Déclaration de Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, surl'organisation du protéome humain, Versailles le 21 novembre 2002.

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Circonstance : Colloque mondial organisé par la Human Proteome Organization (HUPO) à Versailles le 21 novembre 2002

Texte intégral

Messieurs les Directeurs,
Messieurs les Professeurs,
Mesdames, Messieurs,
C'est pour la France un honneur d'accueillir sur son sol la première conférence mondiale de l'Human Proteome Organisation, organisation du protéome humain, ou encore HUPO.
C'est également pour moi un grand honneur de participer à la séance inaugurale de cette conférence et de pouvoir, à cette occasion, saluer l'ensemble de la communauté scientifique, française et internationale, impliquée dans cet ambitieux programme.
Je salue tout particulièrement ceux des participants qui sont venus de loin pour se joindre aux travaux de leurs collègues. Je leur adresse, au nom du gouvernement français, la bienvenue en France. Qu'ils s'y sentent chez eux !
J'adresse mes plus vifs remerciements au président du comité international d'organisation, le Professeur Julio Celis et au Professeur Sam Hanash.
Je tiens aussi à souligner l'implication importante, pour la France, de Jean Rossier et Christian Bréchot, dont l'invitation me permet aujourd'hui d'être parmi vous.
Le séquençage du génome humain - même si sa finition complète nécessite encore des efforts - a permis de franchir une première étape dans le déchiffrage de ce que l'on pourrait nommer "le grand livre de la vie".
Ce travail considérable, qui a été conduit par le consortium international HUGO (Human Genome Organisation), d'abord en concurrence puis en synergie avec l'entreprise privée CELERA, nous a permis d'entrer, avec le nouveau millénaire, dans l'ère de la post-génomique.
C'est dans ce contexte que les recherches fédérées par l'HUPO et menées dans chacun des pays au meilleur niveau d'excellence prennent tout leur sens.
Comme à l'époque, sa devancière l'HUGO, l'HUPO ouvre des perspectives de recherche presque vertigineuses, non plus à l'échelon de l'expression des gènes mais à celui de l'expression des protéines.
Alors que la biologie a longtemps été - et reste encore - principalement une science descriptive, pour laquelle les méthodes de classification constituent l'essentiel des outils conceptuels, la génomique et la post-génomique constituent une révolution non seulement technologique mais aussi conceptuelle dans notre manière d'aborder le vivant.
Ces disciplines permettent, en effet, d'élaborer une nouvelle compréhension des observations phénotypiques fondée sur une connaissance extrêmement riche des phénomènes moléculaires sous-jacents.
À partir de la connaissance du génome dans son ensemble, c'est progressivement l'ensemble de la cascade de l'expression des gènes qui peut être analysé : les ARN messagers, les protéines, les flux de réactions biochimiques et les niveaux de concentration des métabolites.
Peuvent être aussi parallèlement reconstruits les réseaux de régulations géniques puis les architectures supramoléculaires, principalement protéiques, présentes à un instant donné dans la cellule.
En combinant ces données biologiques, il faudra ensuite construire une théorie du vivant permettant éventuellement de simuler la physiologie cellulaire, puis l'intégration pluri-cellulaire et enfin le fonctionnement global normal et pathologique d'un organisme complexe.
Dans cette longue quête, l'HUPO s'est structurée pour jouer un rôle majeur dans le champ de la protéomique, c'est-à-dire de la description quantitative et de la compréhension de l'expression globale des protéines dans les tissus humains. On ne peut que saluer la volonté exprimée par ses membres de partager cette nouvelle connaissance et les outils technologiques nécessaires à son obtention.
En raison du rôle central des peptides et protéines, aussi bien dans les réactions enzymatiques que dans les transferts d'informations au niveau intracellulaire et inter-cellulaire, l'HUPO est donc appelée à être le pivot international dans la prochaine étape du déchiffrage du vivant.
La pertinence du programme scientifique que vous proposez pour cette conférence me paraît devoir être saluée ; il prend, en effet, parfaitement en compte la dualité de la protéomique :
L'étude du transcriptome bénéficie, d'une part, de la grande proximité chimique entre l'ADN et les ARN messagers et, d'autre part, d'une maturité plus avancée des outils technologiques d'analyse à haut débit. L'étude du protéome, en revanche, suppose l'émergence de technologies nouvelles, en liaison avec la génomique structurale, afin d'avoir une vue exhaustive du contenu protéique d'une cellule, ainsi que des complexes supramoléculaires qui se font et se défont au gré des besoins et de l'adaptation de la cellule à son environnement.
