Texte intégral
C'est pour moi un grand honneur et un grand plaisir que de me trouver aujourd'hui en Côte d'Ivoire, à l'invitation du Président de la République et du Premier ministre que je remercie de l'accueil qui m'est réservé.
J'ai tenu à l'occasion de ce voyage en Afrique à venir sur place étudier les conditions nouvelles dans lesquelles se présentent les relations entre les pays africains entre eux, et entre les pays africains et la France.
J'aurai l'occasion lors des entretiens que j'aurai avec M. le Président de la République et avec M. le Premier ministre de préciser nos buts.
Je peux dire d'ores et déjà qu'elles sont empreintes d'une très grande convergence aussi bien sur les problèmes économiques que sur les problèmes politiques. C'est donc avec beaucoup de confiance que je commence ce soir mon voyage en Côte d'Ivoire,
Les relations d'amitié anciennes, les liens privilégiés de coopération entre nos deux pays qui ne se sont jamais démentis depuis des décennies font d'Abidjan une étape essentielle du voyage en Afrique que j'accomplis aujourd'hui.
C'est un grand plaisir pour moi, Monsieur le Président, de vous revoir un peu moins de deux semaines après votre visite officielle en France et de retrouver la Côte d'Ivoire dans d'autres circonstances que celles douloureuses et combien émouvantes de février dernier, lors du dernier adieu que la communauté internationale tout entière rassemblée à Yamoussoukro a tenu à adresser au Président Houphouët-Boigny. Ce grand homme d'Etat est entré dans l'histoire parce qu'il avait su s'identifier à son peuple et à ses traditions et les mobiliser au service du progrès. A cet indéfectible ami de la France qui fut ministre du Général de Gaulle, je tiens ce soir au nom du gouvernement français à rendre devant vous de nouveau un très vibrant hommage.
Vous avez su, Monsieur le Président, assumer la succession d'un prédécesseur aussi illustre : la Côte d'Ivoire avait connu sous sa présidence, stabilité politique et développement économique. Vous avez d'ores et déjà commencé à faire fructifier cet héritage.
La transition politique que vient de connaître votre pays est tout à fait exemplaire. Le calme et la dignité dont a fait preuve le peuple ivoirien lors de la disparition du Président Houphouët-Boigny, la maîtrise du processus de succession dans le strict respect des institutions de votre pays ont démontré la maturité politique des Ivoiriens. C'est par de tels comportements dans l'épreuve qu'un pays maintient et renforce sa cohésion à l'intérieur et suscite le respect à l'extérieur.
La France entend placer ses relations avec l'Afrique en général, avec la Côte d'Ivoire en particulier, sous le signe de la fraternité et de la solidarité. En apportant à la Côte d'Ivoire, comme aux autres pays de la zone franc les moyens d'accompagner la dévaluation du franc CFA, elle témoigne de sa volonté de solidarité. Il s'agit pour la France de rester plus que jamais à l'écoute de ses amis et partenaires africains pour les aider à surmonter les difficultés qu'ils rencontrent aujourd'hui et à retrouver les chemins du développement et de la croissance.
La décision de dévaluer le franc CFA que vous avez prise en janvier dernier avec les autres chefs d'Etat de la zone franc était indispensable pour retrouver la croissance économique et renouer avec les institutions financières internationales. Cette décision était difficile à prendre. Il fallait du courage pour l'adopter, de la compétence pour la mener à bien. La Côte d'Ivoire a su, sous votre sage autorité, faire preuve de ces qualités pour relever ce défi et mener votre pays vers le succès qui semble s'annoncer maintenant. Aujourd'hui, nous constatons les effets positifs de ce changement de parité et nous sommes certains que les autorités ivoiriennes continueront de conduire avec détermination l'effort de rigueur dans la gestion des finances publiques et de rénovation économique entrepris dans le cadre d'une entente nécessaire avec les institutions de Bretton Woods. La France se tiendra à vos côtés pour vous soutenir dans cette voie salutaire, car le succès de la dévaluation est essentiel non seulement pour votre pays mais pour l'ensemble des pays de la région.
La Côte d'Ivoire joue dans la région un rôle essentiel sur le plan économique comme sur le plan politique. Elle est un élément stabilisateur en Afrique de l'Ouest. Comment ne pas le souligner alors que le continent africain connaît aujourd'hui un moment difficile de son histoire ? Les conflits y sont nombreux, souvent longs et meurtriers. Tous les regards sont actuellement tournés vers le Rwanda où la France a souhaité intervenir afin de mener une action humanitaire à la hauteur du drame que connaît ce pays. Soyez une nouvelle fois remercié, Monsieur le Président, pour le soutien que la Côte d'Ivoire a apporté à la France dans son action au Rwanda.
Le Libéria, déchiré depuis plus de quatre ans par une guerre civile particulièrement cruelle, est également pour vous un sujet de préoccupation. La France soutient tout ce qui est entrepris pour permettre un règlement pacifique de ce conflit par les pays de la région et par la communauté internationale. Elle espère voir renaître dans ce pays le dialogue et la paix.
Dans l'adversité, comme dans la prospérité, la France tient à réaffirmer sa solidarité envers ses amis africains. Le sommet de Biarritz sera cet automne une nouvelle occasion de confirmer ce message et de rappeler la force des liens qui unissent la France à l'Afrique.
Monsieur le Président,
Je forme les voeux les plus sincères pour votre bonheur personnel, celui de vos proches et pour la prospérité de votre pays et je lève mon verre à l'amitié entre nos deux pays.
Vive l'amitié franco-ivoirienne !
Vive la Côte d'Ivoire.
Je suis très heureux de me trouver parmi vous, représentants de la plus nombreuse de toutes les communautés françaises d'Afrique. La Côte d'Ivoire est si proche de la France qu'elle n'est pas, pour les 20.000 Français qui comme vous ont choisi d'y rester ou de s'y établir, un pays comme les autres. C'est pourquoi vous devez vous réjouir comme moi, j'en suis certain, de voir que ce pays a surmonté de façon exemplaire deux grandes épreuves qui l'ont affectées récemment, la succession du Président Houphouët-Boigny, et la dévaluation du franc CFA.
Respectueux de ses institutions, faisant preuve d'une grande maturité politique, le peuple ivoirien s'est donné dans la sérénité un nouveau Président qui, après s'être longuement préparé à sa tâche, a repris le flambeau du Président Houphouët-Boigny. Cette histoire récente est un gage de stabilité politique remarquable et qui favorise votre présence, notre présence ici. Une autre étape difficile a été la dévaluation du franc CFA. Chacun maintenant s'accorde à reconnaître qu'elle était indispensable et que déjà elle est en train de réussir. Nous devons tous nous en féliciter quand on connaît le poids économique de la Côte d'Ivoire et l'effet que peut avoir sa réussite pour entraîner l'ensemble de la zone. C'est également l'assurance que la France, dont chacun d'entre vous ici est en quelque sorte une part, continuera à jouer un rôle important pour le développement et la stabilité de la région.
Cela ne signifie pas pour autant que tout va pour le mieux, et vous le savez aussi bien que moi. La dévaluation du franc CFA a soulevé pour beaucoup d'entre vous des difficultés dont je ne méconnais pas la gravité. Le gouvernement s'est efforcé d'en tenir compte.
La question de la scolarisation de vos enfants vient au premier rang de vos préoccupations. L'existence d'un réseau scolaire dense et d'un niveau comparable à celui des établissements de France est d'ailleurs bien souvent l'une des conditions auxquelles vous êtes le plus attentif avant de décider de vous établir à l'étranger. Pour l'année scolaire qui vient de s'écouler, il a été décidé de ne pas toucher aux écolages. Cette décision a demandé un effort exceptionnel en faveur de 40 établissements de la zone franc. Mais il faut bien être conscient que cet effort ne pourra pas être poursuivi au même niveau pour les années à venir. La hausse sera contenue à un niveau aussi raisonnable que possible et étalée dans le temps. Par ailleurs, les modes de calculs, récemment modifiés des bourses scolaires permettront aux familles de revenus modestes de pouvoir faire face à ces augmentations. Il faut faire en sorte qu'aucun enfant français ne soit, pour des raisons financières, exclu du système scolaire.
La dévaluation a également placé nombre d'entre vous devant d'autres difficultés qu'il n'était pas possible d'ignorer.
Dès l'annonce de la dévaluation, la Caisse des Français de l'étranger a décidé de réduire de moitié pour l'année 1994 les cotisations d'assurance-maladie des adhérents à revenus faibles et qui résident dans les Etats de la zone.
