Texte intégral
Trois questions, trois réponses...
à Luc GUYAU, Président de la FNSEA
28/04/2000
Où en est-on sur l'épandage des boues ?
Luc GUYAU : La FNSEA demande d'urgence aux pouvoirs publics de clarifier le débat. Avec l'épandage, les agriculteurs peuvent rendre service à la société, en recyclant les déchets urbains. D'accord, mais à condition d'avoir la garantie que les boues sont saines ! En plus, les grandes surfaces tirent un argument commercial de la situation en refusant les produits issus de parcelles ayant pratiqué l'épandage, alors que le débat sur l'innocuité des boues n'est pas tranché. Il faut sortir de ces ambiguïtés et c'est pourquoi la FNSEA interpelle les pouvoirs publics pour obtenir un fonds de garantie sur les boues et pour éviter les dérapages commerciaux qui sèment le doute chez le consommateur. La FNSEA a lancé un mot d'ordre de suspension de l'épandage des boues. C'est le meilleur moyen de mettre le Gouvernement face à ses responsabilités. Continuons cette pression sur le terrain !
Sur le PMPOA, l'inquiétude monte sur le terrain, pourquoi ?
Luc GUYAU :Aujourd'hui, l'Etat est débordé, car les pouvoirs publics ont sous-estimé l'engagement financier nécessaire et la réactivité des agriculteurs. La FNSEA rappelle l'Etat à ses engagements et demande la poursuite du programme. C'est dans l'équité entre tous les agriculteurs que cet effort doit être poursuivi. C'est pourquoi nous dénonçons la décision du Gouvernement de baisser depuis cette année les subventions au détriment des agriculteurs qui rentrent dans le programme. C'est inéquitable et injuste, d'autant plus que les élevages de petite taille sont pénalisés. Et nous demandons aussi de prendre en compte la situation des éleveurs en difficulté. Alors, la vigilance et la pression sont de rigueur sur le terrain.
Le Gouvernement prépare une loi sur l'eau. Quelle est la position de la FNSEA ?
Luc GUYAU : Cette question est primordiale et les projets du Gouvernement sont très inquiétants car il est proposé de gérer l'eau par le prix, ce qui aurait un impact négatif sur l'agriculture irriguée. L'irrigation est indispensable pour l'agriculture et vitale dans certaines productions et régions. Bien sûr, l'eau est une ressource à ne pas gaspiller et dont il faut préserver la qualité. Alors, d'accord pour une maîtrise quantitative de la consommation en eau. Mais le Gouvernement choisit plutôt de laisser exploser les redevances pour limiter l'usage de l'eau. Ce serait désastreux et irresponsable pour la pérennité de nos exploitations. La FNSEA et ses Associations spécialisées s'opposeront à tout projet de cette sorte. Et pour protester contre cette orientation, nous avons décidé de refuser toute discussion sur ce sujet avec le Gouvernement, tant qu'il n'aura pas mesuré l'impact de ses propositions sur l'équilibre économique des exploitations, l'emploi et les territoires
(source http://www.fnsea.fr, le 14 novembre 2000)
12/05/2000
L'installation, une priorité vitale
Le recul actuel de l'installation est-il inéluctable ?
Luc GUYAU : Les jeunes sont l'avenir du métier. Favoriser l'installation, c'est travailler au renouvellement des générations et au maintien d'un tissu rural vivant sur tout le territoire. C'est pourquoi l'installation est une priorité vitale pour la FNSEA. Nous nous battons pour l'amélioration des dispositifs d'aides, l'encouragement des projets innovants et progressifs, l'incitation des cédants aussi, car tout est lié. Bref, il faut tout faire pour aider le jeune à faire le pas et ne laisser personne au bord du chemin. Mais n'oublions jamais qu'un jeune, pour s'installer, a besoin de perspectives économiques solides, et de confiance. Or la confiance ne se décrète pas, c'est la résultante d'une politique agricole d'ensemble pour notre revenu et notre métier. Alors, aux politiques de dissiper les nuages qu'ils ont laissés s'accumuler sur l'agriculture, s'ils veulent que l'installation reparte. Non, le recul actuel n'est pas inéluctable, si les politiques prennent enfin leurs responsabilités. Et, j'en suis convaincu, c'est la foi dans le métier qui pousse à devenir agriculteur. Ce métier, nous l'aimons, nous en sommes fiers et nous voulons être nombreux à l'exercer et à en vivre !
Où en est-on sur le dossier des retraites agricoles ?
Luc GUYAU : Il est révoltant que nos anciens, qui ont travaillé dur toute leur vie, qui ont fait la richesse et la diversité de notre agriculture, soient privés de conditions de vie décentes. C'est pourquoi la FNSEA, au côté des anciens, se bat avec détermination pour la revalorisation des retraites. Et nous avons obtenu du Gouvernement la mise en uvre d'un plan de revalorisation de 7 milliards sur 5 ans jusqu'en 2002. Mais le chemin est encore long pour assurer un niveau de vie plus digne à tous nos retraités. Alors, nous continuerons ce combat de solidarité et d'équité. Et c'est bien pour passer la vitesse supérieure que la FNSEA a demandé un régime de retraite complémentaire obligatoire par répartition. Nous avançons et le ministre a reconnu le bien fondé de cette revendication. Il lui reste à ouvrir les discussions, notamment sur l'engagement financier de l'Etat. Nous jugeons aux actes et nous voulons pour nos anciens des résultats concrets, et vite !
Que fait la FNSEA pour les conjoints d'agriculteurs ?
Luc GUYAU : Sur de nombreuses exploitations, les conjoints jouent un rôle fondamental pour la bonne marche de l'entreprise. Et pourtant, ils n'ont pas la reconnaissance qui devrait aller de pair avec leur travail. Alors, la FNSEA se bat pour les droits des épouses et des actifs familiaux et a obtenu la mise en place d'un statut de conjoint collaborateur. Si le conjoint opte pour ce statut avant le 30 juin 2000, sa retraite passera du simple au double. Il est donc essentiel d'opter avant cette date. Au-delà des retraites, pour la FNSEA, il est toujours essentiel que la reconnaissance des droits soit plus large, notamment sur le plan économique (prise en compte ICHN, PMTVA..). Et qu'elle concerne aussi l'ensemble des actifs familiaux
(source http://www.fnsea.fr, le 14 novembre 2000)
05/05/2000
"L'agriculture est une dépense qui rapporte"
Le budget agricole est souvent attaqué : l'agriculture coûterait trop cher aux contribuables. Quelle est votre réponse ?
Luc GUYAU : Ceux qui le disent agitent comme un épouvantail le total des soutiens publics à l'agriculture. Mais ils oublient de retrancher ce qui va à l'enseignement agricole et à la protection sociale, ce qui n'a rien à voir avec l'activité agricole proprement dite ! Alors, méfions-nous des amalgames trop faciles. Quant au budget européen, si l'agriculture en fait la moitié, c'est que la PAC est la plus grande réussite européenne, la première politique commune. Mais les dépenses agricoles ne représentent pas plus de 0,5 % du PIB européen. Est-ce trop face à tous les services rendus par les agriculteurs : nourrir les hommes, assurer la sécurité alimentaire, occuper et valoriser les territoires ? Je ne crois pas et je me battrai pour le faire reconnaître ! Et je dis aux consommateurs et aux citoyens : l'agriculture est une dépense qui rapporte !
Mais les aides représentent pour beaucoup d'agriculteurs une part croissante du revenu ?
C'est la conséquence directe des choix des Gouvernements successifs qui en 1992 et en 1999, ont réformé la PAC en baissant les prix agricoles en la compensant par les aides directes. Cela a renforcé les critiques sur le budget agricole et rendu les agriculteurs plus dépendants des aides. Alors, aux dirigeants politiques d'assumer l'entière responsabilité de leurs choix. Mais qu'on ne reproche pas au syndicalisme une orientation qui n'est pas la sienne ! La FNSEA a toujours dénoncé la logique de ces réformes car un paysan préfère gagner sa vie en vendant ses produits à des prix rémunérateurs, plutôt que grâce à des aides compensatrices. C'est une question de dignité et de foi en notre métier d'entrepreneur.
Sur la répartition des aides, certains parlent de 80 % des aides à 20 % des agriculteurs ?
Luc GUYAU : Mais j'entends aussi certains députés de la majorité parler plutôt de 60/40. Alors, attention aux chiffres qui recouvrent des réalités différentes. Parler de 80/20 revient à amalgamer des producteurs comme les viticulteurs qui ne perçoivent pas d'aides directes mais dont les exploitations sont prospères et les revenus favorables - et tant mieux - avec d'autres dont les productions ne sont pas non plus soutenues par des aides directes et comportent d'autres mécanismes d'intervention et de maîtrise de l'offre (sucre, lait) et enfin, avec ceux qui sont confrontés directement à la concurrence (fruits et légumes, hors sol..) et ses difficultés. En définitive, c'est le revenu qui compte et ceux qui confondent aides directes et revenu rendent un très mauvais service aux paysans. Il faut cesser de faire de l'idéologie facile et d'opposer les uns aux autres. La politique agricole ne se réduit pas aux aides directes. Le modèle unique en agriculture n'existe pas. Alors bien sûr, tout n'est pas parfait, des déséquilibres doivent être corrigés. Il reste encore du chemin à faire et depuis plusieurs années la FNSEA uvre dans ce sens
(source http://www.fnsea.fr, le 14 novembre 2000)
19/05/2000
"Les agriculteurs sont dignes de la confiance des consommateurs"
Les crises successives de l'ESB, de la listeria ou de la dioxine, ont durement ébranlé les consommateurs. Comment les agriculteurs le vivent-ils ?
Luc GUYAU : Les agriculteurs en souffrent comme les consommateurs, car derrière, ne l'oublions pas, ce sont des hommes et des femmes qui sont touchés dans leur revenu, leur métier, leur dignité aussi. Et cela paradoxalement, alors que notre alimentation n'a jamais été aussi réglementée, aussi sécurisée qu'aujourd'hui ! Assurer une sécurité alimentaire optimale est essentiel. Cette sécurité doit être homogène quel que soit le produit ou le mode de production concerné. Les agriculteurs l'ont compris et s'engagent en ce sens notamment avec la traçabilité. Mais ils ont le sentiment que leurs efforts ne sont pas assez reconnus. Ils en ont marre qu'on leur mette tout sur le dos en accusant à tort et à travers l'agriculture, quand bien souvent les dysfonctionnements sont en amont ou en aval des exploitations. Et quand celles-ci sont mises hors de cause, comme sur la dioxine, la FNSEA demande que l'indemnisation des exploitations pénalisées soit immédiate, dès que le risque est évacué !
N'y a-t-il pas en fait un vrai déficit de communication entre consommateur et producteur?
