Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
C'est une réelle satisfaction d'être avec vous ce matin à l'ouverture de ce congrès de l'Union des associations. Nous fêtons cette année, le cinquantenaire des premières composantes de l'Union des associations. Votre rencontre ambitieuse avec un programme chargé, étalé sur deux jours, s'inscrit dans la continuité du colloque, réuni hier dans cette même enceinte autour du Premier ministre pour les auditeurs de l'actuelle session. Cette rencontre représente, ainsi, cette complémentarité exemplaire, qu'il convient de faire vivre, entre l'IHEDN et les associations d'auditeurs. Vous avez, Monsieur le président, évoqué leur mission.
Il revient aux auditeurs, individuellement et au sein d'associations, d'actualiser leurs connaissances et de poursuivre des études relatives aux questions de Défense. Les auditeurs de l'IHEDN doivent, en outre, pleinement contribuer, sous des formes diverses et faisant appel à leur initiative, au développement de l'esprit de Défense dans notre pays. Cette participation fondamentale au maintien d'un lien fort entre la Nation et sa Défense, trouve aujourd'hui un sens évidemment particulier, et renouvelé par le contexte de la professionnalisation de nos forces et de la construction de l'Europe de la Défense. Il s'agit de deux orientations majeures de notre politique. A la suite du Premier ministre, qui intervenait hier pour rappeler les fondements de notre politique de Défense devant les auditeurs de l'actuelle promotion, il est utile de revenir sur ces deux priorités de l'action gouvernementale.
Intéressons nous, tout d'abord, à la professionnalisation. La réforme de nos armées est maintenant bien engagée, trois ans après la décision du président de la République d'engager nos forces dans la voie de la professionnalisation. Cette réforme est bien comprise, à la fois par les personnels, les militaires, et notamment les officiers, et par l'ensemble de notre société. Les analyses d'opinion viennent régulièrement le démontrer : la réforme de nos armées est très largement soutenue au sein de la population française. Certes, le renvoi des missions de Défense à des professionnels peut, naturellement, entraîner une certaine distanciation, comme au moment des opérations au Kosovo. Mais il a, cependant, démontré que le sentiment de solidarité de la Nation vis-à-vis de nos forces, de nos militaires lorsqu'ils sont en action, n'était pas affaibli par la relation entre la société française et les professionnels. L'adaptation de nos forces au nouveau contexte stratégique et aux nouvelles missions qui en découlent, est en bonne voie de réalisation. Nous avons justement vérifié cette orientation en faisant le bilan de notre participation aux différentes actions récentes, que ce soit la projection au Timor ou l'ensemble des opérations au Kosovo. Certes, des imprévus et des facteurs momentanés de perturbations pourraient apparaître au sein de notre communauté de Défense d'ici la fin de l'année 2002. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il est important de développer et de moderniser les mécanismes de concertation qui permettent de vérifier ce qui se passe en temps réel. Ce processus aboutira et réussira car la volonté de mener à bien cette réforme est partout présente. La capacité de relever le défi du changement est un des atouts majeurs de nos armées. Le gouvernement est déterminé à poursuivre sereinement cette modernisation de notre Défense qui contribue à l'autorité et à l'influence de notre pays, notamment en Europe. Une partie essentielle du chemin a, d'ores et déjà, été parcourue.
Au travers des lois de finances 1998 et 1999, ce gouvernement a consacré les moyens nécessaires à la poursuite et à la réussite de la réforme, en adéquation avec les objectifs fixés dans la loi de programmation. Cet effort financier sera poursuivi l'an prochain. Le projet de loi de finances pour
2000, prochainement présenté devant le Parlement, s'inscrit dans la continuité des efforts entrepris depuis mon arrivée au ministère. Les 8 300 emplois de militaires du rang créés en l'an 2000, permettront de porter le taux de professionnalisation de cette catégorie de personnels à 66 %. Le recrutement de volontaires va donc s'intensifier en 2000, en adéquation avec la programmation, puisque 6 500 emplois seront créés contre 4 700 cette année. La diminution des effectifs d'appelés restera de l'ordre de 35 000 comme cette année. La réduction très limitée des effectifs d'officiers et celle, un peu plus importante, de sous-officiers ont été poursuivies dans l'ordre. La communauté militaire manifeste une bonne compréhension de ces mesures. En outre, les crédits d'accompagnement de la professionnalisation sont en augmentation pour favoriser les évolutions d'effectifs, notamment par les aides au départ, les actions d'adaptation et de soutien aux restructurations sur le plan territorial. Une nouvelle augmentation des crédits consacrés aux réserves - le projet de loi sur les réserves a définitivement été adopté par le Parlement la semaine dernière - va probablement être promulguée la semaine prochaine. Nous avons donc achevé le programme législatif, engagé voici deux ans, pour fonder la nouvelle Défense. La suspension d'appel sous les drapeaux, la création du parcours citoyen pour tous, la modernisation des réserves et la professionnalisation des forces sont des réformes maintenant en vigueur.