Par ailleurs, des entreprises en difficulté ont été amenées à licencier un certain nombre de leur personnel. Le gouvernement, conscient que c'est dans le pays où ils ont perdu leur emploi que nos compatriotes sont le mieux placés pour occuper les nouveaux postes de travail qui seraient offerts, a obtenu que les adhérents volontaires au régime français d'assurance- chômage, licenciés entre le 12 janvier et le 30 juin en raison de la dévaluation, bénéficient dans leur pays de résidence pendant 4 mois, des indemnités de chômage auxquelles ils ont droit.
Il est bien vite apparu que cette période transitoire était trop courte. Je suis en mesure de vous indiquer aujourd'hui qu'une prorogation de l'accord jusqu'au 31 décembre 1994 a été demandée aux partenaires sociaux. Les consulats vous communiqueront toutes informations nouvelles en la matière.
Je voudrais également rappeler les efforts consentis en faveur de la formation, grâce au Comité consulaire pour l'emploi et la formation professionnelle, et aussi en faveur de la réinsertion en France dont ont bénéficié plusieurs dizaines de jeunes Français.
Certains ont également rencontré des difficultés pour rembourser des prêts contractés en francs français et destinés à financer l'acquisition de biens immobiliers en France. Désormais, grâce à l'interprétation large des dispositions de la loi sur le surendettement des particuliers, les Commissions locales d'examen des situations de surendettement peuvent envisager des rééchelonnements des dettes en accord avec les établissements créanciers.
Ces mesures n'ont pas permis de régler toutes les situations difficiles, en particulier celles des retraites. M. le Ministre de la Coopération vous a déjà indiqué qu'il avait décidé de mettre en place une aide forfaitaire pour les retraités français qu'ils vivent en France ou qu'ils aient décidé de rester dans le pays où ils avaient cotisé. Cette allocation exceptionnelle sera versée avant le 31 décembre 1994.
J'ai conscience, mes chers compatriotes, que ces mesures ne parviendront pas à répondre totalement à l'attente de tous, mais une dévaluation est une opération toujours difficile dont les effets immédiats finissent pas être compensés par les progrès économiques qu'elle fait naître et je m'en expliquerai demain longuement devant la Communauté économique de Côte d'Ivoire.
Quelle était la situation à la même époque, l'an passé ? Permettez-moi tout de même de le rappeler brièvement : les économies des pays de la zone ne cessaient de régresser ; leurs matières premières et leurs produits ne trouvaient pas preneur ; les touristes choisissaient d'autres destinations ; les institutions financières internationales avaient interrompu leurs concours. Aujourd'hui qu'en est-il ? Matières premières et produits locaux recommencent à trouver des marchés à l'exportation ; les touristes reviennent ; l'inflation est contenue dans les limites prévues et même un peu en deçà ; les relations ont été reprises avec la communauté financière internationale, FMI et Banque mondiale, et ne donnent lieu semble-t-il à aucune difficulté. Tout ceci grâce au sérieux des gouvernements des pays de la zone franc. Il est encore trop tôt, je le sais aussi bien que quiconque, pour parler de succès mais du moins peut-
on affirmer que nous sommes sur la bonne voie et j'ai été extrêmement réconforté de constater au Sénégal comme je l'ai déjà constaté en Côté d'Ivoire la volonté affirmée, déterminée des gouvernements de faire en sorte que l'opération réussisse. Aujourd'hui, chacun parle de l'avenir et de l'espérance qu'il porte avec lui. Après les difficultés dont vous avez eu votre part, je suis convaincu que s'ouvriront de nouvelles perspectives qui profiteront à tous et qui renforceront la présence de la France dans cette région.
Avant de conclure, je souhaite souligner que votre présence en Côté d'Ivoire est la manifestation la plus visible de notre engagement, à nous Français, en faveur de ce pays et de l'Afrique.
Le voyage que j'accomplis ici me permet de réaffirmer solennellement que cet engagement est celui de la France tout entière. Soyez fiers du rôle qui est le vôtre. Vous contribuez par votre activité au développement de cette région et au rayonnement de la France en Afrique. La Côté d'Ivoire et la France ont besoin de vous dans cette période difficile de mutation et vous avez montré que l'on pouvait compter sur vous. Vous avez tenu bon, je crois pouvoir le dire, le plus dur est derrière vous. Les autorités ivoiriennes auront, j'en suis convaincu, été sensibles à la compréhension dont vous avez fait preuve. Vous êtes restés aux côtés des Ivoiriens dans les jours difficiles, vous serez avec eux lorsque le progrès et la croissance seront de retour.
Mes chers compatriotes, c'est de notre pays maintenant que je voudrais vous parler, car je pense que c'est aussi ce que vous attendez de moi. Notre pays est un grand pays, un des grands pays du monde, sur le plan économique, sur le plan culturel et aussi sur le plan militaire et politique. Il est confronté comme d'autres pays d'Europe ou dans le monde à des difficultés, des difficultés de croissance économique, des difficultés d'emploi et puis le bouleversement de l'Europe s'est traduit pour celle-ci par un certain nombre de désordres qui ne sont pas encore dominés. En ces circonstances, que faut-il faire pour la France ? La première chose, c'est qu'elle retrouve la voie du progrès économique, tout passe par là. La France doit être plus forte, elle est la quatrième puissance économique du monde, elle doit se renforcer encore. C'est indispensable pour elle, pour affirmer sa place en Europe, soyons clair, pour rééquilibrer l'Allemagne et son influence en Europe, et pour se donner les moyens dans le monde de la politique qu'elle veut et qu'elle doit conduire. Grâce à cette force économique plus affirmée la France résoudra également peu à peu, je n'ai jamais prétendu que ce serait rapide, car ce serait mensongé, retrouvera peu à peu le chemin d'un emploi mieux réparti en faveur de tous.
Déjà les résultats apparaissent, déjà la croissance est revenue et nous faisons en sorte que les déficits budgétaires et sociaux soient le mieux maîtrisés possible. C'est un début, il reste encore beaucoup à faire, je le sais, mais c'était un début indispensable.
Mais la France, et vous y êtes sensibles, et j'en suis certain - car le rôle d'un gouvernement n'est pas seulement de répondre aux préoccupations matérielles des uns et des autres, mais aussi de donner à chacun un sentiment de fierté nationale mieux affirmée - la France doit aussi être en mesure de jouer son rôle pleinement dans le monde.
Elle le fait en Europe en prônant un Pacte de stabilité entre tous les pays européens qui nous garantissent que nous ne verrons pas le retour ailleurs des événements qui ravagent l'ex-
Yougoslavie. Elle le fait au sein de l'Union européenne, elle le fait en Bosnie où la présence française est la plus importante ; elle le fait en Afrique, en réaffirmant la politique africaine de la France car, contrairement à ce que j'entends parfois, tenir à ses partenaires un langage de vérité, de responsabilité, c'est les respecter et c'est les appeler à l'effort commun, c'est ce que nous avons fait. Elle le fait maintenant au Rwanda où la première, et bien seule, pendant un certain temps, elle a pris des responsabilités devant l'indifférence et parfois même l'hostilité générale. Voilà qu'aujourd'hui la conscience internationale s'éveille et que chacun se rend compte que ce qui se joue au Rwanda est proprement intolérable pour la conscience morale, en tout cas des Français qui sont attachés à l'Afrique et attachés à leur devoir moral envers l'Afrique.
Toutes ces raisons pour vous doivent être, je me permets de le dire, des raisons de fierté. La France continue, elle continue à jouer son rôle en Afrique et notre objectif est même de renforcer ce rôle, et je souhaite que vous vous associiez à cet effort les uns et les autres à la place où le sort vous a placés dans le monde de l'économie, dans vos professions, dans les activités culturelles, universitaires, administratives ou militaires. Nous avons besoin du concours de tous les Français, quelle que soit leur opinion qui sont toutes parfaitement respectables. Nous avons besoin du concours de tous les Français pour faire en sorte que le monde ayant tellement changé depuis quelques années, la place de la France y soit non seulement confirmée mais y soit renforcée. Et c'est à cet effort que je me permets de vous appeler les uns et les autres : nous ne pourrons pas réaffirmer, développer la place de la France en Europe, comme en Afrique, comme dans le reste du monde sans votre concours à tous. C'est ce concours que, je me permets de le dire, j'attends de vous.
Mes chers compatriotes, il me reste à vous féliciter du rôle que vous jouez ici et à vous en remercier.
Vive la France.
C'est avec plaisir que je m'exprime aujourd'hui devant vous. Tous, chefs d'entreprises, responsables économiques africains et français, vous contribuez à dessiner l'avenir de ce continent. Le monde a changé, nous sommes confrontés les uns et les autres, en Europe comme en Afrique à une situation nouvelle. Que signifie la fin de la division du monde en deux blocs dans le domaine économique ?
