Déclaration de M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale, sur le fonctionnement des IUFM, l'évolution de la formation des enseignants et la préparation au métier d'enseignant, Paris le 23 juin 2000.

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Circonstance : Conférence des directeurs d'IUFM à Paris le 23 juin 2000

Texte intégral

Les IUFM ont aujourd'hui 10 ans. Beaucoup des pionniers qui ont créé ces instituts sont encore parmi vous. D'autres les ont rejoints.
Je tiens d'abord à saluer votre travail à tous, votre ardeur et votre ténacité : vous avez dû franchir de nombreux obstacles et résoudre de nombreux problèmes, depuis le jour où vous avez pris vos fonctions.
Il fallait en effet :
· faire travailler ensemble, pour la première fois, dans une même institution, des enseignants venus d'horizons très différents : instituteurs, inspecteurs, anciens professeurs des Ecoles normales, professeurs des lycées et collèges, enseignants-chercheurs de l'Université.
· assurer la gestion de locaux très dispersés, plus ou moins bien entretenus et pas toujours adaptés à leurs fonctions nouvelles.
· gérer des personnels administratifs et ouvriers dont les tâches devaient considérablement évoluer. Il vous a fallu ainsi par exemple, avec moins de facilité que les magiciens des contes, transformer les internats en bureaux, métamorphoser les cuisiniers en secrétaires.
· établir des relations fructueuses avec vos universités de rattachement, ce qui n'a pu se faire qu'avec beaucoup de temps, d'obstination et d'efforts faits de part et d'autre.
· prévoir les moyens de préparer de façon plus efficace les étudiants à un métier de plus en plus difficile, à des fonctions d'une grande diversité (professeur des écoles, professeurs des lycées professionnels, conseiller principaux d'éducation, etc), vous soucier de la formation du professeur de philosophie comme de celle du professeur de maçonnerie, des intervenants à l'école maternelle et des intervenants dans les classes d'adaptation et d'intégration scolaires (A .I.S).
· créer des structures nouvelles non pas ex nihilo (ce qui aurait été plus facile) mais en transformant celles qui étaient héritées des écoles normales, des Centres pédagogiques régionaux, des Ecoles normales nationales d'apprentissage.
Beaucoup d'efforts ont été faits. La réussite est évidente lorsqu'on mesure le nombre de difficultés qu'il a fallu lever pour installer les IUFM dans le paysage universitaire.
Pourtant je vais vous demander aujourd'hui de nouveaux efforts.
Votre institution, en effet, est encore jeune. Il lui appartient, dix ans après que les premières bases ont été fondées, de la faire mûrir, de la faire passer à l'âge adulte.
Une réflexion sur l'évolution nécessaire de vos instituts a commencé en 1998, à l'initiative de mon prédécesseur : ce furent les " tables rondes IUFM ". Celles-ci ont permis aux syndicats, à la CPU et à votre conférence d'exprimer des souhaits de rénovation. A la suite de ces tables rondes, de nouvelles rencontres ont été organisées en ce début d'année : il s'agissait de valider les conclusions des tables rondes. De nombreux points d'accord sont apparus entres les divers partenaires.
J'ai demandé à Bernard Cornu, votre collègue, et à M. Jean Brihault, président de l'Université Rennes II, de terminer la concertation avec les organisations syndicales qui avait été menée presque jusqu'à son terme et de me proposer avant la fin juillet des mesures d'amélioration du fonctionnement des IUFM.
Il s'agit d'harmoniser des procédures parfois trop différentes d'un IUFM à l'autre, d'assurer une réelle équité entre les candidats aux concours, de renforcer l'efficacité de l'évaluation finale des professeurs stagiaires, de dessiner les grandes lignes d'une politique du personnel dans les IUFM : il convient qu'interviennent, dans des proportions à définir, des universitaires, des professeurs certifiés et agrégés, desprofesseurs des écoles, des maîtres formateurs issus des lycées, des collèges, des écoles. Il faudra rendre plus attractive (entre autres financièrement) cette fonction de maître formateur, qui doit jouer un rôle plus grand dans vos instituts.
Messieurs Brihault et Cornu me feront en conséquence des propositions concernant en particulier :
· les critères d'admission en IUFM
· les principes d'organisation des jurys du concours de professeurs des écoles.
· la nature des diverses validations d'études qui interviennent en fin de deuxième année.
· le statut et le rôle des divers formateurs et la validation universitaire des certificats d'aptitude aux fonctions de maître formateur.
Ce souci d'harmonisation et d'efficacité m'a conduit à décider dès maintenant
· que les concours de professeurs des écoles, concours académiques, comporteront désormais des épreuves définies dans le cadre d'un programme national.
