Texte intégral
S'agissant de l'OIT, j'ai eu plaisir à féliciter M. Hansenne de l'adoption de la Déclaration sur les droits fondamentaux des travailleurs, car nous considérons que c'est une étape importante dans l'avancée du droit international du travail. Je veux dire aussi ma satisfaction quant à la manière dont la Convention sur l'élimination des formes extrêmes du travail des enfants avance et se développe. Nous espérons bien qu'elle pourra être adoptée l'an prochain, et la France de son côté entend, non seulement promouvoir cette démarche mais aussi s'assurer qu'elle sera appliquée en France même. Nous avons entrepris notre propre enquête sur la manière dont, en France, on exploite aussi les enfants. Il faut être capable de balayer devant sa propre porte quand on veut donner des leçons au monde.
S'agissant toujours de M. Hansenne, j'ai eu plaisir, car je suis aussi ministre en charge de la Francophonie, d'observer que la Francophonie et le français demeuraient des réalités fortes au sein de ces organisations. La CNUCED est en cours de réforme et j'ai eu aussi l'occasion d'en parler avec M. Ricupero et lui dire notre assentiment, quant au renforcement des activités opérationnelles, le soutien aussi aux efforts du secteur privé. C'est peut-être là l'orientation la plus remarquable, me semble-t-il, de la CNUCED au cours de ces dernières années. Elle rejoint assez sensiblement la nôtre.
Au plan français, c'est une volonté d'impliquer la société civile dans le développement. Les entreprises en particulier sont davantage sollicitées mais aussi les organisations non gouvernementales en général et nous aurons l'occasion de l'illustrer lors de la Conférence des partenaires pour le développement que la CNUCED a prévue d'organiser à Lyon, en liaison d'ailleurs avec la mairie de Lyon. Le Premier ministre, Lionel Jospin, a dit déjà son intention de participer à cette Conférence. Moi-même, j'ai été sollicité et j'espère que mon agenda me permettra d'être à Lyon aux côtés des dirigeants de la CNUCED qui me semblent faire du bon travail et en particulier, dans l'appui technique qu'ils apportent à cette Conférence, aux pays en développement, en particulier dans cette phase délicate de négociation avec Bruxelles.
Avec M. Ter Horst, du Haut-Commissariat aux Droits de l'Homme, nous avons évoqué évidemment ce qui nous paraît important la réduction du clivage Nord-Sud lorsque l'on parle des Droits de l'Homme : le lien entre démocratie, Droits de l'Homme, développement. L'envie qui est la nôtre - j'ai compris qu'elle était partagée aussi par nos interlocuteurs - d'intégrer mieux les droits sociaux lorsque l'on parle des Droits de l'Homme, ne pas oublier que l'accès à la santé ou l'accès à l'école se sont aussi des droits essentiels. Il faut aussi intégrer cela si l'on veut avoir un bilan objectif mais là encore, nous avons pu mesurer combien le risque était grand de voir progresser rapidement les textes, mais moins rapidement leur application sur le terrain. Il y a un danger évident, si l'écart devait se creuser trop entre des textes qui ne cessent de s'améliorer et une réalité de terrain qui serait en contradiction avec ces textes. Il est de notre responsabilité de veiller à ce qu'il n'y ait pas un écart grandissant de ce point de vue car sinon, les textes perdraient toute crédibilité.
Je n'ai pu que rendre hommage au travail considérable qui est fait par le HCR qui sait s'adapter à des situations difficiles et dans des conditions parfois accrobatiques. On pense à ces théâtres douloureux que sont les Grands lacs et les autres pays dont nous avons parlé, notamment l'Algérie. Nous avons évoqué en particulier un point auquel je veux vous rendre attentif qui soulève la question de la relation du HCR avec d'autres instances, c'est le passage entre l'aide d'urgence et l'aide au développement, ce que Mme Ogata appelle un "gap". Il y a un risque de mauvaise liaison entre ces deux phases qui risque parfois de se traduire par l'absence. J'ai pris l'engagement de contribuer avec mes collègues à essayer d'éviter justement cette césure entre deux interventions qui doivent se suivre et qui malheureusement ont un peu du mal à s'articuler, ce qui renvoie évidemment à des problèmes de financement car ce ne sont pas les mêmes sources budgétaires qui financent l'un et l'autre. On voit bien le problème qui peut être soulevé.
