Déclarations de M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères, sur les relations franco-chinoises, le développement de la coopération économique et la préparation du voyage de M. Chirac, Paris le 11 janvier 1997.

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Circonstance : Entretien et déjeuner de M. de Charette avec le vice-premier ministre chinois des affaires étrangères, M. Qian Qichen à Paris le 11 janvier 1997

Texte intégral


Mesdames et Messieurs, merci d'être là un samedi matin. Je sais que pour les journalistes, c'est un effort significatif et c'est la personnalité de Qian Qichen, ministre des Affaires étrangères chinois qui nous vaut le plaisir de vous avoir ce matin.

Nous avons beaucoup travaillé ensemble, ce matin. M. Qian Qichen a eu un long entretien avec le président de la République. Nous avons fait ensuite une longue séance de travail qui précède le déjeuner officiel que nous allons avoir maintenant.

Cette visite que nous fait M. Qian Qichen répond à l'invitation que je lui avais adressée. Elle a été toute entière consacrée à préparer la visite que le président de la République rendra en Chine à l'invitation du président chinois, M. Qian, au mois de mai prochain. Nous attachons une grande importance à cette visite qui constituera sans aucun doute, un temps fort des relations franco-chinoises. Je ne doute pas qu'elle donnera une grande impulsion, également aux relations internationales pendant l'année 1997.

La visite du président de la République sera consacrée au développement des relations entre la France et la Chine, qui constituent pour nous une grande priorité, et en même temps, aux renforcement des relations entre la Chine et l'Europe. Elle sera l'occasion d'examiner l'ensemble des questions internationales actuelles.

Nous y travaillerons dans la perspective de ce monde multipolaire auquel la France entend apporter sa contribution.

Nous consacrerons aussi beaucoup de nos préoccupations et de nos travaux au développement des relations bilatérales franco-chinoises dans le domaine économique, où nous pensons que beaucoup de progrès ont déjà été accomplis. Mais beaucoup d'autres progrès restent à faire, dans le domaine culturel pour lequel nous faisons des projets très actifs et bien sûr dans le domaine politique où les relations entre nos deux pays, après s'être normalisées en 1994, ont connu un grand développement en 1996, notamment à l'occasion de la venue de M. Li Peng à Paris et auxquelles nous voulons donner une nouvelle impulsion en 1997.
Dans un peu plus de quatre mois, le président de la République se rendra en Chine. Ce sera pour la France un événement marquant à plusieurs titres.

Cette visite sera d'abord celle que la France souhaite rendre à une nation qui a recouvré, au prix de longues souffrances et d'efforts tenaces, son entière place dans le monde, un temps blessée par l'Histoire.

La Chine n'est pas seulement le grand marché qui suscite un intérêt d'autant plus vif que la croissance y est exceptionnelle ; c'est d'abord et avant tout une grande civilisation, admirable par sa culture, fascinante par sa longévité, influente par les responsabilités qui sont les siennes au sein du concert des nations.

La Chine jouit aujourd'hui de tous ses droits ; elle doit, et elle peut, assumer les devoirs, tous les devoirs, qui sont ceux d'une grande puissance mondiale.

La visite du président Jacques Chirac dans votre pays sera aussi, après celles que le président Jiang Zemin et le Premier ministre Li Peng ont effectuées en France, la confirmation que les choix communs qui ont engagé nos deux pays sur la voie de la coopération dès 1964, et qui ont été renouvelés voici trois ans presque jour pour jour, étaient les bons.

Ces choix étaient judicieux parce qu'ils étaient dictés par le bon sens et la raison, dictés surtout par la marche inéluctable de l'Histoire.

Le partenariat qui aujourd'hui nous lie n'est pas le fruit des circonstances. Il découle de la rencontre, à vrai dire naturelle, de deux grandes nations qui ont la caractéristique commune d'avoir un passé long et glorieux, des responsabilités mondiales, le désir de tenir leur rang dans le monde et la volonté inflexible de préserver leur indépendance nationale.

Ce dialogue franco-chinois est donc motivé, avant toute chose, par la recherche permanente de la stabilité et de la paix dans le monde.

Il s'établit dans le respect mutuel, fondé sur la complémentarité et l'entraide, le désir d'enrichissement réciproque, la connaissance mutuelle et la reconnaissance de la diversité dans le respect des différences.

