Interview de M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire, à Europe 1 le 2 septembre 2002, sur la rentrée scolaire, notamment l'éventualité de suppressions de postes d'enseignants, l'illettrisme et la sécurité dans les établissements scolaires.

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Média : Europe 1

Texte intégral

Vous avez annoncé hier au JDD une baisse de 2000 à 3000 emplois dans l'Education nationale. L. Ferry, le ministre de l'Education a dû préciser hier soir qu'il n'y aurait aucune suppression de postes d'enseignants en 2003. Et la presse parle même, certains journaux, "du premier couac de la rentrée". Un nouveau dérapage dans l'équipe Raffarin. Qu'en est-il exactement ?
- "Il n'y a pas de "couac" du tout. J'ai annoncé hier que, pour le budget 2003, il y aurait certainement un petit ajustement de 2 ou 3000 postes. Et ce qu'a précisé L. Ferry, c'est que ces postes ne concernaient pas des enseignants, ce que j'avais dit moi-même. Il s'agit d'une petite confusion de la part de ceux qui nous ont entendu et qui ont cru que j'annonçais que l'on retirait des enseignants. Ce ne sont pas des enseignants que nous retirerons vraisemblablement. Ce sont des postes différents."
Mais vous avez dit "qu'on ne peut pas avoir moins d'élèves et plus de professeurs".
- "Ce que nous disons surtout, c'est que le quantitatif ne suffit pas. Depuis très longtemps, on a ajouté d'énormes moyens pour l'Education nationale, et depuis une dizaine d'années, les résultats stagnent. C'est d'ailleurs l'objet de cette polémique. Cette polémique est tout à fait évidente. D'abord, elle parle de 2003 alors que la rentrée de 2002 se fait aujourd'hui et demain. Et d'autre part, ce qu'elle veut, c'est masquer les échecs des années précédentes, où on a vu se stabiliser de manière tout à fait évidente, le taux d'élèves qui ne savent pas lire : le taux d'élèves qui sortent sans qualification, qui sont près de 150 000 chaque année. Donc, pour éviter d'avoir à parler de ce bilan, on veut à tout prix nous faire une polémique en disant : vous ne voulez pas ajouter des moyens nouveaux à l'école. Ce qu'il faut à l'école c'est du qualitatif et du quantitatif. Il faut faire mieux et pas forcément plus."
Quel le grand chantier de l'Education nationale cette année ?
- "D'abord, je rappelle que cette polémique porte sur l'année prochaine, et qu'il peut se passer beaucoup de choses d'ici là. Et du coup, les parents, les gens qui nous écoutent doivent croire que c'est de la rentrée aujourd'hui dont il est question. Pas du tout. La rentrée demain, la rentrée 2002 va très bien. Il n'est pas question de suppressions, de discussion budgétaire. Il faut rassurer les familles. Les deux grands objectifs de cette année, vous le savez, c'est d'essayer de rompre avec la dérive de l'illettrisme en classe de 6ème. Nous avons beaucoup trop d'enfants qui rentrent au collège sans savoir lire. Donc, un nombre considérable sera fait dans le premier degré."
Ni lire, ni écrire correctement en entrant au collège.
- "Oui. En tout cas, nous ne sommes pas dans une situation très favorable, pour des enfants qui viennent souvent des milieux les plus modestes; Or, c'est d'eux dont il faut que nous nous préoccupions. Donc une lutte contre l'illettrisme renforcée. Et d'autre part, nous voulons rétablir la filières professionnelle, en particulier au collège, pour faire en sorte que les élèves qui ont de grandes difficultés, à partir du collège, puissent trouver, par l'alternance, des voies nouvelles de formation. Ceci ne se sépare pas non plus d'un troisième dossier qui nous préoccupe beaucoup, qui est la paix scolaire. Nous voulons que dans les établissements scolaires ont retrouve la sérénité, le sens du travail, du respect des autres. Nous avons à cet égard présenté un certain nombre de projet. Nous présenterons un plan plus global au mois d'octobre."
Loin de vous l'idée de voir "dégraisser le mammouth". Cela a déjà coûté sa place à C. Allègre...
- "Non, "dégraisser le mammouth", quelle signification cela a-t-il ? Quand il s'agit de toute façon de 2 ou 3000 postes par rapport à 1 million 322 000 postes. Qui croit qu'en changeant 2 ou 3000 postes de plus en France, le système éducatif va être opératoire dans les domaines dont je viens de parler. Vous voyez bien que tout ça, c'est une affaire à caractère..."
Polémique.
- "Politique."
Faut-il moins d'élèves par classe ?
- "C'est souhaitable évidemment, et c'est ce qui se passe, puisque nous avons une décélération démographique aux collège et au lycée. C'est vrai que tout ce que nous pouvons faire pour que l'encadrement soit meilleur et que les élèves soient moins nombreux, nous devons le faire. Cela dit, il y a des poussées démographiques. Un exemple simple : l'année prochaine, en 2003, nous aurons 41 000 élèves de plus qui vont arriver dans le premier degré, notamment au C.P. Là, il faut que nous ajustions des postes. Nos prédécesseurs avaient prévu 800 postes, nous en mettrons plus que cela, parce que nous voulons que l'encadrement pédagogique du premier degré, que les élèves dans les petites classes, ne soient pas trop nombreux dans les classes et qu'ils puissent travailler."
Avec moins d'élèves par classe on est obligés, bien sûr, d'avoir plus de professeurs. On n'en sort plus...
- "Sauf si la démographie baisse, comme ce sera le cas, je le répète, l'an prochain dans les collèges et les lycées, où nous devrons perdre à peu près 20 à 25 000 élèves."
Selon un sondage Sofres pour L'Etudiant publié aujourd'hui : les enseignants les plus inquiets sont les jeunes qui débutent dans un collège en région parisienne et ceux qui enseignent dans le primaire, également en région parisienne. Vous pouvez les rassurer ?
- "Il faut les rassurer. C'est vrai que le système des nominations fait que, les jeunes enseignants qui commencent leur carrière, sont souvent à des postes qui sont un peu plus exposés que d'autres ne veulent pas ou dont ils sont partis après des années d'expérience. Ils ont été rejoindre leur famille en province, que sais-je. C'est surtout à ceux-là dont je pense. Je crois en effet que nous devons tout faire pour que les jeunes enseignants qui sont dans les banlieues, dans les établissements difficiles, soient très très entourés ; que nous leur donnions confiance ; que l'on soit attentifs à leurs difficultés d'exercer. C'est aussi pour cela que le plan que nous voulons lancer concernant la paix scolaire, le calme dans les établissements, la fin de la violence scolaire, est un plan qui doit contribuer à les rassurer, à les rasséréner. Et à savoir que le ministre de l'Education nationale et le ministre délégué à l'Enseignement scolaire, qui sont tous les deux des anciens professeurs, sont du côté des professeurs."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 2 sept 2002)