La liberté et l'initiative individuelle sont maintenant reconnues universellement comme la véritable source du progrès économique. Cela signifie concrètement l'ouverture à des échanges internationaux organisés, la fin de la prééminence du secteur public et une plus grande rigueur dans la gestion des économies.
Quelles conséquences pour l'Afrique et pour les pays de la zone franc ? La nécessité de tirer parti des échanges internationaux et d'y trouver une place correspondant à leurs capacités.
Les chefs d'Etat de la zone franc ont pris une décision courageuse, modifier la parité du franc CFA, pour lui permettre de se fixer à un niveau compatible avec le retour de la croissance. Les premiers résultats sont là. Beaucoup reste à faire mais je suis confiant dans l'avenir économique des pays de la zone franc. Fidèle à ses engagements, mon pays vous a toujours soutenus dans les difficultés. Des relations nouvelles vont se nouer entre nous. Les liens de la France avec l'Afrique ne sont pas nostalgiques mais recouvrent une grande ambition : vaincre ensemble les difficultés de la crise et relever avec vous les défis du monde moderne.
Mon gouvernement a entrepris en France de redresser l'économie. Cela demande rigueur et ténacité. Ce que vous avez entrepris n'est donc pas un défi isolé. Il s'agit de maîtriser les contraintes du monde moderne et les règles de la compétition internationale. Nos partenaires des pays développés suivent le même chemin ; il n'en est pas d'autres pour être présent demain sur la scène du monde.
L'Afrique et la zone franc ne peuvent échapper à cette loi. Le voudraient-elles qu'elles entreraient dans un processus d'exclusion incompatible avec la puissance et la vitalité qui doivent animer nos pays. L'expérience l'a montré, le coût de l'inaction est bien sûr supérieur à celui des efforts de redressement.
Quelle était la situation au début de cette année ?
La relative prospérité que les pays de la zone franc avait connue jusqu'à la fin des années 1970 avait laissé place à une récession sévère. Le taux de croissance de la zone après avoir régulièrement diminué était devenu négatif depuis 1986. Compte tenu de la démographie, le revenu par habitant avait diminué de plus de 40 % de 1986 à 1993. Cela se traduisait par une paupérisation croissante de la grande majorité de la population, des difficultés budgétaires graves et une forte réduction des dépenses publiques dans le domaine de la santé et de l'éducation au détriment du plus grand nombre.
Malgré les efforts de redressement entrepris, la croissance des exportations se ralentissait, les investissements s'étaient interrompus et les déficits publics se creusaient. En 1993, le besoin de financement des budgets par les concours extérieurs atteignait 50 milliards de francs soit plus de deux fois et demie le montant global de l'aide publique française au continent africain. Plus de la moitié de notre aide aux Etats de la zone était consacrée aux dépenses de fonctionnement ; cela permettait d'éviter le pire mais ne préparait pas l'avenir.
La crise financière des Etats et des entreprises publiques et la crise économique s'alimentaient mutuellement. Les fuites de capitaux étaient massives. Le déclin économique ne permettait plus le simple maintien des infrastructures, remarquables en Afrique, dont bénéficiaient les pays de la zone franc. Il conduisait déjà à un déclin social et menaçait les démocraties.
En septembre 1993, j'adressais un message aux chefs d'Etat de la zone franc pour leur indiquer que la France était soucieuse de leur apporter une aide importante qui soit aussi une aide efficace. Elle devait donc s'insérer dans une politique économique cohérente qui reçoive le soutien de la communauté internationale. Un grand dessein économique pourrait alors être tracé pour les pays de la zone franc.
Quelles ont été les décisions prises ?
Les chefs d'Etat ont décidé d'affronter la réalité et pris avec courage la décision de dévaluer le franc CFA. Cette décison était nécessaire, elle a été prise avec sérieux, après un débat approfondi, et assortie de mesures d'accompagnement indispensables à sa réussite.
Un changement de parité heurte nécessairement de nombreux intérêts et les critiques s'en sont fait l'écho. Il présente aussi le risque de déclencher une forte inflation et de nuire aux groupes sociaux les plus défavorisés. Des dispositions ont été prises pour surmonter ces deux écueils. Les gouvernements ont montré leur volonté de maîtriser les évolutions salariales et ont pris des mesures pour protéger les groupes sociaux les plus démunis.
La France pour sa part n'est pas restée inactive. J'ai demandé au Directeur général du Fonds monétaire intenational et au Président de la Banque mondiale de venir me voir pour m'assurer de leur volonté de fournir, rapidement et en volume suffisant, les financements nécessaires à la réussite de l'opération. Tel est le cas. De même, l'Union européenne a été mobilisée et a rapidement octroyé des aides pour répondre aux besoins de financement des pays de la zone.
Enfin, malgré la contrainte budgétaire, j'ai décidé de leur apporter une aide exceptionnelle, d'une ampleur sans précédent : plus de 10 milliards de francs d'aide budgétaire sur trois ans (1994/1996), 25 milliards de francs de créances d'aide publique au développement annulées, plusieurs dizaines de millions de francs de subventions aux secteurs prioritaires du livre (30 MF) et du médicament (40MF) ; 300 millions de francs pour mettre en place un fonds spécial de développement destiné à aider les populations les plus pauvres ; 300 millions de francs de facilité de trésorerie apportés par la Caisse française de développement aux entreprises locales. La France se devait d'aider ses amis. Elle l'a fait, simplement, rapidement.
Les premiers résultats de ces décisions sont positifs et doivent être renforcés et prolongés.
Les signes d'une reprise de la croissance se multiplient. Ils ne se manifestent pas simplement dans les secteurs exportateurs et générateurs de devises mais aussi dans les activités qui concurrencent les importations.
Grâce à la dévaluation et à l'augmentation des cours sur le marché mondial, les exportations de café, cacao, hévéa, huile de palme, notamment retrouvent un dynamisme oublié depuis de nombreuses années. En fait c'est tout le monde rural qui se trouve ainsi régénéré. Chacun sait l'importance de ce secteur qui fait vivre 80 % de la population.
Mais les productions de produits primaires ne sont pas les seules à trouver ainsi une nouvelle chance. La production locale de textile et de produits en plastique par exemple concurrence efficacement les produits importés. Le secteur vivrier et l'élevage connaissent dans beaucoup de pays un renouveau spectaculaire. Des pays comme le Burkina Faso ou le Mali ont désormais des débouchés. Un véritable marché régional est en train de naître.
Ces premiers résultats vont être confortés et renforcés par les politiques et les réformes économiques que vous avez engagées. L'assainissement des finances publiques, la maîtrise des salaires et de l'inflation, la baisse des taux d'intérêt, la libéralisation progressive de vos économies vont permettre une croissance plus forte, créatrice d'emplois qui améliore les conditions de vie des populations.
Je crois que la Côte d'Ivoire, où nous nous trouvons aujourd'hui, donne le meilleur exemple de ce redémarrage et de ce nouvel élan. Celui-ci est possible grâce à une stabilité politique remarquable. Assurer la succession du Président Houphouët-Boigny, que le monde entier admirait et respectait, était difficile. La Côte d'Ivoire a montré qu'elle disposait de bonnes institutions et d'une grande maturité politique puisque cette transition s'est faite sereinement et sans heurts, sous l'égide du Président Konan Bedié auquel je tiens à rendre hommage.
Le renouveau de la Côte d'Ivoire est aussi dû à la poursuite et à l'approfondissement de l'effort de redressement lancé depuis quelques années. Considérant à juste titre que les déficits budgétaires ne sont pas longtemps supportables et que leur maintien entraîne l'affaiblissement de l'Etat et des administrations, le gouvernement a entrepris d'assainir en profondeur les finances publiques. Bien sûr, la dévaluation a permis d'améliorer les recettes sur les dépenses budgétaires courantes enregistrées depuis quelques mois est aussi le fruit de l'effort systématique des autorités de ce pays pour améliorer le fonctionnement des administrations fiscales et douanières. Cet effort doit être prolongé. Il ne faut pas d'ailleurs le réduire à sa seule dimension économique. Ainsi, le paiement des impôts par tous est un élément essentiel de fonctionnement de la démocratie.
Au-delà de cet effort de redressement économique, il vous faut aussi poursuivre dans la voie de l'intégration régionale et dans la recherche de l'investissement privé.