La journée d'appel de préparation à la Défense, tenue le 9 octobre dernier et ouverte aux élus, a permis de constater la mise en uvre désormais satisfaisante de ce volet essentiel du parcours de citoyenneté. Six cents mille jeunes hommes ont bénéficié de cette journée de contact direct avec la Défense. Nous allons ouvrir le dispositif aux jeunes filles, le printemps prochain. Dans le prolongement de l'enseignement de la Défense à l'école - qui est aussi une première -, cette journée permet à la jeunesse de se former une opinion personnelle et débattue sur les questions de Défense les plus fondamentales. La connaissance de ces éléments est indispensable à l'accession d'une citoyenneté responsable dans une démocratie. Ces jeunes auront, tôt ou tard, à se prononcer, en tant que citoyens, sur des enjeux de conflits et sur la perception de situations d'affrontement. Il est alors important qu'ils aient un contact direct avec la communauté militaire. Le volet scolaire du parcours de citoyenneté est maintenant ouvert. Les manuels d'instruction civique de troisième comprennent un enseignement de Défense généralement de qualité. Il va être étendu aux classes de seconde à la rentrée 2000. Est ici illustré le fait que deux institutions de notre République, la Défense et l'Education nationale - que l'histoire n'a pas toujours rapproché - travaillent aujourd'hui de concert à des fins de citoyenneté parce que les pouvoirs publics en ont affiché la volonté politique déterminée.
Les trinômes académiques, qui atteignent leur dixième année d'existence, ont, dans ce domaine, une légitimité et un champ d'action renouvelés. Ces trinômes ont su tirer parti de la diversité de leur composition. L'association dans chaque académie, d'anciens auditeurs de l'IHEDN, de représentants de l'Education nationale désignés par leur recteur et de représentants du ministère de la Défense, constitue une force de réflexion et de propositions. Elle réprésente un relais d'opinion particulièrement précieux dans les actions qui concourent au renforcement du lien Nation-Armée. Leur activité doit se développer. Il faut soutenir l'action des pouvoirs publics en matière de formation du corps enseignant aux questions de Défense et favoriser une meilleure connaissance mutuelle entre la société et la Défense. Je reste donc tout à fait décidé, ainsi que mes collègues Claude Allègre et Ségolène Royal, à aider les trinômes d'académie.
Vous est ici offerte l'occasion de revenir sur votre rôle d'association d'auditeurs de l'IHEDN. Il vous revient, chacun à votre place, de faire vivre ce lien entre la Nation et son armée, maintenant rénové. Il vous faut jouer tout votre rôle au sein du nouveau dispositif, centré sur le secrétariat d'Etat à la Défense dont, suite à la réforme du département des Anciens combattants, les attributions ont été élargies aux actions en faveur de ce lien. Notre action au service d'une ouverture accrue de nos armées sur la société et d'une meilleure connaissance par nos concitoyens des enjeux de la Défense, doit prendre pleinement en compte une dimension nouvelle de notre politique de Défense : l'Europe.
