Texte intégral
A. Hausser.- Nous allons revenir sur la naissance de l'UMP. Vous avez aussi contribué à cette opération, puisque vous avez été un des auteurs du projet de l'Union en mouvement, avant l'élection présidentielle. La journée d'hier a été un vrai succès pour vous, mais on a quand même été frappé par le taux de participation très faible des militants - 30% à peine ont voté pour le président.
- "Vous savez, c'était une première : on travaillait avec des fichiers qui étaient ceux des anciennes formations politiques, qui n'avaient pas été tous forcément vérifiés..."
Alors pourquoi revendiquer autant d'adhérents ?
- "Parce que c'est l'addition des fichiers des trois mouvements. Mais c'est la première fois qu'on votait de cette manière, avec un vote électronique qui - je sais, parce que j'ai assisté dans mon département à ce vote - en a surpris plus d'un, notamment les plus anciens d'entre nous."
Et puis une certaine méthode.
- "Vous savez, on ne pouvait pas organiser les choses autrement, parce qu'on n'a pas encore les structures départementales suffisamment fortes, suffisamment organisées pour permettre un vote, comme on l'avait fait, notamment lors de l'élection à la présidence du RPR, il y a quelques années, où il faut beaucoup de monde sur le terrain, beaucoup de bureaux de vote, beaucoup d'assesseurs. Donc, c'est naturel que pour un premier vote, il n'y ait pas autant de votants. Il ne faut pas en tirer de conséquences politiques. Ce qui est vraiment important, c'est la signification de cet événement. C'est un événement considérable, pour la droite d'abord, parce qu'on va pouvoir construire une action dans la durée, ce qui n'a jamais été possible depuis pratiquement trente ans, et puis pour le pays aussi, parce que je crois qu'on va vers le bipartisme. En tout cas, nous, on est en train de forcer un peu le chemin dans cette direction, et on peut éviter, grâce à ce bipartisme, l'instabilité qui est quand même la caractéristique naturelle de la vie politique française."
Avant d'arriver au bipartisme, il faut que la gauche se fédère aussi. Là, je crois qu'il y a encore un peu de chemin à faire... Vous dites "on a le temps devant nous et on peut faire ce qu'on veut. Réformons, changeons". On a quand même senti une véritable aspiration de la base à un changement plus radical que celui mené par le gouvernement actuel ?
- "Je ne crois pas. Il y a naturellement toujours un peu d'impatience, surtout dans un congrès politique. Mais ce qui est vraiment considérable pour nous, c'est la durée qu'on est en train de construire, et la durée ne se satisfait pas de la précipitation. On le sait, on a déjà payé dans le passé, si on va trop vite, si on va à l'encontre des aspirations de la majorité des Français, parce qu'on n'a pas suffisamment expliqué les choses, on risque toujours la crise de confiance qui ensuite débouche sur les difficultés politiques. Donc, on a un calendrier, on a un rythme qui est bâti sur cinq ans."
Là, vous parlez d'action gouvernementale. Pour l'instant, il s'agit de faire vivre l'UMP et, apparemment, lui donner quelques vitamines, puisque, vous le reconnaissez vous-même, les fichiers sont anciens et il faut peut-être relancer les adhésions. Quel rôle voyez-vous pour ce parti et comment vous vous voyez vous-même dans ce parti, puisque vous avez l'intention non pas de créer un courant, puisque cela ne se fait pas, mais d'animer votre propre club ?
- "Il y a deux choses importantes : la première c'est que ce parti soit vraiment populaire - c'est le nom qu'on a voulu lui donner. Il faut donc qu'il regroupe des salariés, des jeunes, c'est-à-dire qu'il s'élargisse considérablement par rapport à la base qui est aujourd'hui celle des trois grandes formations politiques qui l'ont engendré."
Ils vont se reconnaître en qui ?
