Texte intégral
Je suis très heureux et en même temps très ému d'être aujourd'hui à Beyrouth. Comme vous le savez, j'ai pu rencontrer le président Lahoud, le président Hariri et le président Nabih Berry. Je suis particulièrement heureux de commencer ce nouveau déplacement au Proche-Orient par Beyrouth. Nous avons un attachement profond et réciproque, demeuré intact à travers les épreuves tragiques que votre pays a surmontées et qui unit la France et le Liban. Cette relation, chacun peut le mesurer, plonge ses racines dans notre histoire commune et l'amitié et la familiarité qu'elle a crées entre nos deux peuples. Mais elle se nourrit aussi d'intérêts partagés et d'une coopération très active autour de projets concrets.
Sur le plan politique d'abord, nous avons les mêmes préoccupations, s'agissant de la stabilité régionale, de la nécessité de travailler à une paix, juste globale et durable, mais aussi de préserver la stabilité, l'indépendance et la prospérité de tous les Etats de la région.
Dans le domaine économique, de grands groupes français sont présents au Liban et contribuent à l'effort de reconstruction par des investissements importants. La France soutient d'autre part la politique de réformes et de modernisation entreprise par le gouvernement libanais.
Dans le domaine culturel, notre proximité est ancienne, et la vitalité de nos relations est illustrée tous les jours par la qualité des intellectuels et des écrivains libanais de langue française. Notre effort, en matière de coopération culturelle, linguistique et de formation, qui s'adresse à toutes les communautés, est à la mesure de cette relation particulière. Le Sommet de la Francophonie, qui se tiendra comme vous le savez en octobre prochain, le premier en terre arabe, témoignera du retour tant attendu du Liban au premier plan de la scène internationale.
Nous avons évoqué avec chacun de mes interlocuteurs, la situation régionale dont la dégradation est extrêmement préoccupante. Nous devons, dans ce contexte, tous nous mobiliser. Cela signifie une mobilisation des Libanais dans leur ensemble, mais aussi une mobilisation à l'échelle régionale. Il y a urgence à relancer les efforts de paix pour mettre un terme à un conflit auquel les peuples de la région, et singulièrement le peuple libanais, ont déjà payé un très lourd tribut. Nous partageons la conviction que seule une solution politique aboutissant à une solution globale et juste, établie sur le respect des droits de chacun, permet de parvenir à une paix durable. Il existe aujourd'hui une très large convergence sur les éléments à prendre en compte pour un règlement durable : la lutte contre le terrorisme, naturellement, mais aussi l'arrêt de la colonisation, la fin de l'occupation, et la création aux côtés de l'Etat d'Israël d'un Etat palestinien viable et démocratique.
C'est sur cette convergence - telle qu'elle résulte de l'initiative arabe de paix, adoptée à Beyrouth, de la déclaration du Conseil européen de Séville il y a quelques jours, et du discours du président Bush - qu'il faut maintenant bâtir, afin de transformer au plus vite notre vision commune en réalité. S'il appartient aux différentes parties de définir les termes d'un règlement, la communauté internationale a le devoir de les aider à assumer le risque de la paix, aujourd'hui indispensable, et à reprendre les négociations. Le dialogue peut reprendre, la concertation est essentielle entre toutes les parties, il convient donc de relancer le processus politique de paix.
L'idée de conférence internationale, au-delà de la concertation indispensable entre les uns et les autres, reste de notre point de vue le meilleur moyen de progresser dans cette voix sur l'ensemble des volets, y compris bien sûr les volets syrien et libanais, sur la base notamment des résolutions 242 et 338, ainsi que des principes de la conférence de Madrid - la terre contre la paix. La France et l'Union européenne, qui ont un intérêt fondamental à la stabilité et à la prospérité de cette région, ont vocation à prendre toute leur part dans la recherche de cette solution, et j'ai fait part à chacun de mes interlocuteurs de la détermination du président de la République à mettre toute l'influence de la France au service de cet objectif.
