Texte intégral
(Discours d'ouverture à Yaoundé, le 4 novembre 2002) :
Monsieur le Ministre d'Etat, Ministre des Affaires étrangères
de la République du Cameroun, Excellence M. François Xavier Ngoubeyou,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs, les Ambassadeurs et Chefs de Délégations,
Distingués Invités,
Mesdames, Messieurs,
Je suis particulièrement heureux d'ouvrir cette conférence ministérielle de suivi de la XXIème Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement d'Afrique et de France. D'autant plus heureux que c'est la première fois que je participe à une réunion de cette conférence ministérielle depuis ma nomination dans le gouvernement français, en qualité de ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie.
Je tiens aussi à excuser le ministre des Affaires Etrangères, M. Dominique de Villepin, qui avait prévu d'assister à l'ouverture de cette conférence, mais qui a été retenu à Paris par les discussions en cours aux Nations unies sur l'Iraq.
Permettez-moi, tout d'abord, de remercier le président de la République du Cameroun, son Excellence M. Paul Biya, ainsi que le gouvernement camerounais, pour l'accueil qu'ils nous ont réservé et auquel nous sommes très sensibles.
Les questions dont nous avons à débattre pendant ces deux jours sont bien au cur des problèmes de l'Afrique et le remarquable travail préparatoire effectué par le Cameroun nous propose des axes de réflexion très fructueux.
Mesdames et Messieurs les Ministres, Chers collègues,
L'Afrique est confrontée au défi de la mondialisation et aux risques de la marginalisation. C'est le thème de nos travaux. Il n'y a pas de réponse simple à ce défi. Certains peuvent être tentés par des réactions pessimistes, par le découragement, voire par un certain désintérêt. Les crises qui secouent périodiquement le continent les confortent, évidemment, dans une attitude de repli. Il est vrai que l'histoire récente a pu fournir des raisons de douter.
Je suis venu vous dire que ce n'est pas l'état d'esprit de la France. Les thèmes que le dernier sommet de nos Chefs d'Etat et de Gouvernement nous ont transmis vont me permettre, au contraire, d'illustrer notre optimisme raisonné. Depuis le sommet de janvier 2001, de nombreux événements ont changé la nature des rapports Nord/Sud.
Je suis intimement convaincu qu'au-delà des crises et des guerres nous assistons au grand retour de l'Afrique sur la scène mondiale, grand retour qui coïncide avec une nouvelle volonté politique de la France.
Dans ce propos introductif, j'évoquerai tout d'abord les difficultés à surmonter dans un monde marqué par les crises et guerres, puis les raisons d'espérer et d'agir, et enfin les nouvelles orientations de la politique de la France à l'égard de l'Afrique.
I - Un monde de crises et de guerre
Depuis le 11 septembre 2001 tout a changé ; nouvelle date charnière dans l'histoire d'une humanité déjà frappée par des épreuves souvent tragiques, cette entrée brutale dans le XXIème siècle nous a rappelé que la technologie moderne mêlée au fanatisme idéologique ou religieux permettait à la folie meurtrière de circuler aussi librement que les capitaux. La prise de conscience que la mondialisation pouvait être la pire et la meilleure des choses va de pair avec un certain recul de la croyance dans la fraternité entre les peuples. Nous ne devons pas nous y résigner.
Depuis les attentats de septembre la France a été marquée deux fois par le terrorisme. L'Orient vient de subir les mêmes affres. L'Afrique aussi a vécu le prélude à ces événements dramatiques, je pense aux attentats au Kenya et en Tanzanie.
Notons-le d'ailleurs, ce ne sont pas les populations des pays les plus pauvres qui se sont rangées derrière la bannière du terrorisme, même si certaines organisations s'efforcent de les manipuler. Ce ne sont pas elles qui nourrissent contre l'Occident une haine aveugle. On est bien loin de l'explication simpliste des "damnés de la terre".