Car ce ne sont pas les différences qui divisent, c'est l'incompréhension. J'ai confiance dans ce dialogue : il montrera que nos deux cultures ont bien plus en commun que ne le laissent entendre certains clichés qui prétendent dépeindre en deux mots l'essence même de nos civilisations réciproques.

Il rappellera peut-être à nos mémoires que l'école légiste, sous la dynastie des Han, avait déjà théorisé, quinze siècles avant les Lumières, les vertus d'une société régie par le droit.

Ou bien encore que la France, à certaines périodes difficiles de son Histoire, n'a point eu besoin de lire Confucius pour comprendre la nécessité d'un Etat puissant, quand les fondements de la nation doivent être renforcés.

Il montrera enfin que l'humanisme est une valeur universellement partagée, parce qu'indispensable à l'épanouissement spirituel de l'Homme dans le creuset des sociétés.

Ce dialogue entre nous doit être global :
- Economique, il doit contribuer à l'amélioration du niveau de vie et faciliter l'accès au bien-être de nos deux peuples, dans l'avantage réciproque, et dans le strict respect des règles qui doivent gouverner aujourd'hui les échanges mondiaux.

- Technique et scientifique, il doit promouvoir l'échange des connaissances et des savoir-faire et répondre aux attentes légitimes des pays en voie de développement.

- Culturel enfin, il doit contribuer à l'édification d'un monde multipolaire où aucune culture ni aucune langue ne saurait prétendre à la suprématie mondiale.

Car l'un des plus grands dangers qui nous menace collectivement est celui de la disparition de la diversité et du chatoiement des cultures du monde, de leur langue, de leur civilisation, oserais-je même dire de leur art culinaire.

De ce point de vue, l'apprentissage des langues, et notamment du francais, où le libre accès à la connaissance, au-delà même des frontières nationales, doivent demeurer notre objectif afin d'éviter l'uniformisation planétaire dont nous pouvons hélas mesurer déjà, ici ou là, le funeste présage.

C'est dans cet esprit que la Chine, et la France au sein de l'Union européenne, doivent aujourd'hui oeuvrer de concert pour un monde meilleur, plus riche, plus juste et plus humain.

L'année qui vient de s'écouler témoigne des enjeux et des espoirs dont ce dialogue est porteur.

La signature d'un accord de coopération industrielle sans précédent dans le domaine aéronautique démontre, s'il en est besoin, les avantages réciproques considérables que la Chine et l'Europe peuvent et doivent retirer de leurs efforts de rapprochement et de leur recherche d'avantages mutuels.

Dans le domaine énergétique, dans le domaine spatial, dans celui des transports, des services financiers, de l'agro-alimentaire, nous avons beaucoup à vous offrir, et nous attendons également beaucoup de vous.

Comme vous le savez, Le président de la République française éprouve, et depuis longtemps, une réelle passion pour l'Asie en général et pour la Chine en particulier. En vous recevant tout à l'heure, il vous a lui-même exposé le cadre politique qu'il entendait donner à notre nouveau partenariat.

Monsieur le ministre, lors de notre entretien ce matin, nous nous sommes efforcés d'évoquer l'ensemble des domaines que doit couvrir notre coopération future.

D'ici le mois de mai de nombreux échanges, à haut niveau, auront lieu entre nos deux pays, afin que la visite du président de la République soit un succès, dans l'intérêt de la Chine et celui de la France, ouvrant une ère nouvelle aux relations entre nos deux pays.

Monsieur le ministre, permettez-moi au seuil de cette nouvelle année, de former des voeux très sincères et très chaleureux de bonheur et de santé pour vous-même, pour votre épouse et pour votre famille.

Permettez-moi aussi d'étendre ces voeux à tous vos collaborateurs et à toute votre délégation ici présente.

Permettez-moi enfin de former le souhait ardent que vous et moi puissions contribuer à faire de 1997 une année particulièrement faste pour l'essor des relations franco-chinoises.

Je lève mon verre à la longue amitié qui nous lie et aux espoirs que porte notre nouveau partenariat.

Je lève mon verre au bonheur et à la prospérité de la Chine et du peuple chinois.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 octobre 2001)