Luc GUYAU : Tout à fait et je crois que nous ferons un grand pas en avant en le reconnaissant puis en mettant tout en uvre pour combler ce fossé. Car le consommateur a perdu ses repères sur l'alimentation, il ne comprend plus le lien entre le travail du paysan, le vivant, l'animal et l'aliment. Il faut lui expliquer tout cela et c'est en ce sens que la FNSEA demande au plus vite la mise en place d'un Fonds de communication pour l'agriculture. Le ministre de l'agriculture l'a promis, alors où en est-on ? En retardant sa mise en place, le ministre n'assume pas ses responsabilités. C'est de la politique à la petite semaine ! Nous, nous sommes déterminés à montrer le rôle indispensable de l'agriculteur et en même temps à redonner de la fierté aux paysans qui nourrissent les hommes. Partout où nous le pouvons, allons au contact du consommateur, notamment avec la vente à la ferme ou sur les marchés ouverts. A cet égard, la FNSEA ne comprendrait pas que le durcissement de la réglementation sanitaire menace la présence de certains petits producteurs sur les marchés de plein air, qui ne pourraient se payer l'équipement nécessaire pour la conservation des produits à bonne température. Aussi la FNSEA demande que tout soit mis en uvre pour les aider et préserver ces marchés qui jouent un rôle clé d'animation dans les campagnes.
Quelles sont les actions engagées par la FNSEA pour rétablir l'image de l'agriculture ?
Luc GUYAU : En lançant les Rencontres citoyennes de l'alimentation, sur tout le territoire, la FNSEA avec le CNJA, se bat justement pour renforcer le dialogue avec les consommateurs et rétablir notre image dans la société. Nous voulons montrer que les agriculteurs sont dignes de la confiance accordée et à la hauteur de leurs missions. Par ailleurs, avec des opérations sur l'année comme les Fermes ouvertes ou encore le Salon de l'Agriculture, la FNSEA agit pour l'image de l'agriculture. Oui, la FNSEA agit et face aux attaques, elle se bat pour l'image des agriculteurs, pour leur rôle économique et leur place dans la société. Et je suis sûr que le moment venu, les agriculteurs sauront faire le tri entre l'action de ceux qui détruisent l'image de l'agriculture et de l'alimentation et celle de la FNSEA qui construit pour l'avenir.
(source http://www.fnsea.fr, le 14 novembre 2000)
19/06/2000
"Donner les meilleures garanties au consommateur"
La France vient de lancer le programme de test de dépistage de l'ESB sur 48 000 animaux morts. Quelle est la position de la FNSEA ?
Luc Guyau : La démarche est positive si elle permet de faire avancer nos connaissances sur la maladie pour mieux l'enrayer et rassurer les consommateurs. Mais en même temps les éleveurs français sont inquiets : il ne faudrait pas que la France, en ayant choisi un programme de test plus ambitieux et étendu que les autres pays d'Europe, paraisse être le mauvais élève de la classe alors qu'elle a voulu justement se donner les meilleures garanties de contrôle et de transparence. Alors, la première mesure à prendre pour la France, en accédant à la Présidence de l'Union Européenne, devrait être d'harmoniser ces mesures de dépistages dans l'ensemble de l'Europe. La France a un train d'avance en terme de sécurité alimentaire avec la traçabilité, l'élimination des matériaux à risques, l'interdiction des farines de viandes dans l'alimentation des ruminants. Alors, ceux qui diaboliseraient notre agriculture à l'issue de cette campagne de tests prendraient une lourde responsabilité devant tous les agriculteurs du pays. Nous ne pourrions le tolérer. Pour la FNSEA au contraire, dans ces circonstances difficiles il faut jouer la solidarité avec les éleveurs qui pourraient perdre l'ensemble de leur troupeau, et assumer les conséquences s'agissant du marché de la viande bovine.
La récente affaire du colza transgénique arrivé en France par erreur, a ravivé la polémique sur les OGM. Qu'en pense la FNSEA ?
Ce qui s'est passé renforce notre conviction qu'il faut jouer pleinement la transparence en matière d'OGM pour donner les meilleures garanties aux consommateurs, mais aussi aux producteurs. Les agriculteurs qui dans cette affaire, ont dû détruire leur récolte à cause de la négligence du semencier, doivent être indemnisés. Il reste que là encore, diaboliser les OGM et aller jusqu'à détruire des champs d'expérimentation pour arrêter la recherche, c'est irresponsable et criminel. Car c'est la recherche qui donnera demain les réponses que tous sont en droit d'attendre, sur l'impact des OGM sur l'environnement et la santé. La bloquer, c'est faire de l'obscurantisme et rendre un mauvais service au pays. La FNSEA à l'inverse, veut jouer l'information, la transparence et veut renforcer la crédibilité de la filière non-OGM. C'est pourquoi nous avons lancé avec 36 partenaires de la filière et avec l'INRA, un programme d'étude sur cette filière non OGM, afin de répondre aux attentes des consommateurs. Pendant que certains détruisent, nous, nous construisons pour l'avenir.
La FNSEA demande la simplification administrative. Etes-vous entendu et si oui, comment avancer ?
Luc GUYAU :La suradministration a atteint en agriculture des proportions considérables et les agriculteurs n'en peuvent plus devant autant de paperasses et de complications. Il est grand temps de faire simple, clair et efficace : ce serait un grand service à rendre aux agriculteurs, mais aussi, aux DDA qui croulent sous la complexité. Nous avons lancé une série d'actions syndicales pour exiger la simplification. Mais outre les manifestations, la FNSEA prend aussi ses responsabilités en avançant des propositions pour faire plus simple : une déclaration, un contrôle, un paiement. Voilà ce que nous voulons et nous avons mis sur la table des modalités pratiques pour y arriver. Le ministre de l'agriculture a reconnu la nécessité de simplifier les dispositifs. Alors, à lui de se saisir de nos propositions et de prendre les initiatives qui s'imposent en France, mais aussi en Europe. Il est grand temps d'avancer et la FNSEA maintiendra la pression pour aboutir.
(source http://www.fnsea.fr, le 14 novembre 2000)
30/06/2000
Non à la répression policière
La FNSEA vient d'organiser une manifestation à Evreux, en soutien à Jean-Pierre Cappelle, agriculteur condamné en raison d'une action syndicale. Quel est le sens de cette opération ?
Luc Guyau : A l'initiative de la FDSEA de l'Eure, en appui avec la FNSEA et le CNJA, les 5000 agriculteurs présents à Evreux, venus de l'Eure, de Seine et Marne, d'Ile de France, de Meurthe et Moselle, de l'Oise, de la Manche, de l'Orne, du Calvados, de la Somme, de l'Indre ont voulu protester contre le sort fait à l'un des leurs, injustement condamné et emprisonné, pour avoir voulu défendre ses convictions syndicales. C'est un geste de solidarité envers Jean-Pierre, sa famille et ses proches. Mais l'ampleur du rassemblement montre bien qu'aujourd'hui les agriculteurs sont excédés par le véritable climat de répression policière qui s'abat sur eux : dans l'Eure, mais aussi dans les Pyrénées Orientales, les Bouches du Rhône, la Côte d'Or, l'Aude, le Maine et Loire partout des paysans sont condamnés et bâillonnés. Partout la liberté syndicale est attaquée. Alors, nous disons : assez ! Si des agriculteurs sont dans la rue, c'est qu'ils sont confrontés à des problèmes de revenus, et qu'ils manquent de perspectives d'avenir. Ce n'est pas par la répression des personnes qu'il faut leur répondre, mais en leur apportant des solutions concrètes sur la baisse de revenu, les charges, la suradministration, la perte de valeur ajoutée. Ils attendent des pouvoirs publics des actions en faveur du revenu agricole et une plus grande reconnaissance pour retrouver confiance et fierté dans la société.
La France accède ce 1er juillet à la Présidence de l'Union Européenne. Qu'attendez-vous de cette Présidence ?
Luc Guyau : Qu'elle ne soit surtout pas une Présidence au rabais. Mais une Présidence ambitieuse, à la hauteur des responsabilités de notre pays, première puissance agricole européenne. Cela passe par la défense du budget agricole, qui n'est pas un trésor de guerre pour d'autres politiques, par l'harmonisation fiscale, sociale et environnementale pour éviter les distorsions de concurrence. Il faut aussi simplifier l'administration, c'est essentiel pour les agriculteurs. Il est également indispensable d'harmoniser les pratiques et les contrôles sur la sécurité alimentaire, comme on le voit sur l'ESB. Et puis, certaines organisations communes de marché doivent être améliorées : les fruits et légumes, le porc, les ovins notamment. Le régime sucre doit être reconduit. Parallèlement, la période sera cruciale avec l'élargissement et la réforme des institutions : ces rendez-vous doivent être bien maîtrisés pour éviter l'affaiblissement de l'Union et de son agriculture. Enfin, les négociations agricoles de l'OMC entreront dans une phase critique : les dirigeants européens et français ne devront pas faiblir, mais bien au contraire montrer une voie offensive pour l'Europe dans ces négociations. Alors, bien sûr, en six mois de Présidence, on ne peut tout régler, mais il importe de prendre sur tous ces points des initiatives courageuses pour mettre la locomotive Europe sur les bons rails. C'est le message que je porte au Président de la République, au ministre de l'agriculture et aux différents responsables européens et français que je rencontre actuellement sur ce sujet.
Sur l'OMC, justement, le Comité pour l'agriculture, réuni jeudi 29 et vendredi 30 à Genève, marque l'entrée dans le vif des négociations agricoles. Elles semblent encore une fois s'annoncer particulièrement ardues ?
Luc Guyau : Les Etats-Unis remettent la pression avec agressivité en essayant de définir un cadre de négociation qui les arrange. Ils parlent de réduction globale des aides agricoles, mais en même temps votent à tour de bras des crédits supplémentaires à leur agriculture ! M. Fischler, le Commissaire européen à l'agriculture soulignait d'ailleurs que le soutien direct agricole américain a augmenté de 700 % depuis quatre ans. On peut ajouter que sur cette année, les paiements directs du gouvernement fédéral aux agriculteurs américains ont dépassé 32 milliards de dollars, soit 16 000 dollars par agriculteur, autrement dit plus du triple de ce que reçoivent les agriculteurs de l'UE. Dans ces conditions, leur discours sur le démantèlement des aides n'est pas crédible. Raison de plus pour que l'Union Européenne ne se laisse pas intimider et fasse preuve de détermination dans ces négociations.
(source http://www.fnsea.fr, le 14 novembre 2000)
13/07/2000
Un message d'espoir
- Le ministère de l'Agriculture vient de rendre public un sondage Ipsos sur la perception de l'agriculture par les Français. Que vous inspire les résultats de cette étude ?
