Texte intégral
A. Hausser.- Avez-vous suivi les conclusions du dîner Chirac - Schröder hier soir à l'Elysée ? C'est un compromis sur l'Europe future qui prévoit que le président de la Commission européenne serait élu par le Parlement européen et le Président ...
- "...Ça c'est bien."
...Et le Président du Conseil serait élu par ses pairs, c'est-à-dire par les autres chefs d'Etat. Ça c'est moins bien ?
- "Je vois beaucoup d'aspects inquiétants dans ce compromis. On est en train d'instaurer, sans que personne ne s'en aperçoive, parmi les citoyens européens ..."
C'est difficile, vous savez...
- "...A la tête de l'Europe, une double présidence. S'il y a double présidence, il y aura un jour conflit de légitimité et cohabitation. Il me semble que l'on prend des risques qui sont inconsidérés dans une Europe déjà si difficile à comprendre. L'objectif que nous aurions dû avoir, et que les Allemands avaient, et qui est juste, est que les citoyens européens aient par leur vote quelque chose à dire de l'orientation de l'Union et le vote des citoyens va, à partir de cette proposition que les Allemands ont imposée à juste titre, permettre d'orienter l'exécutif européen, la Commission européenne. Ça c'est bien. Mais instaurer une double présidence, cela va inévitablement et à terme entraîner des conflits entre les deux présidents qui chacun se revendiqueront de leur légitimité. Il y a là une grave imprudence. J'espère que cette idée sera écartée. Par pitié, n'exportons pas à Bruxelles la cohabitation que nous avons eue tant de mal à extirper de Paris."
C'est une cohabitation ou est-ce que pour vous c'est du rafistolage ?
- "Ce n'est pas du rafistolage. On voit bien que deux options européennes s'opposent et je regrette que la France porte l'option la plus ... - comment va-t-on dire ? - souverainiste, parce que l'on voit bien dans l'affaire irakienne aujourd'hui, le drame de l'absence d'Europe. On voit bien que lorsque l'Europe n'existe pas ou parce que l'Europe n'existe pas, alors les Etats-Unis sont seuls sur la scène du monde, qu'ils sont en mesure d'imposer eux-mêmes leurs choix et que toutes les télévisions de la planète - on vient de le voir à l'instant - ne regardent qu'une seule chose : ce que sont les jugements de M. Bush. Moi, je veux pour mon pays, pour nous, pour notre société, qu'un jour, en face de M. Bush, il y ait une voix européenne ..."
Elle est pourtant en train de se mettre en place sur l'Irak.
- "On veut en mettre deux. Si on en met deux, on aura forcément une division et une faiblesse."
Vous ne sentez pas que l'Europe est en train de se mettre en place sur l'Irak ? Hier soir, par exemple, sur ce sujet, on a parlé d'approche identique de la France et de l'Allemagne ; le chancelier Schröder a été encore plus précis : il a dit qu'en aucun cas l'Allemagne ne participerait au conflit. Hier, J.-P. Raffarin ...
- "Et vous trouvez que c'est une position commune ?"
Non, mais ...
- "Vous voyez bien !"
...Puisqu'on parle d'approche identique.
- "Vous voyez bien que chacun défend sa propre position au lieu d'élaborer une position européenne en commun. Et Dieu sait que même la France et l'Allemagne, ensemble, c'est important mais il y a d'autres grands pays européens. Au lieu d'élaborer une position en commun, que tout le monde s'acharnerait à défendre ensemble, nous sommes quatre au Conseil de sécurité en ce moment, voyez le poids que ça pourrait avoir. Au lieu d'élaborer une position en commun chacun défend sa propre approche, et toutes sont dignes d'intérêt, mais en défendant chacun la sienne, chacun sa propre approche, au bout du compte on se condamne à compter moins. Je voudrais que la voix, notre voix, la voix des Européens, soit entendue et respectée à l'égal de la voix des Etats-Unis d'Amérique."
En attendant qu'une voix européenne existe, que souhaitez-vous que soit la voix de la France ? Est-ce qu'il faut un vote à l'Assemblée nationale, est-ce qu'il faut que la France comme l'Allemagne dise : " Non, en aucun cas nous ne participerons " ?