En ce qui concerne la France elle entend rester attentive à ce que les intérêts du Liban soient dûment pris en compte dans le cadre de futures négociations. Pour avancer dans la recherche d'une solution politique, il est essentiel que la violence soit résolument écartée par tous. Dans cet esprit, la lutte contre le terrorisme - et c'est une conviction française largement partagée par la communauté internationale - est un impératif et doit être menée sans relâche. Les efforts louables déjà entrepris notamment par le Liban devraient être poursuivis. De même, il est indispensable que chacun adopte une attitude de stricte retenue au Sud-Liban, je l'ai dit à mes interlocuteurs. J'ai fait part de l'inquiétude que nous inspire la persistance des incidents, le long de la ligne bleue : la résolution 425 a été appliquée, la ligne bleue doit être respectée par toutes les parties, personne n'a intérêt à une escalade dont les conséquences humaines, économiques et politiques seraient dévastatrices. Chacun, donc, doit faire preuve de responsabilité.
Je suis ici aussi pour dire ma confiance dans la capacité du Liban à poursuivre, malgré cette situation régionale troublée, sur la voie de la réconciliation nationale et de la reconstruction. Le peuple du Liban, l'ensemble des acteurs libanais doivent, en ces temps difficiles, savoir se mobiliser autour des valeurs qui ont fait de ce pays un pays soucieux de garder la maîtrise de son destin, un foyer intellectuel rayonnant, et un modèle de ce dialogue des cultures dont le 11 septembre a démontré la très impérieuse nécessité. Les Libanais sont, à juste titre, fiers de leur diversité et de l'originalité qui font leur richesse. Le gouvernement libanais doit poursuivre l'effort courageux de réformes et de modernisation qui a été entrepris. La signature récente de l'accord d'association avec l'Union européenne favorisera l'insertion du Liban dans l'espace euro-méditérranéen qui constitue pour nous tous un horizon ambitieux. La désignation, à la suite de la venue à Paris du président Hariri d'une personnalité importante, M. Camdessus, pour préparer aussi rapidement que possible une réunion des principaux amis du Liban marque un engagement fort. C'est aussi un signal de la détermination de la communauté internationale et de la France à se tenir aux côtés du Liban. C'est aussi un encouragement pour ce dernier à redoubler ses efforts sur la voie de la réforme et de la modernisation.
Q - Vous avez évoqué le discours du président Bush. Estimez-vous qu'il constitue une véritable vision de la paix au Proche-Orient, sachant qu'il y a des parties arabes qui estiment qu'il s'agit d'une déclaration de guerre ?
R - Il faut partir de la situation de la région telle qu'elle est, de la réalité difficile et tragique que connaît cette région : d'un côté, l'angoisse du terrorisme au quotidien en Israël, de l'autre, la tragédie du peuple palestinien sans avenir, sans perspective, vivant sous la loi du couvre-feu, de l'occupation des Territoires. Tout ceci impose des devoirs à la communauté internationale et, à travers les initiatives diplomatiques des derniers mois - on l'a vu lors de la réunion des pays arabes à Beyrouth, lors du Conseil européen de Séville et récemment à travers les déclarations du président Bush - je crois qu'il y a des convergences dans l'exigence d'actions et de résultats. Ceci nous oblige à aller le plus loin possible, d'abord dans la dénonciation du terrorisme qui est aujourd'hui un élément fort de mobilisation de la communauté internationale, ensuite dans la volonté d'action, à travers des réformes possibles du côté palestinien, de l'Autorité palestinienne. Le président Arafat et les responsables palestiniens marquent clairement leur volonté d'avancer dans le sens des réformes vers plus d'efficacité, plus de transparence pour l'Autorité palestinienne. Parallèlement, ceci nécessite un effort en direction des élections, et alors même que j'étais à Ramallah, le président Arafat a indiqué qu'il souhaitait que ces élections se tiennent dans des délais rapides : il a annoncé qu'elles se tiendraient au mois de janvier pour les élections présidentielles et législatives, et au mois de mars pour les élections municipales.
