Entretiens de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, avec l'agence de presse "Maghreb Arabe Presse" à Paris et avec la presse à son arrivée à l'Aéroport de Rabat le 30 octobre 2002, sur les relations entre la France et le Maroc, sur les conséquences de l'élargissement de l'Union européenne pour les pays méditerranéens, sur les relations entre le Maroc et l'Algérie, la question de l'Irak et le rôle du Maroc au niveau international.

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Circonstance : Voyage officiel au Maroc de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, les 30 et 31 octobre 2002

Média : Maghreb Arabe Presse

Texte intégral

Entretien avec l'agence de presse marocaine "Maghreb Arabe Presse"(MAP) à Paris
Q - Les premières élections législatives au Maroc, si je peux me permettre, c'est un pari gagné. Depuis l'accession du roi Mohammed VI au trône. Considérez-vous cet événement comme une étape importante dans le déroulement du processus démocratique au Maroc ?
R - Tout à fait, pari gagné car c'est une étape très importante dans le processus démocratique, dans l'évolution vers l'Etat de droit au Maroc. Nous avons évidemment suivi avec beaucoup d'intérêt la campagne qui s'est déroulée dans d'excellentes conditions. Il y a eu un vrai débat d'idées dans l'ensemble du Maroc. Ces élections se sont par ailleurs déroulées dans le calme. Elles ont été marquées par un effort de transparence souligné par tous. Il s'agit d'une transparence sans précédent. Des ONG marocaines ont d'ailleurs pu observer le scrutin et je relève enfin qu'un effort particulier a été fait pour accroître la présence des femmes à la Chambre des représentants puisque 30 sièges leur ont été réservés. Cela va aussi dans le sens de l'ouverture et de la démocratisation souhaitée par Sa Majesté.
Dans ce contexte, nous Lui rendons évidemment hommage, Lui qui a maintenu ces élections dans un cadre politique international extrêmement difficile et tendu. Il y a là une dynamique ainsi créée qui, je crois, sert les ambitions du Maroc pour une ouverture et un dynamisme politiques.
Q - Vous partez pour le Maroc, c'est votre première visite en tant que ministre. Quel est l'objectif politique principal de votre visite ?
R - Avant tout, c'est de confirmer ce que chacun sait, l'attachement du président de la République et de Sa Majesté le Roi au caractère exceptionnel de la relation franco-marocaine. Notre souhait est que le partenariat qui existe entre la France et le Maroc puisse se développer dans tous les domaines. Vous savez qu'il s'agit d'un engagement extrêmement profond qui est vrai tant au niveau du président et de Sa Majesté qu'au niveau des gouvernements et au niveau de l'ensemble de nos deux pays et de nos deux peuples.
Des relations extrêmement profondes existent à tous les échelons, à tous les niveaux. Bien sûr, dans le nouveau contexte politique qui est le nôtre, après la formation d'un nouveau gouvernement en France, au lendemain de la désignation par Sa Majesté d'un nouveau Premier ministre au Maroc, le but est d'examiner concrètement les moyens que pourrait prendre ce nouvel élan. Sa Majesté a fixé un certain nombre d'objectifs et a parlé de l'ardente obligation de l'investissement. Nous voulons bien entendu accompagner cette politique, ce souhait marocain.
Mais nous aborderons aussi, dans un contexte international troublé, les grandes questions du monde, la situation de l'Iraq aujourd'hui, les débats au Conseil de sécurité, la situation au Proche-Orient, car vous savez que c'est un sujet qui nous préoccupe. Nous savons que c'est également une préoccupation pour le Maroc et nous évoquerons toutes les affaires bilatérales sur lesquelles nous souhaitons rapidement pouvoir progresser.
Q - On dit toujours que les relations entre la France et le Maroc sont excellentes, mais je pense que vous avez votre propre vision de ce que sera ou de ce qu'est la coopération entre la France et le Maroc.