La zone franc a été longtemps en avance sur le reste du continent africain. Les pays qui s'y regroupent ont une monnaie commune et convertible depuis bien longtemps, tandis que nombre de pays africains souffrent de ne disposer que d'une monnaie inconvertible, sans cesse dépréciée, source d'une inflation démesurée. Mais cette union monétaire doit être aujourd'hui complétée par la création d'un véritable marché régional qui permette aux paysans et aux entreprises de bénéficier de débouchés de taille suffisante. Partout dans le monde les exemples d'intégration régionale se multiplient. La zone franc sera plus forte avec un marché de 80 millions d'habitants qu'avec la juxtaposition de plusieurs marchés de 10 millions d'habitants.
Les pays d'Afrique de l'Ouest ont été le moteur de ce mouvement et les autorités politiques ivoiriennes, comprenant l'importance des enjeux, n'ont pas ménagé leurs efforts. Depuis les premiers traités régionaux jusqu'à la création d'une Union économique et monétaire, la Côte d'Ivoire a toujours été l'un des plus fervents avocats de cette intégration régionale. Je souhaite qu'elle puisse progresser rapidement en Afrique centrale et qu'à terme ces deux ensembles multiplient entre eux leurs échanges.
En second lieu, tout doit être mis en oeuvre pour favoriser le développement de l'investissement privé. La lutte contre la fraude aux droits de douane ou aux impôts directs est une première condition. Elle est essentielle. A défaut, les entreprises qui investissent et créent des emplois subissent des prélèvements insupportables. La résorption des arriérés de paiement à l'égard des entreprises est également indispensable ; elle est en cours avec l'aide de la France. Il faut plus généralement que les règles du jeu soient claires et stables. Le dialogue et la concertation entre les autorités gouvernementales et le secteur privé doivent être organisés et réguliers. Les entreprises ont aussi besoin d'un environnement juridique stable et d'une justice qui fonctionne. Les Etats de la zone franc ont signé un traité sur l'harmonisation du droit des affaires et prévu la création d'une juridiction commune. C'est une étape très importante, ce traité doit être mis en oeuvre rapidement. Pour renouer avec la croissance, il faut retrouver la confiance des chefs d'entreprise. Les privatisations, enfin, permettront de favoriser le retour des capitaux et le développement de l'investissement. Elles doivent naturellement être réalisées selon des procédures transparentes qui préservent les intérêts des Etats. Elles contribueront au renouveau de ces entreprises.
La France accompagnera ces efforts par un aménagement de son aide.
La France, comme elle l'a toujours fait, croit en l'avenir de l'Afrique, à sa capacité à utiliser les ressources dont elle est dotée.
Elle le prouve d'abord en y investissant et en y travaillant.
Quatre-vingts groupes français sont représentés par 1.200 filiales, dans la zone franc. Plus de 450.00 emplois en dépendent. 60 % des emplois des banques commerciales de la zone sont liés à des intérêts français. Les échanges commerciaux entre la France et les quatorze pays de la zone franc s'élèvent à plus de 30 milliards de FF.
Le montant total des investissements directs français dans les pays africains de la zone dépasse 10 milliards de FF. Les entreprises françaises participent à de nombreuses activités économiques ; le BTP, l'agro-industrie, le secteur pharmaceutique, la distribution, le tourisme, les services financiers (banque et assurance...).
La zone franc a besoin d'une reprise des investissements. Mais en ce domaine, il ne suffit pas d'avoir des projets. Il faut aussi pouvoir mobiliser des financements. Cet objectif suppose un système financier stable, qui se fonde sur un système bancaire assaini, mais aussi sur la mise en place de nouvelles modalités d'intermédiation financière.
Afin d'y contribuer j'ai demandé que la coopération française aide à mobiliser l'épargne régionale pour répondre aux besoins de financement à moyen et long terme des entreprises. La zone franc a trop longtemps souffert de fuites des capitaux. Elle doit pouvoir offrir des instruments d'épargne diversifiés et construire peu à peu un marché financier. La Caisse française de Développement va donc apporter sa garantie à des émissions de titres obligataires lancées par des groupements de banques locales. Les ressources correspondantes serviront à financer des crédits aux entreprises. Ainsi, grâce à la France, l'épargnant africain sera assuré de bénéficier d'un placement sûr et les chefs d'entreprises se verront offrir des prêts en CFA à moyen et long terme à des taux inférieurs à ceux pratiqués actuellement.
Le développement des fonds de garantie des prêts bancaires est par ailleurs souhaitable. Ces fonds permettront en effet de faciliter l'octroi des crédits aux entreprises. Je me réjouis des progrès récemment enregistrés dans la mise en place du fonds de garanties d'Afrique de l'Ouest. De nombreux bailleurs de fonds internationaux participent à son financement aux côtés des banques.
Enfin, j'ai accepté que la Caisse française de Développement dispose en 1995 d'1,5 milliard de francs de ressources additionnelles pour accroître sa participation au financement d'investissements dans la zone franc.
En second lieu, l'aide de la France sera davantage orientée vers le financement de projets. L'assainissement des finances publiques va permettre de limiter leur ponction sur l'épargne intérieure et sur l'aide extérieure.
Le rôle normal des bailleurs de fonds n'est pas de subvenir aux besoins de fonctionnement des Etats. La crise nous avait menés dans cette direction fâcheuse. Je souhaite que l'aide française soit désormais affectée en priorité au financement de projets qui assurent la croissance sur le long terme et créent des emplois.
Les programmes de développement doivent être orientés plus que par le passé vers les secteurs essentiels du développement rural, des infrastructures, de la production industrielle, de l'éducation, de la santé et des institutions. Cette action est indispensable pour accompagner l'effort de croissance et rendre possible le redémarrage des économies africaines.
Enfin, en ce moment difficile qui a suivi la dévaluation, un Fonds spécial de développement doté de 300 M.F. a été mis en place à titre exceptionnel. Au delà de ses objectifs immédiats, il a fait redécouvrir un mode de coopération oublié, celui des actions de proximité menées en liaison avec les opérateurs locaux et les collectivités territoriales, 100 M.F. supplémentaires ont été dégagés afin de poursuivre cette aide exceptionnelle jusqu'à la fin de l'année 1994 ; elle portera ainsi sur 400 MF au total. J'ai demandé au ministre de la Coopération de veiller à ce que les leçons de cette expérience se traduisent par un accroissement, l'an prochain, de la part des crédits d'aide dont l'utilisation est déconcentrée.
Les objectifs que vous poursuivez sont ambitieux :
- engager l'Afrique subsaharienne dans la voie du développement économique ;
- lui rendre la place qui doit être la sienne dans le monde.
La tâche sera longue mais aussi vous n'êtes pas sans atouts, loin sans faut. L'appartenance à la zone franc constitue tout d'abord un avantage unique sur le continent africain que vous avez entrepris de renforcer par une stratégie d'intégration régionale. Ce mécanisme de coopération monétaire pourra ainsi pleinement jouer son rôle au service d'un développement durable.
Certes, le chemin que vous avez emprunté n'est pas facile, les processus de développement sont longs, les difficultés sont nombreuses, mais les choix de politique économique que vous avez opérés sont les bons. Les premiers signes d'une reprise de la croissance se sont déjà manifestés.
La France sera, comme toujours, présente à vos côtés : en 1992 l'aide publique au développement s'est élevée à 44 milliards de francs, sont 0,63 % du PNB, ce qui place notre pays parmi les tout premiers bailleurs de fonds en matière de développement. La moitié de cette aide publique est destinée à l'Afrique subsaharienne.
Au-delà de son effort propre, la France s'est toujours battue pour que les institutions internationales et l'Union européenne aident l'Afrique. Elle l'a fait avec succès qu'il s'agisse de la mobilisation des concours financiers des institutions de Bretton Woods et de la Commission européenne pour réussir la dévaluation du franc CFA, ou de l'accroissement continu des moyens financiers mis au service de la Convention de Lomé. La France continuera de plaider également pour un allégement du fardeau de la dette. Elle veillera à ce que les engagements pris au Sommet de Naples soient mis en oeuvre aussi rapidement que possible.
L'Afrique est une priorité pour la France. Nous ferons de notre mieux pour que vous parveniez à relever le défi du développement.
Quand je regarde un pays comme la Côte d'Ivoire, tout m'indique que ce défi peut être relevé. Le Président Houphouët-Boigny en était à juste titre convaincu en dépit des difficultés rencontrées et qui sont maintenant en passe d'être surmontées. Les pays de la zone franc sont riches en hommes et en ressources. le sous-développement n'est pas une fatalité. Je sais que l'Afrique relèvera ce nouveau défi et sera digne des espoirs que nous mettons en elle. D'autres pays sur d'autres continents ont su prendre le chemin du développement. Les pays d'Afrique sauront trouver le leur. Je suis venu vous dire aujourd'hui la confiance du gouvernement français, celle des entreprises françaises dans votre avenir. Vive la Côte d'Ivoire ! Vive l'amitié franco-ivoirienne.