Dans ce contexte, au-delà de ces convergences, il faut voir quelles sont les complémentarités des différentes diplomaties, et il est évident que la vision de la sécurité, l'impératif de sécurité ne saurait suffire. C'est la conviction des pays arabes, c'est la conviction de l'Union européenne, c'est la conviction de la France. Il est important de préserver un objectif de paix, un processus politique qui permette de mobiliser l'ensemble des Etats de la région, de mobiliser l'ensemble des énergies sans laisser la place à ce vide, à ce désespoir, à cette inquiétude qui nourrit le terrorisme. Il est important donc de se mobiliser.
Je crois que le cadre de la conférence internationale, les négociations qui peuvent se nouer entre le Quartet et un certain nombre de pays arabes peuvent permettre de nouer les fils, de faire avancer aujourd'hui la négociation. Bien évidemment, le cadre de la conférence internationale doit être soigneusement étudié, il est important que le calendrier soit clairement fixé, que l'objectif - et c'est un point important, parce qu'il est aujourd'hui partagé par toute la communauté internationale - de création d'un Etat palestinien viable, démocratique et souverain soit aujourd'hui affirmé par toute la communauté internationale sur la base des frontières de 1967. Il est important que forts de cet objectif et de cette conviction, nous essayions maintenant de faire avancer les choses, d'où la nécessité aujourd'hui - au-delà de la convergence, des complémentarités, de l'urgence - que la communauté internationale se mobilise. C'est le cas des pays arabes, de la diplomatie arabe, on l'a vu à Beyrouth, on le voit à travers l'engagement très fort de l'Arabie saoudite, de l'Egypte et de la plupart des Etats arabes, on le voit à travers l'engagement et la volonté de l'Union européenne et c'est en tout cas l'engagement et l'objectif de la France.
Q - C'est une question qui s'adresse aux deux ministres : deux pays européens au moins ont suggéré l'inscription du Hezbollah sur la liste européenne des organisations qui soutiennent le terrorisme. Je voulais savoir si la France considère que cette initiative est justifiée, je voulais savoir ce que le Liban en pense ?
R - Je ne suis naturellement pas ici pour décerner des bons ou des mauvais points. Nous attendons de toutes les parties qu'elles fassent preuve de la retenue indispensable. Cela vaut bien sûr pour tous, y compris pour le Hezbollah, que ce soit au Sud-Liban ou partout ailleurs. Vous avez évoqué le problème de l'inscription sur la liste européenne. Vous savez que cette inscription a été examinée par les instances européennes compétentes et qu'il s'agit d'un processus de décision collectif, confidentiel et continu. A ce stade, il n'y a pas de position unanime de l'Union européenne et la question reste à l'examen.
Q - Monsieur le Ministre, ma question a trois corollaires. Vous êtes venu à Beyrouth apporter votre soutien au Liban, tout le monde est content : un, le Hezbollah n'allait pas être sur les tablettes ; deux, on est en train de préparer Paris-II avec beaucoup d'enthousiasme. Qu'est ce que vous avez demandé en retour au gouvernement libanais ? Est-ce que vous lui avez demander d'instaurer un Etat de droit au Sud en déployant l'armée ? Est-ce que vous avez demandé au gouvernement Hariri de privatiser quelque chose de plus intéressant que l'électricité et l'eau qui sont complètement en train de péricliter en contrepartie des 5 milliards ? Et troisièmement, est-ce que vous avez évoqué la revendication de beaucoup de Libanais, des dirigeants, des députés et d'une grande partie de la population pour la souveraineté du Liban avec l'occupation syrienne qui continue après l'occupation israélienne ?