Luc Guyau : Ce sondage montre que les Français sont fortement attachés à leur agriculture : ils soulignent massivement l'importance du rôle des agriculteurs, tant pour une alimentation de qualité, que pour l'équilibre des territoires, l'environnement et l'emploi dans les campagnes. C'est à dire, une agriculture dynamique, moderne et tournée vers l'avenir. Ils admettent les soutiens publics à l'agriculture car pour eux, l'agriculture est au cur des questions économiques et des enjeux de société. C'est un message d'espoir pour les agriculteurs, qui sont reconnus dans leur métier et leurs différentes missions, malgré toutes les attaques dont ils font l'objet par ailleurs et l'image négative que certains voudraient donner d'eux.
- Ce sondage montre que la multifonctionnalité de l'agriculture est reconnue et que les français sont d'accord pour qu'elle soit rémunérée. N'est ce pas une manière de justifier les Contrats Territoriaux d'exploitation (CTE) ?
Luc Guyau : J'observe d'abord que les Français partagent pleinement la conception de la multifonctionnalité défendue par la FNSEA, basée sur l'équilibre hommes, produits, territoires. Ils placent comme nous la fonction économique de l'agriculture, la production de bien alimentaire, au premier plan, pour que les agriculteurs puissent vivre de leur métier, et pour qu'ils puissent exercer toutes les missions qui leur reviennent concernant le développement des territoires, l'emploi, l'environnement et l'animation rurale. Le message défendu par la FNSEA sur la multifonctionnalité de l'agriculture, est passé, en France, mais aussi au niveau européen avec le COPA et dans les instances internationales. Dans cette idée, nous avons toujours dit que le CTE devait être placée dans une perspective économique. C'est pourquoi nous regrettons actuellement, que le CTE corresponde plus à une logique de guichet que de projet. C'est ce qui nous a poussé à demander avec insistance que le CTE soit simplifié par l'administration, afin qu'il corresponde au plus près aux attentes des agriculteurs et de la société.
- L'enquête d'Ipsos montre aussi un certain fossé entre les agriculteurs et le reste de la société ?
Luc GUYAU : Parce que leurs attentes sont fortes, les Français regrettent aussi à plus de 71 %, une coupure trop grande entre les agriculteurs et les citadins : ils veulent être plus et mieux informés. Cette demande conforte les actions de communication menée par la FNSEA, qu'il s'agisse des salons, des opérations rencontres à la ferme ou ferme ouverte, de FARRE ou encore des rencontres citoyennes de l'alimentation, lancées sur tout le territoire. Cela renforce aussi notre détermination à revendiquer un fonds de communication agricole, qui expliquerait notre métier et notre action d'agriculteurs. Les Français sont preneurs de ce type d'initiative et la loi d'orientation agricole prévoit la mise en uvre de ce dispositif. Alors, la balle est maintenant dans le camp du ministre de l'agriculture
(source http://www.fnsea.fr, le 14 novembre 2000)
25/09/2000
"Le combat continue"
Quelles sont les suites de l'action syndicale menée par la FNSEA et le CNJA sur les carburants et où en êtes-vous des discussions avec le Gouvernement ?
Luc Guyau : Le combat continue. Après les avancées déjà obtenues dans la négociation, qui doivent être complétées, et les engagements pris par le Gouvernement par rapport à la prochaine Loi de finances, sur les mesures fiscales et sociales et l'allégement des charges, nous devons continuer à être vigilants et déterminés pour concrétiser nos demandes. Nous avons obtenu la réouverture des discussions et un nouveau rendez-vous de travail avant le 15 octobre, sur quatre sujets clé : les productions en difficulté, le dossier fiscal et social avec les charges, les indemnités compensatrices de handicaps, les jeunes agriculteurs. Actuellement, des groupes de travail entre la FNSEA, le CNJA et le ministère de l'agriculture, sont en place pour examiner les meilleurs moyens d'aboutir sur tous ces points. Pour nous c'est clair : au 15 octobre, nous devrons avoir débouché sur des avancées concrètes et significatives. La pression et la mobilisation doivent se maintenir et si le 15 octobre, on se moquait de nous, nous saurons réagir et relancer l'action syndicale.
- Les biocarburants sont aussi un des éléments forts sur lesquels le Gouvernement s'est engagé ?
L.G. - Et pourtant, beaucoup au Gouvernement étaient au départ sceptiques sur la possibilité de relancer les biocarburants : M. Fabius m'avait fait part, initialement, des réserves des experts. Mais nous avons insisté et maintenu la pression à juste titre sur ce dossier, et la décision finale du Gouvernement de relancer cette production, avec la construction de trois nouvelles unités, en bio-éthanol et en diester, est un signal particulièrement positif. C'est une vraie victoire, car c'est la reconnaissance du rôle de l'agriculture en matière d'énergie. Les biocarburants sont une solution d'avenir pour l'agriculture, pour l'environnement et pour l'indépendance énergétique. C'est une source de diversification pour nous et même si les surfaces concernées ne sont pas encore trop importantes, il faut tout faire pour encourager cette production, sur le plan économique et fiscal. Alors, nous regrettons que le rapport des Verts, remis par Yves Cochet, n'aille pas assez dans ce sens et c'est pourquoi nous allons leur transmettre nos positions et les rencontrer le plus rapidement possible. Il serait temps, en France et en Europe, de faire preuve d'une véritable ambition politique pour les biocarburants : c'est un enjeu stratégique.
- Que pensez-vous, par ailleurs, du projet de budget de l'agriculture que le Gouvernement vient de faire connaître dans le projet de loi de finances 2001 ?
L.G. - Ce projet de budget est décevant car une fois de plus, l'agriculture n'est pas affichée comme une priorité du Gouvernement : les crédits n'augmentent que de +0,6 %, soit moins que l'inflation, alors que le budget général de l'Etat augmente de 1,5 %. Plusieurs des postes inscrits en augmentation, ne concernent pas directement l'agriculture. Ce budget n'est pas assez offensif, c'est le moins qu'on puisse dire, et malgré certains points positifs, il manque d'ambition notamment sur l'installation des jeunes, le soutien à l'organisation des filières. Nous attendons autre chose du Gouvernement, pour faire en sorte que les agriculteurs ne soient pas, une nouvelle fois, les exclus de la croissance.
(source http://www.fnsea.fr, le 14 novembre 2000)
13/10/2000
"Non au coup de force de la Commission"
- Quelle est la réaction de la FNSEA face à la proposition de la Commission Européenne de remettre en question, à terme, le règlement sucre ?
Luc Guyau : Pour la FNSEA, ouvrir la porte à une remise en cause des quotas sucriers dès 2002-2003 est complètement inacceptable et cela correspond à un véritable coup de force de la Commission, contre l'avis de la majorité des Etats membres et de la Présidence française, acquis pour l'essentiel, à la reconduction jusqu'à 2006, du régime sucre. La Commission a dépassé la ligne rouge et c'est pourquoi la FNSEA, avec son association spécialisée, la Confédération générale des planteurs de betterave, demande instamment aux responsables politiques de réagir. Remettre en cause les quotas, que ce soit sur le sucre, ou plus tard sur le lait, reviendrait à fragiliser un outil qui a largement fait ses preuves pour équilibrer les marchés et la répartition des hommes sur les territoires.
- N'est ce pas révélateur d'une volonté systématique de la Commission de durcir le compromis de Berlin ?
L.G. : Tout à fait et depuis la signature des Accords de Berlin en mars 1999, la Commission a multiplié les attaques, que ce soit sur le budget agricole ou sur les instruments de régulation des marchés : durcissement des critères d'intervention sur les céréales, restriction de la distillation préventive en viticulture, remise en cause des quotas Si rien n'est fait pour contrecarrer ces dispositions, c'est à l'horizon 2002/2003, l'ensemble des organisations communes de marché qui subiront un démantèlement. Et cela, en contradiction flagrante avec les orientations et les engagements des Chefs d'Etat et de Gouvernement à Berlin ! Pour la FNSEA, c'est totalement inacceptable et c'est pourquoi, au nom du Conseil de l'Agriculture Française, j'ai écrit au Président de la République et au Premier ministre, afin de les appeler à "recadrer" la Commission et à confirmer clairement que l'évolution de la PAC jusqu'en 2006 doit être conduite dans le strict respect du cadre et des orientations des accords de Berlin. Il en va de l'avenir de la PAC. Les agriculteurs ont besoin de perspectives dans la durée.
- Quelle est la position de la FNSEA sur la préparation de l'élargissement ?
L.G. : Nous disons oui à l'adhésion des pays d'Europe centrale et orientale et bienvenue à leurs agriculteurs, mais nous demandons aux dirigeants français et européens, et à la Commission de tout faire pour que l'élargissement ne se fasse pas au détriment de la PAC des quinze et de ses agriculteurs. Si nous ne concevons pas une PAC à deux vitesses, il est clair que les PECO ont encore de grands efforts à faire pour être prêts et reprendre et appliquer l'acquis communautaire. Et, du côté de l'Union Européenne, la question du financement reste entière : le budget prévu est insuffisant face au défi que représente la perspective d'une Union a 27 membres ou plus, notamment face à la question des aides directes, sur laquelle la Commission botte en touche. Surtout que la croissance offre des possibilités et que le plafond des dépenses autorisées est loin d'être atteint. Alors l'élargissement, oui, mais avec un budget, sans déshabiller Pierre pour habiller Paul. Pas question de faire l'élargissement sur le dos des agriculteurs des Quinze. Et au moment où ces pays vont nous rejoindre, il serait d'autant plus incompréhensible que l'Union Européenne remette en question la première ses politiques communes. L'élargissement est un choix politique pour la société tout entière et pour la paix dans le monde. Il ne peut s'envisager sans engagement budgétaire supplémentaire.
(source http://www.fnsea.fr, le 14 novembre 2000)
03/11/2000
Questions/Réponses
Luc GUYAU, Président de la FNSEA
et Jean-Paul BASTIAN,
Vice-Président de la FNSEA, Vice-Président du COPA
"Les Etats-Unis reconnaissent l'échec du Fair Act"
- Vous venez de participer, avec une délégation du COPA(1), à une rencontre bilatérale Europe-Amérique, à Québec. Quelle est la nature de cette manifestation ?
Jean-Paul Bastian : Ces rencontres sont organisées tous les ans et celle de Québec était la 28ème . Au cours du temps, elles ont changé de nature : au début, il s'agissait entre les représentants des producteurs des deux grandes puissances exportatrices, la CEE des six et les USA, de discuter des questions commerciales. Mais au fil du temps, avec l'élargissement de l'Union à 15 membres et l'avènement de l'Alena(2), de nouveaux pays sont arrivés, le débat s'est élargi et les sujets abordés sont devenus plus variés. Ainsi, à côté des enjeux commerciaux et des négociations de l'OMC, nous discutons aussi des questions de sécurité alimentaire, des hormones, des OGM ou encore, de la multifonctionnalité de l'agriculture. Ces discussions sont fondamentales : elles nous aident à mieux expliquer notre point de vue et contribuent à préparer les négociations dans d'autres instances. Nos idées avancent et le travail de fond réalisé au sein du COPA, nous permet d'être plus unis et cohérents, alors qu'en face, la diversité est de plus en plus grande, entre le Canada, le Mexique, et les deux syndicats Américains (le Farm Bureau et la NFU(3)).
