Texte intégral
Je voudrais dire, à mon tour, très brièvement que M. Klaus Kinkel et moi-même avons eu un entretien, un échange très franc et très intéressant avec le président Tudjman. Nous avons pu exprimer nos attentes, nos préoccupations, nos recommandations sur toute une série de points tout à fait importants. Ces points sont très importants pour la Croatie qui se fixe comme objectif principal de sa politique étrangère, le rapprochement avec l'Europe. Ces préoccupations et ces attentes, vous les connaissez. Elles portent sur la pleine et loyale application des Accords de Dayton, dans tous leurs aspects, sur la situation en Slavonie orientale et sur la présentation d'un concept concret et public sur le retour de tous les réfugiés. Chacun de ces points a fait l'objet d'analyses, d'échanges, de discussions, et la perspective européenne a orienté et a éclairé toute cette conversation. Je pense que cette réunion aura été utile à la Croatie et à l'Europe./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 septembre 2001)
Q - Dans quel état d'esprit vous situez-vous à 24 heures de l'expiration de l'ultimatum du Groupe de contact vis-à-vis de Belgrade ?
R - Quand nous nous sommes réunis à Londres, l'autre lundi, avec le Groupe de contact nous avons demandé - en faisant des pressions fortes sur Belgrade - que les autorités yougoslaves prennent un certain nombre de mesures. Nous avons décidé de fixer une date pour juger ces mesures englobant les voyages qui étaient déjà programmés à ce moment-là, c'est-à-dire celui de M. Primakov et ceux de Klaus Kinkel et moi-même.
Nous verrons demain à Belgrade dans quelle situation nous sommes. Je ne peux pas vous répondre avant que nous ayons entendu le président Milosevic.
Mais, la véritable échéance pour évaluer la situation dans laquelle nous sommes - à savoir si nous devons maintenir ou non les mesures décidées à Londres et, éventuellement même malheureusement devoir prendre d'autres mesures - c'est le 25 dans une nouvelle réunion du Groupe de contact qui se tiendra à Bonn. Voilà le calendrier dans lequel nous sommes. Nous sommes toujours en train de persévérer dans cette pression.
Q - Avez-vous eu l'impression, ces dix derniers jours, qu'il y a eu des signes encourageants côté serbe pour faire diminuer la tension au Kossovo ?
R - Quelques signes encourageants, mais ils ne sont pas suffisants.
A partir de la réunion du Groupe de contact jusqu'à hier, il n'y avait plus d'incidents. Malheureusement, il y a eu à nouveau des incidents aujourd'hui. Mais, d'autre part, ils ont accepté la venue d'une délégation du CICR. C'est peut-être un signe relativement encourageant. Il n'y a toujours pas d'accord sur la Mission Gonzalez. Cela, c'est un signe négatif.
Une proposition sur des négociations a été faite aux Albanais, mais elle n'est pas suffisamment ouverte pour que ceux-ci puissent, jusqu'ici, accepter. N'oubliez pas que, par ailleurs, le Groupe de contact, comme l'ensemble des pays d'Europe, encourage aussi les Albanais à accepter cette négociation. Aucun pays en Europe ne soutient la revendication d'indépendance qui serait de nature à redéstabiliser l'ensemble de cette région qui vraiment n'en n'a pas besoin.
Donc, nous avons des pressions très fortes du côté de Belgrade et un encouragement très précis du côté des Albanais.
Nous sommes encore dans cette politique et je ne peux pas encore vous dire, à ce stade, même si je l'espère vivement, que nous avons atteint nos objectifs.
Q - Quelle est l'activité russe ? On a l'impression que, par rapport à la réunion de Londres, M. Primakov a essayé de comprendre davantage la position des Européens et de la faire également partager par les Serbes.
R - M. Primakov n'était pas à Londres l'autre lundi. Il était représenté par un vice ministre. Ils se sont associés, finalement, après réflexion et discussion, à l'ensemble de la démarche, mais pas entièrement aux mesures de sanctions et de persuasion qui ont été décidées ce jour-là.
Finalement, ils ont accepté ces derniers jours d'entrer au Conseil de sécurité dans les discussions sur la résolution portant sur l'embargo sur les armes. Cela, c'est un progrès. C'est un progrès et nous voyons bien que M. Primakov est allé à Belgrade pour faire pression sur les autorités serbes, sur le président Milosevic pour qu'ils acceptent le dialogue. C'est d'ailleurs ce que m'a dit après M. Primakov quand il m'a appelé dans la soirée d'hier.
Je crois qu'ils font ce qui est en leur pouvoir pour convaincre les Serbes d'accepter un dialogue, mais, en même temps, ils ne font pas n'importe quelle pression. Donc, ils sont tout à fait, en même temps, inquiets de voir que du côté albanais il y a des Albanais qui acceptent, sous certaines conditions, d'entrer dans une discussion d'autonomie substantielle, mais d'autres franchissent le cap et ne veulent plus parler que d'indépendance - sans parler de tous ceux qui souvent emploient des moyens violents.