- "Il ne peut pas y avoir d'engagement des soldats français sans vote. Souvenez-vous, en 1991, lorsque M. Mitterrand était président de la République et qu'il y a eu la première guerre du Golfe, il y a eu un vote à l'Assemblée nationale, et j'ai voté la guerre parce qu'à l'époque il me paraissait insupportable qu'il y ait une attaque contre un pays souverain, le Koweït, une annexion sans que personne ne dise rien. Aujourd'hui, qu'est-ce que je souhaite ? Je souhaite d'abord que le Conseil de sécurité se prononce lui-même et deuxièmement, je souhaite qu'on ait une ligne claire, que je résume en six mots : pas de preuve, pas de guerre. Le sujet c'est bien les armes de destruction massive ; la communauté internationale a imposé à l'Irak des inspecteurs pour aller vérifier sur le terrain si, oui ou non, ces armes existaient. Si on laisse faire aux inspecteurs leur travail, et s'il n'y a pas de découverte de preuves, alors ce serait me semble-t-il céder à un grand risque pour le siècle qui vient que de voir un pays tout seul déclarer unilatéralement la guerre. Cela voudrait dire que c'est la loi de la force qui l'emporte, la loi du plus fort et non pas la loi du droit. Or si nous voulons un monde qui vive en sécurité et en équilibre, il faut que nous imposions la loi du droit international."
Est-ce que c'est ce que nous essayons de faire en Côte d'Ivoire ? Est-ce que vous considérez que la présence de la France là-bas devrait être couverte par un mandat de l'ONU ?
- "En tout cas c'est une présence d'urgence et à terme, il faut qu'un mandat de l'ONU couvre cette présence. Ce que je voudrais dire à propos des négociations qui s'ouvrent aujourd'hui, c'est qu'il faut à tout prix que la Côte d'Ivoire sorte du drame qu'elle est en train de vivre. Il y a des escadrons de la mort, il y a eu des assassinats politiques et nous ne pouvons pas accepter de soutenir des régimes qui couvrent de telles exactions. Ce que je souhaite c'est que la raison l'emporte et que peut-être une personnalité indépendante soit acceptée pour fédérer des camps si opposés et un pays en si grand danger."
Si je vous entends bien, vous souhaitez le départ de Gbagbo ?
- "Je ne dis pas les choses de cette manière, je ne suis pas Ivoirien et je ne fais pas d'ingérence. Je dis que des évènements très graves se sont produits en Côte d'Ivoire. Il faut à tout prix que l'on trouve une stratégie pour en sortir et non pas pour les pérenniser."
Une question sur les retraites. En France, c'est la grande réforme de ce début d'année, vous souhaitez un référendum ; est-ce que l'on peut faire un référendum sur des principes, est-ce qu'il ne faut pas poser des questions précises ?
- "Je souhaite que l'on fasse un référendum et un référendum sur les principes. Je dis qu'il n'y aura pas de réforme si les citoyens, vous et moi et 60 millions d'autres Français, ne sont pas directement consultés pour s'engager dans la réforme et l'imposer. L'idée que l'on pourrait faire la réforme des retraites au sommet, entre initiés, elle a déjà été ..."
"Par consensus", comme disent les socialistes.
- "Oui, on va voir, par consensus... Elle a déjà été essayée en d'autres temps, elle n'a pas marché, parce que si les citoyens ne sont pas invités à se prononcer eux-mêmes et à décider eux-mêmes, à ce moment-là, ils se retrouvent en situation uniquement de défenseur de leurs propres acquis. Si on ne leur donne pas l'impression que la justice va s'appliquer à tout le monde, si on ne leur garantit pas que tout le monde va participer à l'effort, alors chacun défend ses propres avantages. J'ai dit, hier, à F. Fillon et je dirai à chaque fois que possible au Gouvernement, que le seul moyen pour obtenir une vraie réforme, c'est de demander au peuple d'être lui-même le signataire de cette réforme."
C'est compliqué ...