J'ai tenu à l'occasion de ce voyage en Afrique à venir sur place étudier les conditions nouvelles dans lesquelles se présentent les relations entre les pays africains entre eux, et entre les pays africains et la France.
J'aurai l'occasion lors des entretiens que j'aurai avec M. le Président de la République et avec M. le Premier ministre de préciser nos buts.
Je peux dire d'ores et déjà qu'elles sont empreintes d'une très grande convergence aussi bien sur les problèmes économiques que sur les problèmes politiques. C'est donc avec beaucoup de confiance que je commence ce soir mon voyage en Côte d'Ivoire,
Les relations d'amitié anciennes, les liens privilégiés de coopération entre nos deux pays qui ne se sont jamais démentis depuis des décennies font d'Abidjan une étape essentielle du voyage en Afrique que j'accomplis aujourd'hui.
C'est un grand plaisir pour moi, Monsieur le Président, de vous revoir un peu moins de deux semaines après votre visite officielle en France et de retrouver la Côte d'Ivoire dans d'autres circonstances que celles douloureuses et combien émouvantes de février dernier, lors du dernier adieu que la communauté internationale tout entière rassemblée à Yamoussoukro a tenu à adresser au Président Houphouët-Boigny. Ce grand homme d'Etat est entré dans l'histoire parce qu'il avait su s'identifier à son peuple et à ses traditions et les mobiliser au service du progrès. A cet indéfectible ami de la France qui fut ministre du Général de Gaulle, je tiens ce soir au nom du gouvernement français à rendre devant vous de nouveau un très vibrant hommage.
Vous avez su, Monsieur le Président, assumer la succession d'un prédécesseur aussi illustre : la Côte d'Ivoire avait connu sous sa présidence, stabilité politique et développement économique. Vous avez d'ores et déjà commencé à faire fructifier cet héritage.
La transition politique que vient de connaître votre pays est tout à fait exemplaire. Le calme et la dignité dont a fait preuve le peuple ivoirien lors de la disparition du Président Houphouët-Boigny, la maîtrise du processus de succession dans le strict respect des institutions de votre pays ont démontré la maturité politique des Ivoiriens. C'est par de tels comportements dans l'épreuve qu'un pays maintient et renforce sa cohésion à l'intérieur et suscite le respect à l'extérieur.
La France entend placer ses relations avec l'Afrique en général, avec la Côte d'Ivoire en particulier, sous le signe de la fraternité et de la solidarité. En apportant à la Côte d'Ivoire, comme aux autres pays de la zone franc les moyens d'accompagner la dévaluation du franc CFA, elle témoigne de sa volonté de solidarité. Il s'agit pour la France de rester plus que jamais à l'écoute de ses amis et partenaires africains pour les aider à surmonter les difficultés qu'ils rencontrent aujourd'hui et à retrouver les chemins du développement et de la croissance.
La décision de dévaluer le franc CFA que vous avez prise en janvier dernier avec les autres chefs d'Etat de la zone franc était indispensable pour retrouver la croissance économique et renouer avec les institutions financières internationales. Cette décision était difficile à prendre. Il fallait du courage pour l'adopter, de la compétence pour la mener à bien. La Côte d'Ivoire a su, sous votre sage autorité, faire preuve de ces qualités pour relever ce défi et mener votre pays vers le succès qui semble s'annoncer maintenant. Aujourd'hui, nous constatons les effets positifs de ce changement de parité et nous sommes certains que les autorités ivoiriennes continueront de conduire avec détermination l'effort de rigueur dans la gestion des finances publiques et de rénovation économique entrepris dans le cadre d'une entente nécessaire avec les institutions de Bretton Woods. La France se tiendra à vos côtés pour vous soutenir dans cette voie salutaire, car le succès de la dévaluation est essentiel non seulement pour votre pays mais pour l'ensemble des pays de la région.
La Côte d'Ivoire joue dans la région un rôle essentiel sur le plan économique comme sur le plan politique. Elle est un élément stabilisateur en Afrique de l'Ouest. Comment ne pas le souligner alors que le continent africain connaît aujourd'hui un moment difficile de son histoire ? Les conflits y sont nombreux, souvent longs et meurtriers. Tous les regards sont actuellement tournés vers le Rwanda où la France a souhaité intervenir afin de mener une action humanitaire à la hauteur du drame que connaît ce pays. Soyez une nouvelle fois remercié, Monsieur le Président, pour le soutien que la Côte d'Ivoire a apporté à la France dans son action au Rwanda.
Le Libéria, déchiré depuis plus de quatre ans par une guerre civile particulièrement cruelle, est également pour vous un sujet de préoccupation. La France soutient tout ce qui est entrepris pour permettre un règlement pacifique de ce conflit par les pays de la région et par la communauté internationale. Elle espère voir renaître dans ce pays le dialogue et la paix.
Dans l'adversité, comme dans la prospérité, la France tient à réaffirmer sa solidarité envers ses amis africains. Le sommet de Biarritz sera cet automne une nouvelle occasion de confirmer ce message et de rappeler la force des liens qui unissent la France à l'Afrique.
Monsieur le Président,
Je forme les voeux les plus sincères pour votre bonheur personnel, celui de vos proches et pour la prospérité de votre pays et je lève mon verre à l'amitié entre nos deux pays.
Vive l'amitié franco-ivoirienne !
Vive la Côte d'Ivoire.
Je suis très heureux de me trouver parmi vous, représentants de la plus nombreuse de toutes les communautés françaises d'Afrique. La Côte d'Ivoire est si proche de la France qu'elle n'est pas, pour les 20.000 Français qui comme vous ont choisi d'y rester ou de s'y établir, un pays comme les autres. C'est pourquoi vous devez vous réjouir comme moi, j'en suis certain, de voir que ce pays a surmonté de façon exemplaire deux grandes épreuves qui l'ont affectées récemment, la succession du Président Houphouët-Boigny, et la dévaluation du franc CFA.
Respectueux de ses institutions, faisant preuve d'une grande maturité politique, le peuple ivoirien s'est donné dans la sérénité un nouveau Président qui, après s'être longuement préparé à sa tâche, a repris le flambeau du Président Houphouët-Boigny. Cette histoire récente est un gage de stabilité politique remarquable et qui favorise votre présence, notre présence ici. Une autre étape difficile a été la dévaluation du franc CFA. Chacun maintenant s'accorde à reconnaître qu'elle était indispensable et que déjà elle est en train de réussir. Nous devons tous nous en féliciter quand on connaît le poids économique de la Côte d'Ivoire et l'effet que peut avoir sa réussite pour entraîner l'ensemble de la zone. C'est également l'assurance que la France, dont chacun d'entre vous ici est en quelque sorte une part, continuera à jouer un rôle important pour le développement et la stabilité de la région.
Cela ne signifie pas pour autant que tout va pour le mieux, et vous le savez aussi bien que moi. La dévaluation du franc CFA a soulevé pour beaucoup d'entre vous des difficultés dont je ne méconnais pas la gravité. Le gouvernement s'est efforcé d'en tenir compte.
La question de la scolarisation de vos enfants vient au premier rang de vos préoccupations. L'existence d'un réseau scolaire dense et d'un niveau comparable à celui des établissements de France est d'ailleurs bien souvent l'une des conditions auxquelles vous êtes le plus attentif avant de décider de vous établir à l'étranger. Pour l'année scolaire qui vient de s'écouler, il a été décidé de ne pas toucher aux écolages. Cette décision a demandé un effort exceptionnel en faveur de 40 établissements de la zone franc. Mais il faut bien être conscient que cet effort ne pourra pas être poursuivi au même niveau pour les années à venir. La hausse sera contenue à un niveau aussi raisonnable que possible et étalée dans le temps. Par ailleurs, les modes de calculs, récemment modifiés des bourses scolaires permettront aux familles de revenus modestes de pouvoir faire face à ces augmentations. Il faut faire en sorte qu'aucun enfant français ne soit, pour des raisons financières, exclu du système scolaire.
La dévaluation a également placé nombre d'entre vous devant d'autres difficultés qu'il n'était pas possible d'ignorer.
Dès l'annonce de la dévaluation, la Caisse des Français de l'étranger a décidé de réduire de moitié pour l'année 1994 les cotisations d'assurance-maladie des adhérents à revenus faibles et qui résident dans les Etats de la zone.