La Russie a une approche qui lui est propre, mais qui pour le moment, me semble-t-il, s'inscrit utilement dans la démarche d'ensemble du Groupe de contact.
Q - Qu'est-ce qu'il y a eu de nouveau, finalement, dans l'application des Accords de Dayton tels que vous les a expliqués en tout cas M. Granic ? Qu'est-ce qui vous a plu et qu'est-ce qui vous a déplu ?
R - Je ne suis pas là pour donner des notes. L'étape à Zagreb est utile pour voir où en sont les autorités croates par rapport au rapprochement qu'elles disent souhaiter avec l'Union européenne. Et, à cela, nous répondons : nous sommes prêts à vous soutenir dans cette démarche, à condition que la Croatie fasse la démonstration de sa volonté d'aller elle-même dans cette direction, c'est-à-dire une pleine et loyale application des accords de Dayton.
On peut dire que la Croatie a coopéré de façon croissante avec le Tribunal pénal international de La Haye. Cela, c'est un élément positif. En revanche, en ce qui concerne le comportement de différentes organisations politiques, dans la partie croate de la Bosnie-Herzégovine, à l'intérieur de la Fédération bosno-croate, il est clair qu'il y a des mouvements qui continuent à ne pas jouer le jeu, qui n'acceptent pas les institutions de la Bosnie et qui en pratique mènent une politique de rattachement de fait avec la Croatie. Là, on ne peut pas dire que les décisions qui ont été prises à Dayton au sujet de la Bosnie sont pleinement respectées. Cela, c'est un des points sur lequel nous demandons aux autorités croates une action plus vigoureuse. Le ministre, M. Granic, nous a dit que c'est sa ligne, sa volonté, que la majorité des Croates veulent aller dans ce sens. Très bien, nous en prenons note, et nous serons prêts à aider la Croatie au fur et à mesure que ces engagements se concrétiseront. Nous avons aussi parlé de la question des réfugiés, de la question de la Slavonie orientale./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 septembre 2001)
Mesdames et Messieurs,
Nous avons eu depuis ce matin à Belgrade, Klaus Kinkel et moi-même, plusieurs entretiens très intéressants, avec le ministre des Affaires étrangères de la République fédérale de Yougoslavie, avec le président de Serbie, avec le président du Monténégro et, naturellement, avec le président Milosevic. Nous en sortons juste. Nous avons eu avec ce dernier un entretien très long, intense, dense et, je crois pouvoir le dire, constructif. Nous n'avons pas résolu tous les problèmes, naturellement, vous ne l'attendez pas. Mais un certain nombre d'avancées ont été réalisées. Klaus Kinkel le confirmera après moi. D'abord, j'attire votre attention sur l'importante déclaration du président Milutinovic, importante à tous points de vue, notamment en ce qui concerne l'ouverture d'un dialogue sans conditions. D'autre part, le président de la Serbie a annoncé le retrait des forces spéciales du Kossovo, annonce dont nous attendons la confirmation, mais qui est importante à noter. En ce qui concerne l'organisation de la négociation qui est l'objet, vous le savez, de toutes les démarches, de toutes les actions et de toutes les pressions du Groupe du contact, de l'ensemble de l'Europe et de l'ensemble de la communauté internationale, en ce qui concerne cette négociation, le président Milosevic nous a indiqué qu'il apportait tout son soutien à la déclaration du président Milutinovic et il le dira publiquement. Pour concrétiser ce soutien, il va désigner un représentant spécial de très haut niveau, représentant donc le président fédéral et le représentant lui-même, le président Milosevic, pour les négociations qui vont s'ouvrir, qui en tout cas sont l'objet et le but de nos actions et de notre voyage ici. La question de la participation éventuelle d'un tiers à ce stade n'a pas été résolue. Elle reste en discussion. La signature et la mise en œuvre de l'accord sur l'éducation constituera un élément très important du processus que nous espérons voir relancer. En ce qui concerne l'envoyé spécial de l'Europe, le président Milosevic nous a déclaré qu'il était disposé à recevoir tout représentant spécial de l'Union européenne pour l'ex-Yougoslavie, pour débattre de toutes les questions qui s'y rattachent et des relations entre la République fédérale de Yougoslavie et l'Union européenne. Il nous a fait part de ses conceptions et de ses attentes en ce qui concerne les relations entre la République fédérale de Yougoslavie et l'Union européenne et, en réponse, nous avons expliqué comment ce problème se présente à nos yeux et à celui de nos partenaires.
Q - Monsieur Védrine, si j'ai bien compris, d'ici le 25, si jamais les Serbes et les Yougoslaves font quelques efforts de plus, notamment en ce qui concerne la possibilité d'avoir un médiateur, est-ce que cela signifie que les sanctions seront abandonnées ou qu'elles seront maintenues ?