La construction de l'Europe de la Défense est, aujourd'hui, l'un des principaux objectifs de notre politique étrangère. Les opérations militaires menées de concert au Kosovo viennent de montrer la volonté des alliés de prendre collectivement toutes leurs responsabilités dans la gestion des crises, conformément à leurs valeurs et à leurs intérêts. Il mettent en uvre les moyens militaires nécessaires à cette fin. Ces événements nous ont, en même temps, rappelé le chemin qu'il reste à parcourir pour doter l'Europe de capacités militaires autonomes significatives. La question de notre capacité à agir, lorsque nos alliés d'outre-Atlantique décident de ne pas participer militairement aux opérations, est donc ainsi posée de façon évidente. Cette question n'est pas théorique, car les Etats-Unis ne pourront pas, sans inconvénient croissant, porter seuls la charge de super-puissance directement confrontée à toutes les crises sur les cinq continents. Nous l'avons observé à différentes reprises, sur différents épisodes et sur des manifestations - au demeurant tout à fait compréhensibles - de saturation, du moins de filtrage des situations dans lesquelles il convient d'intervenir ou non, par les autorités américaines et notamment par le Congrès. Nous avons été témoins, avec quelques inconvénients d'ailleurs, de la fonction de délégation renvoyée, en quelque sorte, par les Etats-Unis à l'Australie dans le cadre de la gestion de la crise du Timor. Pourquoi des inconvénients ? Parce que la tâche de nation-pilote assumée par nos amis australiens a été rendue plus délicate vis-à-vis des pays de la région qui acceptaient difficilement de se trouver finalement encadrés par une force ayant une situation de suppléant désigné, en quelque sorte, par les Etats-Unis. Cet épisode, ainsi que certains votes du Congrès pendant le conflit du Kosovo - votes extrêmement serrés - illustrent l'idée, qui peut encore paraître un peu rhétorique quand nous parlons de l'Europe de la Défense, que nous pourrions avoir à agir alors que les Etats-Unis ne souhaiteraient pas s'engager. Cette idée se rapproche de la réalité. Cette entreprise a, depuis quelques mois, connu des avancées concrètes.
Le sommet franco-britannique de Saint-Malo, en décembre dernier, celui de Cologne - donc de l'Union européenne - en juin, ont marqué la détermination des gouvernements britanniques et français, puis de l'ensemble des 15 partenaires de l'Union au niveau le plus élevé, de doter l'Europe d'une capacité autonome en matière de Défense. Ces avancées politiques ont été rendues possibles par la levée de certains blocages traditionnels. Soulignons, en particulier, l'importance historique de l'infléchissement de la position britannique, décidé voici déjà plusieurs mois par le Premier ministre Tony Blair. La déclaration de Saint-Malo traduit, en effet, la prise de conscience par les Britanniques - certes antérieure, mais traduite dans les actes à Saint-Malo - de la nécessité de participer pleinement au développement de la dimension politique de l'Union. Cette prise de conscience est un retournement et une inflexion importante de la position britannique traditionnelle. Dans la conduite des discussions bilatérales qui progressent entre les Britanniques et nous, l'impulsion personnelle du Premier ministre reste, d'ailleurs, importante. Nous devons également nous féliciter de l'évolution de la position de nos partenaires allemands en matière de Défense et de participation aux opérations militaires à l'extérieur. Cette évolution n'est pas aussi rapide et radicale. Elle a commencé, approximativement, au début de la décennie. La réforme constitutionnelle permettant à l'Allemagne fédérale de s'engager dans des opérations extérieures, dans un cadre multinational, a eu lieu en 1994. La véritable participation de nos amis allemands à l'action, vient, aujourd'hui, indéniablement renforcer la crédibilité du projet d'Europe de la Défense. Il existe, en effet, plusieurs piliers solides déterminés à participer à l'action.
La position française vis-à-vis de l'Alliance atlantique s'est également précisée. La façon dont nous avons su prendre nos responsabilités dans la crise du Kosovo, notre capacité à prendre en charge le commandement de la force d'extraction en Macédoine - confiée par les alliés -, l'importance de notre participation aux opérations aériennes, puisque nous étions le premier contributeur d'Europe, ont démontré notre aptitude à coopérer efficacement sur le terrain avec nos alliés. Nous gardons, par conséquent, notre position politique particulière au sein de l'Alliance. Mais elle cesse d'être perçue par nos partenaires, comme un obstacle à l'action commune. Notre détermination dans ces circonstances représentait une garantie supplémentaire, vis-à-vis de nos alliés, que la France conservait, certes, son désir d'originalité, mais qu'elle était un allié loyal et déterminé. Cette déclaration du Conseil européen de Cologne, le 4 juin dernier, renforçant la politique européenne commune en matière de sécurité et de défense, constitue le début de la charte d'émergence d'un consensus entre partenaires européens. Nous sommes maintenant confrontés à la partie peut-être la plus difficile : comment poursuivre sur cette voie ?