A des milliers de kilomètres de Manhattan, de nombreux pays africains continuent, quant à eux, de subir des conflits armés. Je pense tout d'abord à la crise en Côte d'Ivoire ou à la récente tentative de coup d'Etat en République centrafricaine. Les affrontements qui persistent en République démocratique du Congo, au Burundi et en Somalie, des pays qui peinent à retrouver leur unité, sont autant de crises qui affaiblissent l'Afrique tout entière et nuisent aux efforts humains et financiers effectués depuis des décennies.
Ces conflits entraînent de nombreux pays africains dans un cercle vicieux : la guerre amplifie la misère, l'état de pauvreté nourrit les conflits.
Cette misère en Afrique qui ne cesse d'accentuer le fossé entre des pays riches, de plus en plus riches, et des pays pauvres, de plus en plus pauvres.
Dois-je rappeler aussi que les grandes pandémies déciment des populations entières dans certaines régions d'Afrique. La recrudescence de la tuberculose et du paludisme, le sida qui progresse et continue ses ravages. Lorsque l'on sait que certains pays voient 35 % des 15-39 ans atteints du sida, c'est le quart des forces vives de ces pays qui risquent de disparaître d'ici 10 ans.
Alors, mes Chers Collègues, je comprends la tentation du renoncement éprouvée par certains, mais je ne l'admets pas car l'énoncé de ces grands fléaux de notre temps nous montre au contraire combien il est urgent d'agir. Vous le savez vous-mêmes, ces fléaux provoquent aussi, par leurs dimensions même une plus grande prise de conscience des réalités actuelles du Sud par les opinions publiques du Nord. La question des rapports Nord/Sud est revenue au centre des préoccupations de l'Occident. C'est nouveau et c'est encourageant.
A rebours du pessimisme, j'ai donc, Mesdames et Messieurs les Ministres, de nombreuses raisons d'espérer. Mon premier espoir vient de l'Afrique elle-même et de sa volonté de prendre en main son destin ; mon deuxième espoir est dans la détermination de la France d'être au coté de l'Afrique pour relever ces défis.
II - Les raisons d'espérer
A - L'Afrique prend en main son destin
On l'a vu avec le dernier sommet de l'Union africaine à Durban, on le constate avec le Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique, le NEPAD, votre continent s'organise, se mobilise et revendique à juste titre son droit à prendre en main son propre destin. Voilà la réponse politique au défi de la mondialisation. L'Union africaine est une étape essentielle car elle met en place des mécanismes pour la prévention et la gestion des conflits et organise aussi à l'échelle du continent des instances de coordination ; ce sont là des indices de la volonté de toute l'Afrique de prendre une plus grande place sur la scène internationale.
Il est à peine besoin de le rappeler : l'Afrique a été au cur du calendrier international en 2002 : à Monterrey, à Johannesburg, à Kananaskis. Elle le sera en juin 2003 à Evian ou au Sommet de Paris ; jamais, en si peu de temps, autant d'idées et de projets n'auront été échangés, de problèmes débattus, de décisions arrêtées pour aider l'Afrique à prendre en main son destin.
L'initiative du NEPAD mérite à ce titre d'être soulignée. La France la soutient car elle place sur le devant de la scène la logique du partenariat. Surtout, elle intègre le développement dans un contexte : le respect de l'Etat de droit, la transparence financière et la bonne gouvernance. Le dispositif très novateur et même audacieux de "l'évaluation par les pairs" et le rôle important reconnu au secteur privé dans le financement du développement sont autant d'éléments capables de créer une dynamique pour mobiliser les décideurs politiques et économiques.
L'Afrique, enfin, s'efforce activement de régler ses conflits par des voies politiques ou selon des procédures juridiques. Cette démarche devrait se confirmer chaque jour davantage, que ce soit en Côte d'Ivoire avec la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), en RCA avec la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale (CEMAC). Elle ne doit pas renoncer à ses efforts dans la Corne de l'Afrique avec l'Autorité intergouvernementale de Développement (IGAD) ou dans la région des Grands Lacs. La stabilisation et la résolution des conflits ne peuvent être acquises que dans le respect des règles et des principes que se donne et se donnera l'Union africaine.