Par ailleurs, des entreprises en difficulté ont été amenées à licencier un certain nombre de leur personnel. Le gouvernement, conscient que c'est dans le pays où ils ont perdu leur emploi que nos compatriotes sont le mieux placés pour occuper les nouveaux postes de travail qui seraient offerts, a obtenu que les adhérents volontaires au régime français d'assurance- chômage, licenciés entre le 12 janvier et le 30 juin en raison de la dévaluation, bénéficient dans leur pays de résidence pendant 4 mois, des indemnités de chômage auxquelles ils ont droit.
Il est bien vite apparu que cette période transitoire était trop courte. Je suis en mesure de vous indiquer aujourd'hui qu'une prorogation de l'accord jusqu'au 31 décembre 1994 a été demandée aux partenaires sociaux. Les consulats vous communiqueront toutes informations nouvelles en la matière.
Je voudrais également rappeler les efforts consentis en faveur de la formation, grâce au Comité consulaire pour l'emploi et la formation professionnelle, et aussi en faveur de la réinsertion en France dont ont bénéficié plusieurs dizaines de jeunes Français.
Certains ont également rencontré des difficultés pour rembourser des prêts contractés en francs français et destinés à financer l'acquisition de biens immobiliers en France. Désormais, grâce à l'interprétation large des dispositions de la loi sur le surendettement des particuliers, les Commissions locales d'examen des situations de surendettement peuvent envisager des rééchelonnements des dettes en accord avec les établissements créanciers.
Ces mesures n'ont pas permis de régler toutes les situations difficiles, en particulier celles des retraites. M. le Ministre de la Coopération vous a déjà indiqué qu'il avait décidé de mettre en place une aide forfaitaire pour les retraités français qu'ils vivent en France ou qu'ils aient décidé de rester dans le pays où ils avaient cotisé. Cette allocation exceptionnelle sera versée avant le 31 décembre 1994.
J'ai conscience, mes chers compatriotes, que ces mesures ne parviendront pas à répondre totalement à l'attente de tous, mais une dévaluation est une opération toujours difficile dont les effets immédiats finissent pas être compensés par les progrès économiques qu'elle fait naître et je m'en expliquerai demain longuement devant la Communauté économique de Côte d'Ivoire.
Quelle était la situation à la même époque, l'an passé ? Permettez-moi tout de même de le rappeler brièvement : les économies des pays de la zone ne cessaient de régresser ; leurs matières premières et leurs produits ne trouvaient pas preneur ; les touristes choisissaient d'autres destinations ; les institutions financières internationales avaient interrompu leurs concours. Aujourd'hui qu'en est-il ? Matières premières et produits locaux recommencent à trouver des marchés à l'exportation ; les touristes reviennent ; l'inflation est contenue dans les limites prévues et même un peu en deçà ; les relations ont été reprises avec la communauté financière internationale, FMI et Banque mondiale, et ne donnent lieu semble-t-il à aucune difficulté. Tout ceci grâce au sérieux des gouvernements des pays de la zone franc. Il est encore trop tôt, je le sais aussi bien que quiconque, pour parler de succès mais du moins peut-
on affirmer que nous sommes sur la bonne voie et j'ai été extrêmement réconforté de constater au Sénégal comme je l'ai déjà constaté en Côté d'Ivoire la volonté affirmée, déterminée des gouvernements de faire en sorte que l'opération réussisse. Aujourd'hui, chacun parle de l'avenir et de l'espérance qu'il porte avec lui. Après les difficultés dont vous avez eu votre part, je suis convaincu que s'ouvriront de nouvelles perspectives qui profiteront à tous et qui renforceront la présence de la France dans cette région.
Avant de conclure, je souhaite souligner que votre présence en Côté d'Ivoire est la manifestation la plus visible de notre engagement, à nous Français, en faveur de ce pays et de l'Afrique.
Le voyage que j'accomplis ici me permet de réaffirmer solennellement que cet engagement est celui de la France tout entière. Soyez fiers du rôle qui est le vôtre. Vous contribuez par votre activité au développement de cette région et au rayonnement de la France en Afrique. La Côté d'Ivoire et la France ont besoin de vous dans cette période difficile de mutation et vous avez montré que l'on pouvait compter sur vous. Vous avez tenu bon, je crois pouvoir le dire, le plus dur est derrière vous. Les autorités ivoiriennes auront, j'en suis convaincu, été sensibles à la compréhension dont vous avez fait preuve. Vous êtes restés aux côtés des Ivoiriens dans les jours difficiles, vous serez avec eux lorsque le progrès et la croissance seront de retour.
Mes chers compatriotes, c'est de notre pays maintenant que je voudrais vous parler, car je pense que c'est aussi ce que vous attendez de moi. Notre pays est un grand pays, un des grands pays du monde, sur le plan économique, sur le plan culturel et aussi sur le plan militaire et politique. Il est confronté comme d'autres pays d'Europe ou dans le monde à des difficultés, des difficultés de croissance économique, des difficultés d'emploi et puis le bouleversement de l'Europe s'est traduit pour celle-ci par un certain nombre de désordres qui ne sont pas encore dominés. En ces circonstances, que faut-il faire pour la France ? La première chose, c'est qu'elle retrouve la voie du progrès économique, tout passe par là. La France doit être plus forte, elle est la quatrième puissance économique du monde, elle doit se renforcer encore. C'est indispensable pour elle, pour affirmer sa place en Europe, soyons clair, pour rééquilibrer l'Allemagne et son influence en Europe, et pour se donner les moyens dans le monde de la politique qu'elle veut et qu'elle doit conduire. Grâce à cette force économique plus affirmée la France résoudra également peu à peu, je n'ai jamais prétendu que ce serait rapide, car ce serait mensongé, retrouvera peu à peu le chemin d'un emploi mieux réparti en faveur de tous.
Déjà les résultats apparaissent, déjà la croissance est revenue et nous faisons en sorte que les déficits budgétaires et sociaux soient le mieux maîtrisés possible. C'est un début, il reste encore beaucoup à faire, je le sais, mais c'était un début indispensable.
Mais la France, et vous y êtes sensibles, et j'en suis certain - car le rôle d'un gouvernement n'est pas seulement de répondre aux préoccupations matérielles des uns et des autres, mais aussi de donner à chacun un sentiment de fierté nationale mieux affirmée - la France doit aussi être en mesure de jouer son rôle pleinement dans le monde.
Elle le fait en Europe en prônant un Pacte de stabilité entre tous les pays européens qui nous garantissent que nous ne verrons pas le retour ailleurs des événements qui ravagent l'ex-
Yougoslavie. Elle le fait au sein de l'Union européenne, elle le fait en Bosnie où la présence française est la plus importante ; elle le fait en Afrique, en réaffirmant la politique africaine de la France car, contrairement à ce que j'entends parfois, tenir à ses partenaires un langage de vérité, de responsabilité, c'est les respecter et c'est les appeler à l'effort commun, c'est ce que nous avons fait. Elle le fait maintenant au Rwanda où la première, et bien seule, pendant un certain temps, elle a pris des responsabilités devant l'indifférence et parfois même l'hostilité générale. Voilà qu'aujourd'hui la conscience internationale s'éveille et que chacun se rend compte que ce qui se joue au Rwanda est proprement intolérable pour la conscience morale, en tout cas des Français qui sont attachés à l'Afrique et attachés à leur devoir moral envers l'Afrique.
Toutes ces raisons pour vous doivent être, je me permets de le dire, des raisons de fierté. La France continue, elle continue à jouer son rôle en Afrique et notre objectif est même de renforcer ce rôle, et je souhaite que vous vous associiez à cet effort les uns et les autres à la place où le sort vous a placés dans le monde de l'économie, dans vos professions, dans les activités culturelles, universitaires, administratives ou militaires. Nous avons besoin du concours de tous les Français, quelle que soit leur opinion qui sont toutes parfaitement respectables. Nous avons besoin du concours de tous les Français pour faire en sorte que le monde ayant tellement changé depuis quelques années, la place de la France y soit non seulement confirmée mais y soit renforcée. Et c'est à cet effort que je me permets de vous appeler les uns et les autres : nous ne pourrons pas réaffirmer, développer la place de la France en Europe, comme en Afrique, comme dans le reste du monde sans votre concours à tous. C'est ce concours que, je me permets de le dire, j'attends de vous.
Mes chers compatriotes, il me reste à vous féliciter du rôle que vous jouez ici et à vous en remercier.
Vive la France.
C'est avec plaisir que je m'exprime aujourd'hui devant vous. Tous, chefs d'entreprises, responsables économiques africains et français, vous contribuez à dessiner l'avenir de ce continent. Le monde a changé, nous sommes confrontés les uns et les autres, en Europe comme en Afrique à une situation nouvelle. Que signifie la fin de la division du monde en deux blocs dans le domaine économique ?
