Déclaration de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur les valeurs et le rôle du sous-officier, Saint-Maixent le 12 décembre 2002.

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Circonstance : Cérémonie de baptême et de remise de galons à l'Ecole nationale des sous-officiers d'active à Saint-Maixent le 12 décembre 2002

Texte intégral

Monsieur le Maire,
Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Préfet,
Messieurs les élus,
Messieurs les officiers généraux,
Mesdames et Messieurs les présidents de sous-officiers,
Mesdames et Messieurs,
Je crois que nous ressentons tous, en ce moment, l'émotion et la solennité qui se dégageaient de cette cérémonie de baptême et de remise de galons, que j'ai eu l'honneur de présider.
Je dois dire qu'ici, comme rarement ailleurs, j'ai eu le sentiment d'entendre battre le cur de l'armée de terre. C'est donc avec un réel plaisir que je m'adresse à vous, les présidents de sous-officiers, vous les aînés qui avez accepté cette fonction lourde de responsabilité, délicate et difficile, je le sais. Cette fonction vous met au service de ces jeunes, de nos jeunes, de vos jeunes camarades pour les épauler, les accueillir, les conseiller, les guider dans leur carrière mais aussi, je le sais, dans leur vie de tous les jours.
Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour vous dire ce qu'est, à mes yeux, le sous-officier d'une armée de terre professionnelle.
Il est d'abord et avant tout, un homme de conviction et d'engagement.
Il est un professionnel.
Il est bien sûr un chef, avec tout ce que cela signifie.
Il est homme de conviction et d'engagement.
Oui, vous êtes avant tout des hommes et des femmes de conviction. Cela vient de ce que vous avez choisi, librement, de servir, de défendre des valeurs que vous considérez comme supérieures à ce que vous êtes individuellement. Supérieurs à votre état d'homme et de femme.
Ce choix, vous en avez conscience, exige un comportement, un savoir-être, où le goût de l'effort est le moteur principal.
Reconnaissons-le, ce n'est pas une tendance courante, dans notre société contemporaine, et c'est ce qui fait le prix de cet engagement. Pourtant, ce goût de l'effort, du travail bien fait, cette implication quotidienne, de tout son être, dans les grandes choses, comme dans les petites, est ce qui caractérise l'homme de conviction.
Hommes et femmes de conviction, les sous-officiers sont aussi hommes et femmes d'engagement, avec la volonté de se dépasser et de repousser, sans cesse, ses propres limites.
Vous savez, et je l'ai constaté au cours des quelques mois passés à la tête du ministère de la Défense, donner sans compter, sans craindre les difficultés ou le danger, à l'image en quelque sorte des deux sous-officiers qui ont été choisis, ce soir comme parrains de promotion.
Je dois aussi vous dire que ce qui m'a beaucoup frappé, tout à l'heure, c'est ce que j'ai pu lire dans le regard de ces jeunes, de vos jeunes, cette volonté et cette détermination de ceux qui sont prêts à donner le meilleur d'eux-mêmes.
C'est, sur votre modèle, et c'est à vous qu'ils le doivent. J'ai pu voir, en eux, cette volonté d'agir, quelque soit le coût.
Je pense aussi, ce soir, à votre camarade auquel j'ai rendu visite, hier soir, à l'hôpital PERCY, le sergent RICHEPIN blessé au feu, le 30 novembre dernier, en Côte d'Ivoire, à la tête de son groupe de combat, alors qu'il combattait pour aborder l'aéroport de Man.
L'armée de terre, c'est l'armée de l'engagement opérationnel par excellence, où chacun connaît la valeur de l'effort et, souvent aussi, le prix du sang.
Homme de conviction et d'engagement, le sous-officier est aussi un professionnel et un technicien de haut niveau.
Vos jeunes camarades, promus ce soir, partent dès demain, plus exactement la semaine prochaine, dans les différentes écoles d'application de l'armée de terre. Ils vont y acquérir une compétence technique et une spécialité qui en feront des experts dans un domaine bien particulier. C'est ce qu'exige, aujourd'hui, une armée professionnelle et moderne.
Comme vous, ils seront des professionnels de haut niveau.
L'armée de terre a aujourd'hui un besoin vital de spécialistes, capables de mettre en uvre des équipements toujours plus modernes, toujours plus sophistiqués, dans une formation désormais équipée de hautes technologies.