Certaines récentes évolutions incitent aussi à l'optimisme : la fin de la guerre civile en Angola et les perspectives de paix au Soudan, deux des plus anciens conflits du continent Africain.
L'Afrique devient un acteur plus actif sur la scène internationale. Elle peut s'imposer à l'affiche autrement que par les crises ou les guerres. Elle construit sa vision du monde ; notre conférence Afrique-France doit y ajouter ses propres réponses.
Vous le savez comme moi, mes chers Collègues, à l'intérieur des Etats, c'est par des voies démocratiques que doivent venir les réponses aux aspirations légitimes des populations. Après l'Amérique latine et l'Asie, l'Afrique doit tourner la page des coups d'Etat. Les aspirants aux coups de force doivent comprendre que c'est fini ; ils ne bénéficieront d'aucune complaisance, d'où que ce soit.
Je voudrais enfin souligner que ce retour de l'Afrique sur le devant de la scène coïncide avec la prise de conscience des atouts et des attraits de l'Afrique pour l'avenir de la planète, dépassant l'approche traditionnelle des ressources primaires.
Sur le plan des richesses culturelles, à côté de ses valeurs, l'Afrique apporte à la "civilisation globale" une créativité qui revitalise les arts plastiques, la musique, la danse, la littérature, le cinéma. Cet élan se retrouve de plus en plus dans le sport, il s'exprime aussi et surtout dans cette jeunesse africaine, avide de progrès, impatiente d'entreprendre, pour peu qu'on lui ouvre ses horizons.
Mais aussi sur le plan de l'environnement. L'Afrique est porteuse de réponses. Votre continent donne à notre planète un patrimoine naturel unique avec ses espaces, ses forêts, sa faune, sa flore. L'Afrique est, pour l'humanité, un immense potentiel presque intact. Avec ce capital, l'Afrique doit devenir un acteur décisif d'un nouvel équilibre écologique mondial. Elle peut et doit être le terrain d'élection du développement durable, avec ce qu'il sous-tend de solidarité, d'efforts, de co-développement et d'ouverture extérieure.
B - Une nouvelle volonté politique en France
Je n'ai pas besoin de vous rappeler que la France a vécu, au cours de la période récente, des événements politiques majeurs. Le président de la République française, M. Jacques Chirac, a pris l'engagement devant les Français de soutenir l'Afrique. C'était un thème dominant de sa campagne électorale, fait unique dans notre vie démocratique.
Nous avons depuis lors mis en route le grand chantier de la rénovation de notre politique de coopération. Conformément aux orientations fixées par le président de la République Jacques Chirac, et en accord avec le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin et le ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, j'ai défini notre nouvelle politique de coopération autour de 10 objectifs :
- Augmenter le volume de notre APD ; il s'agit d'augmenter de 50 % en 5 ans notre effort d'APD. Celle-ci passera dès l'année prochaine à 0,39 % de notre PIB, alors qu'elle se situait à 0,32 % en 2001.
- Rééquilibrer nos efforts en faveur de l'aide bilatérale : cela permet une intervention plus rapide, plus ciblée et moins complexe dans les procédures. Dès 2003 la part du bilatéral passera de 63 % à 69 %.
- Accroître notre coopération avec l'Afrique : vous êtes les premiers bénéficiaires de notre aide : 44 % au sud du Sahara et 20 % pour l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient ; s'agissant plus particulièrement des crédits gérés par le ministère français des Affaires étrangères, la part de l'Afrique subsaharienne franchira la barre des 50 % (+ 9,4), avec plus de 65 % pour l'ensemble du continent.
- Substituer le partenariat à l'assistance.
