Texte intégral
Comment expliquez-vous la dégradation du climat social ?
La multiplication des tensions sociales est manifeste. Ce qui est marquant, c'est la dimension unitaire des actions dans de nombreux secteurs. J'en veux pour preuve la mobilisation des routiers, les manifestations des électriciens et des gaziers, les mouvements prévus dans l'éducation nationale, à la SNCF... Et tout cela n'a rien à voir avec la préparation des élections prud'homales. Le gouvernement se trompe de diagnostic s'il pense que la montée de l'inquiétude et des mécontentements est liée à la proximité de ce scrutin.
Il y a un énorme fossé entre la réalité sociale actuelle et la représentation que s'en fait la majorité. Les responsables politiques de droite, comme ceux de gauche avant eux, sont enclins à minorer la gravité de la situation. Ils se comportent comme s'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter dès lors que les mouvements sociaux restent gérables médiatiquement et politiquement. Mais cela, c'est de l'aveuglement.
Pourquoi dites-vous que le gouvernement se trompe ?
Parce que l'insécurité sociale est plus forte que jamais. Cette insécurité-là s'est traduite politiquement, le 21 avril dernier, par un fort taux d'abstention, par un éparpillement des voix et par l'arrivée en seconde position de Le Pen au premier tour de l'élection présidentielle. Rien n'a été réglé. La précarité continue de se développer. Les trois quarts des moins de trente ans se trouvent dans une situation précaire. Soit parce qu'ils sont étudiants et doivent, pour 60 % d'entre eux, travailler pour financer leurs études, soit parce qu'ils sont en contrat à durée déterminée, font des petits boulots ou occupent des emplois fragiles dans des entreprises menacées.
On pourrait aussi mentionner la détérioration des conditions de travail, sensible dans de nombreuses enquêtes sur la montée du stress et dans les témoignages des médecins. Si l'on y ajoute la multiplication des plans de restructurations et de suppressions d'emplois, on voit bien que les clignotants virent au rouge dans tous les secteurs.
Que vous inspire la méthode Raffarin ?
Le gouvernement ne tient pas ses engagements en matière de concertation et de dialogue social. Quand des ministres ou des responsables de la majorité, comme Jacques Barrot, multiplient les déclarations qui nous mettent devant le fait accompli, cela ne relève ni de l'erreur de casting ni de la maladresse. Ils le font délibérément. Le ministre de la santé a fait savoir aux syndicats qu'il les recevrait trois quarts d'heure dans le cadre de la préparation du plan hôpital 2007. Trois quarts d'heures, mais cela ne rime à rien quand on connaît les difficultés des établissements hospitaliers ! Quand François Fillon prône l'allongement de la durée des cotisations pour la retraite et Francis Mer l'instauration de fonds de pension, que font-ils sinon apporter un soutien explicite aux revendications du Medef et exprimer un parti pris gouvernemental ? Ils plombent aussi en grande partie la future négociation.
Autre exemple de choix : la suspension de la loi de modernisation sociale. Quand nous avons rencontré le Medef, le 24 octobre, il nous a dit en substance que, si le gouvernement y tenait, il réunirait les syndicats mais qu'il n'y avait pas grand-chose à en attendre. Que fait le gouvernement pour faire pression sur le Medef ? Rien. Il en assumera la responsabilité politique.
Que peuvent les syndicats ?
Notre dernière enquête sur l'image des syndicats montre que la confiance et les attentes des salariés à l'égard du syndicalisme ont atteint un niveau inégalé depuis dix ans. Profitons-en ! Je ne crois pas à une réédition du mouvement de 1995 dans les mêmes formes, car nous sommes dans une autre configuration politique et syndicale. Je pense aussi qu'aucune organisation ne peut, à elle seule, créer un rapport de forces suffisant. Mais le pluralisme syndical doit être mis au service de l'unité. Les élections prud'homales seront bientôt derrière nous. Nous sommes tout à fait capables de faire des choses ensemble. Par exemple sur les retraites. Il serait maintenant irresponsable d'aller à la négociation sans avoir, au préalable, mobilisé les salariés.