R - Ce n'est pas à nous, tous les deux, ce soir, en dépit, je crois, des progrès réels accomplis cet après-midi, de décider à la place du Groupe de contact ce qui relève de sa compétence. Donc nous allons, comme l'a dit Klaus il y a un instant, poursuivre l'évaluation entre nous deux, d'autre part prendre contact avec nos partenaires du Groupe de contact pour préparer la réunion de mercredi. Cette réunion est faite pour répondre à la question que vous posez. Nous en sommes à ce que nous avons dit il y a un instant tous les deux. Il y a des progrès significatifs, un certain nombre de points demandent à être confirmés. Nous avons entamé une dynamique qui va permettre de renverser l'engrenage qui était jusqu'ici à l'œuvre. Nous l'espérons, mais cela reste à vérifier. Donc ce sont les deux réunions en quelque sorte : la réunion essentiellement du Groupe de contact, suivie de la réunion élargie à la troïka et aux pays voisins, qui permettront de procéder à cette évaluation de façon complète.
Q - Monsieur Védrine, vous citez un certain nombre de points qui, semble-t-il, ont été agréés par le président Milosevic, et pourtant vous n'avez pas l'air très sûr qu'il y a vraiment de grandes avancées, comme si vous n'aviez pas tout à fait confiance en ce qu'il vous a dit. Je me trompe ou pas ?
R - Ce n'est pas une question de confiance. D'abord, c'est un sujet extraordinairement compliqué. D'autre part, il y a une cohérence dans la démarche franco-allemande. Mais, il y a aussi un Groupe de contact. Donc, notre prudence dans l'interprétation n'est pas forcément fondée. Ce n'est pas comme vous le dites, c'est simplement que nous ne voulons pas anticiper sur la réaction de nos partenaires, à qui nous voulons en parler. C'est un élément à la fois de précaution diplomatique et de courtoisie élémentaire. C'est cela l'explication.
Q - Pouvez-vous dire vraiment que ce soir la situation est débloquée et que la perspective des sanctions s'est un tout petit peu éloignée ?
R - Est ce que la situation est complètement modifiée ? C'est trop tôt pour le dire. Elle est cependant suffisamment nouvelle pour mériter un examen attentif.
Q - Comment qualifieriez-vous l'initiative que vous avez eue aujourd'hui ? C'est une question pour les deux ministres. C'est une initiative européenne, c'est une initiative franco-allemande, c'est une initiative du Groupe de contact ?
R - C'est un voyage qui a été fixé il y a environ deux mois, donc qui n'avait pas pour objet prioritaire de traiter la question du Kossovo, même si nous étions déjà inquiets, puisque nous avions écrit dès novembre dernier au président Milosevic. Donc, le but de ce voyage était, en quelque sorte, de faire le point de la situation générale, de tout ce qui concerne la République fédérale de Yougoslavie et de ses relations avec l'Europe. La question du Kossovo, enfin l'aggravation de la question du Kossovo, est venue ensuite. Donc, aujourd'hui c'est une démarche franco-allemande, qui s'inscrit dans le cadre du Groupe de contact, ce qui est parfaitement cohérent puisque le Groupe de contact a adopté une position qui maintenant engage l'ensemble de ses membres et qui est même la position de toute l'Europe, puisque lors de la Conférence européenne de Londres, l'autre jeudi, les 27 membres se sont tous retrouvés d'accord sur cette ligne. Donc, les différentes questions que vous posez appellent la même réponse.
Q - Pardonnez-moi, Monsieur Védrine, d'insister, mais il y a quelque chose que je n'arrive toujours pas à bien comprendre. A Londres, le Groupe de contact dit "voici un certain nombre de points qu'il faut régler sous les dix jours", et ces dix jours se terminent aujourd'hui. Est-ce que, selon vous, les Serbes et les Yougoslaves ont fait un certain nombre d'avancées qui permettent de repousser cet ultimatum, ou est-ce qu'au contraire des sanctions peuvent être prises dès aujourd'hui ou dès le 25 puisque toutes les conditions n'ont pas été remplies ?
R - Comme l'a dit Klaus Kinkel, la majorité des conditions ont été remplies et, comme je l'ai déjà indiqué tout à l'heure, ce n'est pas parce qu'on a fixé un délai qui englobait les différentes visites ministérielles déjà programmées par Belgrade, notamment celle d'Evgueni Primakov, qui a fait, je crois, un bon travail, et la nôtre, ce n'est pas pour autant qu'il y a une sorte d'évaluation automatique comme si tout cela était simple. Ce n'est pas si simple et vous comprendrez qu'il est normal que nous utilisions justement le délai qui nous sépare de la réunion de mercredi pour procéder à une évaluation plus approfondie et à un échange de vues avec nos partenaires. Donc, c'est la période qui s'ouvre maintenant, qui va jusqu'à mercredi matin, qui va nous permettre de répondre complètement à cette question./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 septembre 2001)
Je voudrais ajouter que nous apprécions en effet énormément le travail qui a été fait par le président du Monténégro depuis son élection. L'entretien que nous avons eu n'a pas été très long mais il a été très intéressant et nous nous sommes très vite retrouvés sur les mêmes longueurs d'ondes. Nous pensons que le président du Monténégro est appelé à jouer un rôle très positif à propos des problèmes qui se présentent aujourd'hui dans la Yougoslavie et dans la région. J'ajoute qu'il est également le bienvenu en France./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 septembre 2001)