Déclaration de M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées, sur les conditions de la mise en oeuvre de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et l'accueil des personnes âgées dépendantes, Fontenay sous Bois le 17 juillet 2002.

Prononcé le

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Circonstance : Signature de la convention tripartite à la maison de retraite Hector Malot à Fontenay sous Bois le 17 juillet 2002

Texte intégral

Monsieur le Préfet,
Mesdames, Messieurs les Députés et Sénateurs,
Monsieur le Président du Conseil Général,
Messieurs les Maires,
Monsieur le Directeur,
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie, Monsieur le Maire, et vous, Monsieur le Président du Conseil Général du Val de Marne, pour votre accueil et vos propos liminaires. Je remercie également le personnel présent et les journalistes qui ont bien voulu nous accompagner.
Ma visite aujourd'hui est la première que j'effectue en qualité de ministre. C'est dire si elle revêt pour moi une importance particulière et si elle a un caractère fondateur, en quelque sorte.
A ce titre, j'ai souhaité qu'elle illustre la méthode qui sera la mienne, une méthode faite de réalisme, de proximité et d'écoute : regarder les problèmes en face, être au plus proche des réalités vécues et constamment à l'écoute attentive de tous, tel sera mon credo.
Pour ce premier déplacement, j'ai également voulu, notamment après les événements dont la presse s'est récemment faite l'écho, prendre contact avec des acteurs de terrain ; des acteurs qui, bien souvent, travaillent dans l'ombre, des acteurs dont on connaît le dévouement, mais des acteurs qui éprouvent des difficultés à accomplir leur mission.
Je voudrais tout d'abord rendre hommage à ce personnel, à ces femmes et à ces hommes dont la mission est ardue et rude, une mission qui demande beaucoup d'humanité, de dignité et de courage.
Certains me diront que j'aurais pu, communication oblige, choisir, pour cette première visite, une maison de retraite qui ne connaît aucun problème. Une telle structure aurait été très peu représentative de la réalité ; elle aurait occulté les difficultés que rencontrent la grande majorité des maisons de retraite dans notre pays.
J'ai choisi votre établissement parce qu'il doit faire face à d'importantes restructurations. Les locaux que je viens de voir, monsieur le directeur, ont besoin, en effet, chacun a pu le constater, d'être modernisés.
Je l'ai choisi également parce que c'est un établissement qui a décidé de répondre aux défis qui se posent à lui par un projet, un projet innovant, un projet d'envergure, que je tenais à saluer.
Et de manière générale, dans le domaine des personnes âgées, les défis, nous n'en manquons pas.
Je vois pour ma part trois grandes priorités, trois orientations majeures.
La première orientation concerne la place de la personne âgée dans la société et la définition d'une véritable politique intergénérations. Il faut montrer à tous que les personnes âgées sont une chance : elles peuvent apporter énormément d'énergie à la vie associative, au soutien scolaire. Elles peuvent créer des manifestations culturelles, sportives. Je prendrai des initiatives avec mes collègues du Gouvernement pour encourager et accompagner ceux qu'on appelle aussi les seniors à tenir toute leur place dans la vie sociale de nos territoires urbains ou ruraux.
Ma deuxième ambition consistera à apporter des réponses pratiques et simples aux personnes âgées pour faciliter leur vie quotidienne. Nous mettrons tout en uvre pour que de véritables services de proximité leur soient proposés et pour les sensibiliser sur les questions de prévention sanitaire.
C'est à ce titre que je viens de diffuser une circulaire demandant aux préfets d'adresser aux établissements concernés des recommandations sur la qualité de prise en charge des personnes âgées pendant la période d'été fondées sur des recommandations simples et pratiques liées à leur alimentation et aux besoins de leur organisme.
Ce ne sont que des rappels mais ceux-ci ne sont pas inutiles en cette période estivale.
Améliorer la vie quotidienne, c'est aussi tout faire pour assurer le maintien à domicile des personnes âgées, c'est promouvoir des alternatives au placement en maison de retraite comme le séjour temporaire ou encore l'accueil de jour que nous avons visité tout à l'heure à la Dame Blanche.
Améliorer la vie quotidienne, ce sera aussi, probablement réfléchir à un programme de rénovation, de mise aux normes de sécurité et d'accessibilité des maisons de retraite.
Le site d'Hector Malot que je viens de visiter constitue l'illustration d'une inadaptation d'une partie des établissements aux conditions de vie imposées par la perte d'autonomie du fait de l'évolution importante des besoins des personnes âgées. De nombreuses opérations de rénovation réalisées ces dernières années dans des conditions minimales doivent être reprises : la taille des chambres, l'implantation des sanitaires, les circulations inadaptées pour le passage des fauteuils ou de lits, l'absence ou l'insuffisance des zones de vie semi collectives....