(source http://www.tresor.cgt.fr, le 27 août 2003)
La multiplication des tensions sociales est manifeste. Ce qui est marquant, c'est la dimension unitaire des actions dans de nombreux secteurs. J'en veux pour preuve la mobilisation des routiers, les manifestations des électriciens et des gaziers, les mouvements prévus dans l'éducation nationale, à la SNCF... Et tout cela n'a rien à voir avec la préparation des élections prud'homales. Le gouvernement se trompe de diagnostic s'il pense que la montée de l'inquiétude et des mécontentements est liée à la proximité de ce scrutin.
Il y a un énorme fossé entre la réalité sociale actuelle et la représentation que s'en fait la majorité. Les responsables politiques de droite, comme ceux de gauche avant eux, sont enclins à minorer la gravité de la situation. Ils se comportent comme s'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter dès lors que les mouvements sociaux restent gérables médiatiquement et politiquement. Mais cela, c'est de l'aveuglement.
Pourquoi dites-vous que le gouvernement se trompe ?
Parce que l'insécurité sociale est plus forte que jamais. Cette insécurité-là s'est traduite politiquement, le 21 avril dernier, par un fort taux d'abstention, par un éparpillement des voix et par l'arrivée en seconde position de Le Pen au premier tour de l'élection présidentielle. Rien n'a été réglé. La précarité continue de se développer. Les trois quarts des moins de trente ans se trouvent dans une situation précaire. Soit parce qu'ils sont étudiants et doivent, pour 60 % d'entre eux, travailler pour financer leurs études, soit parce qu'ils sont en contrat à durée déterminée, font des petits boulots ou occupent des emplois fragiles dans des entreprises menacées.
On pourrait aussi mentionner la détérioration des conditions de travail, sensible dans de nombreuses enquêtes sur la montée du stress et dans les témoignages des médecins. Si l'on y ajoute la multiplication des plans de restructurations et de suppressions d'emplois, on voit bien que les clignotants virent au rouge dans tous les secteurs.
Que vous inspire la méthode Raffarin ?
Le gouvernement ne tient pas ses engagements en matière de concertation et de dialogue social. Quand des ministres ou des responsables de la majorité, comme Jacques Barrot, multiplient les déclarations qui nous mettent devant le fait accompli, cela ne relève ni de l'erreur de casting ni de la maladresse. Ils le font délibérément. Le ministre de la santé a fait savoir aux syndicats qu'il les recevrait trois quarts d'heure dans le cadre de la préparation du plan hôpital 2007. Trois quarts d'heures, mais cela ne rime à rien quand on connaît les difficultés des établissements hospitaliers ! Quand François Fillon prône l'allongement de la durée des cotisations pour la retraite et Francis Mer l'instauration de fonds de pension, que font-ils sinon apporter un soutien explicite aux revendications du Medef et exprimer un parti pris gouvernemental ? Ils plombent aussi en grande partie la future négociation.
Autre exemple de choix : la suspension de la loi de modernisation sociale. Quand nous avons rencontré le Medef, le 24 octobre, il nous a dit en substance que, si le gouvernement y tenait, il réunirait les syndicats mais qu'il n'y avait pas grand-chose à en attendre. Que fait le gouvernement pour faire pression sur le Medef ? Rien. Il en assumera la responsabilité politique.
Que peuvent les syndicats ?
Notre dernière enquête sur l'image des syndicats montre que la confiance et les attentes des salariés à l'égard du syndicalisme ont atteint un niveau inégalé depuis dix ans. Profitons-en ! Je ne crois pas à une réédition du mouvement de 1995 dans les mêmes formes, car nous sommes dans une autre configuration politique et syndicale. Je pense aussi qu'aucune organisation ne peut, à elle seule, créer un rapport de forces suffisant. Mais le pluralisme syndical doit être mis au service de l'unité. Les élections prud'homales seront bientôt derrière nous. Nous sommes tout à fait capables de faire des choses ensemble. Par exemple sur les retraites. Il serait maintenant irresponsable d'aller à la négociation sans avoir, au préalable, mobilisé les salariés.
(source http://www.tresor.cgt.fr, le 27 août 2003)