnelle considérée comme une " assurance emploi " aux retraites en passant par l'assurance maladie, en appelant à la libération des énergies et à la baisse des charges, en réhabilitant la valeur " travail " et en assouplissant les 35 heures, en cherchant à créer les conditions d'un nouveau dynamisme de l'innovation et de la création. Comment ne pas partager de tels objectifs qui expriment bien des demandes depuis longtemps formulées par les entrepreneurs ? Le point est de savoir ce qu'ils signifient en matière de réformes et de nouvelles institutions.
Car les entreprises n'admettraient pas que l'on s'arrête à mi-chemin ou que l'on retarde le moment des réformes. Ceci ne se fera pas, car cela n'est pas possible. Il faut réformer, les Français l'ont dit. C'est ce qui fait la différence avec 1995, quand le camp des conservateurs, des immobiles, est entré en résistance et a réussi, finalement, à l'emporter.
Les choses sont, il est vrai, difficiles. Le précédent gouvernement laisse une série de problèmes non résolus : les 35 heures qu'il faudra bien assouplir, la réforme des retraites qui sera d'autant plus difficile à mener qu'on se rapproche des échéances démographiques de 2005, les smics multiples, le déficit croissant de l'assurance maladie. Il y a là d'immenses chantiers dont l'ouverture va s'échelonner dans l'année qui vient. Ils vont conduire à redéfinir le visage, et les institutions sociales de la France. La procédure, la méthode, le chemin n'ont été qu'esquissés par le Premier ministre dans son discours de politique générale. Définissons au plus vite les méthodes de travail, en distinguant ce qui relèvera de la seule information des partenaires sociaux, de leur consultation afin de recueillir leur avis, d'une véritable concertation, ou, enfin, d'une négociation pour laquelle ils auraient pleinement reçu mandat.
Nous avons tous, dans la conjoncture économique et politique présente, une obligation de résultat. La refondation sociale, dans le nouveau contexte, exige encore plus d'invention, de liberté intellectuelle qu'auparavant, de volonté partagée. C'est pourquoi le gouvernement a besoin d'une société civile organisée et responsable. Les solutions que nous avons à trouver doivent être innovantes ; elles doivent permettre de dépasser problèmes, blocages et tabous. Il faut changer nos formes de pensée. Il faut oser. C'est le sens des propositions que nous avons faites récemment sur la réforme en profondeur du smic, mécanisme conçu il y a plus de trente ans : il s'agit de dépolitiser la question des salaires parce que cela a conduit à priver d'emploi les personnes les moins qualifiées, pour laisser au gouvernement le soin de définir une politique des revenus par des mécanismes fiscaux comme la prime pour l'emploi ou l'impôt négatif.
Les entrepreneurs réunis au sein du Medef sont bien entendu décidés à apporter leur contribution à cette refondation nationale. Le Medef n'a pas changé de ligne parce qu'une nouvelle majorité a accédé au pouvoir. Le Medef se pense toujours autant qu'auparavant comme une organisation de la société civile, portée par le sentiment que le renouveau passe par l'affirmation de l'esprit d'entreprise. Plus que jamais il s'agit de faire, de refaire de la France un lieu où on veut travailler, investir, créer, innover. Plus que jamais nous sommes prêts à uvrer pour une société qui donne sa chance à tous. Plus que jamais nous voulons qu'en France chacun ressente personnellement que la vie de ses enfants pourra être meilleure que la sienne.
(Source http://www.medef.fr, le 20 août 2002)