R - L'enjeu pour nous est de faire en sorte que cette relation très ancienne et très riche entre nos deux pays puisse trouver une vitalité renouvelée et décuplée par l'engagement de l'ensemble des partenaires français et marocains. C'est vrai des grands acteurs économiques, c'est vrai aussi des grands acteurs politiques et des grands acteurs culturels. Et nous croyons en la force et en la vitalité des rapports entre nos deux sociétés, entre nos deux peuples. Ce sont des sociétés et des peuples qui se connaissent bien, qui s'apprécient depuis longtemps, qui nourrissent à la fois respect et affection depuis une très longue période.
Mon désir est que les relations entre la France et le Maroc puissent se fortifier de cet engagement commun, des deux côtés, des deux rives de la Méditerranée. Il y a là, pour nous, dans un monde particulièrement dangereux, dans un monde incertain et instable - on le voit avec la multiplication des attentats terroristes - l'illustration de ce que peuvent faire de grands peuples qui s'estiment, qui se respectent, qui nourrissent de l'affection l'un pour l'autre, de ce qu'ils peuvent faire ensemble. C'est justement de montrer que, par le respect, par l'affection, par la tolérance, on peut relever de grands défis. Il y a évidemment, aujourd'hui, des défis communs auxquels nous sommes attachés, des défis sur la scène internationale, sur les scènes nationales et nous pensons qu'il y a là un atout exceptionnel entre nos deux pays, entre nos deux peuples qu'il faut chercher à valoriser et à développer.
Q - On dit que la coopération entre la France et le Maroc manque un peu d'imagination, vous allez également parler de la décentralisation.
R - Le défi entre nos deux pays, c'est d'être capables de renouveler en permanence notre relation.
Q - Et comment ?
R - Justement, imagination parce qu'il faut toujours chercher à faire mieux. Notre relation est excellente, il faut chercher à l'adapter, aux besoins d'abord, et de ce point de vue, nous avons la possibilité d'aller de l'avant pour répondre davantage aux besoins de nos amis marocains. Il y a le défi du développement qui est un grand défi, extrêmement important, sur lequel nous voulons nous concentrer, c'est l'appui aux PME et PMI de votre pays, c'est le développement des nouvelles technologies. Il y a aussi le grand enjeu social pour le Maroc. De ce point de vue, nous voulons contribuer davantage à ce développement social. Je sais que ce sera l'un des grands défis auxquels veut s'attacher le gouvernement de M. Driss Jettou. Nous voulons l'aider à réussir dans cette tâche, qu'il s'agisse des défis de l'éducation, l'ensemble des grands chantiers sociaux, de ce point de vue-là, il y a des efforts à faire. Il y a des orientations à prendre et nous allons essayer d'apporter notre appui à tout cela.
Mais nous voulons le faire avec l'ensemble des forces françaises et vous savez que beaucoup d'initiatives, beaucoup de moyens existent aujourd'hui à l'échelle des régions, des départements, des communes. Il est important que ce partenariat soit non seulement développé à l'échelle des gouvernements mais aussi à l'échelle des collectivités. L'engagement de ces collectivités vis-à-vis du Maroc, dans ses régions, dans ses provinces, dans ses villes, peut être très important. C'est un engagement concret, vivant et qui peut donner lieu à des suivis et à des relations extrêmement profonds entre les territoires et les hommes.
Il y a là une démultiplication de l'action de la France ou des relations entre la France et le Maroc qui peuvent être une source d'enrichissement mutuel.
Q - Vous parliez tout à l'heure de l'investissement - on constate que les Français sont un peu frileux concernant le Maroc - : y aura-t-il un message pour les encourager même si la France est la première partout ?
