Interview de M. Hervé Morin, président du groupe parlementaire UDF à l'Assemblée nationale, dans "La Tribune" du 10 septembre 2002, sur le rôle de l'UDF au sein de la majorité, la politique gouvernementale et l'assouplissement de la loi sur les 35 heures.

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Circonstance : Journées parlementaires de l'UDF à Saint-Clément-les-Places (Rhône) du 10 au 12 septembre 2002

Média : La Tribune

Texte intégral

L'UDF ouvre aujourd'hui ses journées parlementaires, avec 29 députés. Quel rôle comptez-vous jouer dans la majorité ?
Jacques Barrot, voulant être désagréable, a dit que l'UDF n'était plus qu'un arbitre de touche. C'est un compliment. L'arbitre de touche, c'est celui qui lève le drapeau et signale le hors-jeu Nous demandons juste au gouvernement de ne pas nous traiter avec condescendance. Pour l'instant, seul Nicolas Sarkozy a accepté de travailler avec nous Au lendemain de la présidentielle, on a voulu nous tuer. Nous ne sommes pas morts, et nous vous le démontrerons.
Jugez-vous les premiers pas de Jean-Pierre Raffarin satisfaisants ?
La politique de Jean-Pierre Raffarin va sans aucun doute dans le bon sens, sur la sécurité, la baisse des prélèvements obligatoires, etc. Mais n'oublions pas que le vote du 21 avril est quasi révolutionnaire. Les Français ne supporteront plus la demi-mesure et les politiques apprises à l'ENA. Ils ne se laisseront pas berner par des effets d'annonce. Un Premier ministre ne peut plus faire de la politique avec les yeux rivés sur sa cote d'opinion. Aujourd'hui, la vertu en politique, c'est celle du courage, celle de dire la vérité aux Français. Pour l'instant, le gouvernement a parfois tendance à vouloir satisfaire tout le monde ou à faire dans la compensation. On l'a vu cet été quand il a refusé la hausse des tarifs d'EDF. A ce jeu, il mécontentera tous les Français. Il faut qu'il clarifie ses choix.
Jugez-vous que les arbitrages budgétaires pour 2003 vont dans la bonne direction ?
Les socialistes nous laissent des comptes publics calamiteux, en dépit de quatre ans de croissance. Cela rend l'exercice très difficile, mais il ne faut plus présenter de budget fantaisiste. Le gouvernement ne peut retenir une hypothèse de croissance autour de 2,5 %. Ce serait se moquer du monde et vider de sens le débat parlementaire. Les grands patrons que nous avons consultés tablent sur une croissance entre 1,5 % et 1,8 %. Là encore, le gouvernement doit tenir un discours de vérité.
Le gouvernement pourra-t-il tenir à la fois ses promesses et ses engagements européens ?
Cela ne me dérange pas de ne pas respecter les engagements européens si c'est momentané, dès lors qu'il s'agit d'entreprendre des réformes de fond. Faire du déficit pour payer des dépenses de fonctionnement ou financer des folies comme les 35 heures, c'est insupportable. Si le déficit sert à remettre le pays sur le chemin de l'investissement, de la croissance et du travail, ça n'est pas préoccupant. D'autres pays, comme les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne, l'ont fait. Mieux vaut, à mon sens, laisser filer le déficit pour un temps plutôt que de faire une pause dans la baisse des impôts et des charges.
Le gouvernement a-t-il choisi la bonne méthode pour assouplir les 35 heures ?
C'est notamment à cause des 35 heures que la gauche a perdu les élections. Les 35 heures sont bonnes pour les " bobos ", pas pour les smicards. Le gouvernement a donc eu raison de prendre une mesure immédiate pour les assouplir. Mais ce n'est pas suffisant. Il faut plus largement débarrasser le Code du travail d'une série de dispositions qui ne relèvent pas de la loi ou du décret. La France doit adopter le système allemand, où la loi fixe les grandes protections (durée maximale, temps de repos) et où tout ce qui entoure la durée du travail (heures supplémentaires, compte épargne temps, etc.) relève de l'accord de branche.
(source http://www.udf.org, le 16 septembre 2002)