Nous avons à faire vivre, sur le plan politique, les acquis de Saint-Malo et de Cologne. La rénovation de l'Alliance atlantique et l'affermissement de son pilier européen sont à encourager. Le plan d'action adressé par la France à la présidence finlandaise de l'Union, au mois de juillet dernier, souligne ce point. Il nous incombe, néanmoins, d'insister auprès de nos partenaires européens pour traduire concrètement l'engagement commun par des capacités d'action autonomes. Une conception trop restrictive de la non duplication des forces entre l'Union et l'OTAN risque, en effet, de vider de leur sens les avancées politiques de ces derniers mois. L'Europe de la Défense que nous voulons ne saurait rester unilatéralement dépendante des forces de l'OTAN. Inversement, agir sans prendre en compte les capacités stratégiques offertes par l'Alliance et méconnaître l'engagement de défense commune qui est à sa base, nous conduirait à l'échec. Il existe, à ce propos, une assez grande sérénité de notre opinion intérieure sur ce sujet. Pourtant naguère, il s'agissait d'un sujet encore controversé. Dans la ligne des engagements pris à Cologne, nous participons actuellement à la réflexion, autour de nos capacités communes à développer, en matière de renseignement, de projection, de soutien commun, de commandement et de contrôle. Les axes du projet politique y sont dégagés. Nous avons du travail concret de mise en uvre et il faut aussi faire prendre conscience à nos concitoyens de l'enjeu que représente, pour l'avenir de notre Défense, la dimension européenne.
La construction de l'Europe de la Défense répond aux attentes de nos opinions qui refusent de voir notre continent - alors qu'il émerge progressivement comme puissance politique au niveau international - impuissant devant des actes de barbarie commis à nos portes. Le soutien de l'opinion doit être, en ce sens, consolidé et nourri, car il sera le plus sûr garant de la continuation des efforts mis en uvre depuis un an. Ce soutien était, en tout cas, évident dans la plupart des pays d'Europe et spécifiquement dans le nôtre au moment du conflit au Kosovo. Il incombe évidemment à la responsabilité de tous les leaders d'opinion de faire en sorte que ceci ne s'affadisse pas à mesure que la crise s'éloigne. La France reste, en tout cas, mobilisée sur ce grand dossier alors que des étapes importantes s'annoncent, notamment dans les deux mois à venir : le sommet franco-britannique, juste un an après Saint-Malo, et le sommet franco-allemand, vont immédiatement précéder le nouveau Conseil européen d'Helsinki en décembre. Ces rendez-vous ont pour vocation de permettre des rapprochements efficaces de points de vue sur les modalités concrètes de l'Europe de la Défense.
Vos associations d'auditeurs joueront un rôle dans l'animation du débat, parmi nos concitoyens, sur les priorités du chantier européen et dans la promotion, au sein de notre société, de ces avancées concrètes. La citoyenneté, sans laquelle la liberté ne saurait être durablement assurée, doit être défendue dans une période souvent caractérisée par l'individualisme et le repli sur soi. L'Etat entend jouer son rôle au service de la diffusion des valeurs citoyennes dans notre société, mais il a besoin du concours des forces vives de la Nation. Il a notamment besoin de ceux qui veulent s'engager sur le plan civique pour faire entendre son message et pour le faire partager. Les associations issues de, ou attachées à, la communauté de Défense, en particulier, ont pour mission d'accompagner les efforts des pouvoirs publics pour promouvoir le lien entre la Nation et sa Défense. Je sais pouvoir compter sur votre sens du devoir et sur votre capacité à prendre des initiatives, tant à destination de nos concitoyens que dans nos relations avec l'extérieur, pour donner un sens à notre Défense et à celle de l'Europe. Votre congrès est, pour vous, l'occasion de vous rassembler, de réfléchir et de débattre autour des nombreuses directions dans lesquelles votre action devra s'orienter. Je vous souhaite donc plein succès et vous remercie de votre attention.