- La rencontre bilatérale a pris fin alors que le Gouvernement américain vient d'allouer 23 milliards de dollars supplémentaires à l'agriculture. Quelle est votre réaction ?
Luc Guyau : C'est la preuve une fois de plus de l'hypocrisie du discours du Gouvernement américain, qui défend la libéralisation de l'agriculture et le démantèlement des aides pour les autres, tout en pratiquant sans vergogne l'inverse chez eux, à coup de soutiens massifs et répétés. Pendant que les agriculteurs européens se serrent la ceinture avec la réforme de la PAC de l'Agenda 2000, les USA s'autorisent des soutiens qui perturbent le jeu des marchés mondiaux et risquent de dégrader encore les prix : ce n'est pas acceptable. Aujourd'hui, ce ne sont pas les aides européennes qui doivent être sur la sellette ! D'ailleurs, nos interlocuteurs américains, lors de cette rencontre à Québec, l'ont bien compris et ne les attaquent plus comme avant. Ils reconnaissent l'échec du Fair Act adopté aux USA en 1996, qui était présenté alors comme un modèle de libéralisation agricole. Ils ont conscience de l'importance des aides conjoncturelles exceptionnelles dont a bénéficié leur agriculture et sont prêts à en discuter. Ils admettent désormais, que la dérégulation n'est pas une politique pour l'agriculture. Espérons que le nouveau président des Etats-Unis retiendra ces leçons. Voilà un changement de ton révélateur, dont il faut tirer parti dans les négociations à venir !
- Justement, quels enseignements en tirez-vous pour les négociations sur l'agriculture qui continuent à Genève, dans le cadre de l'Organisation Mondiale du Commerce ?
Luc Guyau : Il est clair que l'Union européenne aborde ces négociations dans une meilleure position face aux USA, que précédemment. Les Européens doivent en profiter pour être offensifs, en attaquant les soutiens américains distorsifs et opaques comme les marketing loans, en refusant un schéma de négociation inégal, comme sur les exportations, en valorisant les sacrifices déjà consentis avec l'Agenda 2000 et en défendant le bien-fondé de leur politique agricole : une politique responsable, basée sur la régulation des marchés, avec des outils de maîtrise de l'offre. La PAC est ce levier qui permet de préserver notre modèle agricole européen et celui-ci implique le refus de la banalisation, la reconnaissance de la multifonctionnalité, la sauvegarde des OCM, le respect des choix de nos consommateurs en terme de qualité, de diversité, de sécurité alimentaire. Pour tout ceci, la PAC ne doit pas être bradée ni maintenant, ni en 2002, ni en cours de négociation à l'OMC. A nos négociateurs de faire preuve de la plus grande fermeté à cet égard.
- S'agissant des questions de sécurité alimentaire que vous venez d'évoquer, les positions des européens et des américains sont en conflit, comme on le voit sur les hormones et les OGM. Les discussions que vous avez eues à Québec vous laissent-elles penser que la situation peut évoluer ?
Jean-Paul Bastian : Nous partons de loin et il est clair que les Américains n'ont pas la même conception des risques que nous : pour eux, il faut avancer tant que la preuve de la nocivité d'un produit n'est pas faite. A l'inverse, les Européens veulent à bon droit, avoir toutes les garanties de sécurité, avant de mettre un produit en circulation. Cette différence est à l'origine des deux conflits que vous évoquez sur les hormones et les OGM. Le chemin est encore long pour réduire cet écart, mais là encore, la situation évolue vraiment : les Américains comprennent de mieux en mieux le bien-fondé de nos positions. Les discussions de Québec montrent qu'ils commencent à reconnaître que nos réticences ne camouflent pas un protectionnisme déguisé, mais reposent sur une autre conception de la sécurité alimentaire. Du reste, chez eux aussi les perceptions de la société évoluent notamment sur les OGM et ils savent maintenant que le passage en force n'est pas la bonne solution. Il est donc essentiel d'aborder ces sujets, à l'instar des dossiers commerciaux, à l'occasion de rencontres comme celles de Québec : cela nous permet d'être mieux compris et ce sera un atout pour les négociations internationales. Nos idées progressent.
(1) COPA : Comité des Organisations Professionnelles Agricoles de l'Union Européenne.
(2) ALENA : Association de Libre Echange Nord Américaine.
(3) National Farmers' Union.
(source http://www.fnsea.fr, le 14 novembre 2000)
14/11/2000
Questions à Luc GUYAU, Président de la FNSEA
ESB : A situation catastrophique, réponses exceptionnelles
Pourquoi avoir proposé de retirer de la chaîne alimentaire, les bovins nés avant 1996 ?
Luc Guyau : Cette proposition faite mardi 7 avec l'ensemble de la filière, faisait partie d'un plan d'ensemble face à la crise. Elle a été déformée, dans un climat d'urgence médiatique, alors que la psychose avait déjà largement gagné l'opinion. Il n'a jamais été question d'un abattage immédiat de tous ces bovins, mais d'un retrait indemnisé et par étapes, dans les 7 à 10 ans à venir, en commençant par les animaux les plus âgés, arrivés à la réforme, en fin de cycle de production. Cela aurait permis de rétablir le marché en retirant des animaux pour compenser la chute de consommation, en préservant les filières de qualité et en commençant par les bovins considérés comme les plus à risque. Cette date de 1996 correspond à la sécurisation des farines nourrissant les porcs et les volailles. La proposition a au moins contribué à orienter le débat vers la recherche de solutions, à hâter le gouvernement à agir et les scientifiques à se prononcer. Mais cette position n'a pas été assez expliquée, alors qu'il s'agissait d'une part de rééquilibrer le marché et d'autre part de retrouver la confiance des consommateurs. Ces deux éléments restent indispensables, pour un retour à la normale.
Quelle est votre réaction face au refus du ministre, du plan de retrait des bovins ?
Luc Guyau : Le ministre a dit non, parce que cela coûterait trop cher. Nous en prenons acte et nous ne perdrons pas de temps à polémiquer, à la différence de certains : les éleveurs méritent beaucoup mieux et attendent des réponses immédiates pour faire face au marasme du secteur. Le ministre ne peut dire non, sans rien proposer à la place. A lui maintenant de prendre ses responsabilités. Il doit mettre sur la table au plus vite des mesures pour sortir les éleveurs et la filière de cette crise sans précédent et restaurer la confiance des consommateurs. La balle est désormais dans le camp du ministre et du gouvernement.
Quelles sont vos propositions en ce sens ?
Luc Guyau : Il faut au plus vite un plan de sauvetage des éleveurs et de la filière, pour défendre le revenu et les emplois. Ce plan implique une véritable intervention sur le marché, en évitant des effets négatifs de la mévente, sur le taux de chargement et les aides. Ce plan doit aussi comporter des mesures financières, fiscales, sociales pour passer le cap, permettant aux éleveurs de faire face aux charges alors qu'ils peuvent perdre 1000 ou 1500 FF par bête, quand ils arrivent à les vendre. Pour sécuriser le consommateur, nous demandons le retrait immédiat des farines animales et la mise en uvre progressive des tests sur les animaux entrant dans la chaîne alimentaire, en commençant par les plus âgés. Mais si nous faisons ces efforts, encore faut-il que les importations provenant de l'Union apportent les mêmes garanties ! Il ne peut y avoir deux poids deux mesures, ni pour les éleveurs, ni pour la sécurité du consommateur !
Que faire pour remplacer les farines animales ?
Luc Guyau : La France et l'Europe doivent se lancer sans tarder dans un plan protéines végétales. Nous avons les surfaces, environ 1,4 millions d'hectares de jachère et les agriculteurs ont la capacité, dès le printemps, de mettre en production soja, pois, lupins, féveroles, luzerne, colza et tournesol. Ce n'est pas permis par les accords internationaux de Blair House ? A situation catastrophique, réponses exceptionnelles. La France doit manifester une forte volonté politique et profiter de sa présidence européenne pour taper sur la table et retrouver des marges de manuvres par rapport à la Pac et aux accords internationaux. Aujourd'hui plus que jamais, il faut devenir plus autonome en protéines végétales.
Que penser de l'augmentation en 2000, des cas d'ESB en France ?
Luc Guyau : Il faut bien expliquer que les cas d'ESB ont augmenté, non parce que notre sécurité alimentaire est moins bien assurée, bien au contraire, mais parce que la France est la premier à avoir lancé un programme de dépistage développé, avec en outre une surveillance accrue des abattoirs. Or, quand on cherche, on trouve, ce que n'ont pas encore forcément fait les autres pays. Aujourd'hui, chez nous, les risques sont mieux maîtrisés qu'avant 1996. Les embargos contre les produits français sont donc largement injustifiés. Mais il faut en tirer des leçons. La transparence, d'accord, mais à condition de mieux l'expliquer pour éviter d'affoler l'opinion à l'occasion des tests. Et cette transparence ne peut pas être seulement franco-française, elle doit concerner tous les pays européens, qu'il s'agisse des dépistages ou des pratiques. La Présidence française de l'Union Européenne devrait pousser les autres pays à mettre en uvre des garanties aussi rigoureuses que les nôtres. En attendant, il nous faut un contrôle efficace aux frontières.
Aujourd'hui, que dire aux consommateurs ?
Luc Guyau : Les scientifiques de l'AFSSA l'ont dit clairement : le muscle pur, la viande sur les étals, est sans risque, comme le lait. La viande est saine et bonne. A partir de là, il faut que le calme et la sérénité reviennent. La suspension de l'approvisionnement des cantines, ne se justifie pas : à nous de l'expliquer et de rencontrer sur le terrain, les maires, les élus locaux, les chefs d'établissement, les associations de parents d'élèves et de consommateurs. Les éleveurs aiment leur métier, ils le font bien et veulent continuer de l'exercer en donnant toutes les garanties aux consommateurs. Victimes de la crise, ils ne comprennent pas la défiance actuelle, eux qui n'ont pas démérité dans leurs pratiques. Aujourd'hui, ceux qui n'ont cessé de discréditer notre alimentation et notre gastronomie, en France et à l'étranger, sont les véritables responsables du climat de psychose et de démagogie des dernières semaines. Je pense au contraire, qu'au lieu de dénigrer, il faut avancer vers des solutions pour éviter que les éleveurs, les entreprises, les salariés, soient tous sinistrés de cette crise. A nous tous de reconstruire un nouveau contrat de confiance avec les consommateurs, gage de retour à la consommation, et d'avenir pour les éleveurs. Dans ce moment difficile, les éleveurs peuvent compter sur toute ma solidarité.