R - La France est le premier partenaire du Maroc, le premier investisseur mais les incertitudes du monde pèsent aussi sur le comportement des acteurs économiques. Il y a, je crois, une très grande confiance dans la situation du Maroc, la volonté d'être encore plus présent, plus actif, plus déterminé. Il est important que nous nous mobilisions ensemble pour définir le cadre le plus propice à cette action commune, à cet engagement économique et à cette action au service du développement économique du Maroc.
Q - Sur le dialogue des cultures, c'est une première pour un ministre français, vous allez vous adresser à la société civile marocaine à l'université de Rabat. Vous parlerez du dialogue des cultures comme moyen de rapprochement également ?
R - Absolument, j'y attache une très grande importance car je crois que le dialogue entre nos jeunesses peut être extrêmement enrichissant des deux côtés. C'est pour cela que j'ai choisi, comme thème d'intervention, le rêve des deux rives. Il y a là deux rives fraternelles qui doivent développer et intensifier le dialogue entre elles.
Depuis des temps immémoriaux, il y a des relations très profondes entre ces deux rives, mais il faut fortifier cette relation, il faut que nos jeunesses se connaissent mieux, qu'elles apprennent à travailler et à réfléchir ensemble. Une fois de plus, devant les difficultés du monde, nous avons besoin de partager nos réflexions, de partager nos valeurs, de découvrir, dans le regard de l'autre, à quel point nous sommes plus grands, nous avons une pensée élargie en nous ouvrant à celui qui est en face de nous. Il y a entre la France et le Maroc, depuis très longtemps, beaucoup d'éléments communs qui peuvent fructifier aujourd'hui et nous conduire à être plus présents sur la scène internationale, plus efficaces et à aller plus loin dans nos réflexions.
Q - Ne pensez-vous pas qu'avec l'élargissement de l'Europe, le côté nord oublie un peu le flan sud de la Méditerranée ?
R - Je ne crois pas ; je comprends bien cette inquiétude mais la France a justement à cur et veut faire en sorte que cet élargissement ne se fasse pas au détriment des pays du Sud et en particulier des pays du Maghreb. Nous sommes convaincus que le Sud doit avoir toute sa place, qu'il faut que l'Europe développe des relations imaginatives avec l'ensemble de ces régions, qu'il s'agisse de multiples instruments que nous avons à notre disposition, le projet euro-méditerranéen, le dialogue 5+5, le forum méditerranéen. Il existe là des enceintes très importantes que nous voulons développer et qui doivent jouer tout leur rôle pour fortifier cette relation entre l'Europe et les pays du Maghreb.
Q - Et concernant le Maroc et l'Europe, le Maroc aspire à un statut avancé. Croyez-vous qu'avec ce qui se passe actuellement, le Maroc a des chances de parvenir à ce statut ?
R - Nous avons été très frappés ici par la formule qu'a employé Sa Majesté le Roi Mohammed VI lorsqu'il a dit, "il faut moins que l'adhésion, mais plus que l'association". Nous souscrivons à cet objectif, nous sommes convaincus qu'il y a là une vraie ambition à la fois pour l'Europe et pour le Maroc et nous voulons contribuer à agir, à être la tête de pont européenne au service du Maroc parce que nous croyons que, sur beaucoup de dossiers, nous pouvons encore faire avancer les choses, qu'il s'agisse du domaine économique, du développement, de l'agriculture, de la lutte contre l'immigration clandestine. Il y a là des avancées qui sont possibles et importantes, à la fois pour l'Europe et pour le Maroc.
Q - Et justement pour les produits agricoles marocains, on peut espérer une ouverture plus importante, il y a, je crois, un contingent avec le Maroc ?
R - Cela fera également partie des sujets que nous évoquerons bien évidemment.
Q - Et que pensez-vous des relations entre le Maroc et l'Espagne ?
R - Nous souhaitons vivement que ces relations puissent être assainies par la relance du dialogue bilatéral. La France, pour sa part, est prête à tout faire de façon à contribuer à l'apaisement, en tant que pays ami et partenaire des deux pays.