(source http://www.défense.gouv.fr, le 17 novembre 1999)
C'est une réelle satisfaction d'être avec vous ce matin à l'ouverture de ce congrès de l'Union des associations. Nous fêtons cette année, le cinquantenaire des premières composantes de l'Union des associations. Votre rencontre ambitieuse avec un programme chargé, étalé sur deux jours, s'inscrit dans la continuité du colloque, réuni hier dans cette même enceinte autour du Premier ministre pour les auditeurs de l'actuelle session. Cette rencontre représente, ainsi, cette complémentarité exemplaire, qu'il convient de faire vivre, entre l'IHEDN et les associations d'auditeurs. Vous avez, Monsieur le président, évoqué leur mission.
Il revient aux auditeurs, individuellement et au sein d'associations, d'actualiser leurs connaissances et de poursuivre des études relatives aux questions de Défense. Les auditeurs de l'IHEDN doivent, en outre, pleinement contribuer, sous des formes diverses et faisant appel à leur initiative, au développement de l'esprit de Défense dans notre pays. Cette participation fondamentale au maintien d'un lien fort entre la Nation et sa Défense, trouve aujourd'hui un sens évidemment particulier, et renouvelé par le contexte de la professionnalisation de nos forces et de la construction de l'Europe de la Défense. Il s'agit de deux orientations majeures de notre politique. A la suite du Premier ministre, qui intervenait hier pour rappeler les fondements de notre politique de Défense devant les auditeurs de l'actuelle promotion, il est utile de revenir sur ces deux priorités de l'action gouvernementale.
Intéressons nous, tout d'abord, à la professionnalisation. La réforme de nos armées est maintenant bien engagée, trois ans après la décision du président de la République d'engager nos forces dans la voie de la professionnalisation. Cette réforme est bien comprise, à la fois par les personnels, les militaires, et notamment les officiers, et par l'ensemble de notre société. Les analyses d'opinion viennent régulièrement le démontrer : la réforme de nos armées est très largement soutenue au sein de la population française. Certes, le renvoi des missions de Défense à des professionnels peut, naturellement, entraîner une certaine distanciation, comme au moment des opérations au Kosovo. Mais il a, cependant, démontré que le sentiment de solidarité de la Nation vis-à-vis de nos forces, de nos militaires lorsqu'ils sont en action, n'était pas affaibli par la relation entre la société française et les professionnels. L'adaptation de nos forces au nouveau contexte stratégique et aux nouvelles missions qui en découlent, est en bonne voie de réalisation. Nous avons justement vérifié cette orientation en faisant le bilan de notre participation aux différentes actions récentes, que ce soit la projection au Timor ou l'ensemble des opérations au Kosovo. Certes, des imprévus et des facteurs momentanés de perturbations pourraient apparaître au sein de notre communauté de Défense d'ici la fin de l'année 2002. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il est important de développer et de moderniser les mécanismes de concertation qui permettent de vérifier ce qui se passe en temps réel. Ce processus aboutira et réussira car la volonté de mener à bien cette réforme est partout présente. La capacité de relever le défi du changement est un des atouts majeurs de nos armées. Le gouvernement est déterminé à poursuivre sereinement cette modernisation de notre Défense qui contribue à l'autorité et à l'influence de notre pays, notamment en Europe. Une partie essentielle du chemin a, d'ores et déjà, été parcourue.
Au travers des lois de finances 1998 et 1999, ce gouvernement a consacré les moyens nécessaires à la poursuite et à la réussite de la réforme, en adéquation avec les objectifs fixés dans la loi de programmation. Cet effort financier sera poursuivi l'an prochain. Le projet de loi de finances pour
2000, prochainement présenté devant le Parlement, s'inscrit dans la continuité des efforts entrepris depuis mon arrivée au ministère. Les 8 300 emplois de militaires du rang créés en l'an 2000, permettront de porter le taux de professionnalisation de cette catégorie de personnels à 66 %. Le recrutement de volontaires va donc s'intensifier en 2000, en adéquation avec la programmation, puisque 6 500 emplois seront créés contre 4 700 cette année. La diminution des effectifs d'appelés restera de l'ordre de 35 000 comme cette année. La réduction très limitée des effectifs d'officiers et celle, un peu plus importante, de sous-officiers ont été poursuivies dans l'ordre. La communauté militaire manifeste une bonne compréhension de ces mesures. En outre, les crédits d'accompagnement de la professionnalisation sont en augmentation pour favoriser les évolutions d'effectifs, notamment par les aides au départ, les actions d'adaptation et de soutien aux restructurations sur le plan territorial. Une nouvelle augmentation des crédits consacrés aux réserves - le projet de loi sur les réserves a définitivement été adopté par le Parlement la semaine dernière - va probablement être promulguée la semaine prochaine. Nous avons donc achevé le programme législatif, engagé voici deux ans, pour fonder la nouvelle Défense. La suspension d'appel sous les drapeaux, la création du parcours citoyen pour tous, la modernisation des réserves et la professionnalisation des forces sont des réformes maintenant en vigueur.
