Déclaration de Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, sur la non-prolifération des armes nucléaires et le soutien de la France à l'élaboration d'un code de conduite international contre la prolifération des missiles balistiques, La Haye le 25 novembre 2002.

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Circonstance : Conférence de lancement du code de conduite international contre la prolifération des missiles balistiques, à La Haye le 25 novembre 2002

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les Délégués,
Monsieur,
Je souhaite tout d'abord m'associer aux chaleureux remerciements qui vous ont été exprimés. Je félicite à mon tour le gouvernement des Pays-Bas pour l'efficacité et la compétence avec lesquelles nos travaux ont pu être menés ces derniers mois avec le concours du Danemark, à la suite de la présidence espagnole.
Les efforts consentis dans le monde pour prévenir les nouvelles menaces ont été décuplés depuis le 11 septembre. Pour autant, les défis actuels sont considérables. Face à ces défis, c'est à la communauté internationale tout entière de prendre ses responsabilités.
C'est à elle, en particulier, de veiller à l'intégrité du régime international de non-prolifération nucléaire. Face aux ambitions déstabilisatrices de pays comme la Corée du Nord ou l'Iraq, il nous faut résolument défendre les traités et les organisations chargées de les mettre en uvre. Ne nous y trompons pas : toute faiblesse de notre part risquerait d'affecter le principe même de la légalité internationale. Or, sans cette légalité, il ne saurait y avoir d'ordre mondial.
Monsieur le Président,
Le gouvernement français a fait de la non-prolifération une priorité de son action. La France est signataire de tous les instruments internationaux en la matière et soutient par exemple activement l'Organisation internationale des armes chimiques, qui a son siège à La Haye.
2003 est, pour cause de la non-prolifération, une année importante pour la France. Mon pays assumera en effet l'année prochaine la présidence du G8. A cette occasion, nous entendons donner un contenu au "Partenariat global contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs matières connexes" et nous annoncerons alors l'octroi d'une contribution financière significative à ce programme.
La France se veut aussi acteur à l'ONU en matière de non-prolifération. C'est ainsi que le président de la République, M. Jacques Chirac, a proposé que le Conseil de sécurité se réunisse en septembre 2003 au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement afin de traiter de la question.
Enfin, la France veut assumer sa pleine part dans le combat contre le fléau du terrorisme. La non-dissémination des armes de destruction massive et la sécurisation nécessaire des matières sensibles étant devenue plus que jamais impératives, la France soutient l'initiative en vue d'une Conférence sur la sûreté et la récupération des sources radioactives qui se tiendrait en 2003.
Monsieur le Président,
Notre détermination nous a conduit à soutenir, dès l'origine, l'idée de l'élaboration d'un Code de conduite international contre la prolifération des missiles balistiques. Ce soutien, grâce notamment à l'action de la France, a été relayé par l'Union européenne. Il est le fruit d'un constat et d'une conviction.
Depuis plusieurs années, en effet, force est de constater l'accroissement qualitatif et quantitatif des capacités balistiques. Conjuguée à la prolifération des armes de destruction massive, dont les missiles sont les vecteurs, cette évolution peut être une source majeure de déstabilisation. Nos efforts ne peuvent donc se limiter aux seules armes nucléaires, chimiques et biologiques elles-mêmes. Il fallait absolument s'atteler aussi à la question des missiles.
La France, l'Union européenne et les Etats promoteurs du Code de conduite ont donc agi par conviction : la conviction que la sécurité est basée sur la confiance. Dans son ouvrage "Droit de la paix et de la guerre", au 17ème siècle, le grand juriste Grotius, votre concitoyen, faisait valoir que le secret et la dissimulation étaient nécessaires à la guerre. Les rédacteurs du Code, que nous approuvons aujourd'hui, estiment de façon corollaire que la transparence des programmes balistiques est de nature à établir des relations de confiance entre Etats, et donc un gage de paix.
Monsieur le Président,
Ce Code de conduite, initié à Paris et dont les lignes fortes avaient été alors tracées par le président de la République française, est le fruit d'un large dialogue qui a permis à chacun de s'exprimer. La formule est originale par rapport aux autres instruments internationaux dans le domaine de la non-prolifération. S'il n'est pas, en effet, comme ceux-ci juridiquement obligatoire, il repose sur la disponibilité et la volonté des Etats de faire uvre utile pour garantir la sécurité de manière concertée.
C'est la souplesse de cette formule qui a permis à la communauté internationale de réaliser les avancées importantes que comporte ce Code. En particulier l'affirmation du principe de retenue dans le développement des arsenaux, la mise en place de mesures de transparence concernant les programmes balistiques et spatiaux ou encore l'institution d'un système de prénotification des essais de missiles. Beaucoup reste cependant à faire pour compléter et détailler encore davantage la nature et la portée des engagements contenus dans le Code. C'est au demeurant l'objet des travaux qui se dérouleront tant aujourd'hui que demain.
Un mot sur les mesures de transparence et le système de prénotification. Ces mesures sont, pour nous, le cur du dispositif. Elles sont la principale raison d'être de ce Code, et nous attachons donc une particulière importance à leur mise en uvre effective.
Monsieur le Président,
La tâche entreprise avec la rédaction de ce code n'est pas achevée. Plusieurs Etats hésitent encore à nous rejoindre. Or, je le dis ici avec une certaine solennité, ce Code a vocation à l'universalité. A défaut d'être d'application universelle, il risquerait de manquer son but. Ne perdons pas espoir de voir d'autres Etats nous rejoindre. Quant à la France, elle est fière d'avoir joué son rôle dans l'ouverture de ce processus. Elle souhaite maintenant uvrer pour son universalisation.
Ce code, c'est vital pour nous tous, doit devenir une référence générale en matière de non-prolifération des missiles balistiques, de par sa portée universelle, de par l'application qui en sera faite et, enfin, de par la reprise de ses dispositions dans la négociation d'instruments ultérieurs.
Pour conclure, j'aimerais citer Sigmund Freud dans son livre "malaise dans la civilisation" paru en 1929 : " Les hommes d'aujourd'hui ont poussé si loin la maîtrise des forces de la nature qu'avec leur aide, il leur est devenu facile de s'exterminer mutuellement jusqu'au dernier", écrit-il. Ce qui était vrai alors, et même hélas prémonitoire compte tenu des confits qui ont suivi, est encore plus vrai de nos jours eu égard au perfectionnement inouï des technologies de l'armement. Le Code de bonne conduite qui nous réunit ici prend alors tout son sens. Il constitue un début encourageant de réponse à la question du contrôle international de l'usage de ces technologies. Un contrôle sans lequel on ne pourrait plus être assuré qu'un très long avenir s'offre à l'humanité. Franchissons donc ce pas et espérons - le plus tôt sera le mieux - que notre Code deviendra véritablement universel.
Je vous remercie./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 novembre 2002)