Nous avons avec Mme Ogata évoqué la situation de M. Cochetel. Vous connaissez son cas : M. Cochetel a été enlevé le 29 janvier en Ossétie du Nord. J'apprends d'ailleurs que son épouse était à Moscou la semaine dernière pour essayer de son côté de faire avancer le dossier. Je sais l'activité très soutenue du HCR dans cette affaire. Nous-mêmes évidemment mettons en oeuvre tous nos efforts pour qu'il soit trouvé une solution à cette situation évidemment douloureuse pour la famille de M. Cochetel et pour lui-même. La question de la sécurité du personnel humanitaire avait fait l'objet il y a quelques semaines de rencontres organisées au Quai d'Orsay par Hubert Védrine et moi-même avec l'ensemble des ONG concernées. Nous sommes évidemment frappés par la multiplication des cas d'enlèvements, parfois d'assassinats d'acteurs de l'action humanitaire et nous avons évoqué les procédures qui nous paraissaient le minimum, comme par exemple la mise en réseau des ONG pour réunir les informations permettant d'apprécier la situation, l'état de sécurité ou d'insécurité d'un pays et permettre aux ONG d'être un peu mieux informées des risques et des précautions à prendre. Voila donc très brièvement résumé l'échange avec Mme Ogata.
Enfin, je sors d'un déjeuner avec M. Sommaruga et ses principaux collaborateurs. Là encore, j'ai pu féliciter mes interlocuteurs de l'excellent travail accompli par le CICR dans les zones de crise où il est parfois seul. Une action qui se fait parfois, sinon dans le secret, du moins dans la confidentialité, et je crois que c'est important de le souligner car je pense que le CICR en fait plus qu'il n'y paraît parfois, avec d'ailleurs des résultats qui sont souvent liés à la méthode employée. C'est important à rappeler. Nous avons parlé de l'Afghanistan, par exemple. Le CICR joue un rôle considérable et en particulier dans le fonctionnement des hôpitaux et surtout dans l'égalité de traitements enfin reconnus aux femmes et aux hommes, contrairement à ce qui pouvait être redouté il y a encore quelques semaines. Là encore, la question de la sécurité des personnels a été évoquée. Plusieurs de mes interlocuteurs ont dit évidemment que ceci n'avait pas de prix mais avait un coût et la question des moyens budgétaires est soulevée. La France est sollicitée pour apporter le plus possible en terme de contributions. J'ai pu donner quelques assurances à mes interlocuteurs que l'effort de la France serait maintenu voire augmenté, en particulier en ce qui concerne je crois le HCR, les Droits de l'Homme. La promesse de M. Jospin, lorsqu'il est venu à Genève, de doubler l'effort de la France en terme d'assistance technique devrait pouvoir être vérifiée avec le budget 1999. Nous avons déjà fait un effort sur l'année 1997/98 et j'espère bien que nous allons pouvoir passer de ce niveau de 2,5 millions à environ 5 millions assez rapidement.
Q - Comment peut-on compenser les pertes d'avantages des pays membres de la Convention de Lomé ?
R -L'idée n'est pas de faire disparaître les avantages mais de dire qu'il faut qu'à terme ces pays rejoignent l'économie mondiale. Cela veut dire qu'on peut avoir une période transitoire qui peut être longue, qui se calcule en dizaine d'années. Les deux périodes transitoires prévues représentent une vingtaine d'années sur une base régionale, car nous croyons à l'organisation régionale dans la relation à l'Europe : l'organisation régionale n'est pas seulement intéressante du point de vue de l'intégration économique mais elle est aussi un facteur de paix. Le fait d'être obligé d'organiser ensemble son économie et ses échanges contribue à l'évidence à consolider un peu la situation du point de vue de la sécurité et de la paix. Par rapport à des pays qui préfèreraient une relation directe, établir un libre échange direct de pays à pays, nous, nous préférons cette organisation régionale à cause de cet aspect politique qui nous paraît important. Et puis, il y a ce calendrier, qui peut varier d'une région à l'autre parce que toutes ne sont pas en mesure de pouvoir affronter comme cela le vent du libre-échange. Vous savez, par ailleurs, le soin avec lequel au sein des grandes organisations internationales, le FMI, la Banque mondiale, nous rappelons qu'il y a aussi des considérations sociales importantes. La crise asiatique mérite d'ailleurs de ce point de vue d'être méditée. Ma conviction est que si le développement ne s'enracine pas dans la réalité sociale il est d'une très grande fragilité. Je pense que nos interlocuteurs sont aujourd'hui plus attentifs à ces aspects.
Q - Que pensez-vous du travail accompli par le Tribunal d'Arusha ?