La journée d'appel de préparation à la Défense, tenue le 9 octobre dernier et ouverte aux élus, a permis de constater la mise en uvre désormais satisfaisante de ce volet essentiel du parcours de citoyenneté. Six cents mille jeunes hommes ont bénéficié de cette journée de contact direct avec la Défense. Nous allons ouvrir le dispositif aux jeunes filles, le printemps prochain. Dans le prolongement de l'enseignement de la Défense à l'école - qui est aussi une première -, cette journée permet à la jeunesse de se former une opinion personnelle et débattue sur les questions de Défense les plus fondamentales. La connaissance de ces éléments est indispensable à l'accession d'une citoyenneté responsable dans une démocratie. Ces jeunes auront, tôt ou tard, à se prononcer, en tant que citoyens, sur des enjeux de conflits et sur la perception de situations d'affrontement. Il est alors important qu'ils aient un contact direct avec la communauté militaire. Le volet scolaire du parcours de citoyenneté est maintenant ouvert. Les manuels d'instruction civique de troisième comprennent un enseignement de Défense généralement de qualité. Il va être étendu aux classes de seconde à la rentrée 2000. Est ici illustré le fait que deux institutions de notre République, la Défense et l'Education nationale - que l'histoire n'a pas toujours rapproché - travaillent aujourd'hui de concert à des fins de citoyenneté parce que les pouvoirs publics en ont affiché la volonté politique déterminée.
Les trinômes académiques, qui atteignent leur dixième année d'existence, ont, dans ce domaine, une légitimité et un champ d'action renouvelés. Ces trinômes ont su tirer parti de la diversité de leur composition. L'association dans chaque académie, d'anciens auditeurs de l'IHEDN, de représentants de l'Education nationale désignés par leur recteur et de représentants du ministère de la Défense, constitue une force de réflexion et de propositions. Elle réprésente un relais d'opinion particulièrement précieux dans les actions qui concourent au renforcement du lien Nation-Armée. Leur activité doit se développer. Il faut soutenir l'action des pouvoirs publics en matière de formation du corps enseignant aux questions de Défense et favoriser une meilleure connaissance mutuelle entre la société et la Défense. Je reste donc tout à fait décidé, ainsi que mes collègues Claude Allègre et Ségolène Royal, à aider les trinômes d'académie.
Vous est ici offerte l'occasion de revenir sur votre rôle d'association d'auditeurs de l'IHEDN. Il vous revient, chacun à votre place, de faire vivre ce lien entre la Nation et son armée, maintenant rénové. Il vous faut jouer tout votre rôle au sein du nouveau dispositif, centré sur le secrétariat d'Etat à la Défense dont, suite à la réforme du département des Anciens combattants, les attributions ont été élargies aux actions en faveur de ce lien. Notre action au service d'une ouverture accrue de nos armées sur la société et d'une meilleure connaissance par nos concitoyens des enjeux de la Défense, doit prendre pleinement en compte une dimension nouvelle de notre politique de Défense : l'Europe.
