Déclaration de M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères, sur les relations entre la France et l'Azerbaidjan, le conflit du Haut-Karabakh et les relations avec l'Arménie, Paris le 27 mars 1997, Bakou le 1er avril et Erevan le 2.

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Circonstance : Voyage de M. de Charette en Azerbaidjan le 1er avril 1997 et en Arménie le 2 avril

Texte intégral


Rien n'est plus important que de faire des propositions pour la résolution du problème du Haut-Karabakh. La France qui assume, avec la Russie et les Etats-Unis, la co-présidence du Groupe de Minsk, fera tout pour que nous parvenions, dans les meilleurs délais, à une solution équitable de cette crise dans le respect des principes des Nations unies..

Malgré ce que la presse azerbaïdjanaise a dit, ce voyage a deux objectifs : le développement et l'intensification des relations entre nos deux pays et, bien entendu, c'est très important, le conflit du Haut-Karabakh au travers de la co-présidence du Groupe de Minsk qu'assume la France.
Je suis très heureux de vous retrouver pour la deuxième fois, en quelques mois, à Bakou. Nous avons eu le grand bonheur d'accueillir le président Aliev et vous-même, en janvier dernier à Paris pour une visite d'Etat. Le président Aliev nous a fait le plaisir de venir la semaine dernière pour un événement privé, mais très important, qui concernait l'anniversaire du maître Rostropovitch. Nos deux présidents ont eu un nouveau tête-à-tête et j'ai eu moi-même l'occasion de rencontrer le président Aliev. Enfin, je reviens à Bakou avec un très grand plaisir, comme me l'a demandé le président de la République et comme le président Aliev le souhaitait, ainsi que vous-même. Tout cela démontre que les relations entre nos deux pays ont pris un nouvel élan. Nous sommes convenus, dès mon arrivée à l'aéroport, de donner une forte impulsion aux relations franco-azerbaïdjanaises. Naturellement, ceci concerne toutes les questions d'ordre politique et diplomatique traditionnelles. La France attache une très grande importance au rôle et à la place de l'Azerbaïdjan sur l'échiquier régional et mondial.
Nous avons tout un bloc d'accords qui sont en cours de discussion et qui seront terminés dans les toutes prochaines semaines. Il s'agit, en effet, d'un accord sur les investissements pour encourager les entreprises françaises à investir en Azerbaïdjan et d'un accord fiscal pour éviter les doubles impositions entre nos deux pays. Il s'agit aussi d'un accord qui a pour objet de créer une commission mixte franco-azerbaïdjanaise. Nous avons décidé tout à l'heure que cette commission serait placée directement sous votre responsabilité et sous la mienne, car nous pensons qu'il faut donner une impulsion politique à nos relations économiques. Un autre accord, très important, concerne le transport aérien. Il s'agit là d'établir des relations aériennes entre Bakou et Paris. Il y a un cinquième accord que je voudrais évoquer, car il est très important à mes yeux. Il concerne l'attribution, qui est en cours, par votre gouvernement, d'une fréquence pour Radio France internationale à Bakou. Je sais que le responsable de RFI doit venir à Paris en avril (le 24 avril, je crois). Il est très important que nous puissions mettre au point cette affaire.
Nous avons aussi des projets économiques très importants qui intéressent le secteur de l'assainissement des eaux, notamment à Bakou, la cimenterie azerbaïdjanaise. Il y a beaucoup de dossiers très solides et sérieux qui témoignent qu'entre nos deux pays s'établissent non seulement des relations d'Etat à Etat mais aussi des relations économiques au niveau des entreprises.
Dans le domaine culturel, nous avons beaucoup de choses à faire ensemble. J'ai été très impressionné par l'exposition que vous m'avez montrée. Elle témoigne de l'ancienneté de la proximité entre les hommes de culture de l'Azerbaïdjan et de la France. Notre ambassadeur a reçu la charge de développer au maximum ces relations et, naturellement, de faire tout ce qui est possible pour encourager l'apprentissage de la langue française par les jeunes azerbaïdjanais. Je pense sincèrement que, dans le cadre du programme du renforcement des liens entre nos deux pays, la dimension culturelle est très importante. Le renforcement de nos liens ne concernent pas uniquement ceux entre les gouvernants, entre les hommes d'affaires. Ils concernent aussi ceux tissés par la langue et la culture.
Q - (Sur le conflit du Haut-Karabakh)
R - La France entend assumer ses responsabilités, avec les Etats-Unis et la Russie, de façon transparente et de manière très étroite afin d'être efficace. Nous pensons qu'il faut maintenant se donner un délai raisonnable pour traiter ce problème très sérieux. Nous croyons que, désormais, il faut aller vers une solution. Nous voulons le faire avec un très grand esprit d'objectivité, pour agir au service de la paix, sur la base des principes qui dirigent les relations internationales. Nous allons apporter notre meilleure contribution possible pour y parvenir dans les meilleurs délais.
