Interview de M. Hervé Morin, président du groupe parlementaire UDF à l'Assemblée nationale, dans "Le Parisien" le 1er septembre 2002, sur la rentrée politique et l'UDF dans la majorité.

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Média : Le Parisien

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Le gouvernement connaît-il une rentrée difficile ?
Non. Il ne faut pas exagérer. Ce n'est pas parce que deux représentants syndicaux disent : " Cela ne va pas ", et qu'il y a un peu de cafouillage, que le gouvernement affronte une rentrée difficile. Mais c'est vrai que sa tâche est délicate : les socialistes ont laissé la France dans un état honteux. Pour autant, il ne faut pas qu'on en revienne à un gouvernement de la demi-mesure, à une politique à la Balladur pour ménager la chèvre et le chou. Le gouvernement Raffarin doit avoir le courage de déplaire. Il a cinq ans devant lui. Sur l'affaire du salaire des ministres, ce courage a manqué. L'équipe Raffarin a préféré agir le 30 juillet, grâce à un système de billard à trois bandes, sans en parler aux Français. C'est dommage. Il faut savoir oublier sa cote de popularité. A Matignon, Jospin était populaire et pourtant il s'est pris une claque à la présidentielle. Les Français l'ont clairement exprimé le 21 avril : ils veulent que les choses changent. C'était un vote quasi révolutionnaire. Comme disait Bayrou durant sa campagne, " il faut que ça change ".
Baisser les impôts ou les charges ; le gouvernement a semblé cafouiller entre ces priorités
Le problème, c'est que dans le programme du candidat Chirac, il y a toutes les priorités. Moi, je crois que les deux sont indispensables, même si la situation budgétaire est difficile. Ce n'est pas grave de laisser filer le déficit, si on effectue les réformes majeures, qui relanceront le pays. Le pire serait de revenir à une politique apprise à l'ENA : elle a échoué depuis vingt ans. Il faut en finir avec la demi-mesure.
Attendez-vous un geste du gouvernement en faveur des sans-papiers ?
Non. Nicolas Sarkozy gère le dossier avec ce qu'il faut d'humanité et de fermeté. Je trouve d'ailleurs que c'est lui qui réussit le mieux au gouvernement. Il ne fait pourtant pas dans la modération, mais il sait faire passer son message.
Bayrou fait aujourd'hui sa rentrée. Est-il assez écouté par Raffarin ?
Non, pas du tout. Je suis malheureux de voir qu'il y a deux poids deux mesures. Quand l'un d'entre nous fait des propositions, Jean-François Copé (NDLR : Secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement) nous explique que nous ferions mieux d'être constructifs ; mais quand il s'agit de Pierre Méhaignerie (NDLR : député UMP d'Ille-et-Vilaine), on le félicite. Moi, j'ai vraiment envie de participer pleinement à la majorité, mais il ne faut pas que face à cette volonté on trouve une réaction systématique de dédain et de mépris.
Le départ de Dominique Voynet de la tête des Verts, cela a de l'allure ?
Oui. C'est courageux de savoir faire une pause, autre chose que de la politique. En France, ce sont toujours les mêmes qui en font. Et puis, c'est vrai que la politique c'est un métier de chien. Il n'y a pas de fidélité. On doit se protéger de ses ennemis, mais plus encore de ses amis. Et, chez les Verts, cela doit être encore plus terrible.
Que vous inspire l'état du PS, qui tient son université d'été à la Rochelle ?
Je n'ai qu'une seule chose à dire : il y a un an, on nous expliquait que la droite était effondrée, qu'elle n'avait aucune chance de gagner les élections La roue tourne tellement vite.
Jean-Marie Le Pen met sur orbite sa fille Marine
C'est vrai que cette jeune femme a du talent. Mais, ce qui m'inquiète, c'est que si l'on ne tire pas les leçons du 21 avril, que l'on ne change pas les choses dans ce pays, les Le Pen, père ou fille, feront alors des dégâts encore plus terribles.
Le sommet de Johannesburg sur la planète est-il utile ?
Oui. Il aide à prendre conscience qu'on ne peut pas continuer à insulter la planète éternellement. Je suis convaincu que la nature a une mémoire. Mais en sortira-t-il vraiment autre chose que des discours de bonne intention ? On verra
Jacques Chirac a redit son opposition à une intervention militaire des Etats-Unis en Irak sans l'aval des Nations unies. Partagez-vous la même position ?
Oui. Le droit s'applique à tous. Même à celui qui domine le monde. Mais, le problème, ce n'est pas l'Amérique. C'est parce que la France et l'Europe sont faibles que les Etats-Unis peuvent faire ce qu'ils veulent ou presque.
L'Allemagne est en pleine campagne électorale : alors Stoiber, le conservateur, ou Schröder, le social-démocrate ?
Je n'ai pas de préférence. J'espère simplement que le prochain chancelier aura une vraie volonté européenne.
Etes-vous " Popstars " ou " Star Academy " ?
Ni l'un ni l'autre. Moi, ce que j'ai adoré, c'était " Opération Séduction ", cet été sur M6.
Propos recueillis par Ludovic Vigogne.
(Source http://www.udf.org, le 4 septembre 2002)