Conférence de presse de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie, notamment sur les relations franco-russes et la situation au Proche-Orient, Moscou, le 8 juillet 2002.

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Intervenant(s) : 

Circonstance : Voyage officiel de Mme Haigneré, ministre de la recherche et des nouvelles technologies, et de MM. Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche et Galouzeau de Villepin à Moscou le 8 juillet 2002

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux de pouvoir vous rencontrer cet après-midi au cours d'une visite particulièrement dense à Moscou. Dense, elle l'est à la fois parce que nous sommes trois ministres français à être présents avec Luc Ferry, ministre de l'Education nationale, de la Jeunesse et de la Recherche, et avec Claudie Haigneré, que vous connaissez bien, qui est ministre déléguée à la Recherche et aux Nouvelles Technologies. Notre présence ici aujourd'hui témoigne de la volonté de la France d'un engagement fort et durable, d'un pari sur l'avenir, d'un pari sur la jeunesse, d'un pari sur les forces vives de la société russe. Cette visite est également dense par la qualité des contacts que nous avons pu avoir du côté russe. Je viens d'avoir des entretiens avec le ministre de la Défense, le Secrétaire du Conseil de sécurité et le ministre des Affaires étrangères, M. Igor Ivanov, et je serai reçu ce soir par le président Poutine. Après moi, Luc Ferry et Claudie Haigneré vous préciseront à leur tour quels ont été leurs contacts et les axes de leur programme. 
Permettez-moi, avant de répondre à vos questions, de vous préciser en introduction dans quel contexte s'inscrit cette visite. Nous avons accueilli à Paris le Premier ministre Kassianov les 1er et 2 juillet. Le président Chirac se rendra à Sotchi pour y rencontrer le président Poutine les 19 et 20 juillet. Tout ceci souligne que la relation franco-russe qui prend ses racines dans une affinité réciproque très ancienne retrouve enfin la qualité qui doit être la sienne. La France est convaincue du sort européen de la Russie. Elle entend approfondir avec elle un partenariat privilégié fait à la fois de confiance et de respect réciproque, c'est le message dont je suis porteur. C'est aussi cette conviction qui a conduit le président Chirac à recommander au G8 que la Russie puisse prendre la présidence de ce forum dès 2006. Nous nous réjouissons de voir que ce choix stratégique est partagé et la décision d'Aéroflot de retenir l'offre d'Airbus pour ses moyens courriers est un symbole éclatant de cette marque de confiance. Cette relation rénovée se déclinera non seulement sur les plans politique, économique et industriel mais aussi bien sûr dans les domaines des échanges culturels, intellectuels, de la recherche et de l'enseignement. Nous aurons certainement l'occasion d'y revenir tout à l'heure. 
Lors de mes principaux contacts aujourd'hui, dont je voudrais souligner le climat de confiance, nous avons abordé les principaux sujets suivants : tout d'abord la coopération franco-russe en matière économique et industrielle à la lumière des décisions récentes de partenariat stratégique aéronautique et spatial ; les questions de coopération culturelle avec nos projets de développement d'Alliances françaises sur l'ensemble du territoire russe ; les grandes crises internationales, notamment le Proche Orient, dont vous savez que j'en reviens. Les échanges que nous avons eus nous confortent dans notre volonté d'établir un Conseil de coopération franco-russe sur les questions de sécurité qui marque une étape nouvelle dans nos relations. Nous avons enfin abordé les questions européennes, alors que la France joue un rôle moteur dans la recherche d'un lien équilibré entre la Russie et l'Union européenne. 
(...)