- "Ce n'est pas compliqué. C'est tellement important, cela appartient à chacun d'entre nous. La retraite c'est l'affaire de tous les citoyens, il faut que tous les citoyens se prononcent."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 15 janvier 2003)
- "...Ça c'est bien."
...Et le Président du Conseil serait élu par ses pairs, c'est-à-dire par les autres chefs d'Etat. Ça c'est moins bien ?
- "Je vois beaucoup d'aspects inquiétants dans ce compromis. On est en train d'instaurer, sans que personne ne s'en aperçoive, parmi les citoyens européens ..."
C'est difficile, vous savez...
- "...A la tête de l'Europe, une double présidence. S'il y a double présidence, il y aura un jour conflit de légitimité et cohabitation. Il me semble que l'on prend des risques qui sont inconsidérés dans une Europe déjà si difficile à comprendre. L'objectif que nous aurions dû avoir, et que les Allemands avaient, et qui est juste, est que les citoyens européens aient par leur vote quelque chose à dire de l'orientation de l'Union et le vote des citoyens va, à partir de cette proposition que les Allemands ont imposée à juste titre, permettre d'orienter l'exécutif européen, la Commission européenne. Ça c'est bien. Mais instaurer une double présidence, cela va inévitablement et à terme entraîner des conflits entre les deux présidents qui chacun se revendiqueront de leur légitimité. Il y a là une grave imprudence. J'espère que cette idée sera écartée. Par pitié, n'exportons pas à Bruxelles la cohabitation que nous avons eue tant de mal à extirper de Paris."
C'est une cohabitation ou est-ce que pour vous c'est du rafistolage ?
- "Ce n'est pas du rafistolage. On voit bien que deux options européennes s'opposent et je regrette que la France porte l'option la plus ... - comment va-t-on dire ? - souverainiste, parce que l'on voit bien dans l'affaire irakienne aujourd'hui, le drame de l'absence d'Europe. On voit bien que lorsque l'Europe n'existe pas ou parce que l'Europe n'existe pas, alors les Etats-Unis sont seuls sur la scène du monde, qu'ils sont en mesure d'imposer eux-mêmes leurs choix et que toutes les télévisions de la planète - on vient de le voir à l'instant - ne regardent qu'une seule chose : ce que sont les jugements de M. Bush. Moi, je veux pour mon pays, pour nous, pour notre société, qu'un jour, en face de M. Bush, il y ait une voix européenne ..."
Elle est pourtant en train de se mettre en place sur l'Irak.
- "On veut en mettre deux. Si on en met deux, on aura forcément une division et une faiblesse."
Vous ne sentez pas que l'Europe est en train de se mettre en place sur l'Irak ? Hier soir, par exemple, sur ce sujet, on a parlé d'approche identique de la France et de l'Allemagne ; le chancelier Schröder a été encore plus précis : il a dit qu'en aucun cas l'Allemagne ne participerait au conflit. Hier, J.-P. Raffarin ...
- "Et vous trouvez que c'est une position commune ?"
Non, mais ...
- "Vous voyez bien !"
...Puisqu'on parle d'approche identique.
- "Vous voyez bien que chacun défend sa propre position au lieu d'élaborer une position européenne en commun. Et Dieu sait que même la France et l'Allemagne, ensemble, c'est important mais il y a d'autres grands pays européens. Au lieu d'élaborer une position en commun, que tout le monde s'acharnerait à défendre ensemble, nous sommes quatre au Conseil de sécurité en ce moment, voyez le poids que ça pourrait avoir. Au lieu d'élaborer une position en commun chacun défend sa propre approche, et toutes sont dignes d'intérêt, mais en défendant chacun la sienne, chacun sa propre approche, au bout du compte on se condamne à compter moins. Je voudrais que la voix, notre voix, la voix des Européens, soit entendue et respectée à l'égal de la voix des Etats-Unis d'Amérique."
En attendant qu'une voix européenne existe, que souhaitez-vous que soit la voix de la France ? Est-ce qu'il faut un vote à l'Assemblée nationale, est-ce qu'il faut que la France comme l'Allemagne dise : " Non, en aucun cas nous ne participerons " ?