- "Ils vont se reconnaître dans la direction du mouvement, si ce mouvement est d'abord un mouvement qui brasse des idées, qui organise le débat, et qui cherche à sortir des clivages politiques traditionnels qui sont complètement éculés. Il y a le vieux socialisme éculé qu'on nous ressort tous les jours, et puis un certain libéralisme qui ne correspond plus - on le voit bien - aux aspirations des gens et à l'environnement qui est celui du XXIème siècle, en termes de préservation de la planète, en termes de respect des individus. Ce qu'on veut d'abord, c'est que ce parti soit un lieu où on élabore une nouvelle doctrine pour l'avenir. C'est pour cela qu'A. Juppé a proposé qu'on y fasse une fondation, que ce parti soit très ouvert sur l'extérieur. On a accueilli le chef du gouvernement espagnol, le Premier ministre portugais, la présidente de la CDU. C'est vraiment un changement qui doit nous permettre de déboucher sur un parti populaire. Alors, moi, qu'est-ce que j'y ferais à l'intérieur de ce parti ? D'abord, je fais mon travail de ministre qui m'occupe suffisamment, mais j'anime, comme vous le savez, un club de réflexion qui, aux côtés d'A. Juppé, en le soutenant, défendra les idées républicaines et sociales qui sont celles m'ont amené dans la vie politique."
Qu'est-ce que cela veut dire ?
- "La République c'est une conception de l'organisation politique, un équilibre entre l'individu, la défense de l'individu et puis le respect de la collectivité. La dimension sociale, je crois que c'est un discours qu'aujourd'hui nous voulons tenir dans un monde qui est dur et un monde où l'individu a besoin d'être protégé."
On a le sentiment - je repose ma question - que vos adhérents sont soucieux de plus de rupture, de moins de protection, de moins d'assistanat.
- "Il faut faire attention. Il y a des gens qui s'expriment, parfois avec talent. La majorité de nos adhérents est très diverse, très complexe. Il y a au sein de nos adhérents un grand nombre d'hommes et de femmes qui sont à la fois soucieux de performance économique, mais qui sont aussi soucieux de cohésion sociale, et qui sont aussi soucieux de nous voir participer à réduire les différences, les injustices, pas seulement dans notre pays d'ailleurs, mais dans le monde. Au fond, il y a beaucoup de Français qui se reconnaissent dans le message de J. Chirac, dans le message du président de la République qui est, certainement, aujourd'hui, le message le plus équilibré qui soit au sein de notre grande famille politique."
L. Jospin aussi se réclamait de l'équilibre.
- "Il y a différentes sortes d'équilibres. Il y en a qui peuvent le perdre. Nous, on va essayer de le garder."
Vous êtes ministre des Affaires sociales. On est au début d'une semaine délicate. Le dialogue va-t-il jouer son rôle avec les transporteurs ? Vous-même, allez-vous vous mêler de ce débat ?
- "C'est un débat entre les employeurs et les personnels salariés de cette profession. Bien entendu, on suit tout cela avec beaucoup d'attention. C'est G. de Robien qui a ces choses-là en charge. On en parle ensemble. Les contacts avec les organisations syndicales sont nourris. Tout est fait pour essayer de faire en sorte que ce conflit soit résolu et en tout cas qu'il ne se traduise pas par des difficultés pour les Français, parce que c'est ce qui est important aujourd'hui, et pour les entreprises."
Vous disiez qu'il ne fallait pas agir dans la précipitation. Est-ce qu'on peut réformer simultanément les retraites et la Sécurité sociale, puisque c'est ce qui semble à nouveau être au programme ?
- "Il faut réformer ces deux sujets assez rapidement parce qu'on a des échéances financières incontournables. Il ne faut peut-être pas faire les deux sujets exactement en même temps. Mais la priorité qui a été décidée par le Gouvernement, c'est la réforme des retraites tout de suite, et puis la réforme de la Sécurité sociale va venir juste derrière."
Le Gouvernement ne va pas réformer seul ?
- "Le Gouvernement ne réformera pas seul, s'il a autour de lui des interlocuteurs pour l'aider à réformer. L'objectif du Gouvernement sur les retraites, c'est de trouver un consensus. Ce consensus a été trouvé en Espagne, il a été trouvé en Suède, il a été pour une large part trouvé en Allemagne. Il n'y pas de raison que la France ne soit pas capable d'y parvenir. Bien entendu, si ce consensus n'était pas possible, si nous ne trouvions pas les hommes et les femmes pour le construire, le Gouvernement prendra ses responsabilités, parce qu'il a été élu pour cela. Il y a une large majorité de Français qui le sanctionneraient s'il n'était pas suffisamment courageux sur ce dossier des retraites."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 18 novembre 2002)