Interview de M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement et porte parole du gouvernement, à France 2 le 28 août 2002, sur la politique de baisse des impôts et des charges sociales, l'augmentation du pouvoir d'achat et le problème de la régularisation des sans-papiers.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

R. Sicard.- C'est la rentrée pour le Gouvernement, avec dès demain le premier Conseil des ministres. Et il y a du pain sur la planche, avec notamment une polémique sur la baisse des impôts. Lundi, J.-P. Raffarin a dit que la priorité des priorités, c'était la baisse des charges sociales ; autrefois - ou plutôt plus avant -, c'était celle des impôts. Où en est-on ? Est-ce que les impôts vont continuer de baisser en 2003 ?
- "La réponse est "oui". Il n'y a pas de pose, il n'y a pas de revirement et je vote pour qu'on torde le cou aux rumeurs et aux procès d'intention auxquels on a droit ces derniers jours, parce que tout cela n'a pas de sens. Les priorités ont été clairement affichées depuis le discours de politique générale de J.-P. Raffarin, il n'y a aucune surprise, elles sont complètement cohérentes avec les engagements pris par le président de la République devant les Français. On va baisser les impôts et les charges sociales, parce que c'est là-dessus qu'on adosse l'essentiel de notre stratégie de politique économique. Et ce d'ailleurs pour une raison très simple : il faut - c'est ça la priorité en fait - sortir l'économie française de tous les carcans qui ont été imposés aux entreprises et aux salariés depuis cinq ans, notamment avec les 35 heures."
Est-ce qu'on a une idée de la baisse de l'impôt pour l'année prochaine ? Est-ce que cela va continuer au même rythme que pour 2002, toujours 5 % ?
- "Une chose après l'autre. Nous allons dans quelques semaines présenter au Conseil des ministres, le projet de loi de finances pour 2003, avec en particulier l'hypothèse que le Gouvernement retiendra officiellement pour la croissance économique de 2003. On n'y est pas encore."
On ne sait pas trop... Autrefois, on prévoyait 3 %...
- "C'est pas qu'on "ne sait pas trop". D'abord, on ne peut pas lire dans la boule de cristal ; il s'agit de faire des études aussi scientifiques et objectives que possible, de consulter tous les experts"
Mais l'objectif de 3 % ne paraît plus très crédible
- "Cela fait partie des choses sur lesquelles, bien entendu, le Premier ministre tranchera, sur la base d'une hypothèse aussi réaliste que possible par rapport aux informations dont on pourra disposer au moment où nous présenterons le budget au Conseil des ministres."
Justement, c'est parce que ces objectifs de croissance paraissaient très élevés que certains, y compris d'ailleurs dans votre majorité, comme P. Méhaignerie, disaient que concernant la baisse des impôts, il faudrait peut-être attendre un petit peu ?
- "Il y a deux débats pour le prix d'un, si je puis dire. Le premier débat, qui est clos aujourd'hui, est que tout le monde s'accorde au sein de la majorité pour dire que la baisse des impôts et des charges sociales, pour préserver l'emploi, pour stimuler le pouvoir d'achat, est l'essentiel, est absolument indispensable. Et là-dessus, c'est vital pour notre économie. Et il y a le deuxième point, qui est le curseur sur cinq années : il va être ajusté en fonction, évidemment, des hypothèses de croissance. Mais ne doutez pas que sur les cinq années qui viennent et dès 2003, nous allons poursuivre la baisse d'impôts, qui a d'ailleurs été commencée dès le Collectif de juillet, puisque vous savez que les feuilles d'impôts qui vont arriver vont intégrer une première baisse de l'impôt sur le revenu de 5 %."
L'opposition, qui a elle aussi fait sa rentrée politique, dit que tout cela n'est pas clair et qu'on ne sait pas très bien où le Gouvernement veut aller ?
- "Si, je crois justement que les choses sont assez claires et montrent bien les différences qui existent entre la politique qui a été conduite jusqu'à présent et qui a été sanctionnée par les élections et puis celle que nous voulons conduire aujourd'hui. Nous voulons absolument desserrer tous les carcans qui, pour des raisons idéologiques, ont été imposés aux Français. Le pouvoir d'achat des Français a été, par exemple, très largement bloqué, notamment celui des salariés modestes, avec les 35 heures, parce que les coûts supplémentaires engendrés pour les entreprises ont été tels que cela a pénalisé le pouvoir d'achat des salariés - ils l'ont clairement exprimé à L. Jospin en votant - et a aussi pénalisé les entreprises. Or, dans une période comme la nôtre où il y a effectivement une conjoncture économique que nous suivons de très près, il faut faciliter l'embauche, notamment pour les salariés modestes. Et c'est là-dessus que F. Fillon travaille."
Avant de parler de F. Fillon, revenons un petit peu sur les charges sociales : J.-P. Raffarin a dit qu'elles allaient baisser. Mais lesquelles vont baisser ? Celles que payent les salariés ou celles que payent les patrons ?