La liberté et l'initiative individuelle sont maintenant reconnues universellement comme la véritable source du progrès économique. Cela signifie concrètement l'ouverture à des échanges internationaux organisés, la fin de la prééminence du secteur public et une plus grande rigueur dans la gestion des économies.
Quelles conséquences pour l'Afrique et pour les pays de la zone franc ? La nécessité de tirer parti des échanges internationaux et d'y trouver une place correspondant à leurs capacités.
Les chefs d'Etat de la zone franc ont pris une décision courageuse, modifier la parité du franc CFA, pour lui permettre de se fixer à un niveau compatible avec le retour de la croissance. Les premiers résultats sont là. Beaucoup reste à faire mais je suis confiant dans l'avenir économique des pays de la zone franc. Fidèle à ses engagements, mon pays vous a toujours soutenus dans les difficultés. Des relations nouvelles vont se nouer entre nous. Les liens de la France avec l'Afrique ne sont pas nostalgiques mais recouvrent une grande ambition : vaincre ensemble les difficultés de la crise et relever avec vous les défis du monde moderne.
Mon gouvernement a entrepris en France de redresser l'économie. Cela demande rigueur et ténacité. Ce que vous avez entrepris n'est donc pas un défi isolé. Il s'agit de maîtriser les contraintes du monde moderne et les règles de la compétition internationale. Nos partenaires des pays développés suivent le même chemin ; il n'en est pas d'autres pour être présent demain sur la scène du monde.
L'Afrique et la zone franc ne peuvent échapper à cette loi. Le voudraient-elles qu'elles entreraient dans un processus d'exclusion incompatible avec la puissance et la vitalité qui doivent animer nos pays. L'expérience l'a montré, le coût de l'inaction est bien sûr supérieur à celui des efforts de redressement.
Quelle était la situation au début de cette année ?
La relative prospérité que les pays de la zone franc avait connue jusqu'à la fin des années 1970 avait laissé place à une récession sévère. Le taux de croissance de la zone après avoir régulièrement diminué était devenu négatif depuis 1986. Compte tenu de la démographie, le revenu par habitant avait diminué de plus de 40 % de 1986 à 1993. Cela se traduisait par une paupérisation croissante de la grande majorité de la population, des difficultés budgétaires graves et une forte réduction des dépenses publiques dans le domaine de la santé et de l'éducation au détriment du plus grand nombre.
Malgré les efforts de redressement entrepris, la croissance des exportations se ralentissait, les investissements s'étaient interrompus et les déficits publics se creusaient. En 1993, le besoin de financement des budgets par les concours extérieurs atteignait 50 milliards de francs soit plus de deux fois et demie le montant global de l'aide publique française au continent africain. Plus de la moitié de notre aide aux Etats de la zone était consacrée aux dépenses de fonctionnement ; cela permettait d'éviter le pire mais ne préparait pas l'avenir.
La crise financière des Etats et des entreprises publiques et la crise économique s'alimentaient mutuellement. Les fuites de capitaux étaient massives. Le déclin économique ne permettait plus le simple maintien des infrastructures, remarquables en Afrique, dont bénéficiaient les pays de la zone franc. Il conduisait déjà à un déclin social et menaçait les démocraties.
En septembre 1993, j'adressais un message aux chefs d'Etat de la zone franc pour leur indiquer que la France était soucieuse de leur apporter une aide importante qui soit aussi une aide efficace. Elle devait donc s'insérer dans une politique économique cohérente qui reçoive le soutien de la communauté internationale. Un grand dessein économique pourrait alors être tracé pour les pays de la zone franc.
Quelles ont été les décisions prises ?
Les chefs d'Etat ont décidé d'affronter la réalité et pris avec courage la décision de dévaluer le franc CFA. Cette décison était nécessaire, elle a été prise avec sérieux, après un débat approfondi, et assortie de mesures d'accompagnement indispensables à sa réussite.
Un changement de parité heurte nécessairement de nombreux intérêts et les critiques s'en sont fait l'écho. Il présente aussi le risque de déclencher une forte inflation et de nuire aux groupes sociaux les plus défavorisés. Des dispositions ont été prises pour surmonter ces deux écueils. Les gouvernements ont montré leur volonté de maîtriser les évolutions salariales et ont pris des mesures pour protéger les groupes sociaux les plus démunis.
La France pour sa part n'est pas restée inactive. J'ai demandé au Directeur général du Fonds monétaire intenational et au Président de la Banque mondiale de venir me voir pour m'assurer de leur volonté de fournir, rapidement et en volume suffisant, les financements nécessaires à la réussite de l'opération. Tel est le cas. De même, l'Union européenne a été mobilisée et a rapidement octroyé des aides pour répondre aux besoins de financement des pays de la zone.
Enfin, malgré la contrainte budgétaire, j'ai décidé de leur apporter une aide exceptionnelle, d'une ampleur sans précédent : plus de 10 milliards de francs d'aide budgétaire sur trois ans (1994/1996), 25 milliards de francs de créances d'aide publique au développement annulées, plusieurs dizaines de millions de francs de subventions aux secteurs prioritaires du livre (30 MF) et du médicament (40MF) ; 300 millions de francs pour mettre en place un fonds spécial de développement destiné à aider les populations les plus pauvres ; 300 millions de francs de facilité de trésorerie apportés par la Caisse française de développement aux entreprises locales. La France se devait d'aider ses amis. Elle l'a fait, simplement, rapidement.
Les premiers résultats de ces décisions sont positifs et doivent être renforcés et prolongés.
Les signes d'une reprise de la croissance se multiplient. Ils ne se manifestent pas simplement dans les secteurs exportateurs et générateurs de devises mais aussi dans les activités qui concurrencent les importations.
Grâce à la dévaluation et à l'augmentation des cours sur le marché mondial, les exportations de café, cacao, hévéa, huile de palme, notamment retrouvent un dynamisme oublié depuis de nombreuses années. En fait c'est tout le monde rural qui se trouve ainsi régénéré. Chacun sait l'importance de ce secteur qui fait vivre 80 % de la population.
Mais les productions de produits primaires ne sont pas les seules à trouver ainsi une nouvelle chance. La production locale de textile et de produits en plastique par exemple concurrence efficacement les produits importés. Le secteur vivrier et l'élevage connaissent dans beaucoup de pays un renouveau spectaculaire. Des pays comme le Burkina Faso ou le Mali ont désormais des débouchés. Un véritable marché régional est en train de naître.
Ces premiers résultats vont être confortés et renforcés par les politiques et les réformes économiques que vous avez engagées. L'assainissement des finances publiques, la maîtrise des salaires et de l'inflation, la baisse des taux d'intérêt, la libéralisation progressive de vos économies vont permettre une croissance plus forte, créatrice d'emplois qui améliore les conditions de vie des populations.
Je crois que la Côte d'Ivoire, où nous nous trouvons aujourd'hui, donne le meilleur exemple de ce redémarrage et de ce nouvel élan. Celui-ci est possible grâce à une stabilité politique remarquable. Assurer la succession du Président Houphouët-Boigny, que le monde entier admirait et respectait, était difficile. La Côte d'Ivoire a montré qu'elle disposait de bonnes institutions et d'une grande maturité politique puisque cette transition s'est faite sereinement et sans heurts, sous l'égide du Président Konan Bedié auquel je tiens à rendre hommage.
Le renouveau de la Côte d'Ivoire est aussi dû à la poursuite et à l'approfondissement de l'effort de redressement lancé depuis quelques années. Considérant à juste titre que les déficits budgétaires ne sont pas longtemps supportables et que leur maintien entraîne l'affaiblissement de l'Etat et des administrations, le gouvernement a entrepris d'assainir en profondeur les finances publiques. Bien sûr, la dévaluation a permis d'améliorer les recettes sur les dépenses budgétaires courantes enregistrées depuis quelques mois est aussi le fruit de l'effort systématique des autorités de ce pays pour améliorer le fonctionnement des administrations fiscales et douanières. Cet effort doit être prolongé. Il ne faut pas d'ailleurs le réduire à sa seule dimension économique. Ainsi, le paiement des impôts par tous est un élément essentiel de fonctionnement de la démocratie.
Au-delà de cet effort de redressement économique, il vous faut aussi poursuivre dans la voie de l'intégration régionale et dans la recherche de l'investissement privé.
La zone franc a été longtemps en avance sur le reste du continent africain. Les pays qui s'y regroupent ont une monnaie commune et convertible depuis bien longtemps, tandis que nombre de pays africains souffrent de ne disposer que d'une monnaie inconvertible, sans cesse dépréciée, source d'une inflation démesurée. Mais cette union monétaire doit être aujourd'hui complétée par la création d'un véritable marché régional qui permette aux paysans et aux entreprises de bénéficier de débouchés de taille suffisante. Partout dans le monde les exemples d'intégration régionale se multiplient. La zone franc sera plus forte avec un marché de 80 millions d'habitants qu'avec la juxtaposition de plusieurs marchés de 10 millions d'habitants.
