Déclaration de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie, sur l'intensité et la solidité des relations entre la France et la Russie, le partenariat en matière spatial et aéronautique, le renforcement des relations entre la Russie et l'Union européenne, Paris le 1er juillet 2002.

Prononcé le 1er juillet 2002

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Circonstance : Visite en France du 1er au 3 juillet du Premier ministre de la Fédération de Russie, M. Mikhail Kassianov : toast prononcé par M. de Villepin au dîner offert en son honneur, le 1er à Paris

Texte intégral

Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Messieurs les Ambassadeurs,
Chers Amis,
Votre venue à Paris, Monsieur le Premier Ministre, coïncide avec les célébrations, en France et en Russie, du 60ème anniversaire de la fondation de l'escadrille Normandie-Niemen. Je veux voir là un symbole fort. Notre relation est en effet ancienne et trouve ses racines dans une histoire millénaire, scandée par les figures des grands philosophes, comme Voltaire et Diderot ou Karamzine, par des immigrations croisées qui fécondèrent nos sociétés, par des émulations réciproques, aux deux pôles du continent, par des alliances dont témoigne ce pont magnifique entre les deux rives de la Seine, au cur de Paris, le pont Alexandre III.
Nous voulons regarder ensemble vers l'avenir. Monsieur le Premier Ministre, votre pays représente l'un des acteurs clés de cet avenir. Débarrassée des entraves de l'idéologie, la Russie est de nouveau en mouvement : en mouvement vers une démocratie stable, vers une croissance économique forte, vers une pleine intégration à un monde lui aussi évolutif. Elle a prouvé, au cours de ces dix dernières années, son extraordinaire capacité d'adaptation. Conduit par une génération nouvelle de responsables que vous incarnez, votre pays a choisi sa voie.
L'Europe a besoin de la Russie. C'est tout d'abord en Europe que nous souhaitons que la Russie reprenne toute sa place. La France le veut, qui n'a jamais douté de la vocation européenne de la Russie, au-delà de l'Oural, sur les bords du lac Baïkal, ou plus loin encore. A nous de défricher les voies par lesquelles la Russie, pôle clé de l'équilibre du continent européen, tissera, avec l'Union européenne, les fils d'un partenariat fécond. Mon pays s'y emploie, il l'a montré en s'efforçant d'initier des coopérations précises entre l'Union européenne et la Russie. Je ne citerai que le dialogue énergétique, la Politique européenne de sécurité et de défense, ou le Conseil Justice-Affaires intérieures Russie/Union européenne.
Sur le plan bilatéral, la relation franco-russe constitue un pilier de la politique étrangère française. Le président Jacques Chirac l'avait dit à Moscou en juillet 2001; je le redis avec force ici aujourd'hui, la séquence de nos contacts bilatéraux de ce début d'été en est la parfaite démonstration. Il ne s'agit plus de se féliciter des coopérations anciennes, dont personne ne verrait plus le souffle originel. La France et la Russie ont besoin, l'une pour l'autre, d'une relation qui ait une âme, un lien durable, profond. Elle s'enracinera d'abord par les contacts entre nos sociétés, nos jeunesses, nos médias, nos chercheurs. Elle sera confortée par les contrats économiques et les partenariats industriels. Travaillons ensemble dans les techniques de pointe, du spatial, de l'aéronautique et de la chimie-pharmacie ou des économies d'énergie. Aidez-nous également à convaincre nos entrepreneurs de la justesse de notre pari. Le choix d'Airbus pour le renouvellement de la flotte d'Aéroflot est un signal que beaucoup attendent pour que nos échanges retrouvent le niveau où ils devraient se situer. Notre relation rayonnera d'une conception convergente dans un monde trop souvent dominé par la logique marchande, et retrouvera donc la logique de la défense de l'intérêt général. Nos coopérations dans la réforme de la fonction publique et dans l'accompagnement et l'adaptation de l'Etat aux réalités locales, sont des voies qu'il convient d'explorer.
Sur la scène internationale, enfin, nous voulons nourrir un dialogue avec vous. Le monde est aujourd'hui incertain et souvent imprévisible ; il a besoin de l'expérience et de la vision de nos pays, la France et la Russie, pour l'aider à retrouver stabilité et sécurité.
Monsieur le Premier Ministre, nos peuples dont les curs, à travers l'histoire, ont souvent battu à un même rythme, aspirent à se redécouvrir. Conjuguons nos efforts pour changer l'image de la Russie en France et de la France en Russie. Le tricentenaire de Saint-Petersbourg en sera l'occasion, saisissons-la. A l'heure où des événements tragiques endeuillent le sud de votre pays inondé, je souhaite également que vous transmettiez à votre peuple les sentiments de solidarité et d'amitié des Français. Sachez que nous sommes prêts à répondre aux besoins d'urgence que vous pourriez exprimer. C'est cela aussi le sens et l'âme d'une relation forte entre nos pays. Dans une semaine, je serai à Moscou, porteur d'un message du président Chirac au président Poutine, dans la perspective de leur rencontre de Sotchi des 19 et 20 juillet. Le cur en est clair : la France, son gouvernement, comme son peuple, attachent un prix particulier à sa relation avec la Russie, en Europe.
Monsieur le Premier Ministre, je lève mon verre à la Russie, à l'amitié entre nos deux peuples, à nos passés glorieux et à nos uvres communes de demain.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 juillet 2002)