Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les sénateurs,
Permettez-moi tout d'abord, Monsieur le Président, de vous remercier pour votre accueil et vos mots chaleureux et de vous dire combien j'y suis sensible. C'est avec plaisir que je viens aujourd'hui devant votre mission d'information, vous indiquer ma position à l'égard du défi posé par les essais au champ des Organismes Génétiquement Modifiés (OGM). Je crois, en effet, que, sur des sujets, par essence, aussi sensibles, il est important que le Gouvernement et la représentation nationale puissent travailler de façon étroite et en pleine confiance.
Depuis quelques années, la mise sur le marché et la dissémination dans l'environnement de plantes génétiquement modifiées suscitent, en effet, de nombreuses controverses en France, et plus généralement dans l'Union Européenne. Le débat autour de ces questions est extrêmement passionné, particulièrement nourri et donne souvent lieu à des prises de positions définitives et relativement inconciliables.
Cette question a ainsi fait l'objet de nombreux débats et rapports dont la plupart ont souligné la nécessité de mieux prendre en compte les préoccupations de nos concitoyens, telles qu'elles peuvent s'exprimer dans le cadre de la " Conférence de citoyens " organisée en 1998 par l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques, du Conseil Economique et Social, du Commissariat Général au Plan, des débats citoyens organisés dans les régions en 2001, par les associations de défense des consommateurs et à l'initiative du Secrétariat d'État à la Consommation, ou encore, plus récemment, du débat public des 4 et 5 février 2002.
La richesse de ces débats et le foisonnement de ces rapports tiennent sans doute à ce que les Organismes Génétiquement Modifiés demeurent une innovation récente connaissant encore une évolution rapide. Les OGM exigent de tous, y compris des décideurs publics, une vitesse d'acculturation hors du commun, alors que ces technologies progressent plus vite que les connaissances sur leur impact.
Dans le même temps, le principe de précaution tend à être invoqué à tout propos et à l'appui des demandes les plus inattendues.
La question des OGM implique fréquemment la compétence de différents départements ministériels. Le Ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche et des Affaires Rurales délivre les décisions d'autorisations de disséminations de plantes, d'animaux, d'engrais et de produits phyto-pharmaceutiques issus d'Organismes Génétiquement Modifiés. Les contrôles a posteriori des mises en culture d'OGM incombent, quant à eux, aux agents des Services Régionaux de la Protection des Végétaux du Ministère.
Le Directeur de l'Agence du médicament humain délivre, pour sa part, les autorisations relatives à la thérapie génique et aux médicaments humains et le Directeur de l'Agence Nationale du Médicament Vétérinaire relevant de l'AFSSA accorde les autorisations relative aux médicaments vétérinaires.
Mesdames, Messieurs les sénateurs,
Dans la gestion de ce dossier, les choix du Gouvernement sont guidés par les principes, que sont la recherche, l'information des citoyens et le souci de précaution.
La recherche, tout d'abord, est essentielle au développement des biotechnologies :
- Dans le domaine agro-alimentaire, le génie génétique ouvre de nouvelles possibilités, jusqu'alors peu exploitées, d'adapter certaines plantes de culture à des conditions aussi extrêmes que la sécheresse, la salinité, le froid ou les maladies. A l'avenir, le génie génétique pourrait également permettre d'éliminer les substances toxiques produites naturellement par les plantes. En optimisant les pratiques agricoles, il pourrait, enfin, contribuer à réduire l'utilisation des intrants, en particulier les pesticides et les fertilisants.
- Dans les domaines médical et vétérinaire, il pourrait notamment contribuer à la lutte contre certaines maladies génétiques et mettre en oeuvre de nouveaux procédés d'obtention de produits thérapeutiques, telles que l'insuline ou l'hormone de croissance. La production de vaccins contre la rage, l'hépatite B ou le sida est également envisagée.
- Dans le domaine environnemental, des travaux portent sur l'utilisation de micro-organismes pour dépolluer les sols contaminés et plus généralement éliminer de l'environnement tout contaminant.