(source http://www.fnsea.fr, le 15 novembre 2000)
à Luc GUYAU, Président de la FNSEA
28/04/2000
Où en est-on sur l'épandage des boues ?
Luc GUYAU : La FNSEA demande d'urgence aux pouvoirs publics de clarifier le débat. Avec l'épandage, les agriculteurs peuvent rendre service à la société, en recyclant les déchets urbains. D'accord, mais à condition d'avoir la garantie que les boues sont saines ! En plus, les grandes surfaces tirent un argument commercial de la situation en refusant les produits issus de parcelles ayant pratiqué l'épandage, alors que le débat sur l'innocuité des boues n'est pas tranché. Il faut sortir de ces ambiguïtés et c'est pourquoi la FNSEA interpelle les pouvoirs publics pour obtenir un fonds de garantie sur les boues et pour éviter les dérapages commerciaux qui sèment le doute chez le consommateur. La FNSEA a lancé un mot d'ordre de suspension de l'épandage des boues. C'est le meilleur moyen de mettre le Gouvernement face à ses responsabilités. Continuons cette pression sur le terrain !
Sur le PMPOA, l'inquiétude monte sur le terrain, pourquoi ?
Luc GUYAU :Aujourd'hui, l'Etat est débordé, car les pouvoirs publics ont sous-estimé l'engagement financier nécessaire et la réactivité des agriculteurs. La FNSEA rappelle l'Etat à ses engagements et demande la poursuite du programme. C'est dans l'équité entre tous les agriculteurs que cet effort doit être poursuivi. C'est pourquoi nous dénonçons la décision du Gouvernement de baisser depuis cette année les subventions au détriment des agriculteurs qui rentrent dans le programme. C'est inéquitable et injuste, d'autant plus que les élevages de petite taille sont pénalisés. Et nous demandons aussi de prendre en compte la situation des éleveurs en difficulté. Alors, la vigilance et la pression sont de rigueur sur le terrain.
Le Gouvernement prépare une loi sur l'eau. Quelle est la position de la FNSEA ?
Luc GUYAU : Cette question est primordiale et les projets du Gouvernement sont très inquiétants car il est proposé de gérer l'eau par le prix, ce qui aurait un impact négatif sur l'agriculture irriguée. L'irrigation est indispensable pour l'agriculture et vitale dans certaines productions et régions. Bien sûr, l'eau est une ressource à ne pas gaspiller et dont il faut préserver la qualité. Alors, d'accord pour une maîtrise quantitative de la consommation en eau. Mais le Gouvernement choisit plutôt de laisser exploser les redevances pour limiter l'usage de l'eau. Ce serait désastreux et irresponsable pour la pérennité de nos exploitations. La FNSEA et ses Associations spécialisées s'opposeront à tout projet de cette sorte. Et pour protester contre cette orientation, nous avons décidé de refuser toute discussion sur ce sujet avec le Gouvernement, tant qu'il n'aura pas mesuré l'impact de ses propositions sur l'équilibre économique des exploitations, l'emploi et les territoires
(source http://www.fnsea.fr, le 14 novembre 2000)
12/05/2000
L'installation, une priorité vitale
Le recul actuel de l'installation est-il inéluctable ?
Luc GUYAU : Les jeunes sont l'avenir du métier. Favoriser l'installation, c'est travailler au renouvellement des générations et au maintien d'un tissu rural vivant sur tout le territoire. C'est pourquoi l'installation est une priorité vitale pour la FNSEA. Nous nous battons pour l'amélioration des dispositifs d'aides, l'encouragement des projets innovants et progressifs, l'incitation des cédants aussi, car tout est lié. Bref, il faut tout faire pour aider le jeune à faire le pas et ne laisser personne au bord du chemin. Mais n'oublions jamais qu'un jeune, pour s'installer, a besoin de perspectives économiques solides, et de confiance. Or la confiance ne se décrète pas, c'est la résultante d'une politique agricole d'ensemble pour notre revenu et notre métier. Alors, aux politiques de dissiper les nuages qu'ils ont laissés s'accumuler sur l'agriculture, s'ils veulent que l'installation reparte. Non, le recul actuel n'est pas inéluctable, si les politiques prennent enfin leurs responsabilités. Et, j'en suis convaincu, c'est la foi dans le métier qui pousse à devenir agriculteur. Ce métier, nous l'aimons, nous en sommes fiers et nous voulons être nombreux à l'exercer et à en vivre !
Où en est-on sur le dossier des retraites agricoles ?
Luc GUYAU : Il est révoltant que nos anciens, qui ont travaillé dur toute leur vie, qui ont fait la richesse et la diversité de notre agriculture, soient privés de conditions de vie décentes. C'est pourquoi la FNSEA, au côté des anciens, se bat avec détermination pour la revalorisation des retraites. Et nous avons obtenu du Gouvernement la mise en uvre d'un plan de revalorisation de 7 milliards sur 5 ans jusqu'en 2002. Mais le chemin est encore long pour assurer un niveau de vie plus digne à tous nos retraités. Alors, nous continuerons ce combat de solidarité et d'équité. Et c'est bien pour passer la vitesse supérieure que la FNSEA a demandé un régime de retraite complémentaire obligatoire par répartition. Nous avançons et le ministre a reconnu le bien fondé de cette revendication. Il lui reste à ouvrir les discussions, notamment sur l'engagement financier de l'Etat. Nous jugeons aux actes et nous voulons pour nos anciens des résultats concrets, et vite !
Que fait la FNSEA pour les conjoints d'agriculteurs ?
Luc GUYAU : Sur de nombreuses exploitations, les conjoints jouent un rôle fondamental pour la bonne marche de l'entreprise. Et pourtant, ils n'ont pas la reconnaissance qui devrait aller de pair avec leur travail. Alors, la FNSEA se bat pour les droits des épouses et des actifs familiaux et a obtenu la mise en place d'un statut de conjoint collaborateur. Si le conjoint opte pour ce statut avant le 30 juin 2000, sa retraite passera du simple au double. Il est donc essentiel d'opter avant cette date. Au-delà des retraites, pour la FNSEA, il est toujours essentiel que la reconnaissance des droits soit plus large, notamment sur le plan économique (prise en compte ICHN, PMTVA..). Et qu'elle concerne aussi l'ensemble des actifs familiaux
(source http://www.fnsea.fr, le 14 novembre 2000)
05/05/2000
"L'agriculture est une dépense qui rapporte"
Le budget agricole est souvent attaqué : l'agriculture coûterait trop cher aux contribuables. Quelle est votre réponse ?
Luc GUYAU : Ceux qui le disent agitent comme un épouvantail le total des soutiens publics à l'agriculture. Mais ils oublient de retrancher ce qui va à l'enseignement agricole et à la protection sociale, ce qui n'a rien à voir avec l'activité agricole proprement dite ! Alors, méfions-nous des amalgames trop faciles. Quant au budget européen, si l'agriculture en fait la moitié, c'est que la PAC est la plus grande réussite européenne, la première politique commune. Mais les dépenses agricoles ne représentent pas plus de 0,5 % du PIB européen. Est-ce trop face à tous les services rendus par les agriculteurs : nourrir les hommes, assurer la sécurité alimentaire, occuper et valoriser les territoires ? Je ne crois pas et je me battrai pour le faire reconnaître ! Et je dis aux consommateurs et aux citoyens : l'agriculture est une dépense qui rapporte !
Mais les aides représentent pour beaucoup d'agriculteurs une part croissante du revenu ?
C'est la conséquence directe des choix des Gouvernements successifs qui en 1992 et en 1999, ont réformé la PAC en baissant les prix agricoles en la compensant par les aides directes. Cela a renforcé les critiques sur le budget agricole et rendu les agriculteurs plus dépendants des aides. Alors, aux dirigeants politiques d'assumer l'entière responsabilité de leurs choix. Mais qu'on ne reproche pas au syndicalisme une orientation qui n'est pas la sienne ! La FNSEA a toujours dénoncé la logique de ces réformes car un paysan préfère gagner sa vie en vendant ses produits à des prix rémunérateurs, plutôt que grâce à des aides compensatrices. C'est une question de dignité et de foi en notre métier d'entrepreneur.
Sur la répartition des aides, certains parlent de 80 % des aides à 20 % des agriculteurs ?
Luc GUYAU : Mais j'entends aussi certains députés de la majorité parler plutôt de 60/40. Alors, attention aux chiffres qui recouvrent des réalités différentes. Parler de 80/20 revient à amalgamer des producteurs comme les viticulteurs qui ne perçoivent pas d'aides directes mais dont les exploitations sont prospères et les revenus favorables - et tant mieux - avec d'autres dont les productions ne sont pas non plus soutenues par des aides directes et comportent d'autres mécanismes d'intervention et de maîtrise de l'offre (sucre, lait) et enfin, avec ceux qui sont confrontés directement à la concurrence (fruits et légumes, hors sol..) et ses difficultés. En définitive, c'est le revenu qui compte et ceux qui confondent aides directes et revenu rendent un très mauvais service aux paysans. Il faut cesser de faire de l'idéologie facile et d'opposer les uns aux autres. La politique agricole ne se réduit pas aux aides directes. Le modèle unique en agriculture n'existe pas. Alors bien sûr, tout n'est pas parfait, des déséquilibres doivent être corrigés. Il reste encore du chemin à faire et depuis plusieurs années la FNSEA uvre dans ce sens
(source http://www.fnsea.fr, le 14 novembre 2000)
19/05/2000
"Les agriculteurs sont dignes de la confiance des consommateurs"
Les crises successives de l'ESB, de la listeria ou de la dioxine, ont durement ébranlé les consommateurs. Comment les agriculteurs le vivent-ils ?
Luc GUYAU : Les agriculteurs en souffrent comme les consommateurs, car derrière, ne l'oublions pas, ce sont des hommes et des femmes qui sont touchés dans leur revenu, leur métier, leur dignité aussi. Et cela paradoxalement, alors que notre alimentation n'a jamais été aussi réglementée, aussi sécurisée qu'aujourd'hui ! Assurer une sécurité alimentaire optimale est essentiel. Cette sécurité doit être homogène quel que soit le produit ou le mode de production concerné. Les agriculteurs l'ont compris et s'engagent en ce sens notamment avec la traçabilité. Mais ils ont le sentiment que leurs efforts ne sont pas assez reconnus. Ils en ont marre qu'on leur mette tout sur le dos en accusant à tort et à travers l'agriculture, quand bien souvent les dysfonctionnements sont en amont ou en aval des exploitations. Et quand celles-ci sont mises hors de cause, comme sur la dioxine, la FNSEA demande que l'indemnisation des exploitations pénalisées soit immédiate, dès que le risque est évacué !
N'y a-t-il pas en fait un vrai déficit de communication entre consommateur et producteur?