La construction de l'Europe de la Défense est, aujourd'hui, l'un des principaux objectifs de notre politique étrangère. Les opérations militaires menées de concert au Kosovo viennent de montrer la volonté des alliés de prendre collectivement toutes leurs responsabilités dans la gestion des crises, conformément à leurs valeurs et à leurs intérêts. Il mettent en uvre les moyens militaires nécessaires à cette fin. Ces événements nous ont, en même temps, rappelé le chemin qu'il reste à parcourir pour doter l'Europe de capacités militaires autonomes significatives. La question de notre capacité à agir, lorsque nos alliés d'outre-Atlantique décident de ne pas participer militairement aux opérations, est donc ainsi posée de façon évidente. Cette question n'est pas théorique, car les Etats-Unis ne pourront pas, sans inconvénient croissant, porter seuls la charge de super-puissance directement confrontée à toutes les crises sur les cinq continents. Nous l'avons observé à différentes reprises, sur différents épisodes et sur des manifestations - au demeurant tout à fait compréhensibles - de saturation, du moins de filtrage des situations dans lesquelles il convient d'intervenir ou non, par les autorités américaines et notamment par le Congrès. Nous avons été témoins, avec quelques inconvénients d'ailleurs, de la fonction de délégation renvoyée, en quelque sorte, par les Etats-Unis à l'Australie dans le cadre de la gestion de la crise du Timor. Pourquoi des inconvénients ? Parce que la tâche de nation-pilote assumée par nos amis australiens a été rendue plus délicate vis-à-vis des pays de la région qui acceptaient difficilement de se trouver finalement encadrés par une force ayant une situation de suppléant désigné, en quelque sorte, par les Etats-Unis. Cet épisode, ainsi que certains votes du Congrès pendant le conflit du Kosovo - votes extrêmement serrés - illustrent l'idée, qui peut encore paraître un peu rhétorique quand nous parlons de l'Europe de la Défense, que nous pourrions avoir à agir alors que les Etats-Unis ne souhaiteraient pas s'engager. Cette idée se rapproche de la réalité. Cette entreprise a, depuis quelques mois, connu des avancées concrètes.
Le sommet franco-britannique de Saint-Malo, en décembre dernier, celui de Cologne - donc de l'Union européenne - en juin, ont marqué la détermination des gouvernements britanniques et français, puis de l'ensemble des 15 partenaires de l'Union au niveau le plus élevé, de doter l'Europe d'une capacité autonome en matière de Défense. Ces avancées politiques ont été rendues possibles par la levée de certains blocages traditionnels. Soulignons, en particulier, l'importance historique de l'infléchissement de la position britannique, décidé voici déjà plusieurs mois par le Premier ministre Tony Blair. La déclaration de Saint-Malo traduit, en effet, la prise de conscience par les Britanniques - certes antérieure, mais traduite dans les actes à Saint-Malo - de la nécessité de participer pleinement au développement de la dimension politique de l'Union. Cette prise de conscience est un retournement et une inflexion importante de la position britannique traditionnelle. Dans la conduite des discussions bilatérales qui progressent entre les Britanniques et nous, l'impulsion personnelle du Premier ministre reste, d'ailleurs, importante. Nous devons également nous féliciter de l'évolution de la position de nos partenaires allemands en matière de Défense et de participation aux opérations militaires à l'extérieur. Cette évolution n'est pas aussi rapide et radicale. Elle a commencé, approximativement, au début de la décennie. La réforme constitutionnelle permettant à l'Allemagne fédérale de s'engager dans des opérations extérieures, dans un cadre multinational, a eu lieu en 1994. La véritable participation de nos amis allemands à l'action, vient, aujourd'hui, indéniablement renforcer la crédibilité du projet d'Europe de la Défense. Il existe, en effet, plusieurs piliers solides déterminés à participer à l'action.
La position française vis-à-vis de l'Alliance atlantique s'est également précisée. La façon dont nous avons su prendre nos responsabilités dans la crise du Kosovo, notre capacité à prendre en charge le commandement de la force d'extraction en Macédoine - confiée par les alliés -, l'importance de notre participation aux opérations aériennes, puisque nous étions le premier contributeur d'Europe, ont démontré notre aptitude à coopérer efficacement sur le terrain avec nos alliés. Nous gardons, par conséquent, notre position politique particulière au sein de l'Alliance. Mais elle cesse d'être perçue par nos partenaires, comme un obstacle à l'action commune. Notre détermination dans ces circonstances représentait une garantie supplémentaire, vis-à-vis de nos alliés, que la France conservait, certes, son désir d'originalité, mais qu'elle était un allié loyal et déterminé. Cette déclaration du Conseil européen de Cologne, le 4 juin dernier, renforçant la politique européenne commune en matière de sécurité et de défense, constitue le début de la charte d'émergence d'un consensus entre partenaires européens. Nous sommes maintenant confrontés à la partie peut-être la plus difficile : comment poursuivre sur cette voie ?