Q - à propos de Kaliningrad
R - C'est naturellement une question qui a été évoquée. Nous savons que Kaliningrad occupe, de par son histoire, sa géographie, une place particulière au sein de la Fédération de Russie. Il y a là un million de personnes dont le sort est évidemment très important. Pour ce qui est de l'Union européenne, nous sommes dans l'obligation d'essayer de concilier deux principes importants : le premier c'est le principe de libre circulation des citoyens russes, qui est inscrit dans la Constitution de la Fédération de Russie, mais le deuxième autre principe c'est celui de l'acquis communautaire et nous devons tenir compte des nouvelles règles qui s'imposeront et à la Lituanie et à la Pologne dans la perspective de leur adhésion à l'Union européenne et de leur entrée dans l'espace Schengen. Deux principes difficiles à satisfaire et l'un et l'autre. Je sais que beaucoup ont été déçus par l'absence de réels progrès lors du sommet entre la Russie et l'Union européenne qui s'est tenu à Moscou le 29 mai, mais nous nous sommes engagés à rechercher une solution pragmatique et le président de la République française l'a dit et redit à M. Kassianov lors de sa visite à Paris et je l'ai redit à mon homologue russe, M. Igor Ivanov. Compte tenu des délais et du calendrier très serré, nous sommes évidemment, nous Français, déterminés à tout faire pour essayer de dégager très rapidement une solution pragmatique à ce dossier difficile.
Q - Sur la situation au Proche-Orient.
R - En ce qui concerne la place et le rôle de la Syrie, vous savez que la France défend l'idée d'une approche globale, d'une solution globale aux problèmes de la région. Nous pensons que tous les volets doivent être traités : bien sûr le problème entre Israël et la Palestine, mais aussi le volet syrien et le volet libanais. Il est donc important d'inclure l'ensemble de ces éléments si nous voulons arriver à une paix à la fois juste et durable. En ce qui concerne le discours du Président Bush, la France considère qu'il y a une convergence avec les préoccupations, les objectifs de la plupart de la communauté internationale. Nous avons constaté depuis le début de l'année un très fort engagement des pays arabes, notamment à travers l'initiative et le Plan de paix de Beyrouth. De la même façon, l'Union européenne a présenté très clairement, il y a quelques semaines, sa position à Séville et son souhait de voir avancer l'idée d'une conférence internationale et le président Bush a posé un certain nombre de ces éléments auxquels nous croyons beaucoup, et en particulier la nécessité de lutter avec détermination contre le terrorisme, la nécessité de pousser les réformes de l'Autorité palestinienne et la nécessité d'avancer vers des élections rapides. Quand nous avons rencontré Yasser Arafat il y a quelques semaines, il a clairement indiqué son souhait de tenir des élections au début de l'année. Et nous pensons qu'il est important que ces élections puissent se tenir et que les conditions soient créées pour que ces élections puissent se tenir. 
Dans ce contexte, la concertation entre l'ensemble des parties est évidemment importante, et nous estimons qu'il faut un cadre approprié et un outil qui puisse faire avancer véritablement la négociation et nous estimons que la conférence internationale est aujourd'hui l'outil le plus adéquat pour ce faire. A condition bien sûr de définir clairement l'objectif qui doit être le nôtre, l'objectif de création d'un Etat palestinien viable, démocratique, souverain et pacifique qui puisse vivre en paix et en sécurité aux côtés d'Israël. Et cet Etat palestinien doit être créé sur la base, bien sûr, des frontières de 1967.
Cette conférence doit s'appuyer sur des termes de référence très précis - ils sont d'aujourd'hui disponibles - sur lesquels la majorité des pays, la communauté internationale sont d'accord : les résolutions des Nations unies 242 et 338 mais aussi les principes de Madrid, le principe de l'échange de la terre contre la paix. Il y a là des bases de référence très solides. J'aurai l'occasion d'évoquer ces différents sujets avec Colin Powell et l'administration américaine dès la fin de la semaine puisque je serai aux Etats Unis.
Q - Sur les relations Russie/Europe et Russie/Etats-Unis après les derniers sommets et la Tchétchénie.
