Texte intégral
Voici que la classe politique ouvre, enfin, les yeux sur la réalité carcérale. Il y a 10 ou 15 ans, dénoncer les atteintes permanentes aux droits de l'homme dans les prisons suscitait au mieux l'indifférence, au pire protestations et indignations. Réclamer une autorité de contrôle indépendante vous faisait aussitôt accuser de vouloir saper le travail de l'administration pénitentiaire. On ne voulait pas voir.
Aujourd'hui, les deux rapports d'enquête parlementaire font un constat accablant : des conditions de détention souvent inhumaines, la surpopulation dans les maisons d'arrêt, les violences, l'insalubrité, la prise en charge sanitaire déplorable, le taux élevé de suicides. Et il faut dire merci à Véronique Vasseur, médecin-chef à la santé, d'avoir par son livre suscité cette prise de conscience de la réalité carcérale.
Oui, il faut aujourd'hui enfin agir pour humaniser les prisons, mieux les contrôler au moyen d'une autorité externe et indépendante, aménager les peines (permissions de sortir, affectation en chantier extérieur, semi liberté, placement sous surveillance électronique), mieux accompagner la sortie de prison et la réinsertion, améliorer les conditions des mères de familles détenues et implanter des unités de visites familiales. Mais il faut surtout augmenter le nombre de places disponibles pour mettre fin à la surpopulation dégradante des prisons françaises.
C'est dire qu'il faut refuser énergiquement la politique du numerus clausus fixant un nombre maximum de personnes incarcérées, proposé dans le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée Nationale. Ce qui revient à demander à la Justice non plus de juger par rapport au crime ou au délit commis, mais par rapport au nombre de places disponibles dans les prisons. C'est la fin de toute politique pénale. C'est la transformation des magistrats en gestionnaires de flux et de stocks. Ceci conduirait à faire du magistrat, comme l'avait justement dénoncé dans un autre rapport parlementaire le procureur général de la Cour d'Appel de Colmar, " un magasinier de la justice ".
Car ajuster les peines de prisons au nombre de places disponibles, fut-ce en entassant les prisonniers dans les cellules, c'est là justement le défaut de la politique actuelle. Tout se passe comme si police et Justice adaptaient les sanctions aux moyens dont ils disposent et non aux exigences d'une bonne politique pénale.
En 10 ans, les vols avec violence ont été multipliés par deux, tout comme le nombre de mineurs impliqués dans les crimes et délits. Dans le même temps, le nombre de personnes incarcérées a augmenté de 15%, en raison essentiellement de l'allongement des peines ; car le nombre de personnes condamnées à des peines de prison a diminué par rapport aux délits constatés. Les conditions d'incarcération des jeunes sont telles que la prison constitue souvent un facteur criminogène aggravant et un facteur supplémentaire de déstructuration du mineur. Face à l'absence de structures adaptées, les magistrats hésitent, légitimement à incarcérer un jeune.
Si donc en 10 ans la délinquance a été multipliée par deux et le nombre de peines resté stable, cela signifie qu'il est deux fois moins risqué d'être délinquant aujourd'hui qu'il y a dix ans. Et cette diminution du risque nourrit la délinquance. Elle provoque en cascade une dévaluation de la Justice et du Droit : les peines prononcées ne sont pas exécutées, les tribunaux sont embouteillés, les plaintes sont classées sans suite, les services de police sont découragés.
Voici pourquoi vider les prisons et réduire les condamnations au nombre de places disponibles ne peut qu'aggraver un peu plus la délinquance et l'insécurité. Ce serait là une politique de gribouille et de démission devant la montée de l'insécurité.
Il faut avoir le courage et la volonté d'engager vraiment la modernisation de notre système judiciaire et pénitentiaire. Il faut engager un nouveau programme pluriannuel visant à augmenter le nombre d'établissements et le nombre de places disponibles. Engager tout de suite un nouveau programme de 12000 places en privilégiant des établissements de petites tailles.
Il faut se donner les moyens de prendre en charge les mineurs, en développant pour les jeunes une large palette, qui va de petites unités en milieu carcéral, centres éducatifs renforcés en milieu fermé ou semi ouvert, aux centres de placement immédiat, plus ou moins ouvert en fonction de l'age ou de la gravité des faits reprochés, de la situation du mineur.
