Déclaration de M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées, sur la matraitance des personnes âgées, notamment l'amélioration du système de protection juridique des personnes âgées et la prévention, Paris le 19 novembre 2002.

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Circonstance : Installation du Comité national de vigilance contre la maltraitance des personnes âgées à Paris le 19 novembre 2002

Texte intégral

La maltraitance des personnes âgées est aujourd'hui une réalité. Cette réalité dépasse le cadre de nos frontières. Selon les différentes études, environ 5% des personnes âgées de plus de 65 ans sont victimes de maltraitance ; ce chiffre est supérieur à 15% pour les personnes de plus de 75 ans. Cette situation n'est pas acceptable. Une politique volontariste s'impose. Voilà les raisons qui m'ont conduit à installer et présider un comité national de vigilance contre la maltraitance des personnes âgées.
Ce comité de vigilance aura pour mission de concourir à la définition, à la mise en oeuvre et au suivi de la politique de prévention et de lutte contre la maltraitance des personnes âgées.
Il me paraît important au préalable de préciser les choix qui ont présidé à sa composition. Il comporte en premier lieu des représentants des personnes âgées, qui sont les premières concernées ; il est indispensable qu'elles puissent se faire entendre. Outre le Comité national des retraités et des personnes âgées, j'ai demandé à l'association France Alzheimer d'en faire partie.
Vous le savez, plusieurs études montrent que les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou de maladies apparentées sont particulièrement exposées à la maltraitance. Ce Comité comporte également les représentants de professionnels qui interviennent auprès des personnes âgées, ainsi que les représentants des principales associations et fédérations d'établissements et de services d'aide à domicile.
Je voudrais à cette occasion rappeler une évidence : la prévention et la lutte contre la maltraitance des personnes âgées se ne fera pas contre les professionnels ni sans eux, elle ne peut se faire qu'avec leur soutien, et je salue ici une fois de plus leur dévouement.
Les services déconcentrés seront mis à contribution, de même que les experts désignés et les associations qui oeuvrent pour prévenir et lutter contre cette maltraitance.
Ainsi, ce comité est composé de personnes qui auront en charge de faire remonter du terrain les problèmes rencontrés. Je souhaite que vous puissiez être nos relais auprès des familles d'usagers, des professionnels et du monde associatif pour mettre en oeuvre la politique de prévention et de lutte que nous aurons définie ensemble.
Comme vous le constatez, la fonction de ce comité est exigeante et ambitieuse, et je voulais vous exprimer toute ma reconnaissance pour avoir accepté d'en faire partie.
La maltraitance des personnes âgées reste encore trop souvent un sujet tabou, une réalité que l'on refuse de voir en face.
Un grand pas a été franchi grâce à l'ALMA (Allô Maltraitance France) et je rends hommage au Professeur HUGONOT, véritable pionnier de la lutte contre la maltraitance. Le rapport de Monsieur le Professeur DEBOUT a également contribué à mieux faire connaître la maltraitance. Mais il reste beaucoup à faire.
Pour mieux saisir les formes principales de maltraitance, prenons maintenant quelques chiffres communiqués par ALMA, à partir des statistiques de l'année 2001.
A domicile, 29% des maltraitances sont d'ordre psychologique, les maltraitances financières représentent 21%, tandis que les maltraitances physiques et les maltraitances par omission ou négligence constituent chacune 15% des cas.
En institution en revanche, la situation apparaît comme très différente puisque les maltraitances par omission ou négligence représentent 48% des cas contre 14% pour les maltraitances psychologiques et 6% pour les maltraitances financières. A domicile comme en institution, les maltraitances médicales et civiques restent moins fréquentes.
Comme vous le savez, ces différentes formes de maltraitances sont souvent associées.
Je souhaite que nous puissions construire ensemble un véritable programme de prévention et de lutte contre la maltraitance. Vous avez dans les dossiers que l'on vous a remis un premier projet de programme pour nous permettre de travailler sur une base concrète dès cette première séance.
Il s'agit d'un document de travail dont le contenu va évoluer et s'enrichir de vos interventions en séance mais je suppose, et cela est tout à fait légitime, que vous souhaiterez prendre plus de recul pour me faire part de vos suggestions.
Sans entrer d'emblée dans les détails de ce programme, voici les 8 objectifs que je souhaite que nous atteignions ensemble :
1. Mieux connaître la maltraitance des personnes âgées pour mieux la prévenir
En complétant les données d'ALMA par des études quantitatives et des études qualitatives spécifiques
2. Sensibiliser la population au phénomène de maltraitance des personnes âgées et faire de la prévention et de la lutte contre la maltraitance des personnes âgées une cause nationale
Je souhaite qu'on lance une campagne nationale de sensibilisation de la population et que l'on responsabilise les différents acteurs quant au rôle qu'ils peuvent jouer pour aider à prévenir et à lutter contre la maltraitance. Cette prévention et cette lutte sont l'affaire de tous.
3. Améliorer le système de protection juridique des personnes âgées
La réforme en cours du dispositif de protection des majeurs nous y aidera.
4. Mettre en place un dispositif de gestion du risque de maltraitance des personnes âgées
Je développerai plus longuement ce point dans un instant.
5. Renforcer les exigences de qualité pour l'ensemble des prestations et structures destinées aux personnes âgées
Notamment par la prise en compte de la dimension "prévention des risques de maltraitance" lors des visites organisées dans le cadre de la signature des conventions tripartites.
6. Améliorer les procédures de traitement des signalements
Par l'élaboration et la diffusion d'un guide de bonnes pratiques.
7. Renforcer le dispositif de contrôle et d'inspection des établissements
Par la mise à disposition d'outils facilitant les contrôles, par le développement d'actions de formation spécifiques
8. Organiser le suivi de la mise en oeuvre de cette politique et son évaluation
Avant de vous laisser réagir sur ces objectifs, je souhaite insister sur le quatrième d'entre eux. Il s'agit de la mise en place d'un dispositif de gestion du risque de maltraitance des personnes âgées.
Cette démarche de gestion des risques doit s'envisager comme un processus continu, coordonné et intégré au fonctionnement des institutions et des services.
Elle doit permettre de faciliter le repérage des situations de risque de maltraitance. Pour ce faire, le comité contribuera à l'élaboration d'outils qui permettront de détecter, sur le terrain, les situations sensibles. Cette gestion du risque de maltraitance suppose également une information et une formation des différents acteurs et en particulier une sensibilisation et une formation du personnel à ce problème de maltraitance. Là encore, je compte m'appuyer sur le comité pour mener à bien cette action. Je ne doute pas que nous réussissions ensemble à atteindre ces objectifs.
La société doit être solidaire des ses aînés les plus fragiles, être garante de leur droit à la dignité.
Prévenir et lutter contre la maltraitance constitue une cause nationale, une cause qui demande du courage. Je souhaite donner le signal fort d'un Etat qui prend ses responsabilités.
Je vous donne maintenant la parole afin que vous puissiez réagir et enrichir ces propositions.

(Source http://www.social.gouv.fr, le 5 décembre 2002)