R - J'observe que c'est sans doute un des moyens de régler aussi la question du surpeuplement des prisons rwandaises. Je m'explique : chacun voit bien qu'il sera extrêmement difficile, sinon impossible, de juger les 125.000 prisonniers actuellement dans les prisons rwandaises, qui sont entassés dans des conditions totalement inhumaines. Comment imaginer qu'on les libère, à condition que l'on sache les sécuriser ? Ce n'est pas évident si dans le même temps il n'y a pas quand même sanction. C'est là que le Tribunal d'Arusha peut être une espèce de rééquilibrage en terme de responsabilités, par rapport à ce qui apparaît de plus en plus nécessaire, c'est-à-dire qu'on libère ceux qui de toute évidence n'ont qu'une responsabilité faible, voire pas de responsabilité du tout. Je suis convaincu que, parmi les gens emprisonnés, il y en a qui n'ont pratiquement pas de responsabilité. Nous souhaitons en effet que le Tribunal d'Arusha poursuive son travail. Ceci renvoie à l'installation à Rome d'un Tribunal pénal international, dont nous avons parlé aussi avec nos interlocuteurs : là aussi, nous pensons que si nous voulons faire un travail sérieux il faut être capable de limiter les cas, c'est-à-dire qu'il y a un noyau dur où ce Tribunal pénal international soit déclaré compétent car il ne pourra pas traiter de tout, sauf là encore à perdre sa crédibilité. Nous sommes favorables à cette installation d'une autre organisation pénale sans mésestimer les difficultés qu'il y a à la mettre en place.
Q - Dans le conflit de la banane, on voit très clairement que l'OMC ne fait qu'appliquer des règles. Les règles, en l'occurence, ont conduit à rendre beaucoup plus difficile la situation des pays ACP producteurs d'une banane qui coûte plus cher que la banane latino-américaine.
R - J'espère bien que les compensations qui ont été prévues à l'adresse des pays qui risquent d'être affectés par cette modification de la règle, permettront, compte-tenu là aussi d'un calendrier d'application, à ces pays de faire l'effort de productivité leur permettant de se rapprocher des conditions de marché. C'est cela l'objectif. Mais la pression européenne est forte ce sur point et extrêmement mobilisée.
Q - S'agissant de la Francophonie, comment commentez-vous la décision de l'administration française de féminiser tous les noms de métier ?
R - C'est un problème de poésie. Il y a des noms que moi je reçois mieux et d'autres, pas du tout. Il y a des "Madame la" parfois que j'entends mal. J'observe qu'en Afrique, les femmes ministres aiment bien continuer à se faire appeler "Madame le" mais j'observe qu'en France mes collègues aiment bien qu'on les appellent "Madame la ministre". Si cela s'inscrit dans la bataille de la parité homme/femme, tant mieux. L'essentiel, je le répète, c'est que la poésie continue à y trouver son compte
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 octobre 2001)
S'agissant toujours de M. Hansenne, j'ai eu plaisir, car je suis aussi ministre en charge de la Francophonie, d'observer que la Francophonie et le français demeuraient des réalités fortes au sein de ces organisations. La CNUCED est en cours de réforme et j'ai eu aussi l'occasion d'en parler avec M. Ricupero et lui dire notre assentiment, quant au renforcement des activités opérationnelles, le soutien aussi aux efforts du secteur privé. C'est peut-être là l'orientation la plus remarquable, me semble-t-il, de la CNUCED au cours de ces dernières années. Elle rejoint assez sensiblement la nôtre.
Au plan français, c'est une volonté d'impliquer la société civile dans le développement. Les entreprises en particulier sont davantage sollicitées mais aussi les organisations non gouvernementales en général et nous aurons l'occasion de l'illustrer lors de la Conférence des partenaires pour le développement que la CNUCED a prévue d'organiser à Lyon, en liaison d'ailleurs avec la mairie de Lyon. Le Premier ministre, Lionel Jospin, a dit déjà son intention de participer à cette Conférence. Moi-même, j'ai été sollicité et j'espère que mon agenda me permettra d'être à Lyon aux côtés des dirigeants de la CNUCED qui me semblent faire du bon travail et en particulier, dans l'appui technique qu'ils apportent à cette Conférence, aux pays en développement, en particulier dans cette phase délicate de négociation avec Bruxelles.