- "Il ne peut pas y avoir d'engagement des soldats français sans vote. Souvenez-vous, en 1991, lorsque M. Mitterrand était président de la République et qu'il y a eu la première guerre du Golfe, il y a eu un vote à l'Assemblée nationale, et j'ai voté la guerre parce qu'à l'époque il me paraissait insupportable qu'il y ait une attaque contre un pays souverain, le Koweït, une annexion sans que personne ne dise rien. Aujourd'hui, qu'est-ce que je souhaite ? Je souhaite d'abord que le Conseil de sécurité se prononce lui-même et deuxièmement, je souhaite qu'on ait une ligne claire, que je résume en six mots : pas de preuve, pas de guerre. Le sujet c'est bien les armes de destruction massive ; la communauté internationale a imposé à l'Irak des inspecteurs pour aller vérifier sur le terrain si, oui ou non, ces armes existaient. Si on laisse faire aux inspecteurs leur travail, et s'il n'y a pas de découverte de preuves, alors ce serait me semble-t-il céder à un grand risque pour le siècle qui vient que de voir un pays tout seul déclarer unilatéralement la guerre. Cela voudrait dire que c'est la loi de la force qui l'emporte, la loi du plus fort et non pas la loi du droit. Or si nous voulons un monde qui vive en sécurité et en équilibre, il faut que nous imposions la loi du droit international."
Est-ce que c'est ce que nous essayons de faire en Côte d'Ivoire ? Est-ce que vous considérez que la présence de la France là-bas devrait être couverte par un mandat de l'ONU ?
- "En tout cas c'est une présence d'urgence et à terme, il faut qu'un mandat de l'ONU couvre cette présence. Ce que je voudrais dire à propos des négociations qui s'ouvrent aujourd'hui, c'est qu'il faut à tout prix que la Côte d'Ivoire sorte du drame qu'elle est en train de vivre. Il y a des escadrons de la mort, il y a eu des assassinats politiques et nous ne pouvons pas accepter de soutenir des régimes qui couvrent de telles exactions. Ce que je souhaite c'est que la raison l'emporte et que peut-être une personnalité indépendante soit acceptée pour fédérer des camps si opposés et un pays en si grand danger."
Si je vous entends bien, vous souhaitez le départ de Gbagbo ?
- "Je ne dis pas les choses de cette manière, je ne suis pas Ivoirien et je ne fais pas d'ingérence. Je dis que des évènements très graves se sont produits en Côte d'Ivoire. Il faut à tout prix que l'on trouve une stratégie pour en sortir et non pas pour les pérenniser."
Une question sur les retraites. En France, c'est la grande réforme de ce début d'année, vous souhaitez un référendum ; est-ce que l'on peut faire un référendum sur des principes, est-ce qu'il ne faut pas poser des questions précises ?
- "Je souhaite que l'on fasse un référendum et un référendum sur les principes. Je dis qu'il n'y aura pas de réforme si les citoyens, vous et moi et 60 millions d'autres Français, ne sont pas directement consultés pour s'engager dans la réforme et l'imposer. L'idée que l'on pourrait faire la réforme des retraites au sommet, entre initiés, elle a déjà été ..."
"Par consensus", comme disent les socialistes.
- "Oui, on va voir, par consensus... Elle a déjà été essayée en d'autres temps, elle n'a pas marché, parce que si les citoyens ne sont pas invités à se prononcer eux-mêmes et à décider eux-mêmes, à ce moment-là, ils se retrouvent en situation uniquement de défenseur de leurs propres acquis. Si on ne leur donne pas l'impression que la justice va s'appliquer à tout le monde, si on ne leur garantit pas que tout le monde va participer à l'effort, alors chacun défend ses propres avantages. J'ai dit, hier, à F. Fillon et je dirai à chaque fois que possible au Gouvernement, que le seul moyen pour obtenir une vraie réforme, c'est de demander au peuple d'être lui-même le signataire de cette réforme."
C'est compliqué ...
- "Ce n'est pas compliqué. C'est tellement important, cela appartient à chacun d'entre nous. La retraite c'est l'affaire de tous les citoyens, il faut que tous les citoyens se prononcent."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 15 janvier 2003)