· que la formation de deuxième année des futurs professeurs des écoles et des professeurs des lycées et collèges fera l'objet d'un cadrage national.
Il faut maintenant tirer les conséquences de ces décisions et nous atteler à la tâche importante de définition des enseignements dispensés dans vos instituts.
J'ai demandé à une personnalité extérieure aux IUFM, mais connaissant bien les problèmes de formation des enseignants, le Recteur Michel Bornancin, d'animer une commission de travail sur les contenus de la formation en IUFM. Monsieur Bornancin a été élève d'une école normale d'instituteurs avant d'entrer à l'Ecole Normale Supérieure de Saint Cloud. Il connaît bien vos instituts, puisqu'il a été, à des moments divers de sa carrière, Recteur, évaluateur de certains IUFM au Comité national d'évaluation, conseiller d'établissement des Iufm d' Ile de France et de Normandie (cinq au total), et président du comité d'expertise des plans de formation des IUFM. C'est à la fois un homme qui est familier du terrain et qui, institutionnellement, a été conduit à adopter, à quatre reprises, un regard à chaque fois différent sur votre institution. Les travaux de la commission qu'il animera porteront sur les contenus de la formation initiale (première année et surtout seconde année des IUFM) sur la définition de la formation complémentaire qui pourrait être proposée lors de la première année d'exercice des nouveaux professeurs, et sur l'évolution de la formation à proposer aux maîtres tout au long de leur carrière.
Monsieur Bornancin me remettra ses conclusions en décembre prochain.
Naturellement, la commission dont il a la responsabilité ne partira pas de rien ; il se fait de très bonnes choses dans les IUFM : vous serez là pour le dire (car naturellement, il travaillera en liaison avec vous). De ce qui a été fait, il faudra retenir le meilleur ; des échecs éventuels il faudra tirer les leçons. De nombreux collaborateurs de l'IUFM , personnels administratifs et de service, enseignants, directeurs de centre, directeurs adjoints, se sont investis avec passion et intelligence dans cette grande tâche qu'est la formation des maîtres. Je tiens à leur rendre hommage et à faire appel à eux pour faire toutes les propositions de rénovation qu'en conscience, ils jugeront indispensables et dont la commission pourra tirer le plus grand fruit.
Naturellement aussi il sera tenu compte de toutes les concertations menées avec les organisations syndicales.
Bien évidemment, j'inviterai M. Bornancin à songer, dans sa réflexion sur les contenus, aux collaborations indispensables entre IUFM, Universités et corps d'inspection.
Enfin cette commission prendra en compte les indications que j'ai données , il y a quelques semaines, sur les concours du second degré (indications à compléter) et, il y a quelques jours, sur l'école élémentaire
Elle s'inspirera de quelques grandes orientations que je vous soumets aujourd'hui :
- L'année de préparation aux concours doit bien évidemment compléter la forma tion disciplinaire des étudiants. Elle doit aussi commencer à les armer pour qu'ils soient en état de prendre, dès leur nomination en tant que professeurs stagiaires, la pleine responsabilité d'une classe, puisque, vous le savez, telles sont leurs obligations. Nous devons éviter que de jeunes enseignants se trouvent complètement désemparés lors de leur premier contact avec des élèves et commencent ainsi leur carrière de la plus mauvaise façon qui soit. L'année de préparation aux concours est donc bien déjà une année de sensibilisation au métier.
Je veux ici m'expliquer et mettre fin, je l'espère, aux querelles bien inutiles qui opposent, de façon tout à fait infondée, les partisans d'une formation uniquement disciplinaire et les tenants d' une formation essentiellement pédagogique.
L'une ne s'oppose pas à l'autre : Une bonne préparation au métier , au niveau de l'année de concours, se définit:
· d'abord par une formation disciplinaire de haut niveau qui doit se poursuivre comme par le passé pendant toute l'année de préparation des épreuves : j'ai déjà insisté sur ce point devant la conférence des présidents d'université. il n'est pas bon maître celui qui ne maîtrise pas parfaitement les savoirs qu'il doit transmettre. Le rayonnement du professeur vient d'abord de la compétence que lui reconnaîtront ses élèves. J'ai donc déjà indiqué qu'en conséquence, les concours devaient conserver un haut niveau d'exigence , ce qui se traduit par une série de mesures concrètes que je ne rappellerai pas ici.