R - Vous savez bien sûr à quel point la France est attachée à l'intégrité et à la souveraineté du Liban, et c'est évidemment au coeur de notre démarche et au coeur de nos préoccupations. La France est attentive à l'avenir des relations entre la Syrie et le Liban, c'est un débat légitime bien sûr. Il est souhaitable que les autorités libanaises et les autorités syriennes sachent répondre à ces attentes dans une démarche ouverte, progressive, tenant compte les évolutions régionales. Nous le disons bien sûr à nos interlocuteurs syriens et libanais. Vous avez évoqué la situation difficile sur le plan économique. Nous apportons, vous savez, notre appui à la recherche du redressement économique et financier du Liban. Nous appuyons les efforts engagés en ce sens, c'est tout le sens de l'action de la France pour préparer un nouveau Paris-II, le sens aussi de la nomination de M. Camdessus, gouverneur honoraire de la Banque de France, pour essayer de réunir les bonnes volontés, de s'entretenir avec l'ensemble des parties, pour favoriser donc une réunion pour le Liban. Vous le savez, la France agit au Liban avec la volonté de faire avancer les choses. C'est véritablement l'esprit de l'amitié, de la fidélité entre la France et le Liban. C'est l'amitié qui nous guide et le souci d'avancer véritablement, parce que nous attachons une immense importance à la stabilité du Liban. Nous pensons que cette stabilité est importante pour l'ensemble de la région et qu'il convient donc de faire en sorte que l'ensemble des pays de cette région, et au premier chef ceux dont nous sommes le plus proches comme le Liban, puissent véritablement bénéficier des bases les plus solides pour le développement.
Q - Est-ce que vous pensez que le climat régional et international est convenable pour réussir la réunion de Paris II ?
R - Je crois qu'il est important d'avancer dans la recherche du redressement, des réformes économiques et financières au Liban, et que bien sûr il y a un contexte régional. Mais cela ne doit qu'aviver et renforcer notre volonté d'avancer. Il y a un élément supplémentaire de mobilisation, car il est très important de ne pas faire le jeu de l'instabilité, de ne pas encourager le mouvement d'inertie ou d'attentisme. Nous devons faire preuve de la volonté indispensable pour aller de l'avant. Et c'est là le témoignage de la France. Si je suis aujourd'hui ici à Beyrouth, c'est pour exprimer cette conviction très forte, c'est ce que le président Jacques Chirac a dit au président Hariri quand il est venu à Paris.
Q - Israël a menacé le Liban et la Syrie à cause du Hezbollah. Que fait la France pour traiter la question du Sud-Liban et la question du Hezbollah ?
R - La France, vous savez est en contact avec différentes parties et plaide pour la retenue. Elle incite chacun à faire preuve justement de la plus grande réserve nécessaire pour éviter que ces dossiers ne s'enveniment. Elle le dit évidemment à ses amis libanais et elle le dit aux Israéliens. Il est très important que nous ne laissions pas échapper justement ces forces d'instabilité mais qu'au contraire nous essayions de plaider pour la stabilité et le contrôle. La plus grande retenue possible est aujourd'hui évidemment indispensable. Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 juillet 2002)
Sur le plan politique d'abord, nous avons les mêmes préoccupations, s'agissant de la stabilité régionale, de la nécessité de travailler à une paix, juste globale et durable, mais aussi de préserver la stabilité, l'indépendance et la prospérité de tous les Etats de la région.
Dans le domaine économique, de grands groupes français sont présents au Liban et contribuent à l'effort de reconstruction par des investissements importants. La France soutient d'autre part la politique de réformes et de modernisation entreprise par le gouvernement libanais.
Dans le domaine culturel, notre proximité est ancienne, et la vitalité de nos relations est illustrée tous les jours par la qualité des intellectuels et des écrivains libanais de langue française. Notre effort, en matière de coopération culturelle, linguistique et de formation, qui s'adresse à toutes les communautés, est à la mesure de cette relation particulière. Le Sommet de la Francophonie, qui se tiendra comme vous le savez en octobre prochain, le premier en terre arabe, témoignera du retour tant attendu du Liban au premier plan de la scène internationale.
Nous avons évoqué avec chacun de mes interlocuteurs, la situation régionale dont la dégradation est extrêmement préoccupante. Nous devons, dans ce contexte, tous nous mobiliser. Cela signifie une mobilisation des Libanais dans leur ensemble, mais aussi une mobilisation à l'échelle régionale. Il y a urgence à relancer les efforts de paix pour mettre un terme à un conflit auquel les peuples de la région, et singulièrement le peuple libanais, ont déjà payé un très lourd tribut. Nous partageons la conviction que seule une solution politique aboutissant à une solution globale et juste, établie sur le respect des droits de chacun, permet de parvenir à une paix durable. Il existe aujourd'hui une très large convergence sur les éléments à prendre en compte pour un règlement durable : la lutte contre le terrorisme, naturellement, mais aussi l'arrêt de la colonisation, la fin de l'occupation, et la création aux côtés de l'Etat d'Israël d'un Etat palestinien viable et démocratique.