Nous avons à faire vivre, sur le plan politique, les acquis de Saint-Malo et de Cologne. La rénovation de l'Alliance atlantique et l'affermissement de son pilier européen sont à encourager. Le plan d'action adressé par la France à la présidence finlandaise de l'Union, au mois de juillet dernier, souligne ce point. Il nous incombe, néanmoins, d'insister auprès de nos partenaires européens pour traduire concrètement l'engagement commun par des capacités d'action autonomes. Une conception trop restrictive de la non duplication des forces entre l'Union et l'OTAN risque, en effet, de vider de leur sens les avancées politiques de ces derniers mois. L'Europe de la Défense que nous voulons ne saurait rester unilatéralement dépendante des forces de l'OTAN. Inversement, agir sans prendre en compte les capacités stratégiques offertes par l'Alliance et méconnaître l'engagement de défense commune qui est à sa base, nous conduirait à l'échec. Il existe, à ce propos, une assez grande sérénité de notre opinion intérieure sur ce sujet. Pourtant naguère, il s'agissait d'un sujet encore controversé. Dans la ligne des engagements pris à Cologne, nous participons actuellement à la réflexion, autour de nos capacités communes à développer, en matière de renseignement, de projection, de soutien commun, de commandement et de contrôle. Les axes du projet politique y sont dégagés. Nous avons du travail concret de mise en uvre et il faut aussi faire prendre conscience à nos concitoyens de l'enjeu que représente, pour l'avenir de notre Défense, la dimension européenne.
La construction de l'Europe de la Défense répond aux attentes de nos opinions qui refusent de voir notre continent - alors qu'il émerge progressivement comme puissance politique au niveau international - impuissant devant des actes de barbarie commis à nos portes. Le soutien de l'opinion doit être, en ce sens, consolidé et nourri, car il sera le plus sûr garant de la continuation des efforts mis en uvre depuis un an. Ce soutien était, en tout cas, évident dans la plupart des pays d'Europe et spécifiquement dans le nôtre au moment du conflit au Kosovo. Il incombe évidemment à la responsabilité de tous les leaders d'opinion de faire en sorte que ceci ne s'affadisse pas à mesure que la crise s'éloigne. La France reste, en tout cas, mobilisée sur ce grand dossier alors que des étapes importantes s'annoncent, notamment dans les deux mois à venir : le sommet franco-britannique, juste un an après Saint-Malo, et le sommet franco-allemand, vont immédiatement précéder le nouveau Conseil européen d'Helsinki en décembre. Ces rendez-vous ont pour vocation de permettre des rapprochements efficaces de points de vue sur les modalités concrètes de l'Europe de la Défense.
Vos associations d'auditeurs joueront un rôle dans l'animation du débat, parmi nos concitoyens, sur les priorités du chantier européen et dans la promotion, au sein de notre société, de ces avancées concrètes. La citoyenneté, sans laquelle la liberté ne saurait être durablement assurée, doit être défendue dans une période souvent caractérisée par l'individualisme et le repli sur soi. L'Etat entend jouer son rôle au service de la diffusion des valeurs citoyennes dans notre société, mais il a besoin du concours des forces vives de la Nation. Il a notamment besoin de ceux qui veulent s'engager sur le plan civique pour faire entendre son message et pour le faire partager. Les associations issues de, ou attachées à, la communauté de Défense, en particulier, ont pour mission d'accompagner les efforts des pouvoirs publics pour promouvoir le lien entre la Nation et sa Défense. Je sais pouvoir compter sur votre sens du devoir et sur votre capacité à prendre des initiatives, tant à destination de nos concitoyens que dans nos relations avec l'extérieur, pour donner un sens à notre Défense et à celle de l'Europe. Votre congrès est, pour vous, l'occasion de vous rassembler, de réfléchir et de débattre autour des nombreuses directions dans lesquelles votre action devra s'orienter. Je vous souhaite donc plein succès et vous remercie de votre attention.
(source http://www.défense.gouv.fr, le 17 novembre 1999)