- "D'abord, sachez que tout cela est en discussion, puisque nous sommes aujourd'hui dans une phase très accentuée où le dialogue social a beaucoup de place. Et [cela fait] sans doute longtemps qu'un gouvernement n'a pas consacré autant que le nôtre de place au dialogue social avant toute décision, en ce qui concerne la vie de l'entreprise, le droit social et le droit du travail. Mais sur le fond, ce qu'il faut comprendre, c'est que nous voulons à la fois les simplifier et concerner d'abord les salariés modestes, les moins qualifiés, car c'est sur eux que pèse la plus grande menace sur l'emploi."
Mais cela veut-il dire que les charges que payent les salariés les plus modestes vont baisser ou cela veut-il dire que les charges patronales sur les bas salaires vont baisser ?
- "Tout cela sera évidemment arrêté dans les prochaines semaines. Bien entendu, là encore, à chaque jour suffit sa peine, mais sachez que pour l'essentiel, le poids qui demeure en matière de charges sociales pèse sur les employeurs - une petite partie sur les salariés modestes mais l'essentiel, c'est sur les employeurs. Et c'est un frein à l'embauche. Donc c'est là-dessus que nous allons jouer, sachant que parallèlement à cela, parce que cela fait partie du même paquet de négociations, il y a tout ce qui touche à l'harmonisation du Smic. Le Smic a été complètement démantelé par les 35 heures. Vous savez que les lois Aubry sont une usine à gaz terrible, il y a cinq Smics différents. L'objectif est d'harmoniser le Smic vers le haut et c'est un engagement majeur pour la préservation du pouvoir d'achat des salariés."
Vous pouvez prendre l'engagement que cela va se traduire, pour les salariés qui sont au Smic, par une hausse de leur pouvoir d'achat ?
- "Cela me paraît être assez mécanique : à partir du moment où nous engageons un processus d'harmonisation du Smic vers le haut, cela veut dire que petit à petit, on va travailler cet aspect du pouvoir d'achat. Il y a en a un autre qui est important : c'est tout ce qui touche au fait qu'il y a des Français qui, aujourd'hui, ne peuvent pas, alors qu'ils le souhaiteraient, travailler plus pour gagner plus. C'est encore une autre conséquence des 35 heures. Donc l'idée est que ceux des Français qui le souhaitent, puissent travailler plus pour gagner plus. Et c'est toute la discussion sur les heures supplémentaires qui est évidemment un point tout à fait majeur, et qui sont aujourd'hui quasiment illégales, ce qui n'a pas de sens."
Il s'agit justement des discussions que mène F. Fillon avec les syndicats, discussions qui s'avèrent plutôt difficiles... Cela dépend des syndicats
- "Comme toujours, c'est la France..."
Avant les vacances, on disait que la rentrée sociale allait être chaude. Qu'est-ce que vous en pensez aujourd'hui ?
- "C'est la tradition, à chaque fois, on dit que la rentrée sociale va être chaude, cela fait partie des clichés habituels. Moi je ne le crois pas. On verra bien. En tout cas, je ne le souhaite pas. Mais tous les ingrédients sont sur la table pour que la rentrée soit une rentrée dans laquelle le dialogue, l'écoute, le respect et la considération président à toute autre contrainte et à toute autre menace. C'est la raison pour laquelle je regrette que tel ou tel ait la tentation d'être trop négatif, avant même que l'on ait complètement mis sur la table toutes les réflexions. Ne serait-ce que parce que, je le répète, c'est la première fois qu'il y a un gouvernement qui consacre autant de place préalable au dialogue social. C'est ce qui est nouveau, surtout si l'on se rappelle la manière dont M. Jospin a, à l'arraché, imposé les lois sur les 35 heures sans en discuter avec personne."
Autre dossier, celui des Sans-papiers. On a l'impression que c'est un mouvement qui vraiment prend de l'ampleur, que cela s'organise un petit peu partout en France. Le Gouvernement a dit qu'il n'était pas question de régulariser tous les Sans-papiers, mais c'est ce qu'ils réclament. Comment allez-vous régler ce problème ?
- "Sur cette question difficile des Sans-papiers, il faut à la fois adopter une posture qui impose de faire du cas par cas, une solution qui soit humaine et à la fois réaliste."
Pas de solution globale ?
- "Pas de solution globale, pour une raison simple : tout le monde sait aujourd'hui, quelle que soit la sensibilité politique qu'est la sienne, que les régularisations globales, massives de personnes en situation irrégulière, premièrement, ne règlent pas le problème de l'immigration et deuxièmement, posent d'énormes problèmes au sein de notre société aujourd'hui. Donc, il n'est pas question de rentrer dans un processus de régularisation globale et là-dessus, le ministère de l'Intérieur a été tout à fait clair dans la démarche qui est la sienne : régularisation au cas par cas, cela relève d'ailleurs de la démarche et de la responsabilité des préfets de chaque département. Et l'intérêt de cette démarche est de pouvoir se faire en tenant compte de manière humaine des situations au cas par cas, mais certainement pas de dériver vers des processus idéologiques qui n'ont rien à voir avec l'absolue nécessité aujourd'hui d'avoir une politique d'immigration moderne et réaliste."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 28 août 2002)