C'est sur cette convergence - telle qu'elle résulte de l'initiative arabe de paix, adoptée à Beyrouth, de la déclaration du Conseil européen de Séville il y a quelques jours, et du discours du président Bush - qu'il faut maintenant bâtir, afin de transformer au plus vite notre vision commune en réalité. S'il appartient aux différentes parties de définir les termes d'un règlement, la communauté internationale a le devoir de les aider à assumer le risque de la paix, aujourd'hui indispensable, et à reprendre les négociations. Le dialogue peut reprendre, la concertation est essentielle entre toutes les parties, il convient donc de relancer le processus politique de paix.
L'idée de conférence internationale, au-delà de la concertation indispensable entre les uns et les autres, reste de notre point de vue le meilleur moyen de progresser dans cette voix sur l'ensemble des volets, y compris bien sûr les volets syrien et libanais, sur la base notamment des résolutions 242 et 338, ainsi que des principes de la conférence de Madrid - la terre contre la paix. La France et l'Union européenne, qui ont un intérêt fondamental à la stabilité et à la prospérité de cette région, ont vocation à prendre toute leur part dans la recherche de cette solution, et j'ai fait part à chacun de mes interlocuteurs de la détermination du président de la République à mettre toute l'influence de la France au service de cet objectif.
En ce qui concerne la France elle entend rester attentive à ce que les intérêts du Liban soient dûment pris en compte dans le cadre de futures négociations. Pour avancer dans la recherche d'une solution politique, il est essentiel que la violence soit résolument écartée par tous. Dans cet esprit, la lutte contre le terrorisme - et c'est une conviction française largement partagée par la communauté internationale - est un impératif et doit être menée sans relâche. Les efforts louables déjà entrepris notamment par le Liban devraient être poursuivis. De même, il est indispensable que chacun adopte une attitude de stricte retenue au Sud-Liban, je l'ai dit à mes interlocuteurs. J'ai fait part de l'inquiétude que nous inspire la persistance des incidents, le long de la ligne bleue : la résolution 425 a été appliquée, la ligne bleue doit être respectée par toutes les parties, personne n'a intérêt à une escalade dont les conséquences humaines, économiques et politiques seraient dévastatrices. Chacun, donc, doit faire preuve de responsabilité.
Je suis ici aussi pour dire ma confiance dans la capacité du Liban à poursuivre, malgré cette situation régionale troublée, sur la voie de la réconciliation nationale et de la reconstruction. Le peuple du Liban, l'ensemble des acteurs libanais doivent, en ces temps difficiles, savoir se mobiliser autour des valeurs qui ont fait de ce pays un pays soucieux de garder la maîtrise de son destin, un foyer intellectuel rayonnant, et un modèle de ce dialogue des cultures dont le 11 septembre a démontré la très impérieuse nécessité. Les Libanais sont, à juste titre, fiers de leur diversité et de l'originalité qui font leur richesse. Le gouvernement libanais doit poursuivre l'effort courageux de réformes et de modernisation qui a été entrepris. La signature récente de l'accord d'association avec l'Union européenne favorisera l'insertion du Liban dans l'espace euro-méditérranéen qui constitue pour nous tous un horizon ambitieux. La désignation, à la suite de la venue à Paris du président Hariri d'une personnalité importante, M. Camdessus, pour préparer aussi rapidement que possible une réunion des principaux amis du Liban marque un engagement fort. C'est aussi un signal de la détermination de la communauté internationale et de la France à se tenir aux côtés du Liban. C'est aussi un encouragement pour ce dernier à redoubler ses efforts sur la voie de la réforme et de la modernisation.
Q - Vous avez évoqué le discours du président Bush. Estimez-vous qu'il constitue une véritable vision de la paix au Proche-Orient, sachant qu'il y a des parties arabes qui estiment qu'il s'agit d'une déclaration de guerre ?