Aussi, la recherche dans ces domaines doit-elle se poursuivre. J'ai observé que le débat public des 4 et 5 février 2002 n'a laissé apparaître aucune remise en cause du principe de la recherche sur les plantes génétiquement modifiées. Cette recherche est d'autant plus nécessaire que la compétition scientifique internationale et les enjeux économiques sont considérables. Elle doit être parfaitement comprise par nos compatriotes et donc leur être expliquée.
L'information du citoyen doit, en effet, permettre de concilier le respect du citoyen et la poursuite de l'innovation technologique.
Il est important que les Français ne se sentent pas exclus des décisions que nous prenons. Les débats publics ou les conférences de citoyens constituent un moyen d'associer les citoyens et de mieux percevoir leurs attentes. On ne saurait toutefois se contenter de débats trop généraux. J'entends profiter du travail législatif que suppose la transposition de la directive 2001/18 pour faire des propositions visant à améliorer l'information des citoyens sur les essais au champ de cultures OGM.
Compte tenu de l'état du droit national en vigueur, certains points de cette directive nécessitent une transposition par voie législative. D'autres, à l'inverse, pourraient plus simplement être transposés par voie réglementaire.
La directive impose la consultation du public sur les disséminations effectuées au titre de la recherche et du développement. La consultation du public en ce qui concerne la mise sur le marché des OGM relève, pour sa part, de la compétence de la Commission européenne.
La décision finale d'autorisation est une décision de gestion du risque. C'est pourquoi elle relève de l'autorité politique. Celle-ci l'arrête en fonction d'une évaluation scientifique des risques et de tout autre élément porté à sa connaissance. C'est dans ce contexte d'évaluation préalable que se pose la question de la consultation du public, à laquelle j'accorde - vous le savez - la plus grande importance.
Différentes modalités, plus ou moins contraignantes, de consultation du public sont envisageables. Celle-ci peut être opérée à plusieurs niveaux (national, régional ou local) et suivant des formes différentes (réunion publique ou mise à disposition d'éléments du dossier). Enfin, elle peut mettre en oeuvre différents supports : documents papier ou système électronique d'échange d'informations par Internet.
Il conviendra, bien entendu, que les différents Ministres se prononcent sur ces options.
Sans préjuger des conclusions de ce débat, il m'apparaît que l'opinion des acteurs locaux doit donc être prise en compte. Les maires peuvent être des interlocuteurs privilégiés et je souhaite pouvoir engager la concertation avec eux, afin de recueillir leur point de vue et de mieux connaître leurs attentes dans le domaine de l'information et de la consultation des acteurs locaux. D'ailleurs, les travaux parlementaires préalables à la transposition de la directive 90/220, abrogée et remplacée par la directive 2001/18, avaient déjà largement abordé cette question.
Différentes recommandations portant sur l'organisation de l'expertise nationale et sur son champ ont été émises. Il convient désormais de réfléchir à une éventuelle réorganisation de notre dispositif d'expertise, indépendamment de la transposition de cette directive. Une telle réorganisation améliorerait, de surcroît, la transparence du dispositif existant.
Le travail des experts scientifiques est précieux pour le décideur politique. J'entends que le rôle des instances d'évaluation scientifique des risques soit conforté et qu'il demeure au coeur du processus.
La question d'une éventuelle réforme de l'expertise scientifique devra naturellement faire l'objet d'une réflexion interministérielle approfondie, sur laquelle je n'entends pas m'exprimer de façon anticipée.
Nous devons également trouver un moyen de mieux prendre en compte la demande par nos concitoyens d'une expertise socio-économique. Une telle expertise permettrait d'éclairer le Gouvernement sur des questions de portée générale relatives aux OGM. Même si elle n'est pas dictée par la directive, cette démarche me paraît souhaitable.
Renforcer notre dispositif national permettrait à nos concitoyens de mieux saisir l'intérêt des essais en plein champ. Il préserverait ainsi le dynamisme et la compétitivité de nos entreprises du secteur des biotechnologies. A défaut, celles-ci devraient se résoudre à délocaliser leurs expérimentations dans des pays voisins. Sachez que notre pays réclame avec force une évolution de la réglementation communautaire dans le domaine de l'information du consommateur. Les deux projets de règlements relatifs, d'une part, aux aliments contenant des OGM et, d'autre part, à la traçabilité et à l'étiquetage des OGM, en sont l'occasion.