Q - Auriez-vous un message, une sorte de médiation ?
R - Il y a, compte tenu de l'amitié que nous portons à l'Espagne et au Maroc, la volonté de tout faire pour que le cap difficile dans la relation entre les deux pays puisse être passé. Notre vocation à tous est d'entretenir, des deux côtés de la Méditerranée, des relations d'amitié et de confiance. Nous pensons bien sûr que cela est possible et nous souhaitons pouvoir tous travailler dans le même sens.
Q - La France a fait beaucoup dans le conflit durant le mois de juillet, mais malgré tout, ce sont les Américains qui ont "joué les pompiers". N'est-ce pas malheureux ?
R - Dans cette situation, il faut être pragmatique. Nous sommes en présence de deux pays amis, le Maroc et l'Espagne, et nous souhaitons que les relations de confiance, d'amitié, le dialogue puissent reprendre et se développer comme cela est naturel. Les américains ont apporté leur contribution au moment de cette affaire, nous nous en réjouissons. Ce qui est important, c'est véritablement l'objectif, le résultat.
Q - N'était-ce pas le rôle de l'Europe ?
R - L'Europe et la France ont tout fait pour que les esprits puissent se calmer, qu'une solution puisse être trouvée. Les Américains ont joué leur rôle, nous nous en réjouissons.
Q - Vous allez certainement parler des associations régionales ?
R - Absolument, nous soutenons l'intégration régionale maghrébine. Elle se heurte aujourd'hui à de très nombreuses difficultés mais je pense qu'elle sera ressentie, de plus en plus, par l'ensemble des pays, par l'ensemble des peuples comme une nécessité. Nous voulons travailler dans ce sens et c'est pour cela que nous suivons avec beaucoup d'intérêt et d'attention les développements de l'Union du Maghreb arabe, c'est pour cela que nous appuyons toutes les formules originales comme le processus d'Agadir qui rassemble le Maroc et les pays les plus avancés pour leur partenariat avec l'Union européenne. Dans ce contexte, qu'il s'agisse du partenariat euro-méditerranéen, du forum méditerranéen etc..., nous pensons qu'ils doivent tous contribuer à stimuler l'intégration sud-sud et donc la construction maghrébine.
Q - Il y a quelques obstacles pour le moment, dans le contexte actuel où il n'y a quasiment plus de relation entre le Maroc et l'Algérie, la France peut-elle jouer un rôle de médiateur ?
R - Le Sahara occidental est un enjeu très important pour la stabilité de la région, du Maghreb tout entier. Nous devons tous uvrer à la recherche d'une solution négociée. Comme vous le savez, James Baker continue de réfléchir aux contours d'une solution politique et nous soutenons les efforts qu'il a engagés. Nous aimerions bien sûr voir des avancées dans un conflit qui, aujourd'hui, limite évidemment, complique en tout cas les relations entre le Maroc et l'Algérie. Nous pensons que les mois qui viennent, doivent être mis à profit pour essayer de trouver une solution durable et équilibrée. Selon nous, cette solution devra être trouvée sur la base de l'accord-cadre. Parallèlement, nous pensons qu'il faut accorder une importance particulière aux aspects humanitaires de ce conflit, qu'il ne faut pas les oublier, qu'il s'agisse de la libération des prisonniers de guerre marocains, du sort des disparus ou des contacts entre les familles séparées. Dans tous ces domaines, nous pensons qu'il faut uvrer et mettre à profit, une nouvelle fois, les mois à venir pour tenter d'avancer sur cette question.
Q - Vous irez prochainement en Algérie, ainsi que le président ?
R - Les dates ne sont pas encore fixées, en 2003. Le Premier ministre français se rendra au Maroc dans la première partie de l'année 2003.
Q - Avec toutes ces visites, il y a peut-être un espoir ?