R - Il faut partir de la situation de la région telle qu'elle est, de la réalité difficile et tragique que connaît cette région : d'un côté, l'angoisse du terrorisme au quotidien en Israël, de l'autre, la tragédie du peuple palestinien sans avenir, sans perspective, vivant sous la loi du couvre-feu, de l'occupation des Territoires. Tout ceci impose des devoirs à la communauté internationale et, à travers les initiatives diplomatiques des derniers mois - on l'a vu lors de la réunion des pays arabes à Beyrouth, lors du Conseil européen de Séville et récemment à travers les déclarations du président Bush - je crois qu'il y a des convergences dans l'exigence d'actions et de résultats. Ceci nous oblige à aller le plus loin possible, d'abord dans la dénonciation du terrorisme qui est aujourd'hui un élément fort de mobilisation de la communauté internationale, ensuite dans la volonté d'action, à travers des réformes possibles du côté palestinien, de l'Autorité palestinienne. Le président Arafat et les responsables palestiniens marquent clairement leur volonté d'avancer dans le sens des réformes vers plus d'efficacité, plus de transparence pour l'Autorité palestinienne. Parallèlement, ceci nécessite un effort en direction des élections, et alors même que j'étais à Ramallah, le président Arafat a indiqué qu'il souhaitait que ces élections se tiennent dans des délais rapides : il a annoncé qu'elles se tiendraient au mois de janvier pour les élections présidentielles et législatives, et au mois de mars pour les élections municipales.
Dans ce contexte, au-delà de ces convergences, il faut voir quelles sont les complémentarités des différentes diplomaties, et il est évident que la vision de la sécurité, l'impératif de sécurité ne saurait suffire. C'est la conviction des pays arabes, c'est la conviction de l'Union européenne, c'est la conviction de la France. Il est important de préserver un objectif de paix, un processus politique qui permette de mobiliser l'ensemble des Etats de la région, de mobiliser l'ensemble des énergies sans laisser la place à ce vide, à ce désespoir, à cette inquiétude qui nourrit le terrorisme. Il est important donc de se mobiliser.
Je crois que le cadre de la conférence internationale, les négociations qui peuvent se nouer entre le Quartet et un certain nombre de pays arabes peuvent permettre de nouer les fils, de faire avancer aujourd'hui la négociation. Bien évidemment, le cadre de la conférence internationale doit être soigneusement étudié, il est important que le calendrier soit clairement fixé, que l'objectif - et c'est un point important, parce qu'il est aujourd'hui partagé par toute la communauté internationale - de création d'un Etat palestinien viable, démocratique et souverain soit aujourd'hui affirmé par toute la communauté internationale sur la base des frontières de 1967. Il est important que forts de cet objectif et de cette conviction, nous essayions maintenant de faire avancer les choses, d'où la nécessité aujourd'hui - au-delà de la convergence, des complémentarités, de l'urgence - que la communauté internationale se mobilise. C'est le cas des pays arabes, de la diplomatie arabe, on l'a vu à Beyrouth, on le voit à travers l'engagement très fort de l'Arabie saoudite, de l'Egypte et de la plupart des Etats arabes, on le voit à travers l'engagement et la volonté de l'Union européenne et c'est en tout cas l'engagement et l'objectif de la France.
Q - C'est une question qui s'adresse aux deux ministres : deux pays européens au moins ont suggéré l'inscription du Hezbollah sur la liste européenne des organisations qui soutiennent le terrorisme. Je voulais savoir si la France considère que cette initiative est justifiée, je voulais savoir ce que le Liban en pense ?
R - Je ne suis naturellement pas ici pour décerner des bons ou des mauvais points. Nous attendons de toutes les parties qu'elles fassent preuve de la retenue indispensable. Cela vaut bien sûr pour tous, y compris pour le Hezbollah, que ce soit au Sud-Liban ou partout ailleurs. Vous avez évoqué le problème de l'inscription sur la liste européenne. Vous savez que cette inscription a été examinée par les instances européennes compétentes et qu'il s'agit d'un processus de décision collectif, confidentiel et continu. A ce stade, il n'y a pas de position unanime de l'Union européenne et la question reste à l'examen.