Je tiens à ce que la réflexion sur ce point soit poussée et dès qu'elle aura progressé, j'effectuerai des propositions concrètes d'amélioration du cadre de vie des résidents.
Je tiens à vous dire que je trouve pour ma part intolérable d'en arriver à la fermeture d'un établissement parce que la personne âgée n'a pas été au centre des préoccupations de ceux qui les ont conçus et leur sécurité mal assurée.
Au-delà des orientations générales dont je viens de vous faire part, je souhaite évoquer devant vous quelques-uns des chantiers auxquels nous devons collectivement nous atteler au cours des mois à venir et qui constituent ensemble ma troisième priorité.
Il s'agit plus particulièrement :
1/ de conditions de mise en uvre de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA)
2/ de la réforme de tarification
3/ de la maladie d'Alzheimer : le renforcement du dépistage, l'accompagnement des familles, le programme de maintien des structures spécialisées seront au cur de mes préoccupations.
Six mois après de début de mise en uvre de l'APA quelques constats s'imposent :
* La montée en charge de la prestation est bien plus rapide que prévue puisque globalement, plus de 600 000 demandes ont été enregistrées et 220 000 prestations octroyées fin mai à titre individuel. Il était prévu initialement
800 000 demandes pour 2004 ! ! !
On sait aussi que de nombreux bénéficiaires de la prestation spécifique dépendance (PSD) en établissement voient leur charge mensuelle progresser de plus de 300 euros par mois dans certains cas, charge que l'APA ne peut pas compenser. Ils sont près de 30 000 dans ce cas. Le principe de neutralisation de ce surcoût au profit des personnes âgées et de leurs familles a été décidé avant mon arrivée sans que les modalités de financement ne soient arrêtées. Il faut trouver aujourd'hui 250 MF de compensation soit 36 millions d'euro.
Depuis ma nomination, je m'attache à essayer de dégager les moyens financiers à cette fin.
* Autre constat, l'afflux de demandes se traduit par une saturation des services instructeurs des conseils généraux, notamment, liée aux difficultés de constitution des équipes médico-sociales.
* Nous observons également que l'offre d'intervenants à domicile qualifiés est insuffisante face à la pression de la demande. Tous les leviers de nature à favoriser le développement de la professionnalisation et le recrutement de ces intervenants seront mobilisés au plan local.
* Enfin, l'impact financier de la réforme devrait avoisiner fin 2003, 4 milliards d'euro bien loin des évaluations initialement prévues que l'on peut qualifier d'irréaliste.
C'est pourquoi, sans attendre l'évaluation globale du dispositif prévu par le législateur en 2003, avec François FILLON nous avons décidé, en liaison avec les principaux partenaires concernés, de réaliser un bilan intermédiaire au cours de l'été, un point d'étape qui, sur la base des données quantitatives et qualitatives recueillies, doit nous permettre de :
- mieux évaluer les difficultés rencontrées ;
- disposer d'une projection 2002-2003 ;
- et, sur cette base, de définir les solutions à mettre en uvre.
Celles-ci devront atteindre l'objectif de sauvegarde d'une prise en charge adaptée et de qualité de la dépendance.
Dans cette enceinte et eu égard au contexte de ma visite, je souhaite, naturellement, préciser mes intentions à l'égard de la réforme de la tarification.
Vous le savez ; l'enjeu de cette réforme est d'importance :
- sur un simple plan quantitatif, 8 000 établissements accueillant près de 600 000 personnes âgées sont concernés.
- Mais surtout, et j'insiste, les objectifs majeurs qui la fondent doivent contribuer, de manière déterminante, à l'amélioration du service des personnes âgées hébergées ce qui constitue le sens même de mon engagement.
Trois mots clés résument mes intentions : Qualité, Egalité, Clarté :
* Qualité à travers l'engagement d'une démarche de progrès à laquelle chaque établissement est convié.
* Egalité à travers la démarche de convergence tarifaire et la correction du caractère inéquitable de l'allocation actuelle de ressources de l'assurance maladie.
* Clarté par une identification précise des coûts (Hôtellerie, Soins, Dépendance) avec la mise en place de sections tarifaires distinctes et étanches et par la reconnaissance du champ de compétences de chaque financeur.