La préparation au métier se définit aussi
· par l'obligation de suivre un stage de sensibilisation à la profession, de courte durée (stage de sensibilisation et non pas stage de formation qui, à ce stade serait prématuré), stage de sensibilisation qui permet à l'étudiant de confirmer ou d'abandonner son choix initial, qui lui permet aussi de prendre mieux conscience à la fois des rapports et de la distance qui existent entre savoir universitaire et savoir à transmettre à de jeunes élèves, stage qui doit être complété, pour certains concours, par un stage en entreprise , stage qui peut avoir lieu à un moment ou à un autre de la scolarité de l'étudiant
· par un entraînement intensif et individualisé aux épreuves orales (la communication d'un professeur étant essentiellement orale) ;
· par une préparation à une épreuve pré-professionnelle (et non pas professionnelle) dont il faut mieux préciser les contenus et mieux définir l'importance dans les concours : le bon sens veut que cette épreuve continue à trouver sa juste place dans les concours, ni infime ni démesurée, qu'elle corresponde bien à son objectif et que les attentes du jury soient mieux connues des candidats.
Les orientations que je souhaite donner à la deuxième année vont dans le même sens :une formation disciplinaire reste indispensable ainsi, bien sûr qu'une réflexion théorique sur les pratiques d'enseignement, réflexion qui permet au professeur stagiaire d'acquérir des capacités de recul et d'attitude critique (au bon sens du terme) par rapport à tout discours sur la pédagogie. Mais cette année est essentiellement une année de formation concrète appuyée sur les stages. Il est capital à cet égard que les enseignements donnés en IUFM soient beaucoup mieux reliés à l'expérience des stages acquise par les jeunes professeurs stagiaires qui , trop souvent vivent mal le fossé qui se creuse, selon eux , entre les moments consacrés à l'enseignement dans les IUFM et les moments où ils se trouvent dans les classes. Il est indispensable à cet égard que les maîtres formateurs, je vous le demande avec insistance, participent davantage aux enseignements donnés au sein des IUFM
Une fois le travail des deux commissions achevé et leurs conclusions rendues, je proposerai, et ce sera en janvier 2001, un plan de rénovation du dispositif de formation des enseignants qui sera applicable dès la rentrée 2001.
J'ai beaucoup parlé de la formation des enseignants parce que le problème est d'actualité.
Permettez moi d'évoquer maintenant l'une des autres missions qui sont les vôtres (à côté de celles qui cocernent la formation initiale et la formation continue des enseignants), je veux parler de la recherche. Cette mission est étroitement liée au caractère universitaire de vos instituts. Les consignes qui vous ont été données à cet égard ont pu varier avec le temps. Soyons clair. De façon générale, les IUFM ne sont pas armés pour mener une recherche fondamentale., à tout le moins pour la mener seuls. Il convient donc d'inviter tous les collègues qui, parmi vous, sont engagés dans un tel type de recherche, à rejoindre une équipe universitaire reconnue : il faut que les universités facilitent leur accueil. Il est même envisageable de créer, lorsque la masse critique le permet, des équipes de recherche communes avec une université. Cela dit, je tiens à affirmer avec force que les IUFM doivent devenir ou devenir davantage encore les lieux privilégiés - avec l'INRP et certaines universités qui s'y sont intéressé - d'une recherche finalisée concernant les problèmes de la formation. Je vous invite donc à stimuler la recherche dans le domaine de la didactique des disciplines, des mécanismes et des conditions de l'apprentissage. L'arrivée en force des technologies de l'information et de la communication, les enjeux de l'enseignement à distance, les attentes en matière de formation continue et d'enseignement sur mesure interpellent tous les enseignants. Il est donc non seulement parfaitement légitime , mais stratégiquement indispensable de développer des actions de recherche permettant, aux travers d'expérimentations rigoureuses et de production de documents pédagogiques d'accompagner ces fortes évolutions des méthodes et des métiers de l'enseignement. Il convient que vous vous organisiez en réseaux, que vous constituiez des équipes, interétablissements , voire interacadémiques, entre vous ou avec les universités intéressées . Nous devons réfléchir ensemble à une organisation sous forme de projets, que pourrait permettre de créer un dispositif d'appels d'offre dans lequel l'INRP , à la tête duquel je viens de placer une de vos collègues, serait fortement impliqué. Il convient aussi que progressivement vous orientiez en ce sens votre politique de recrutement d'enseignants-chercheurs, visant à engager de jeunes collègues dans de telles actions de recherche finalisée. Ceci suppose bien évidemment que nous sachions faire évoluer les mécanismes d'évaluation des enseignants-chercheurs et que ce type d'activité puisse être parfaitement reconnu dans une carrière.
Tels sont les thèmes , Mesdames les Directrices, Messieurs les Directeurs que je souhaitais aborder ce matin devant vous ; je termine en vous demandant votre collaboration active dans les grandes tâches dont je viens de dessiner les contours.
(Source http://www.education.gouv.fr, le 30 juin 2000)