R - Nous sommes convaincus qu'effectivement le dialogue politique doit être nourri, c'est sa vocation entre des peuples et des pays si proches. C'est par le dialogue que nous sommes susceptibles de pouvoir contribuer à la recherche de solutions aux problèmes qui se posent. Il y a une confiance, une conviction que l'intensification de nos relations doit pouvoir permettre de faire avancer le dialogue et les relations dans la région.
Q - Il sera également question de l'Iraq et du Proche-Orient dans vos discussions avec Sa Majesté Mohammed VI ?
R - Tout à fait.
Q - Comment voyez-vous le rôle du Maroc sur la scène internationale ?
R - Nous sommes convaincus que c'est un rôle très important, vous évoquez la situation du Proche-Orient. La responsabilité particulière du Maroc en tant que président du Comité Al Qods est reconnue par tous. Nous sommes convaincus de la nécessité d'avancer vite sur ce dossier car on voit bien à quel point cette crise pèse lourd sur l'ensemble de la région et sur l'ensemble de la situation mondiale. Nous appuyons les efforts qui sont engagés dans le cadre du Quartette, nous pensons qu'il est essentiel de mener et de développer une initiative, d'ouvrir une perspective politique car une politique de sécurité seule ne peut pas permettre d'assurer la stabilité ni de régler les problèmes de la région. De ce point de vue, nous sommes convaincus que la mobilisation internationale doit être renouvelée. Il faut faire un effort et la concertation entre la France et le Maroc est très étroite, comme d'ailleurs sur l'ensemble des problèmes du Moyen-Orient. Vous savez à quel point aujourd'hui, il y a des inquiétudes sur le développement de cette région, il est essentiel que nos deux diplomaties soient en contact permanent. J'ai multiplié les échanges avec mon ami M. Mohamed Benaïssa au cours des derniers mois pour nous assurer que nous travaillons bien dans le même sens. C'est le cas, vous vous en doutez.
Q - Quel sera le message fort que vous délivrerez au cours de cette visite ?
R - L'excellence des relations entre la France et le Maroc fait qu'il faut constamment avoir le souci d'avancer, ne pas se contenter des relations telles qu'elles sont mais essayer de mobiliser, d'avancer au service de nos objectifs mutuels. Il y a un grand défi engagé par le Maroc, celui de l'ouverture, la démocratisation, le développement social. Ces défis nous les faisons nôtres, et nous sommes aux côtés de nos amis marocains pour les aider dans cette tâche immense. En même temps, le rôle, la responsabilité, la sagesse du Maroc sur la scène du monde arabe, sur la scène internationale nous sont extrêmement précieux. C'est pour cela que nous éprouvons, en permanence, le besoin de resserrer ces relations, d'échanger entre nous pour aborder ensemble ces défis du monde.
http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 novembre 2002)
Déclaration à la presse de M. Dominique Galouzeau de Villepin à son arrivée à l'aéroport de Rabat le 30 octobre 2002
Q - Monsieur le Ministre, quelle est l'importance de votre visite officielle au Maroc ?
R - C'est ma première visite officielle au Maroc, à Rabat, sur ma terre natale et dans ma ville natale. Donc vous imaginez que c'est évidemment pour moi une visite qui a un sens particulier et qui est chargée de beaucoup d'émotions. C'est l'occasion, à la demande du président de la République, Jacques Chirac, de venir transmettre le message d'affection, d'estime à Sa Majesté Mohammed VI. Vous savez les liens exceptionnels qui existent entre le président Chirac et Sa Majesté. Vous savez les liens exceptionnels qui existent entre la France et le Maroc. Et c'est donc pour approfondir, développer ce partenariat entre les deux pays que je viens ici aujourd'hui, au Maroc. C'est une chance aussi que de pouvoir rencontrer le Premier ministre désigné, M. Driss Jettou et de pouvoir, avec mon homologue et ami, Mohamed Benaïssa, faire le point sur une actualité régionale et sur une actualité internationale - vous le savez - difficiles.