Avec M. Ter Horst, du Haut-Commissariat aux Droits de l'Homme, nous avons évoqué évidemment ce qui nous paraît important la réduction du clivage Nord-Sud lorsque l'on parle des Droits de l'Homme : le lien entre démocratie, Droits de l'Homme, développement. L'envie qui est la nôtre - j'ai compris qu'elle était partagée aussi par nos interlocuteurs - d'intégrer mieux les droits sociaux lorsque l'on parle des Droits de l'Homme, ne pas oublier que l'accès à la santé ou l'accès à l'école se sont aussi des droits essentiels. Il faut aussi intégrer cela si l'on veut avoir un bilan objectif mais là encore, nous avons pu mesurer combien le risque était grand de voir progresser rapidement les textes, mais moins rapidement leur application sur le terrain. Il y a un danger évident, si l'écart devait se creuser trop entre des textes qui ne cessent de s'améliorer et une réalité de terrain qui serait en contradiction avec ces textes. Il est de notre responsabilité de veiller à ce qu'il n'y ait pas un écart grandissant de ce point de vue car sinon, les textes perdraient toute crédibilité.
Je n'ai pu que rendre hommage au travail considérable qui est fait par le HCR qui sait s'adapter à des situations difficiles et dans des conditions parfois accrobatiques. On pense à ces théâtres douloureux que sont les Grands lacs et les autres pays dont nous avons parlé, notamment l'Algérie. Nous avons évoqué en particulier un point auquel je veux vous rendre attentif qui soulève la question de la relation du HCR avec d'autres instances, c'est le passage entre l'aide d'urgence et l'aide au développement, ce que Mme Ogata appelle un "gap". Il y a un risque de mauvaise liaison entre ces deux phases qui risque parfois de se traduire par l'absence. J'ai pris l'engagement de contribuer avec mes collègues à essayer d'éviter justement cette césure entre deux interventions qui doivent se suivre et qui malheureusement ont un peu du mal à s'articuler, ce qui renvoie évidemment à des problèmes de financement car ce ne sont pas les mêmes sources budgétaires qui financent l'un et l'autre. On voit bien le problème qui peut être soulevé.
Nous avons avec Mme Ogata évoqué la situation de M. Cochetel. Vous connaissez son cas : M. Cochetel a été enlevé le 29 janvier en Ossétie du Nord. J'apprends d'ailleurs que son épouse était à Moscou la semaine dernière pour essayer de son côté de faire avancer le dossier. Je sais l'activité très soutenue du HCR dans cette affaire. Nous-mêmes évidemment mettons en oeuvre tous nos efforts pour qu'il soit trouvé une solution à cette situation évidemment douloureuse pour la famille de M. Cochetel et pour lui-même. La question de la sécurité du personnel humanitaire avait fait l'objet il y a quelques semaines de rencontres organisées au Quai d'Orsay par Hubert Védrine et moi-même avec l'ensemble des ONG concernées. Nous sommes évidemment frappés par la multiplication des cas d'enlèvements, parfois d'assassinats d'acteurs de l'action humanitaire et nous avons évoqué les procédures qui nous paraissaient le minimum, comme par exemple la mise en réseau des ONG pour réunir les informations permettant d'apprécier la situation, l'état de sécurité ou d'insécurité d'un pays et permettre aux ONG d'être un peu mieux informées des risques et des précautions à prendre. Voila donc très brièvement résumé l'échange avec Mme Ogata.
Enfin, je sors d'un déjeuner avec M. Sommaruga et ses principaux collaborateurs. Là encore, j'ai pu féliciter mes interlocuteurs de l'excellent travail accompli par le CICR dans les zones de crise où il est parfois seul. Une action qui se fait parfois, sinon dans le secret, du moins dans la confidentialité, et je crois que c'est important de le souligner car je pense que le CICR en fait plus qu'il n'y paraît parfois, avec d'ailleurs des résultats qui sont souvent liés à la méthode employée. C'est important à rappeler. Nous avons parlé de l'Afghanistan, par exemple. Le CICR joue un rôle considérable et en particulier dans le fonctionnement des hôpitaux et surtout dans l'égalité de traitements enfin reconnus aux femmes et aux hommes, contrairement à ce qui pouvait être redouté il y a encore quelques semaines. Là encore, la question de la sécurité des personnels a été évoquée. Plusieurs de mes interlocuteurs ont dit évidemment que ceci n'avait pas de prix mais avait un coût et la question des moyens budgétaires est soulevée. La France est sollicitée pour apporter le plus possible en terme de contributions. J'ai pu donner quelques assurances à mes interlocuteurs que l'effort de la France serait maintenu voire augmenté, en particulier en ce qui concerne je crois le HCR, les Droits de l'Homme. La promesse de M. Jospin, lorsqu'il est venu à Genève, de doubler l'effort de la France en terme d'assistance technique devrait pouvoir être vérifiée avec le budget 1999. Nous avons déjà fait un effort sur l'année 1997/98 et j'espère bien que nous allons pouvoir passer de ce niveau de 2,5 millions à environ 5 millions assez rapidement.