Voici pourquoi, je le répète, plus que jamais, nous avons besoin pour la Justice et les prisons d'un plan ORSEC que j'ai chiffré il y a déjà quelque temps à un effort budgétaire de 12 milliards par an. C'est une exigence d'humanité pour les prisonniers. C'est une exigence de sécurité pour tous les Français.
(source http://www.demlib.com, le 17 août 2000)
Aujourd'hui, les deux rapports d'enquête parlementaire font un constat accablant : des conditions de détention souvent inhumaines, la surpopulation dans les maisons d'arrêt, les violences, l'insalubrité, la prise en charge sanitaire déplorable, le taux élevé de suicides. Et il faut dire merci à Véronique Vasseur, médecin-chef à la santé, d'avoir par son livre suscité cette prise de conscience de la réalité carcérale.
Oui, il faut aujourd'hui enfin agir pour humaniser les prisons, mieux les contrôler au moyen d'une autorité externe et indépendante, aménager les peines (permissions de sortir, affectation en chantier extérieur, semi liberté, placement sous surveillance électronique), mieux accompagner la sortie de prison et la réinsertion, améliorer les conditions des mères de familles détenues et implanter des unités de visites familiales. Mais il faut surtout augmenter le nombre de places disponibles pour mettre fin à la surpopulation dégradante des prisons françaises.
C'est dire qu'il faut refuser énergiquement la politique du numerus clausus fixant un nombre maximum de personnes incarcérées, proposé dans le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée Nationale. Ce qui revient à demander à la Justice non plus de juger par rapport au crime ou au délit commis, mais par rapport au nombre de places disponibles dans les prisons. C'est la fin de toute politique pénale. C'est la transformation des magistrats en gestionnaires de flux et de stocks. Ceci conduirait à faire du magistrat, comme l'avait justement dénoncé dans un autre rapport parlementaire le procureur général de la Cour d'Appel de Colmar, " un magasinier de la justice ".
Car ajuster les peines de prisons au nombre de places disponibles, fut-ce en entassant les prisonniers dans les cellules, c'est là justement le défaut de la politique actuelle. Tout se passe comme si police et Justice adaptaient les sanctions aux moyens dont ils disposent et non aux exigences d'une bonne politique pénale.
En 10 ans, les vols avec violence ont été multipliés par deux, tout comme le nombre de mineurs impliqués dans les crimes et délits. Dans le même temps, le nombre de personnes incarcérées a augmenté de 15%, en raison essentiellement de l'allongement des peines ; car le nombre de personnes condamnées à des peines de prison a diminué par rapport aux délits constatés. Les conditions d'incarcération des jeunes sont telles que la prison constitue souvent un facteur criminogène aggravant et un facteur supplémentaire de déstructuration du mineur. Face à l'absence de structures adaptées, les magistrats hésitent, légitimement à incarcérer un jeune.
Si donc en 10 ans la délinquance a été multipliée par deux et le nombre de peines resté stable, cela signifie qu'il est deux fois moins risqué d'être délinquant aujourd'hui qu'il y a dix ans. Et cette diminution du risque nourrit la délinquance. Elle provoque en cascade une dévaluation de la Justice et du Droit : les peines prononcées ne sont pas exécutées, les tribunaux sont embouteillés, les plaintes sont classées sans suite, les services de police sont découragés.
Voici pourquoi vider les prisons et réduire les condamnations au nombre de places disponibles ne peut qu'aggraver un peu plus la délinquance et l'insécurité. Ce serait là une politique de gribouille et de démission devant la montée de l'insécurité.
Il faut avoir le courage et la volonté d'engager vraiment la modernisation de notre système judiciaire et pénitentiaire. Il faut engager un nouveau programme pluriannuel visant à augmenter le nombre d'établissements et le nombre de places disponibles. Engager tout de suite un nouveau programme de 12000 places en privilégiant des établissements de petites tailles.
Il faut se donner les moyens de prendre en charge les mineurs, en développant pour les jeunes une large palette, qui va de petites unités en milieu carcéral, centres éducatifs renforcés en milieu fermé ou semi ouvert, aux centres de placement immédiat, plus ou moins ouvert en fonction de l'age ou de la gravité des faits reprochés, de la situation du mineur.
Voici pourquoi, je le répète, plus que jamais, nous avons besoin pour la Justice et les prisons d'un plan ORSEC que j'ai chiffré il y a déjà quelque temps à un effort budgétaire de 12 milliards par an. C'est une exigence d'humanité pour les prisonniers. C'est une exigence de sécurité pour tous les Français.
(source http://www.demlib.com, le 17 août 2000)