Q - Monsieur le Ministre, à propos de l'actualité internationale. Où en sont les discussions au Conseil de sécurité à propos de l'Iraq et quelle est la position de la France vis-à-vis du texte américain justement à propos de l'Iraq ?
R - Des progrès importants ont été faits au cours des dernières semaines et j'ai été en contact avec nos principaux partenaires. J'ai eu, au cours des dernières heures, à plusieurs reprises, les principaux représentants du Conseil de sécurité et je crois qu'aujourd'hui nous nous entendons les uns et les autres pour adopter une démarche en deux temps au Conseil de sécurité. Vous savez que c'est évidemment la position de la France, défendue par le président de la République. Les efforts se poursuivent sur deux points essentiels. Le premier concerne les conditions du recours à la force et vous connaissez la position française. Nous refusons toute automaticité de ce recours à la force. Nous pensons que la force ne peut être qu'un dernier recours. C'est pour cela que nous souhaitons une résolution dépourvue de toute ambiguïté et c'est sur ce point une position française très forte que nous exprimons. La deuxième grande question, c'est le régime d'inspection. Faire en sorte que le régime des inspections soit le plus clair, le plus réaliste possible, le plus pragmatique possible, de façon à pouvoir prévoir rapidement un retour des inspecteurs et l'élimination de toute arme de destruction massive en Iraq. Nous faisons confiance, à la fois au président de la CCVINU, M. Hans Blix, ainsi qu'au directeur de l'agence internationale de l'énergie atomique.
Q - Croyez-vous, Monsieur le Ministre, que le dernier mot sera donné au Conseil de sécurité et que la France aurait un grand problème à gagner sa position ?
R - C'est tout l'esprit de la démarche en deux temps. Parce que nous croyons qu'il est nécessaire de préserver l'unité du Conseil de sécurité. Nous croyons qu'il est essentiel d'assurer la légitimité de l'action internationale en faisant confiance au Conseil de sécurité et aux Nations unies. C'est là pour nous un point central parce que c'est tout l'esprit de solidarité et de responsabilité de la communauté internationale qui est en cause. Nous sommes convaincus que cette démarche en deux temps permet justement, à toutes les étapes, de donner la parole, de permettre au Conseil de sécurité de dire ce qu'il convient de faire et donc si l'Iraq ne respecte pas ses engagements, il appartiendra au Conseil de sécurité de se réunir et d'étudier l'ensemble des options possibles. Mais c'est important que le Conseil de sécurité puisse être effectivement saisi à chaque étape du processus.
Q - Il y a des voix arabes qui disent que la position de Washington était déjà prise et que la frappe serait maintenue qu'importe ce qu'aura décidé le Conseil de sécurité . ?
R - Je peux vous dire, - parce que je suis en contact permanent évidemment avec nos interlocuteurs et amis américains, et j'ai eu Colin Powell juste avant de décoller pour Rabat - , que les négociations se poursuivent dans un état d'esprit très constructif et très positif. Nous voulons aboutir. Nous voulons aboutir parce que nous pensons qu'il est important qu'un message clair, un message ferme puisse être adressé à Saddam Hussein pour permettre le retour des inspecteurs. Et je crois que chacun comprend bien aujourd'hui que si la communauté internationale veut être forte, si nous voulons que notre message soit bien compris, il est important que nous restions unis. C'est pour cela que nous attachons tant d'importance à maintenir la cohésion, le lien, le dialogue permanent avec l'ensemble de nos amis arabes, parce qu'il n'est pas question, bien évidemment, de décider de l'avenir de cette région sans, en permanence, les associer. Et c'est tout le sens de l'action menée au Conseil de sécurité. C'est tout le sens de la volonté française en liaison avec la communauté internationale. Il est essentiel que l'action qui est menée à chaque étape puisse être faite en liaison avec l'ensemble de nos amis arabes.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 novembre 2002)