Luc GUYAU : Tout à fait et je crois que nous ferons un grand pas en avant en le reconnaissant puis en mettant tout en uvre pour combler ce fossé. Car le consommateur a perdu ses repères sur l'alimentation, il ne comprend plus le lien entre le travail du paysan, le vivant, l'animal et l'aliment. Il faut lui expliquer tout cela et c'est en ce sens que la FNSEA demande au plus vite la mise en place d'un Fonds de communication pour l'agriculture. Le ministre de l'agriculture l'a promis, alors où en est-on ? En retardant sa mise en place, le ministre n'assume pas ses responsabilités. C'est de la politique à la petite semaine ! Nous, nous sommes déterminés à montrer le rôle indispensable de l'agriculteur et en même temps à redonner de la fierté aux paysans qui nourrissent les hommes. Partout où nous le pouvons, allons au contact du consommateur, notamment avec la vente à la ferme ou sur les marchés ouverts. A cet égard, la FNSEA ne comprendrait pas que le durcissement de la réglementation sanitaire menace la présence de certains petits producteurs sur les marchés de plein air, qui ne pourraient se payer l'équipement nécessaire pour la conservation des produits à bonne température. Aussi la FNSEA demande que tout soit mis en uvre pour les aider et préserver ces marchés qui jouent un rôle clé d'animation dans les campagnes.
Quelles sont les actions engagées par la FNSEA pour rétablir l'image de l'agriculture ?
Luc GUYAU : En lançant les Rencontres citoyennes de l'alimentation, sur tout le territoire, la FNSEA avec le CNJA, se bat justement pour renforcer le dialogue avec les consommateurs et rétablir notre image dans la société. Nous voulons montrer que les agriculteurs sont dignes de la confiance accordée et à la hauteur de leurs missions. Par ailleurs, avec des opérations sur l'année comme les Fermes ouvertes ou encore le Salon de l'Agriculture, la FNSEA agit pour l'image de l'agriculture. Oui, la FNSEA agit et face aux attaques, elle se bat pour l'image des agriculteurs, pour leur rôle économique et leur place dans la société. Et je suis sûr que le moment venu, les agriculteurs sauront faire le tri entre l'action de ceux qui détruisent l'image de l'agriculture et de l'alimentation et celle de la FNSEA qui construit pour l'avenir.
(source http://www.fnsea.fr, le 14 novembre 2000)
19/06/2000
"Donner les meilleures garanties au consommateur"
La France vient de lancer le programme de test de dépistage de l'ESB sur 48 000 animaux morts. Quelle est la position de la FNSEA ?
Luc Guyau : La démarche est positive si elle permet de faire avancer nos connaissances sur la maladie pour mieux l'enrayer et rassurer les consommateurs. Mais en même temps les éleveurs français sont inquiets : il ne faudrait pas que la France, en ayant choisi un programme de test plus ambitieux et étendu que les autres pays d'Europe, paraisse être le mauvais élève de la classe alors qu'elle a voulu justement se donner les meilleures garanties de contrôle et de transparence. Alors, la première mesure à prendre pour la France, en accédant à la Présidence de l'Union Européenne, devrait être d'harmoniser ces mesures de dépistages dans l'ensemble de l'Europe. La France a un train d'avance en terme de sécurité alimentaire avec la traçabilité, l'élimination des matériaux à risques, l'interdiction des farines de viandes dans l'alimentation des ruminants. Alors, ceux qui diaboliseraient notre agriculture à l'issue de cette campagne de tests prendraient une lourde responsabilité devant tous les agriculteurs du pays. Nous ne pourrions le tolérer. Pour la FNSEA au contraire, dans ces circonstances difficiles il faut jouer la solidarité avec les éleveurs qui pourraient perdre l'ensemble de leur troupeau, et assumer les conséquences s'agissant du marché de la viande bovine.
La récente affaire du colza transgénique arrivé en France par erreur, a ravivé la polémique sur les OGM. Qu'en pense la FNSEA ?
Ce qui s'est passé renforce notre conviction qu'il faut jouer pleinement la transparence en matière d'OGM pour donner les meilleures garanties aux consommateurs, mais aussi aux producteurs. Les agriculteurs qui dans cette affaire, ont dû détruire leur récolte à cause de la négligence du semencier, doivent être indemnisés. Il reste que là encore, diaboliser les OGM et aller jusqu'à détruire des champs d'expérimentation pour arrêter la recherche, c'est irresponsable et criminel. Car c'est la recherche qui donnera demain les réponses que tous sont en droit d'attendre, sur l'impact des OGM sur l'environnement et la santé. La bloquer, c'est faire de l'obscurantisme et rendre un mauvais service au pays. La FNSEA à l'inverse, veut jouer l'information, la transparence et veut renforcer la crédibilité de la filière non-OGM. C'est pourquoi nous avons lancé avec 36 partenaires de la filière et avec l'INRA, un programme d'étude sur cette filière non OGM, afin de répondre aux attentes des consommateurs. Pendant que certains détruisent, nous, nous construisons pour l'avenir.
La FNSEA demande la simplification administrative. Etes-vous entendu et si oui, comment avancer ?
Luc GUYAU :La suradministration a atteint en agriculture des proportions considérables et les agriculteurs n'en peuvent plus devant autant de paperasses et de complications. Il est grand temps de faire simple, clair et efficace : ce serait un grand service à rendre aux agriculteurs, mais aussi, aux DDA qui croulent sous la complexité. Nous avons lancé une série d'actions syndicales pour exiger la simplification. Mais outre les manifestations, la FNSEA prend aussi ses responsabilités en avançant des propositions pour faire plus simple : une déclaration, un contrôle, un paiement. Voilà ce que nous voulons et nous avons mis sur la table des modalités pratiques pour y arriver. Le ministre de l'agriculture a reconnu la nécessité de simplifier les dispositifs. Alors, à lui de se saisir de nos propositions et de prendre les initiatives qui s'imposent en France, mais aussi en Europe. Il est grand temps d'avancer et la FNSEA maintiendra la pression pour aboutir.
(source http://www.fnsea.fr, le 14 novembre 2000)
30/06/2000
Non à la répression policière
La FNSEA vient d'organiser une manifestation à Evreux, en soutien à Jean-Pierre Cappelle, agriculteur condamné en raison d'une action syndicale. Quel est le sens de cette opération ?
Luc Guyau : A l'initiative de la FDSEA de l'Eure, en appui avec la FNSEA et le CNJA, les 5000 agriculteurs présents à Evreux, venus de l'Eure, de Seine et Marne, d'Ile de France, de Meurthe et Moselle, de l'Oise, de la Manche, de l'Orne, du Calvados, de la Somme, de l'Indre ont voulu protester contre le sort fait à l'un des leurs, injustement condamné et emprisonné, pour avoir voulu défendre ses convictions syndicales. C'est un geste de solidarité envers Jean-Pierre, sa famille et ses proches. Mais l'ampleur du rassemblement montre bien qu'aujourd'hui les agriculteurs sont excédés par le véritable climat de répression policière qui s'abat sur eux : dans l'Eure, mais aussi dans les Pyrénées Orientales, les Bouches du Rhône, la Côte d'Or, l'Aude, le Maine et Loire partout des paysans sont condamnés et bâillonnés. Partout la liberté syndicale est attaquée. Alors, nous disons : assez ! Si des agriculteurs sont dans la rue, c'est qu'ils sont confrontés à des problèmes de revenus, et qu'ils manquent de perspectives d'avenir. Ce n'est pas par la répression des personnes qu'il faut leur répondre, mais en leur apportant des solutions concrètes sur la baisse de revenu, les charges, la suradministration, la perte de valeur ajoutée. Ils attendent des pouvoirs publics des actions en faveur du revenu agricole et une plus grande reconnaissance pour retrouver confiance et fierté dans la société.
La France accède ce 1er juillet à la Présidence de l'Union Européenne. Qu'attendez-vous de cette Présidence ?
Luc Guyau : Qu'elle ne soit surtout pas une Présidence au rabais. Mais une Présidence ambitieuse, à la hauteur des responsabilités de notre pays, première puissance agricole européenne. Cela passe par la défense du budget agricole, qui n'est pas un trésor de guerre pour d'autres politiques, par l'harmonisation fiscale, sociale et environnementale pour éviter les distorsions de concurrence. Il faut aussi simplifier l'administration, c'est essentiel pour les agriculteurs. Il est également indispensable d'harmoniser les pratiques et les contrôles sur la sécurité alimentaire, comme on le voit sur l'ESB. Et puis, certaines organisations communes de marché doivent être améliorées : les fruits et légumes, le porc, les ovins notamment. Le régime sucre doit être reconduit. Parallèlement, la période sera cruciale avec l'élargissement et la réforme des institutions : ces rendez-vous doivent être bien maîtrisés pour éviter l'affaiblissement de l'Union et de son agriculture. Enfin, les négociations agricoles de l'OMC entreront dans une phase critique : les dirigeants européens et français ne devront pas faiblir, mais bien au contraire montrer une voie offensive pour l'Europe dans ces négociations. Alors, bien sûr, en six mois de Présidence, on ne peut tout régler, mais il importe de prendre sur tous ces points des initiatives courageuses pour mettre la locomotive Europe sur les bons rails. C'est le message que je porte au Président de la République, au ministre de l'agriculture et aux différents responsables européens et français que je rencontre actuellement sur ce sujet.
Sur l'OMC, justement, le Comité pour l'agriculture, réuni jeudi 29 et vendredi 30 à Genève, marque l'entrée dans le vif des négociations agricoles. Elles semblent encore une fois s'annoncer particulièrement ardues ?
Luc Guyau : Les Etats-Unis remettent la pression avec agressivité en essayant de définir un cadre de négociation qui les arrange. Ils parlent de réduction globale des aides agricoles, mais en même temps votent à tour de bras des crédits supplémentaires à leur agriculture ! M. Fischler, le Commissaire européen à l'agriculture soulignait d'ailleurs que le soutien direct agricole américain a augmenté de 700 % depuis quatre ans. On peut ajouter que sur cette année, les paiements directs du gouvernement fédéral aux agriculteurs américains ont dépassé 32 milliards de dollars, soit 16 000 dollars par agriculteur, autrement dit plus du triple de ce que reçoivent les agriculteurs de l'UE. Dans ces conditions, leur discours sur le démantèlement des aides n'est pas crédible. Raison de plus pour que l'Union Européenne ne se laisse pas intimider et fasse preuve de détermination dans ces négociations.
(source http://www.fnsea.fr, le 14 novembre 2000)
13/07/2000
Un message d'espoir
- Le ministère de l'Agriculture vient de rendre public un sondage Ipsos sur la perception de l'agriculture par les Français. Que vous inspire les résultats de cette étude ?
