Déclaration de Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, sur l'aide aux victimes, notamment l'accueil, l'information et l'accompagnement sur le plan juridique et médico-social, Paris le 29 septembre 1999.

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Circonstance : Conseil national d'aide aux victimes à Paris le 29 septembre 1999

Texte intégral

3 millions et demi de nos concitoyens sont chaque année victimes d'une agression. Même si d'importants efforts ont été réalisés pour l'accueil, l'aide et le soutien, la prise en charge globale des conséquences pour ces victimes reste insuffisante et c'est à juste titre que le Ministère de la santé doit joindre ses efforts.
Dans un contexte de progression de l'insécurité, dans une période où nos concitoyens sont au quotidien confrontés à des actes de délinquance, l'aide aux victimes, qui est partie intégrante de la politique de sécurité, doit devenir une préoccupation persistante et transversale des pouvoirs publics.
Marie-Noëlle Lienneman l'a parfaitement montré, l'aide aux victimes est d'abord un enjeu humain majeur : c'est le droit à être reconnu, à être aidé, à connaître la vérité. Mais c'est aussi un enjeu de cohésion sociale et un enjeu de santé publique.
On ne peut laisser ces victimes sans défense sans assistance et sans accompagnement. Nous sommes ici au coeur de notre engagement : solidarité et intégration.
Le plus souvent ces personnes sont fortement traumatisées par l'agression dont elles ont été victimes.
Les dispositifs habituels d'information et d'indemnisation peuvent alors s'avérer insuffisants s'ils ne s'accompagnent pas d'une prise en charge psychologique et d'un suivi tout au long de la procédure pénale et même au-delà, bien souvent.
Pour ces victimes, le temps de la procédure est souvent vécue comme un nouveau traumatisme ; pendant plusieurs semaines, plusieurs mois, la victime est soumise à de multiples examens médicaux, expertises, auditions, confrontations, qui réactivent son anxiété et sa dépendance par rapport aux faits subits.
La procédure judiciaire peut alors apparaître à la victime d'avantage centrée sur l'auteur désigné que sur la réparation qui lui est due.
Que dire en plus lorsque cette victime est mineure, que les faits dénoncés s'inscrivent dans un contexte familial (maltraitance, inceste, ......) ?
Comment gérer au mieux le sentiment de culpabilité d'un jeune confronté aux conséquences d'avoir dénoncé son parent ?
Comment accompagner au mieux la jeune victime et sa famille lorsque le ou les parents sont poursuivis ?
Les réponses à ces questions nécessitent, vous le savez, des nombreuses et diverses compétences, une mobilisation rapide des institutions bien sûr, mais également des associations, des professionnels, de l'entourage familial, amical et du voisinage.
Il nous faut :
- améliorer la qualité de la réponse apportée par les services publics aux victimes en terme d'accueil, d'information et d'accompagnement,
- garantir l'ensemble des soins utiles aux victimes,
- améliorer la coordination,
- permettre un renforcement du rôle et des moyens du réseau associatif,
- mettre en place une politique de recherche, d'évaluation et de connaissance épidémiologique de ce phénomène encore trop mal connu,
- enfin, améliorer l'information de l'ensemble de la population sur ce thème dont personne n'est exempt.
Des progrès importants ont été réalisés sur le plan médico-social :
- un réseau national de l'urgence médico-psychologique permet de prendre en charge les victimes de catastrophes ou d'accidents collectifs. A l'échelon interrégional, il dispose de 7 cellules permanentes composées d'un psychiatre et d'un psychologue, renforcées au niveau départemental par des professionnels de santé volontaires,
- des pôles de référence régionaux sont maintenant en place pour améliorer l'accueil et la prise en charge d'abus sexuels,
Notre volonté est que tout établissement de santé doté d'un service d'accueil d'urgence, d'un service de pédiatrie, ou d'un service de gynéco-obstétrique, puisse être en mesure d'assurer la prise en charge sanitaire immédiate des victimes, ainsi que les actes nécessaires au dossier médico-légal mais aussi d'assurer la prise en charge médico-psychologique de la victime. Ces structures interviendront également pour renforcer l'information et la formation des professionnels. Comme prévu par la loi instaurant la couverture maladie universelle, les soins nécessaires à ces victimes d'abus sexuels seront pris en charge à 100% par l'assurance maladie.
- pour mieux agir et prévenir les pathologies consécutives aux traumatismes intenses subis par les victimes, nous devons aussi améliorer nos savoir-faire.
J'ai demandé à la Direction Générale de la Santé d'élaborer un protocole de bonnes pratiques sur la prise en charge des victimes et de réaliser une brochure de sensibilisation à destination des médecins généralistes, des pédiatres et des urgentistes au problème de la maltraitance. Ces documents seront disponibles dans les semaines qui viennent.
Avec cette mobilisation de nombreux efforts doivent encore être faits :
- l'hôpital doit jouer son rôle de soins et de proximité : nous voulons renforcer l'accueil et l'information en désignant au niveau de chaque établissement de santé un correspondant spécifique. Il devra permettre une orientation adaptée pour chaque victime consultant dans l'établissement, et s'assurer de la mobilisation du réseau impliqué dans l'aide aux victimes,
- nous devons mettre en oeuvre des actions de sensibilisation et de formation destinées non pas seulement aux médecins, mais à l'ensemble des professionnels impliqués dans l'aide aux victimes (infirmières, assistantes sociales, administratifs, ...), et pas seulement les médecins,
- il nous faut créer des permanences d'aide dans des locaux spécialement aménagés qui permettront de respecter les contraintes de l'examen médical et ceux de l'expertise qui doivent rester clairement dissociés,
- les conseils généraux seront mobilisés pour permettre la présence d'un travailleur social dans les commissariats et gendarmeries.
- enfin, dans un cadre expérimental, nous allons favoriser la création de centres thérapeutiques, post-traumatiques indépendants.
Les actions nombreuses, mais trop souvent éclatées et cloisonnées doivent maintenant faire l'objet d'une véritable politique interministérielle d'aide aux victimes.
Le Conseil National de l'Aide aux Victimes, lieu de coordination mais aussi d'enrichissement de la réflexion, constitue une étape importante d'affirmation et de mise en oeuvre de cette politique.
De l'action philanthropique à l'engagement individuel des professionnels sur le terrain, dont les efforts ne seront jamais assez salués, et dont nous ne nous passerons jamais, aujourd'hui nous entrons dans une phase nouvelle. C'est le mérite de Elisabeth GUIGOU qui s'appuyant sur le travail de Marie-Noëlle Lienneman d'avoir permis cette transition qui s'exprime aujourd'hui en volonté politique gouvernementale et qu'il me tient à coeur de relayer à titre personnel.

(Source http://www.sante.gouv.fr, le 03 décembre 1999).