Q - Monsieur le Ministre, ma question a trois corollaires. Vous êtes venu à Beyrouth apporter votre soutien au Liban, tout le monde est content : un, le Hezbollah n'allait pas être sur les tablettes ; deux, on est en train de préparer Paris-II avec beaucoup d'enthousiasme. Qu'est ce que vous avez demandé en retour au gouvernement libanais ? Est-ce que vous lui avez demander d'instaurer un Etat de droit au Sud en déployant l'armée ? Est-ce que vous avez demandé au gouvernement Hariri de privatiser quelque chose de plus intéressant que l'électricité et l'eau qui sont complètement en train de péricliter en contrepartie des 5 milliards ? Et troisièmement, est-ce que vous avez évoqué la revendication de beaucoup de Libanais, des dirigeants, des députés et d'une grande partie de la population pour la souveraineté du Liban avec l'occupation syrienne qui continue après l'occupation israélienne ?
R - Vous savez bien sûr à quel point la France est attachée à l'intégrité et à la souveraineté du Liban, et c'est évidemment au coeur de notre démarche et au coeur de nos préoccupations. La France est attentive à l'avenir des relations entre la Syrie et le Liban, c'est un débat légitime bien sûr. Il est souhaitable que les autorités libanaises et les autorités syriennes sachent répondre à ces attentes dans une démarche ouverte, progressive, tenant compte les évolutions régionales. Nous le disons bien sûr à nos interlocuteurs syriens et libanais. Vous avez évoqué la situation difficile sur le plan économique. Nous apportons, vous savez, notre appui à la recherche du redressement économique et financier du Liban. Nous appuyons les efforts engagés en ce sens, c'est tout le sens de l'action de la France pour préparer un nouveau Paris-II, le sens aussi de la nomination de M. Camdessus, gouverneur honoraire de la Banque de France, pour essayer de réunir les bonnes volontés, de s'entretenir avec l'ensemble des parties, pour favoriser donc une réunion pour le Liban. Vous le savez, la France agit au Liban avec la volonté de faire avancer les choses. C'est véritablement l'esprit de l'amitié, de la fidélité entre la France et le Liban. C'est l'amitié qui nous guide et le souci d'avancer véritablement, parce que nous attachons une immense importance à la stabilité du Liban. Nous pensons que cette stabilité est importante pour l'ensemble de la région et qu'il convient donc de faire en sorte que l'ensemble des pays de cette région, et au premier chef ceux dont nous sommes le plus proches comme le Liban, puissent véritablement bénéficier des bases les plus solides pour le développement.
Q - Est-ce que vous pensez que le climat régional et international est convenable pour réussir la réunion de Paris II ?
R - Je crois qu'il est important d'avancer dans la recherche du redressement, des réformes économiques et financières au Liban, et que bien sûr il y a un contexte régional. Mais cela ne doit qu'aviver et renforcer notre volonté d'avancer. Il y a un élément supplémentaire de mobilisation, car il est très important de ne pas faire le jeu de l'instabilité, de ne pas encourager le mouvement d'inertie ou d'attentisme. Nous devons faire preuve de la volonté indispensable pour aller de l'avant. Et c'est là le témoignage de la France. Si je suis aujourd'hui ici à Beyrouth, c'est pour exprimer cette conviction très forte, c'est ce que le président Jacques Chirac a dit au président Hariri quand il est venu à Paris.
Q - Israël a menacé le Liban et la Syrie à cause du Hezbollah. Que fait la France pour traiter la question du Sud-Liban et la question du Hezbollah ?
R - La France, vous savez est en contact avec différentes parties et plaide pour la retenue. Elle incite chacun à faire preuve justement de la plus grande réserve nécessaire pour éviter que ces dossiers ne s'enveniment. Elle le dit évidemment à ses amis libanais et elle le dit aux Israéliens. Il est très important que nous ne laissions pas échapper justement ces forces d'instabilité mais qu'au contraire nous essayions de plaider pour la stabilité et le contrôle. La plus grande retenue possible est aujourd'hui évidemment indispensable. Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 juillet 2002)