Extraits d'une interview de Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, dans "Le Journal du dimanche" du 22 septembre 2002, sur l'objectif de la parité sexuelle en Europe.

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Média : Le Journal du Dimanche

Texte intégral

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Q - La parité est-elle envisageable en Europe ?
R - L'Europe avance très vite dans l'énoncé des principes. Du point de vue de l'égalité des chances et des pratiques sociales, ce n'est pas encore cela. En Suède, près de la moitié du gouvernement est féminin mais, dans le privé, la place réservée aux femmes reste marginale. En Allemagne, l'absence de politique en faveur de la petite enfance entrave les carrières des mères qui veulent travailler. Aux Pays-Bas, malgré l'entrée dans les murs du principe d'égalité, une politique de temps partiel a été mise en place afin de lutter contre le chômage... Malheureusement, dans les faits, on constate que ces "demi-emplois" touchent d'abord les femmes. En France, on peut se réjouir de certaines avancées, notamment dans le secteur public, mais le constat reste sévère : pour les mères de famille, concilier vie professionnelle et vie familiale demeure difficile.
Q - Une harmonisation de ces politiques est-elle possible ?
R - Il existe bien une politique européenne. Mais entre la définition des objectifs et la réalité sociale, il y a un temps de retard. On admet toujours plus facilement qu'une femme s'arrête de travailler pour élever ses enfants. On conçoit mal qu'un homme fasse de même.
Q - Est-ce "le" chantier européen de demain ?
R - L'abaissement, voire l'asservissement de la femme, est le premier signe de l'absence réelle de démocratie dans un pays. L'Europe doit être le lieu de la diversité et de l'acceptation des modes de vue différents. Le modèle social européen, que tous appellent de leurs vux, ne peut se satisfaire des inégalités ou, pire, des injustices ou des violences comme la prostitution.
Q - Concrètement, sur la prostitution, que fait l'Europe ?
R - En juillet, une loi-cadre contre la traite des êtres humains a été adoptée. Il s'agit de rapprocher les lois des Etats membres pour mieux punir les trafiquants et améliorer la coopération entre policiers et juges. L'objectif est clair : lutter plus efficacement contre ce fléau qui prend de l'ampleur. Par ailleurs, la Convention sur l'avenir de l'Union, présidée par Valéry Giscard d'Estaing, travaille à un droit pénal européen. Son but ? Combattre le crime "transfrontalier", c'est-à-dire le terrorisme ou la traite des êtres humains.
Q - Mais les pays candidats à l'élargissement se sentent-ils concernés par la parité ?
R - Dans la plupart d'entre eux, issus de l'ancien modèle communiste, la proportion des femmes au travail était déjà importante. Aujourd'hui, elles occupent des postes de responsabilité politique. En Bulgarie, Roumanie et Pologne, mes homologues sont des femmes.
Q - Est-ce un signe de vitalité ou la preuve que l'Europe reste un sujet marginal que l'on peut confier aux femmes ?
R - Pour ces pays, rejoindre l'Union est un enjeu majeur, la garantie d'accéder à un espace démocratique, à une certaine prospérité et à un grand marché. N'en déplaise à certains, je crois que c'est plutôt encourageant pour la cause des femmes. Les deux causes progressent ensemble.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 septembre 2002)