Les pays d'Afrique de l'Ouest ont été le moteur de ce mouvement et les autorités politiques ivoiriennes, comprenant l'importance des enjeux, n'ont pas ménagé leurs efforts. Depuis les premiers traités régionaux jusqu'à la création d'une Union économique et monétaire, la Côte d'Ivoire a toujours été l'un des plus fervents avocats de cette intégration régionale. Je souhaite qu'elle puisse progresser rapidement en Afrique centrale et qu'à terme ces deux ensembles multiplient entre eux leurs échanges.
En second lieu, tout doit être mis en oeuvre pour favoriser le développement de l'investissement privé. La lutte contre la fraude aux droits de douane ou aux impôts directs est une première condition. Elle est essentielle. A défaut, les entreprises qui investissent et créent des emplois subissent des prélèvements insupportables. La résorption des arriérés de paiement à l'égard des entreprises est également indispensable ; elle est en cours avec l'aide de la France. Il faut plus généralement que les règles du jeu soient claires et stables. Le dialogue et la concertation entre les autorités gouvernementales et le secteur privé doivent être organisés et réguliers. Les entreprises ont aussi besoin d'un environnement juridique stable et d'une justice qui fonctionne. Les Etats de la zone franc ont signé un traité sur l'harmonisation du droit des affaires et prévu la création d'une juridiction commune. C'est une étape très importante, ce traité doit être mis en oeuvre rapidement. Pour renouer avec la croissance, il faut retrouver la confiance des chefs d'entreprise. Les privatisations, enfin, permettront de favoriser le retour des capitaux et le développement de l'investissement. Elles doivent naturellement être réalisées selon des procédures transparentes qui préservent les intérêts des Etats. Elles contribueront au renouveau de ces entreprises.
La France accompagnera ces efforts par un aménagement de son aide.
La France, comme elle l'a toujours fait, croit en l'avenir de l'Afrique, à sa capacité à utiliser les ressources dont elle est dotée.
Elle le prouve d'abord en y investissant et en y travaillant.
Quatre-vingts groupes français sont représentés par 1.200 filiales, dans la zone franc. Plus de 450.00 emplois en dépendent. 60 % des emplois des banques commerciales de la zone sont liés à des intérêts français. Les échanges commerciaux entre la France et les quatorze pays de la zone franc s'élèvent à plus de 30 milliards de FF.
Le montant total des investissements directs français dans les pays africains de la zone dépasse 10 milliards de FF. Les entreprises françaises participent à de nombreuses activités économiques ; le BTP, l'agro-industrie, le secteur pharmaceutique, la distribution, le tourisme, les services financiers (banque et assurance...).
La zone franc a besoin d'une reprise des investissements. Mais en ce domaine, il ne suffit pas d'avoir des projets. Il faut aussi pouvoir mobiliser des financements. Cet objectif suppose un système financier stable, qui se fonde sur un système bancaire assaini, mais aussi sur la mise en place de nouvelles modalités d'intermédiation financière.
Afin d'y contribuer j'ai demandé que la coopération française aide à mobiliser l'épargne régionale pour répondre aux besoins de financement à moyen et long terme des entreprises. La zone franc a trop longtemps souffert de fuites des capitaux. Elle doit pouvoir offrir des instruments d'épargne diversifiés et construire peu à peu un marché financier. La Caisse française de Développement va donc apporter sa garantie à des émissions de titres obligataires lancées par des groupements de banques locales. Les ressources correspondantes serviront à financer des crédits aux entreprises. Ainsi, grâce à la France, l'épargnant africain sera assuré de bénéficier d'un placement sûr et les chefs d'entreprises se verront offrir des prêts en CFA à moyen et long terme à des taux inférieurs à ceux pratiqués actuellement.
Le développement des fonds de garantie des prêts bancaires est par ailleurs souhaitable. Ces fonds permettront en effet de faciliter l'octroi des crédits aux entreprises. Je me réjouis des progrès récemment enregistrés dans la mise en place du fonds de garanties d'Afrique de l'Ouest. De nombreux bailleurs de fonds internationaux participent à son financement aux côtés des banques.
Enfin, j'ai accepté que la Caisse française de Développement dispose en 1995 d'1,5 milliard de francs de ressources additionnelles pour accroître sa participation au financement d'investissements dans la zone franc.
En second lieu, l'aide de la France sera davantage orientée vers le financement de projets. L'assainissement des finances publiques va permettre de limiter leur ponction sur l'épargne intérieure et sur l'aide extérieure.
Le rôle normal des bailleurs de fonds n'est pas de subvenir aux besoins de fonctionnement des Etats. La crise nous avait menés dans cette direction fâcheuse. Je souhaite que l'aide française soit désormais affectée en priorité au financement de projets qui assurent la croissance sur le long terme et créent des emplois.
Les programmes de développement doivent être orientés plus que par le passé vers les secteurs essentiels du développement rural, des infrastructures, de la production industrielle, de l'éducation, de la santé et des institutions. Cette action est indispensable pour accompagner l'effort de croissance et rendre possible le redémarrage des économies africaines.
Enfin, en ce moment difficile qui a suivi la dévaluation, un Fonds spécial de développement doté de 300 M.F. a été mis en place à titre exceptionnel. Au delà de ses objectifs immédiats, il a fait redécouvrir un mode de coopération oublié, celui des actions de proximité menées en liaison avec les opérateurs locaux et les collectivités territoriales, 100 M.F. supplémentaires ont été dégagés afin de poursuivre cette aide exceptionnelle jusqu'à la fin de l'année 1994 ; elle portera ainsi sur 400 MF au total. J'ai demandé au ministre de la Coopération de veiller à ce que les leçons de cette expérience se traduisent par un accroissement, l'an prochain, de la part des crédits d'aide dont l'utilisation est déconcentrée.
Les objectifs que vous poursuivez sont ambitieux :
- engager l'Afrique subsaharienne dans la voie du développement économique ;
- lui rendre la place qui doit être la sienne dans le monde.
La tâche sera longue mais aussi vous n'êtes pas sans atouts, loin sans faut. L'appartenance à la zone franc constitue tout d'abord un avantage unique sur le continent africain que vous avez entrepris de renforcer par une stratégie d'intégration régionale. Ce mécanisme de coopération monétaire pourra ainsi pleinement jouer son rôle au service d'un développement durable.
Certes, le chemin que vous avez emprunté n'est pas facile, les processus de développement sont longs, les difficultés sont nombreuses, mais les choix de politique économique que vous avez opérés sont les bons. Les premiers signes d'une reprise de la croissance se sont déjà manifestés.
La France sera, comme toujours, présente à vos côtés : en 1992 l'aide publique au développement s'est élevée à 44 milliards de francs, sont 0,63 % du PNB, ce qui place notre pays parmi les tout premiers bailleurs de fonds en matière de développement. La moitié de cette aide publique est destinée à l'Afrique subsaharienne.
Au-delà de son effort propre, la France s'est toujours battue pour que les institutions internationales et l'Union européenne aident l'Afrique. Elle l'a fait avec succès qu'il s'agisse de la mobilisation des concours financiers des institutions de Bretton Woods et de la Commission européenne pour réussir la dévaluation du franc CFA, ou de l'accroissement continu des moyens financiers mis au service de la Convention de Lomé. La France continuera de plaider également pour un allégement du fardeau de la dette. Elle veillera à ce que les engagements pris au Sommet de Naples soient mis en oeuvre aussi rapidement que possible.
L'Afrique est une priorité pour la France. Nous ferons de notre mieux pour que vous parveniez à relever le défi du développement.
Quand je regarde un pays comme la Côte d'Ivoire, tout m'indique que ce défi peut être relevé. Le Président Houphouët-Boigny en était à juste titre convaincu en dépit des difficultés rencontrées et qui sont maintenant en passe d'être surmontées. Les pays de la zone franc sont riches en hommes et en ressources. le sous-développement n'est pas une fatalité. Je sais que l'Afrique relèvera ce nouveau défi et sera digne des espoirs que nous mettons en elle. D'autres pays sur d'autres continents ont su prendre le chemin du développement. Les pays d'Afrique sauront trouver le leur. Je suis venu vous dire aujourd'hui la confiance du gouvernement français, celle des entreprises françaises dans votre avenir. Vive la Côte d'Ivoire ! Vive l'amitié franco-ivoirienne.