Force est de constater que plus de 5 ans après, la mise en uvre de cette réforme est laborieuse et connaît des difficultés que traduit le rythme particulièrement lent de signature des conventions tripartites. 600 conventions ont été signées à ce jour. Une supplémentaire sera signée cet après-midi grâce à vous et je voudrais à cet égard saluer particulièrement la DDASS du Val de Marne qui a grandement uvré à mettre en lumière les difficultés rencontrées sur ce site et à mobiliser les acteurs pour faire évoluer la situation. Mais au total cela représente moins de 10 % de l'objectif à atteindre.
Plusieurs facteurs expliquent, semble-t-il, cette situation. Mais je ne vais pas les détailler et ne souhaite en retenir qu'une seule, c'est la complexité du système mis en place.
Ma volonté est de travailler dans le cadre d'un dialogue approfondi avec vos organisations, l'Assemblée des Départements de France (ADF) et l'Assurance Maladie, à simplifier tout ce qui peut l'être.
Comme pour l'APA, un bilan intermédiaire sera réalisé au cours de l'été afin que tous les enseignements puissent être tirés d'ici le mois de septembre.
Dans les propositions que je formulerai, je garderai à l'esprit plusieurs préoccupations :
* améliorer le service pour l'usager, et maîtriser la charge qui incombe à la personne âgée ;
* affirmer l'exigence de qualité ;
* permettre un engagement plus rapide des enveloppes de médicalisation ;
* traiter quelques chantiers spécifiques comme :
- les conditions d'exercice des professionnels libéraux en établissements ;
- la question des petits établissements et des logements foyers ou encore la formation des médecins coordonnateurs.
Compte tenu des enjeux, je me félicite donc de pouvoir signer ici même une convention mettant en uvre cette importante réforme.
En conclusion, je vous dirai que le secteur des personnes âgées a connu ces derniers temps une multitude de réformes dont certaines, d'ailleurs, ont permis d'améliorer sensiblement leur situation, tant dans le maintien à domicile que dans le placement en établissement.
On peut toutefois regretter le fait que les moyens nécessaires à la mise en uvre de ces mesures soient loin d'être à la hauteur des ambitions affichées c'est le moins qu'on puisse dire et que la complexité des dispositifs mis en place en limite la portée.
De ce fait, la situation est aujourd'hui problématique et impose un certain nombre de correctifs.
Sur le plan financier, pour la seule Aide Personnalisée à l'Autonomie (APA), il nous faut trouver des financements à hauteur de 6,5 milliards de francs, soit près de un milliard d'euro.
Dans ce contexte, il serait suicidaire d'alourdir encore " l'ardoise " que nous ont laissé nos prédécesseurs en nous lançant dans de nouvelles réformes d'envergure qui ne pourraient que se limiter à un effet d'annonce.
La démarche que je souhaite conduire à la tête du Ministère qui m'a été confié, se veut essentiellement pragmatique et elle a pour principal objectif de redonner au traitement des personnes âgées toute l'humanité nécessaire.
Il s'agit donc avant tout de nous donner les moyens d'agir sur leur bien être au quotidien, de prendre en compte leur situation individuelle, leurs conditions de vie non seulement matérielles (hébergement, soin), mais aussi et surtout leur condition psychologique, morale et affective, souvent malheureusement très détériorée.
C'est aujourd'hui un véritable droit à la dignité qu'il faut réhabiliter.
Celui-ci nécessite la mise en place, tant en établissement qu'à domicile, des moyens d'évaluation, de contrôle et de soutien humain supplémentaires.
Un effort sur le développement des structures de formation du personnel,
Un renforcement de l'attractivité de ses métiers,
L'appel du bénévolat et une forte mobilisation nationale en ce sens,
Le rapprochement des générations,
Le développement de l'insertion vers les emplois de proximité,
Sont autant de pistes sur lesquelles mon équipe de conseillers travaille actuellement.
Ne nous contentons pas de grandes déclarations démagogiques ou de grands dispositifs nationaux qui n'auraient pour effet que de nous donner bonne conscience.
Ayons le courage et la volonté d'aller regarder la vérité en face.
Allons sur le terrain rencontrer les personnes âgées, mesurer leurs difficultés,
Et ayons pour eux le respect que l'on doit à nos parents ou à nos grands-parents.
Mener un véritable combat contre :
- la non assistance,
- la solitude,
- les situations d'abandon,
- la détresse morale,
Voilà quelle sera ma ligne de conduite.
Vous l'aurez compris : je ne suis pas là pour couper des rubans mais j'ai l'ambition de faire bouger les choses.
Et j'entends bien y mettre toute mon énergie car une société qui ne respecte pas ses anciens est une société qui ne se respecte pas.
(source http://www.social.gouv.fr, le 19 novembre 2002)