Encore faut-il, et j'en ai bien conscience, que vous ayez les moyens d'exercer vos talents. C'est la raison pour laquelle la loi de programmation militaire 2003-2008 consacre des budgets en augmentation très sensible. Ces budgets devraient permettre aux armées de retrouver, au plus vite, des équipements en bon état et de disposer, rapidement, des équipements qui leur permettent d'être à leur rang de grande armée du monde.
En ce qui concerne les équipements en cours, l'argent arrive. J'espère que les pièces de rechange ne tarderont pas.
Je compte sur la compétence et sur l'engagement personnel de chacune et chacun d'entre vous, pour que ces sommes importantes, allouées au budget de la Défense, par un effort de la Nation toute entière, soient utilisées au mieux, sans gaspillage et ce, jusqu'au dernier euro.
J'entends, qu'à l'effort fait par la Nation, corresponde aussi un effort de l'ensemble du ministère de la Défense, pour faire en sorte que ces crédits soient, effectivement, consacrés à ce qui doit être leur finalité, doter nos armées du plus et du meilleur.
Mais le rôle le plus noble, et sans doute le plus difficile aussi, du sous-officier, reste celui de chef en situation de commandement. C'est ce que nos jeunes que nous avons vus ce soir ont appris ici.
Nous pensons tous bien sûr au rôle du chef au combat.
Je voudrais souligner que l'art du commandement commence aussi dans la vie de garnison, de façon moins lisible certes, moins visible, plus discrète, mais aussi au quotidien. C'est là aussi que commence l'exemplarité.
A tous les niveaux de votre hiérarchie, vous êtes des éducateurs, dont notre armée de terre, en cours de professionnalisation, a besoin.
Vous êtes ceux que l'on a envie d'imiter, parce qu'on les admire, parce qu'ils montrent l'exemple.
Telle est, à mes yeux, la place fondamentale du sous-officier, maillon essentiel de la chaîne de commandement de l'armée de terre, mais aussi, lien privilégié dans cette relation ascendante et descendante, où la confiance et l'estime, entre chefs et subordonnés, prend le pas sur l'autorité formelle, où confiance et estime fondent l'autorité réelle.
C'est ce lien de confiance et d'estime que vous avez su préserver avec retenue et dignité, dans un passé récent et, je le sais, pour chacune et chacun d'entre vous, douloureux, et encore fort présent dans les esprits.
C'est parce que vous avez su faire preuve de ces qualités que l'armée de terre est, aujourd'hui, ce qu'elle est et que, probablement, notre armée toute entière est ce qu'elle est.
Je connais le rôle capital que vous avez joué aux côtés de vos chefs de corps, vous, les présidents de sous-officiers, respectés et écoutés de vos pairs. Et ce soir, entre nous, je veux vous en féliciter.
Vous avez fait honneur à l'institution militaire en illustrant, sans ambiguïté, l'une de ses spécificités les plus fondamentales, celle qui fait sa force et sa cohésion : la discipline.
Vous savez qu'en 2003 débuteront, à ma demande, des travaux sur la révision du statut général des militaires. Soyez assurés que je veillerai personnellement à ce que les exigences et les spécificités de votre métier trouvent juste compensation et garantie. Plus encore qu'une bonne appréhension ou application du statut, j'attends de vous la transmission à ces jeunes dont nous sommes tous responsables, de cet idéal qui vous anime et qui fait votre honneur.
Seul cet état d'esprit que vous vivez au quotidien pourra insuffler une âme à ce qui serait autrement, un texte parmi d'autres et sans réelle portée.
Pour conclure, Mesdames et Messieurs les sous-officiers, les Présidents de sous-officiers, je voudrais souligner, ce soir, la responsabilité que vous exercez, aux côtés de vos chefs de corps et de vos jeunes camarades.
Je suis heureuse de vous voir à l'honneur dans cette enceinte. La richesse de votre expérience, la foi dans votre métier et votre sens de l'écoute font de vous des sous-officiers respectés et admirés.
Vos pairs vous font confiance et se reconnaissent en vous.
Cette légitimité de fait, relayée par la confiance de votre chef de corps, garantit la solidité de la chaîne du commandement de l'armée de terre.
Vous représentez, réellement, le premier échelon. Je dirai même l'échelon essentiel car sinon rien n'existerait d'une concertation de proximité. Vous en êtes encore une fois le maillon essentiel.
C'est dans cet engagement de tous les instants, que nos compatriotes reconnaissent les fils et les filles de cette France si belle et généreuse, que je sers comme vous.
Je le fais avec fierté et avec passion.
Je vous remercie.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 22 janvier 2003)