Luc Guyau : Ce sondage montre que les Français sont fortement attachés à leur agriculture : ils soulignent massivement l'importance du rôle des agriculteurs, tant pour une alimentation de qualité, que pour l'équilibre des territoires, l'environnement et l'emploi dans les campagnes. C'est à dire, une agriculture dynamique, moderne et tournée vers l'avenir. Ils admettent les soutiens publics à l'agriculture car pour eux, l'agriculture est au cur des questions économiques et des enjeux de société. C'est un message d'espoir pour les agriculteurs, qui sont reconnus dans leur métier et leurs différentes missions, malgré toutes les attaques dont ils font l'objet par ailleurs et l'image négative que certains voudraient donner d'eux.
- Ce sondage montre que la multifonctionnalité de l'agriculture est reconnue et que les français sont d'accord pour qu'elle soit rémunérée. N'est ce pas une manière de justifier les Contrats Territoriaux d'exploitation (CTE) ?
Luc Guyau : J'observe d'abord que les Français partagent pleinement la conception de la multifonctionnalité défendue par la FNSEA, basée sur l'équilibre hommes, produits, territoires. Ils placent comme nous la fonction économique de l'agriculture, la production de bien alimentaire, au premier plan, pour que les agriculteurs puissent vivre de leur métier, et pour qu'ils puissent exercer toutes les missions qui leur reviennent concernant le développement des territoires, l'emploi, l'environnement et l'animation rurale. Le message défendu par la FNSEA sur la multifonctionnalité de l'agriculture, est passé, en France, mais aussi au niveau européen avec le COPA et dans les instances internationales. Dans cette idée, nous avons toujours dit que le CTE devait être placée dans une perspective économique. C'est pourquoi nous regrettons actuellement, que le CTE corresponde plus à une logique de guichet que de projet. C'est ce qui nous a poussé à demander avec insistance que le CTE soit simplifié par l'administration, afin qu'il corresponde au plus près aux attentes des agriculteurs et de la société.
- L'enquête d'Ipsos montre aussi un certain fossé entre les agriculteurs et le reste de la société ?
Luc GUYAU : Parce que leurs attentes sont fortes, les Français regrettent aussi à plus de 71 %, une coupure trop grande entre les agriculteurs et les citadins : ils veulent être plus et mieux informés. Cette demande conforte les actions de communication menée par la FNSEA, qu'il s'agisse des salons, des opérations rencontres à la ferme ou ferme ouverte, de FARRE ou encore des rencontres citoyennes de l'alimentation, lancées sur tout le territoire. Cela renforce aussi notre détermination à revendiquer un fonds de communication agricole, qui expliquerait notre métier et notre action d'agriculteurs. Les Français sont preneurs de ce type d'initiative et la loi d'orientation agricole prévoit la mise en uvre de ce dispositif. Alors, la balle est maintenant dans le camp du ministre de l'agriculture
(source http://www.fnsea.fr, le 14 novembre 2000)
25/09/2000
"Le combat continue"
Quelles sont les suites de l'action syndicale menée par la FNSEA et le CNJA sur les carburants et où en êtes-vous des discussions avec le Gouvernement ?
Luc Guyau : Le combat continue. Après les avancées déjà obtenues dans la négociation, qui doivent être complétées, et les engagements pris par le Gouvernement par rapport à la prochaine Loi de finances, sur les mesures fiscales et sociales et l'allégement des charges, nous devons continuer à être vigilants et déterminés pour concrétiser nos demandes. Nous avons obtenu la réouverture des discussions et un nouveau rendez-vous de travail avant le 15 octobre, sur quatre sujets clé : les productions en difficulté, le dossier fiscal et social avec les charges, les indemnités compensatrices de handicaps, les jeunes agriculteurs. Actuellement, des groupes de travail entre la FNSEA, le CNJA et le ministère de l'agriculture, sont en place pour examiner les meilleurs moyens d'aboutir sur tous ces points. Pour nous c'est clair : au 15 octobre, nous devrons avoir débouché sur des avancées concrètes et significatives. La pression et la mobilisation doivent se maintenir et si le 15 octobre, on se moquait de nous, nous saurons réagir et relancer l'action syndicale.
- Les biocarburants sont aussi un des éléments forts sur lesquels le Gouvernement s'est engagé ?
L.G. - Et pourtant, beaucoup au Gouvernement étaient au départ sceptiques sur la possibilité de relancer les biocarburants : M. Fabius m'avait fait part, initialement, des réserves des experts. Mais nous avons insisté et maintenu la pression à juste titre sur ce dossier, et la décision finale du Gouvernement de relancer cette production, avec la construction de trois nouvelles unités, en bio-éthanol et en diester, est un signal particulièrement positif. C'est une vraie victoire, car c'est la reconnaissance du rôle de l'agriculture en matière d'énergie. Les biocarburants sont une solution d'avenir pour l'agriculture, pour l'environnement et pour l'indépendance énergétique. C'est une source de diversification pour nous et même si les surfaces concernées ne sont pas encore trop importantes, il faut tout faire pour encourager cette production, sur le plan économique et fiscal. Alors, nous regrettons que le rapport des Verts, remis par Yves Cochet, n'aille pas assez dans ce sens et c'est pourquoi nous allons leur transmettre nos positions et les rencontrer le plus rapidement possible. Il serait temps, en France et en Europe, de faire preuve d'une véritable ambition politique pour les biocarburants : c'est un enjeu stratégique.
- Que pensez-vous, par ailleurs, du projet de budget de l'agriculture que le Gouvernement vient de faire connaître dans le projet de loi de finances 2001 ?
L.G. - Ce projet de budget est décevant car une fois de plus, l'agriculture n'est pas affichée comme une priorité du Gouvernement : les crédits n'augmentent que de +0,6 %, soit moins que l'inflation, alors que le budget général de l'Etat augmente de 1,5 %. Plusieurs des postes inscrits en augmentation, ne concernent pas directement l'agriculture. Ce budget n'est pas assez offensif, c'est le moins qu'on puisse dire, et malgré certains points positifs, il manque d'ambition notamment sur l'installation des jeunes, le soutien à l'organisation des filières. Nous attendons autre chose du Gouvernement, pour faire en sorte que les agriculteurs ne soient pas, une nouvelle fois, les exclus de la croissance.
(source http://www.fnsea.fr, le 14 novembre 2000)
13/10/2000
"Non au coup de force de la Commission"
- Quelle est la réaction de la FNSEA face à la proposition de la Commission Européenne de remettre en question, à terme, le règlement sucre ?
Luc Guyau : Pour la FNSEA, ouvrir la porte à une remise en cause des quotas sucriers dès 2002-2003 est complètement inacceptable et cela correspond à un véritable coup de force de la Commission, contre l'avis de la majorité des Etats membres et de la Présidence française, acquis pour l'essentiel, à la reconduction jusqu'à 2006, du régime sucre. La Commission a dépassé la ligne rouge et c'est pourquoi la FNSEA, avec son association spécialisée, la Confédération générale des planteurs de betterave, demande instamment aux responsables politiques de réagir. Remettre en cause les quotas, que ce soit sur le sucre, ou plus tard sur le lait, reviendrait à fragiliser un outil qui a largement fait ses preuves pour équilibrer les marchés et la répartition des hommes sur les territoires.
- N'est ce pas révélateur d'une volonté systématique de la Commission de durcir le compromis de Berlin ?
L.G. : Tout à fait et depuis la signature des Accords de Berlin en mars 1999, la Commission a multiplié les attaques, que ce soit sur le budget agricole ou sur les instruments de régulation des marchés : durcissement des critères d'intervention sur les céréales, restriction de la distillation préventive en viticulture, remise en cause des quotas Si rien n'est fait pour contrecarrer ces dispositions, c'est à l'horizon 2002/2003, l'ensemble des organisations communes de marché qui subiront un démantèlement. Et cela, en contradiction flagrante avec les orientations et les engagements des Chefs d'Etat et de Gouvernement à Berlin ! Pour la FNSEA, c'est totalement inacceptable et c'est pourquoi, au nom du Conseil de l'Agriculture Française, j'ai écrit au Président de la République et au Premier ministre, afin de les appeler à "recadrer" la Commission et à confirmer clairement que l'évolution de la PAC jusqu'en 2006 doit être conduite dans le strict respect du cadre et des orientations des accords de Berlin. Il en va de l'avenir de la PAC. Les agriculteurs ont besoin de perspectives dans la durée.
- Quelle est la position de la FNSEA sur la préparation de l'élargissement ?
L.G. : Nous disons oui à l'adhésion des pays d'Europe centrale et orientale et bienvenue à leurs agriculteurs, mais nous demandons aux dirigeants français et européens, et à la Commission de tout faire pour que l'élargissement ne se fasse pas au détriment de la PAC des quinze et de ses agriculteurs. Si nous ne concevons pas une PAC à deux vitesses, il est clair que les PECO ont encore de grands efforts à faire pour être prêts et reprendre et appliquer l'acquis communautaire. Et, du côté de l'Union Européenne, la question du financement reste entière : le budget prévu est insuffisant face au défi que représente la perspective d'une Union a 27 membres ou plus, notamment face à la question des aides directes, sur laquelle la Commission botte en touche. Surtout que la croissance offre des possibilités et que le plafond des dépenses autorisées est loin d'être atteint. Alors l'élargissement, oui, mais avec un budget, sans déshabiller Pierre pour habiller Paul. Pas question de faire l'élargissement sur le dos des agriculteurs des Quinze. Et au moment où ces pays vont nous rejoindre, il serait d'autant plus incompréhensible que l'Union Européenne remette en question la première ses politiques communes. L'élargissement est un choix politique pour la société tout entière et pour la paix dans le monde. Il ne peut s'envisager sans engagement budgétaire supplémentaire.
(source http://www.fnsea.fr, le 14 novembre 2000)
03/11/2000
Questions/Réponses
Luc GUYAU, Président de la FNSEA
et Jean-Paul BASTIAN,
Vice-Président de la FNSEA, Vice-Président du COPA
"Les Etats-Unis reconnaissent l'échec du Fair Act"
- Vous venez de participer, avec une délégation du COPA(1), à une rencontre bilatérale Europe-Amérique, à Québec. Quelle est la nature de cette manifestation ?
Jean-Paul Bastian : Ces rencontres sont organisées tous les ans et celle de Québec était la 28ème . Au cours du temps, elles ont changé de nature : au début, il s'agissait entre les représentants des producteurs des deux grandes puissances exportatrices, la CEE des six et les USA, de discuter des questions commerciales. Mais au fil du temps, avec l'élargissement de l'Union à 15 membres et l'avènement de l'Alena(2), de nouveaux pays sont arrivés, le débat s'est élargi et les sujets abordés sont devenus plus variés. Ainsi, à côté des enjeux commerciaux et des négociations de l'OMC, nous discutons aussi des questions de sécurité alimentaire, des hormones, des OGM ou encore, de la multifonctionnalité de l'agriculture. Ces discussions sont fondamentales : elles nous aident à mieux expliquer notre point de vue et contribuent à préparer les négociations dans d'autres instances. Nos idées avancent et le travail de fond réalisé au sein du COPA, nous permet d'être plus unis et cohérents, alors qu'en face, la diversité est de plus en plus grande, entre le Canada, le Mexique, et les deux syndicats Américains (le Farm Bureau et la NFU(3)).