R - Merci de me donner l'occasion de mettre en perspective le calendrier récent des relations internationales. En effet, je crois qu'il ne faut pas se laisser guider par le seul calendrier diplomatique. Il y a des vocations de fond, la vocation européenne de la Russie, qui me paraît une vocation incontournable. Alors, évidemment, nous nous en félicitons. Il y a eu la réunion entre les Etats-Unis et la Russie, il y a eu le sommet OTAN/Russie, et vous savez que la France a beaucoup contribué à l'idée de ce sommet. Il y a eu aussi le sommet entre l'Union européenne et la Russie à Moscou le 29 mai qui a permis de faire avancer un certain nombre de dossiers et en particulier les déclarations communes en matière de politique et de sécurité, de relancer le dialogue énergétique et l'occasion a été fournie de faire le point sur un certain nombre de grandes questions internationales : déclarations concernant le Moyen-Orient et la situation entre l'Inde et le Pakistan. Il y a là un dialogue très fourni et nous appuyons très fortement l'ambition de la Russie de trouver toute sa place dans son dialogue avec l'Union européenne. Il y a là un élément très important pour la stabilité de l'ordre mondial et c'est pour cela que nous voulons développer un partenariat global avec la Russie. Une nouvelle fois, je crois, qu'il ne faut pas se limiter aux seules apparences mais bien prendre en compte l'ensemble des éléments d'un dialogue. Nous nous félicitons du fait que la relation entre les Etats-Unis et la Russie se développe. C'est bon pour la stabilité du monde, mais nous n'oublions pas aussi toute l'importance qu'il y a à développer et à intensifier les relations entre l'Europe et la Russie. C'est bon aussi pour l'Europe.
La Tchétchénie. Nous avons accueilli avec satisfaction les déclarations récentes du président Poutine, indiquant qu'il s'agissait d'une tragédie. Nous avons bien sûr et naturellement évoqué cette question dans le cadre du dialogue franc et ouvert que nous avons avec nos amis russes. Nous adhérons à la position de l'Union européenne, vous le savez, et nous sommes convaincus qu'il faudra trouver à ces difficiles questions une solution politique.
Q - A propos de l'Iraq.
R - En ce qui concerne l'Iraq, vous savez que nous soutenons les efforts du Secrétaire général des Nations unies, soucieux de faire revenir les inspecteurs en Iraq et nous estimons que les Iraquiens seraient bien avisés d'accepter rapidement le retour des inspecteurs. Les dernières réunions de Vienne n'ont pas pu encore aboutir mais ces réunions continuent et nous espérons qu'elles pourront rapidement aboutir à un accord en ce sens. 
Q - Sur l'Iran. 
R - En ce qui concerne les relations avec l'Iran, vous savez que nous avons un dialogue critique et exigeant avec ce pays. L'Union européenne a décidé de préparer un accord de coopération avec l'Iran, assorti d'une déclaration politique qui marque bien notre volonté à la fois de nous engager vis-à-vis de l'Iran, et en même temps de rester très exigeants sur les principes qui sont les nôtres.
Q - Sur la création du Conseil de sécurité franco-russe et votre rencontre avec le président Poutine.
R - En ce qui concerne la création du Conseil de coopération pour les questions de sécurité, c'est la preuve de notre volonté commune de créer un partenariat global entre la France et la Russie. Il s'agit d'un organisme qui prend toute la mesure de la nouvelle donne stratégique créée sur la scène internationale. Et il s'inscrit dans la volonté de réforme et d'ouverture clairement marquée et choisie par le président Poutine. Il répond en particulier à notre volonté commune de traiter d'un certain nombre de sujets d'intérêt commun : la lutte contre le terrorisme en particulier et la lutte contre la prolifération. Je crois qu'il témoigne parfaitement de notre volonté de nouer des relations bilatérales de toute confiance entre Paris et Moscou et en même temps de développer une relation fructueuse entre la Russie et l'Union européenne où la France va évidemment jouer tout son rôle
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 juillet 2002)