J'ai pris une part active à la négociation de ce premier règlement. Un accord politique a été trouvé avec nos partenaires allemands et italiens. Ainsi, pourra être mis en place un dispositif d'étiquetage qui réponde aux attentes des consommateurs pour plus de lisibilité, et à des impératifs techniques pour sa mise en oeuvre et son contrôle. Ce projet doit désormais être soumis au Parlement européen pour une deuxième lecture conformément à la procédure de co-décision ; il ouvre la possibilité, après sa publication au Journal Officiel des Communautés Européennes, d'une reprise des demandes d'Autorisations de Mise sur le Marché (AMM) d'OGM. Je rappelle qu'en l'absence de conditions de traçabilité ou d'étiquetage, le précédent Gouvernement avait proposé au Conseil des ministres de l'Union Européenne des 24 et 25 juin 1999 une déclaration visant à suspendre toute nouvelle Autorisation de Mise sur le Marché d'OGM. Celles-ci pourraient être à nouveau délivrées, après que soit mise en place une traçabilité effective des produits issus d'OGM, condition préalable à un étiquetage complet et clair.
Enfin, je souhaite aborder le dernier des trois piliers essentiels sur lesquels doit s'appuyer notre action, la précaution.
Ainsi que je l'ai développé précédemment, la recherche nous est indispensable pour parfaire notre connaissance des OGM ; l'implantation de cultures OGM en plein champ ne doit bien évidemment être opérée qu'après que toutes les dispositions ont été prises pour prévenir les risques liés à une possible dissémination. C'est , d'ailleurs, tout l'enjeu des mesures proposées par les experts scientifiques de la Commission du Génie Biomoléculaire, qu'il s'agisse des distances d'isolement ou des conditions de destructions avant floraison.
Il est nécessaire, par ailleurs, de mettre en oeuvre une véritable surveillance biologique du territoire, afin que les problèmes qui surviendraient du fait de la mise en culture d'OGM puissent être identifiés sans retard. Le comité de Biovigilance, créé par la Loi d'Orientation Agricole du 9 juillet 1999, est chargé de mettre en oeuvre la surveillance biologique du territoire, au delà de la seule question des OGM.
Cette instance est ouverte à la société civile et permet de nombreux échanges sur les protocoles de surveillance et les résultats du suivi.
Il me parait souhaitable que ce comité puisse développer des travaux scientifiques sur les méthodes de surveillance biologique du territoire et analyser les résultats des plans de surveillance mis en oeuvre par les opérateurs privés comme par les services de l'Etat. Ces derniers travaux constitueraient, en outre, un précieux retour d'expérience. Ils enrichiraient utilement les connaissances sur l'évaluation des risques par les opérateurs et la Commission du Génie Biomoléculaire (CGB) et permettrait, le cas échéant, aux pouvoirs publics de recourir au principe de précaution d'une façon appropriée.
Un tel retour d'expérience ne saurait, toutefois, être envisagé sans que soit maintenue une stricte séparation entre l'évaluation et la gestion du risque.
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les sénateurs,
L'amélioration de notre dispositif à court terme est d'autant plus nécessaire que nous voulons opérer la transposition de la directive communautaire.
Pour autant, la sensibilité extrême de ce sujet le rend fort délicat et nous impose de réfléchir très sérieusement avant de proposer toute réforme. Les populations établies sur le territoire de la commune soumise à des essais au champ et des communes proches devront disposer d'informations exhaustives. Car cette information est seule à même de permettre une consultation sereine, telle qu'elle est prévue la directive.
Sur ce sujet difficile, je sais pouvoir compter sur votre soutien ; vous pouvez, en retour, compter sur mon écoute attentive et mon attention la plus vigilante aux préoccupations dont vous me ferez part.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 15 janvier 2003)