Q - Comment peut-on compenser les pertes d'avantages des pays membres de la Convention de Lomé ?
R -L'idée n'est pas de faire disparaître les avantages mais de dire qu'il faut qu'à terme ces pays rejoignent l'économie mondiale. Cela veut dire qu'on peut avoir une période transitoire qui peut être longue, qui se calcule en dizaine d'années. Les deux périodes transitoires prévues représentent une vingtaine d'années sur une base régionale, car nous croyons à l'organisation régionale dans la relation à l'Europe : l'organisation régionale n'est pas seulement intéressante du point de vue de l'intégration économique mais elle est aussi un facteur de paix. Le fait d'être obligé d'organiser ensemble son économie et ses échanges contribue à l'évidence à consolider un peu la situation du point de vue de la sécurité et de la paix. Par rapport à des pays qui préfèreraient une relation directe, établir un libre échange direct de pays à pays, nous, nous préférons cette organisation régionale à cause de cet aspect politique qui nous paraît important. Et puis, il y a ce calendrier, qui peut varier d'une région à l'autre parce que toutes ne sont pas en mesure de pouvoir affronter comme cela le vent du libre-échange. Vous savez, par ailleurs, le soin avec lequel au sein des grandes organisations internationales, le FMI, la Banque mondiale, nous rappelons qu'il y a aussi des considérations sociales importantes. La crise asiatique mérite d'ailleurs de ce point de vue d'être méditée. Ma conviction est que si le développement ne s'enracine pas dans la réalité sociale il est d'une très grande fragilité. Je pense que nos interlocuteurs sont aujourd'hui plus attentifs à ces aspects.
Q - Que pensez-vous du travail accompli par le Tribunal d'Arusha ?
R - J'observe que c'est sans doute un des moyens de régler aussi la question du surpeuplement des prisons rwandaises. Je m'explique : chacun voit bien qu'il sera extrêmement difficile, sinon impossible, de juger les 125.000 prisonniers actuellement dans les prisons rwandaises, qui sont entassés dans des conditions totalement inhumaines. Comment imaginer qu'on les libère, à condition que l'on sache les sécuriser ? Ce n'est pas évident si dans le même temps il n'y a pas quand même sanction. C'est là que le Tribunal d'Arusha peut être une espèce de rééquilibrage en terme de responsabilités, par rapport à ce qui apparaît de plus en plus nécessaire, c'est-à-dire qu'on libère ceux qui de toute évidence n'ont qu'une responsabilité faible, voire pas de responsabilité du tout. Je suis convaincu que, parmi les gens emprisonnés, il y en a qui n'ont pratiquement pas de responsabilité. Nous souhaitons en effet que le Tribunal d'Arusha poursuive son travail. Ceci renvoie à l'installation à Rome d'un Tribunal pénal international, dont nous avons parlé aussi avec nos interlocuteurs : là aussi, nous pensons que si nous voulons faire un travail sérieux il faut être capable de limiter les cas, c'est-à-dire qu'il y a un noyau dur où ce Tribunal pénal international soit déclaré compétent car il ne pourra pas traiter de tout, sauf là encore à perdre sa crédibilité. Nous sommes favorables à cette installation d'une autre organisation pénale sans mésestimer les difficultés qu'il y a à la mettre en place.
Q - Dans le conflit de la banane, on voit très clairement que l'OMC ne fait qu'appliquer des règles. Les règles, en l'occurence, ont conduit à rendre beaucoup plus difficile la situation des pays ACP producteurs d'une banane qui coûte plus cher que la banane latino-américaine.
R - J'espère bien que les compensations qui ont été prévues à l'adresse des pays qui risquent d'être affectés par cette modification de la règle, permettront, compte-tenu là aussi d'un calendrier d'application, à ces pays de faire l'effort de productivité leur permettant de se rapprocher des conditions de marché. C'est cela l'objectif. Mais la pression européenne est forte ce sur point et extrêmement mobilisée.
Q - S'agissant de la Francophonie, comment commentez-vous la décision de l'administration française de féminiser tous les noms de métier ?
R - C'est un problème de poésie. Il y a des noms que moi je reçois mieux et d'autres, pas du tout. Il y a des "Madame la" parfois que j'entends mal. J'observe qu'en Afrique, les femmes ministres aiment bien continuer à se faire appeler "Madame le" mais j'observe qu'en France mes collègues aiment bien qu'on les appellent "Madame la ministre". Si cela s'inscrit dans la bataille de la parité homme/femme, tant mieux. L'essentiel, je le répète, c'est que la poésie continue à y trouver son compte
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 octobre 2001)