A côté de ce volet technologique, le programme scientifique de l'HUPO a l'ambition d'élaborer de nouveaux concepts permettant de revisiter la biologie cellulaire, la physiologie et la physiopathologie - tout en tirant partie de leur complémentarité, dans des domaines aussi divers que la transduction du signal, la microbiologie ou l'oncologie.
En outre, le programme scientifique d'HUPO implique la recherche de partenariat des industriels du secteur pharmaceutique et diagnostique. Outre l'apport de financement immédiat, cette attitude est la garantie d'une stratégie de recherche qui saura privilégier l'application des nouvelles connaissances pour les patients et ainsi la création de richesse économique.
Ni le volet technologique ni le volet conceptuel du programme scientifique d'HUPO ne pourront être développés avec succès sans accorder une place centrale à l'essor de la bioinformatique.
Cette priorité est bien identifiée au niveau français et concerne toute la biologie moderne, en dépassant largement la protéomique.
Je souhaite donc vivement qu'un effort important soit programmé dès 2003 pour ce domaine dans l'action du ministère chargé de la recherche, en interaction avec les organismes publics de recherche fortement impliqués en sciences du vivant et en informatique.
En ce qui concerne plus spécifiquement la protéomique, la France a également la volonté de participer activement à l'effort international dont l'HUPO est le pivot.
L'action de notre pays devra d'abord s'inscrire dans la continuité du programme "génomique" du ministère chargé de la recherche, qui a consacré des moyens considérables aux différents aspects de la post-génomique depuis 4 ans.
Elle devra exploiter la mise en place récente du Consortium National de Recherche en Génomique pour coordonner au mieux les différentes initiatives.
Je souhaite partager avec vous pour conclure deux réflexions que m'inspire votre réunion :
Tout d'abord, il me semble important que la France se dote d'un centre d'excellence en protéomique et génomique structurale, de vocation nationale et de visibilité internationale, pouvant assurer une recherche à fort contenu méthodologique.
Le site de Grenoble me semblerait particulièrement bien placé pour assumer cette mission. Il offre, en effet, de nombreux atouts humains et technologiques dans de nombreux domaines : en protéomique, avec l'Institut de Biologie Structurale et le CEA ; en bioinformatique, avec l'INRIA et l'IMAG ; en génomique structurale, enfin, avec la présence de l'ESRF et l'initiative "Partnership for Structural Biology".
La présence à Grenoble du pôle Minatech, sur lequel pourraient s'appuyer des développements technologiques en protéomique utilisant les nano et microtechnologies, apparaît comme un atout supplémentaire.
Le futur centre français d'excellence en protéomique pourrait rapidement compléter les grands centres nationaux coordonnés par le Consortium National de Recherche en Génomique. Il devra fonctionner comme une tête de réseau permettant de fédérer d'autres plates-formes nationales, sur lesquelles des efforts spécifiques seront engagés et aura vocation à s'intégrer dans les réseaux européens du 6ème programme cadre.
Par ailleurs, il me semble important de préciser que notre effort sur la protéomique ne portera cependant pas seulement sur le développement technologique.
En synergie avec l'important chantier engagé par le gouvernement dans la lutte contre le cancer, il me semble nécessaire de mettre cette jeune science au service des patients, au sein de plates-formes nationales couplées à certains hôpitaux universitaires.
Dans une logique allant du malade au malade, la recherche de laboratoire est en effet partie intégrante d'une boucle qui ne doit plus être séparée de la recherche clinique, ni même de l'innovation diagnostique ou thérapeutique.
L'un des axes de notre réflexion sur le plan de la lutte contre le cancer est la mise en place de cancéropoles, instituts sans murs régionaux intégrant l'ensemble de la boucle allant du malade au malade. Ces instituts pourront intégrer des plateaux technologiques de protéomique, étroitement associés à la recherche en oncologie.
Messieurs les organisateurs,
Professeur Celis,
Professeur Hanash,
Mesdames et Messieurs les Professeurs,
Mesdames, Messieurs,
Je forme le voeu que ce congrès soit pour vous, en particulier pour ceux d'entre vous qui sont venus de loin rejoindre les meilleurs spécialistes de cette discipline en plein essor, l'occasion d'échanges et débats féconds.
Puisse ce congrès constituer une étape marquante dans la dynamique de la recherche en protéomique et dans son application au diagnostic et au traitement des malades !
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.recherche.gouv.fr, le 26 novembre 2002)