- La rencontre bilatérale a pris fin alors que le Gouvernement américain vient d'allouer 23 milliards de dollars supplémentaires à l'agriculture. Quelle est votre réaction ?
Luc Guyau : C'est la preuve une fois de plus de l'hypocrisie du discours du Gouvernement américain, qui défend la libéralisation de l'agriculture et le démantèlement des aides pour les autres, tout en pratiquant sans vergogne l'inverse chez eux, à coup de soutiens massifs et répétés. Pendant que les agriculteurs européens se serrent la ceinture avec la réforme de la PAC de l'Agenda 2000, les USA s'autorisent des soutiens qui perturbent le jeu des marchés mondiaux et risquent de dégrader encore les prix : ce n'est pas acceptable. Aujourd'hui, ce ne sont pas les aides européennes qui doivent être sur la sellette ! D'ailleurs, nos interlocuteurs américains, lors de cette rencontre à Québec, l'ont bien compris et ne les attaquent plus comme avant. Ils reconnaissent l'échec du Fair Act adopté aux USA en 1996, qui était présenté alors comme un modèle de libéralisation agricole. Ils ont conscience de l'importance des aides conjoncturelles exceptionnelles dont a bénéficié leur agriculture et sont prêts à en discuter. Ils admettent désormais, que la dérégulation n'est pas une politique pour l'agriculture. Espérons que le nouveau président des Etats-Unis retiendra ces leçons. Voilà un changement de ton révélateur, dont il faut tirer parti dans les négociations à venir !
- Justement, quels enseignements en tirez-vous pour les négociations sur l'agriculture qui continuent à Genève, dans le cadre de l'Organisation Mondiale du Commerce ?
Luc Guyau : Il est clair que l'Union européenne aborde ces négociations dans une meilleure position face aux USA, que précédemment. Les Européens doivent en profiter pour être offensifs, en attaquant les soutiens américains distorsifs et opaques comme les marketing loans, en refusant un schéma de négociation inégal, comme sur les exportations, en valorisant les sacrifices déjà consentis avec l'Agenda 2000 et en défendant le bien-fondé de leur politique agricole : une politique responsable, basée sur la régulation des marchés, avec des outils de maîtrise de l'offre. La PAC est ce levier qui permet de préserver notre modèle agricole européen et celui-ci implique le refus de la banalisation, la reconnaissance de la multifonctionnalité, la sauvegarde des OCM, le respect des choix de nos consommateurs en terme de qualité, de diversité, de sécurité alimentaire. Pour tout ceci, la PAC ne doit pas être bradée ni maintenant, ni en 2002, ni en cours de négociation à l'OMC. A nos négociateurs de faire preuve de la plus grande fermeté à cet égard.
- S'agissant des questions de sécurité alimentaire que vous venez d'évoquer, les positions des européens et des américains sont en conflit, comme on le voit sur les hormones et les OGM. Les discussions que vous avez eues à Québec vous laissent-elles penser que la situation peut évoluer ?
Jean-Paul Bastian : Nous partons de loin et il est clair que les Américains n'ont pas la même conception des risques que nous : pour eux, il faut avancer tant que la preuve de la nocivité d'un produit n'est pas faite. A l'inverse, les Européens veulent à bon droit, avoir toutes les garanties de sécurité, avant de mettre un produit en circulation. Cette différence est à l'origine des deux conflits que vous évoquez sur les hormones et les OGM. Le chemin est encore long pour réduire cet écart, mais là encore, la situation évolue vraiment : les Américains comprennent de mieux en mieux le bien-fondé de nos positions. Les discussions de Québec montrent qu'ils commencent à reconnaître que nos réticences ne camouflent pas un protectionnisme déguisé, mais reposent sur une autre conception de la sécurité alimentaire. Du reste, chez eux aussi les perceptions de la société évoluent notamment sur les OGM et ils savent maintenant que le passage en force n'est pas la bonne solution. Il est donc essentiel d'aborder ces sujets, à l'instar des dossiers commerciaux, à l'occasion de rencontres comme celles de Québec : cela nous permet d'être mieux compris et ce sera un atout pour les négociations internationales. Nos idées progressent.
(1) COPA : Comité des Organisations Professionnelles Agricoles de l'Union Européenne.
(2) ALENA : Association de Libre Echange Nord Américaine.
(3) National Farmers' Union.
(source http://www.fnsea.fr, le 14 novembre 2000)
14/11/2000
Questions à Luc GUYAU, Président de la FNSEA
ESB : A situation catastrophique, réponses exceptionnelles
Pourquoi avoir proposé de retirer de la chaîne alimentaire, les bovins nés avant 1996 ?
Luc Guyau : Cette proposition faite mardi 7 avec l'ensemble de la filière, faisait partie d'un plan d'ensemble face à la crise. Elle a été déformée, dans un climat d'urgence médiatique, alors que la psychose avait déjà largement gagné l'opinion. Il n'a jamais été question d'un abattage immédiat de tous ces bovins, mais d'un retrait indemnisé et par étapes, dans les 7 à 10 ans à venir, en commençant par les animaux les plus âgés, arrivés à la réforme, en fin de cycle de production. Cela aurait permis de rétablir le marché en retirant des animaux pour compenser la chute de consommation, en préservant les filières de qualité et en commençant par les bovins considérés comme les plus à risque. Cette date de 1996 correspond à la sécurisation des farines nourrissant les porcs et les volailles. La proposition a au moins contribué à orienter le débat vers la recherche de solutions, à hâter le gouvernement à agir et les scientifiques à se prononcer. Mais cette position n'a pas été assez expliquée, alors qu'il s'agissait d'une part de rééquilibrer le marché et d'autre part de retrouver la confiance des consommateurs. Ces deux éléments restent indispensables, pour un retour à la normale.
Quelle est votre réaction face au refus du ministre, du plan de retrait des bovins ?
Luc Guyau : Le ministre a dit non, parce que cela coûterait trop cher. Nous en prenons acte et nous ne perdrons pas de temps à polémiquer, à la différence de certains : les éleveurs méritent beaucoup mieux et attendent des réponses immédiates pour faire face au marasme du secteur. Le ministre ne peut dire non, sans rien proposer à la place. A lui maintenant de prendre ses responsabilités. Il doit mettre sur la table au plus vite des mesures pour sortir les éleveurs et la filière de cette crise sans précédent et restaurer la confiance des consommateurs. La balle est désormais dans le camp du ministre et du gouvernement.
Quelles sont vos propositions en ce sens ?
Luc Guyau : Il faut au plus vite un plan de sauvetage des éleveurs et de la filière, pour défendre le revenu et les emplois. Ce plan implique une véritable intervention sur le marché, en évitant des effets négatifs de la mévente, sur le taux de chargement et les aides. Ce plan doit aussi comporter des mesures financières, fiscales, sociales pour passer le cap, permettant aux éleveurs de faire face aux charges alors qu'ils peuvent perdre 1000 ou 1500 FF par bête, quand ils arrivent à les vendre. Pour sécuriser le consommateur, nous demandons le retrait immédiat des farines animales et la mise en uvre progressive des tests sur les animaux entrant dans la chaîne alimentaire, en commençant par les plus âgés. Mais si nous faisons ces efforts, encore faut-il que les importations provenant de l'Union apportent les mêmes garanties ! Il ne peut y avoir deux poids deux mesures, ni pour les éleveurs, ni pour la sécurité du consommateur !
Que faire pour remplacer les farines animales ?
Luc Guyau : La France et l'Europe doivent se lancer sans tarder dans un plan protéines végétales. Nous avons les surfaces, environ 1,4 millions d'hectares de jachère et les agriculteurs ont la capacité, dès le printemps, de mettre en production soja, pois, lupins, féveroles, luzerne, colza et tournesol. Ce n'est pas permis par les accords internationaux de Blair House ? A situation catastrophique, réponses exceptionnelles. La France doit manifester une forte volonté politique et profiter de sa présidence européenne pour taper sur la table et retrouver des marges de manuvres par rapport à la Pac et aux accords internationaux. Aujourd'hui plus que jamais, il faut devenir plus autonome en protéines végétales.
Que penser de l'augmentation en 2000, des cas d'ESB en France ?
Luc Guyau : Il faut bien expliquer que les cas d'ESB ont augmenté, non parce que notre sécurité alimentaire est moins bien assurée, bien au contraire, mais parce que la France est la premier à avoir lancé un programme de dépistage développé, avec en outre une surveillance accrue des abattoirs. Or, quand on cherche, on trouve, ce que n'ont pas encore forcément fait les autres pays. Aujourd'hui, chez nous, les risques sont mieux maîtrisés qu'avant 1996. Les embargos contre les produits français sont donc largement injustifiés. Mais il faut en tirer des leçons. La transparence, d'accord, mais à condition de mieux l'expliquer pour éviter d'affoler l'opinion à l'occasion des tests. Et cette transparence ne peut pas être seulement franco-française, elle doit concerner tous les pays européens, qu'il s'agisse des dépistages ou des pratiques. La Présidence française de l'Union Européenne devrait pousser les autres pays à mettre en uvre des garanties aussi rigoureuses que les nôtres. En attendant, il nous faut un contrôle efficace aux frontières.
Aujourd'hui, que dire aux consommateurs ?
Luc Guyau : Les scientifiques de l'AFSSA l'ont dit clairement : le muscle pur, la viande sur les étals, est sans risque, comme le lait. La viande est saine et bonne. A partir de là, il faut que le calme et la sérénité reviennent. La suspension de l'approvisionnement des cantines, ne se justifie pas : à nous de l'expliquer et de rencontrer sur le terrain, les maires, les élus locaux, les chefs d'établissement, les associations de parents d'élèves et de consommateurs. Les éleveurs aiment leur métier, ils le font bien et veulent continuer de l'exercer en donnant toutes les garanties aux consommateurs. Victimes de la crise, ils ne comprennent pas la défiance actuelle, eux qui n'ont pas démérité dans leurs pratiques. Aujourd'hui, ceux qui n'ont cessé de discréditer notre alimentation et notre gastronomie, en France et à l'étranger, sont les véritables responsables du climat de psychose et de démagogie des dernières semaines. Je pense au contraire, qu'au lieu de dénigrer, il faut avancer vers des solutions pour éviter que les éleveurs, les entreprises, les salariés, soient tous sinistrés de cette crise. A nous tous de reconstruire un nouveau contrat de confiance avec les consommateurs, gage de retour à la consommation, et d'avenir pour les éleveurs. Dans ce moment difficile, les éleveurs peuvent compter sur toute ma solidarité.
(source http://www.fnsea.fr, le 15 novembre 2000)