J'ai été extrêmement sensible aux paroles indulgentes et aimables que vous avez prononcées. J'y suis, bien sûr, sensible, à titre personnel. J'y suis surtout sensible au nom de la France. Comme vous le savez, j'ai entrepris cette nouvelle visite à Bakou, puis à Erevan, à la demande personnelle du président de la République, comme c'était, d'ailleurs, à sa demande, que j'étais venu la première fois en octobre 1996. Le fait est que, en quelques mois, nous avons donné ensemble, avec vous-même et le président de la République, d'un côté, et M. Hassanov et moi-même de l'autre, une nouvelle impulsion aux relations franco-azerbaïdjanaises. Votre visite d'Etat en janvier 1997 a été un événement important. Elle a été ressentie par la partie française comme un acte essentiel dans le progrès de nos relations. Votre nouvelle visite privée, la semaine dernière, était empreinte de chaleur et d'amitié. Nous nous félicitons que le grand maître Rostropovitch ait pris cette initiative de fêter son anniversaire dans les conditions que vous connaissez et qui ont été un grand événement parisien. Monsieur le Président, je voudrais vous redire l'importance exceptionnelle que nous attachons au développement des relations entre l'Azerbaïdjan et la France. Avec mon collègue, nous avons fait le point ensemble cet après-midi. Nous avons plusieurs accords en cours de discussion. Nous sommes convenus d'achever cette discussion dans les toutes prochaines semaines pour que chacun des textes soit signé dans les plus brefs délais. Ce sont des textes qui ne soulèvent pas de grandes difficultés. Il reste des arrangements techniques à préciser. Ils devraient pouvoir être réglés rapidement. Nous sommes décidés à ce que le dialogue diplomatique et politique, d'un côté, le développement des relations économiques de partenariat, de l'autre, progressent au rythme des intentions que vous et le président de la République avez affichées au cours de vos entretiens.
Vous avez bien voulu vous féliciter du rôle de la France, en tant que co-présidente du Groupe de Minsk. Je voudrais vous en exprimer toute ma reconnaissance personnelle. C'est une charge à la fois très lourde et très impressionnante. La co-présidence des trois pays qui en ont la charge doit permettre, je l'espère, d'aborder d'un oeil neuf le règlement de ce conflit. Nous sommes, en effet, convenus à Paris, la semaine dernière, de la nécessité de se fixer l'objectif d'aller le plus vite possible. L'année 1997 serait une bonne chose. Comme vous venez de l'indiquer, le fait que je sois venu très rapidement, après la décision prise de constituer la co-présidence du Groupe de Minsk, montre l'importance que la France attache à la solution de ce conflit. Nous le ferons en ayant à l'esprit quelques idées simples. D'abord, servir la paix, apporter notre contribution aux peuples de la région pour qu'ils vivent en paix, comme c'est votre désir profond. Ensuite, agir dans le respect des principes du droit international, tels qu'ils fondent la communauté des nations, tels qu'ils s'expriment en particulier à l'OSCE. Enfin, être disponibles pour que les négociations entre les uns et les autres puissent déboucher sur des solutions pratiques, concrètes et respectueuses de ces principes, et puissent conduire à la paix retrouvée. Soyez assuré, Monsieur le Président, que la France ne ménagera pas sa peine
Comme vous le savez, entre la France et l'Arménie, il y a des relations très chaleureuses, très anciennes et très étroites. Ensuite, c'est bien entendu une visite qui est particulièrement consacrée à la solution du problème du Haut-Karabakh pour que, à la fois, l'Arménie et la région retrouvent la paix, pour pouvoir se consacrer pleinement au développement économique.
Q - Quelles sont vos impressions de votre entretien avec vos interlocuteurs arméniens ? R - Et bien, il faut poursuivre le travail. Je vous dirai cela tout à l'heure. Merci..
Au départ du ministre
Nous avons parlé avec le président Ter-Petrossian, avec M. le Premier ministre, avec le ministre des Affaires étrangères. Nous avons fait ensemble un point très approfondi de la question du Nagorny-Karabakh. Au terme de cette visite qui m'a amené à Bakou et à Erevan, je suis optimiste. Naturellement je ne sous-estime pas les difficultés réelles qui subsistent. Mais je suis convaincu de la volonté politique des parties de parvenir à une solution. La France en tant que co-présidente du Groupe de Minsk va se concerter désormais avec ses partenaires américains et russes. Je vais donc m'entretenir avec M. Primakov et Mme Albright.
Je le ferai dans les jours qui viennent et je suis persuadé qu'ensemble, nous allons pouvoir donner l'impulsion nécessaire au processus de paix.
Q - Après les entretiens que vous avez eus à Erevan et à Bakou, des possibilités de rapprochement de position vous semblent-elles réalistes ?
R - Oui, ce qui est réaliste, c'est la volonté politique. Voilà, il y a des problèmes, mais si on veut les résoudre, c'est possible. Et donc, je fais appel à l'esprit de conciliation de tous, mais je suis persuadé que cette volonté d'aboutir existe de part et d'autre. La France en tous cas va s'engager à fond pour aider à résoudre ces problèmes. Merci.
Q - Pouvez-vous fixer la date de la visite de M. Eltsine en mai à Paris pour la signature d'un accord entre l'OTAN et la Russie ?
R - Ce n'est pas le sujet de l'ordre du jour..
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 octobre 2001)