- Développer la coopération décentralisée.
- Accentuer le partenariat avec la société civile, le monde de l'entreprise, les ONG.
- Promouvoir le volontariat associatif : il s'agit de permettre aux jeunes Français de s'engager plus facilement durant une période de leur vie dans l'aide au développement.
- Renforcer l'expertise française en matière de coopération : nous souhaitons mobiliser nos chercheurs, nos scientifiques, nos gestionnaires, pour cette grande cause qu'est la coopération.
- Assurer une coordination plus efficace de nos instruments administratifs, techniques et financiers : la France s'impose elle aussi des réformes de structures et de méthodes dans sa politique de coopération.
- Accentuer notre présence politique et diplomatique dans les pays avec lesquels nous coopérons : je pense plus particulièrement à la modernisation et au rassemblement de toutes nos structures à l'étranger.
Comme je l'ai dit, la France aura, à compter du 1er janvier, à exercer la présidence du G8 et à préparer les travaux du sommet d'Evian en juin 2003. Elle compte pousser plus loin les avancées du sommet de Kananaskis dans leur volet africain. Pour ce faire, nos propositions, aujourd'hui à Yaoundé puis à Paris en février 2003, celles qui vont émerger dans un cadre eurafricain, cette fois à Ouagadougou, à la fin du mois de novembre, puis lors du sommet de Lisbonne en avril, seront autant de maillons dans la longue chaîne qui se forme pour mieux organiser et pour renforcer dans la forme et dans le fond le dialogue entre l'Afrique et le monde.
Alors, Monsieur le Ministre d'Etat, Mesdames et Messieurs les Ministres et Chefs de délégations, je crois que nous avons beaucoup à nous dire.
J'aborde les travaux de cette conférence Afrique-France avec beaucoup de confiance, car nous avons une voix originale à faire entendre. Nos communautés de destin, nos affinités culturelles, les liens intimes entre nos populations et nos dirigeants, notre voisinage de part et d'autre de la Méditerranée et, pour tout dire, notre amitié et notre solidarité font que le message de la Conférence des chefs d'Etats et de gouvernement d'Afrique et de France doit porter loin, car il est unique et exemplaire ! .
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 novembre 2002)
(Discours de clôture à Yaoundé, le 5 novembre 2002) :
Monsieur le Ministre d'Etat,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Chefs de délégation,
Mesdames et Messieurs,
Au terme de ces deux journées de débats ouverts et constructifs, nous avons clairement identifié les défis posés à l'Afrique. Ils sont devant nous, mais les réponses que nous entendons y apporter se précisent et se structurent.
Ces discussions sont particulièrement utiles à la veille de grandes échéances internationales qui seront centrées sur l'Afrique et dont on peut attendre des résultats concrets.
Je pense au sommet qui réunira nos chefs d'Etat et de gouvernement du 19 au 21 février 2003 à Paris, au Sommet Union européenne/Afrique de Lisbonne en avril prochain mais aussi au prochain sommet du G8 dont la France assurera la présidence en 2003. Ce forum a déjà permis d'apporter à Kananaskis une première réponse des pays industrialisés à la nouvelle ambition portée par le NEPAD. Il convient de la préciser et surtout de la mettre en pratique.
En 2003, la France s'affirmera plus que jamais aux côtés de l'Afrique. D'une manière générale, elle se mettra au service de l'ambition africaine, dans la mesure où cette ambition sera aussi la sienne. Autant qu'elle le pourra, elle plaidera la cause de l'Afrique auprès de la communauté internationale, notamment au sein de l'Union européenne : elle y fera à nouveau entendre distinctement sa voix, forte de sa connaissance intime de l'Afrique et de la confiance que celle-ci place en elle. Mais la plaidoirie ne suffit pas, si l'avocat n'a pas un bon dossier. C'est bien d'un double effort qu'il s'agit. Dans ce rôle d'avocat de l'Afrique, la France mettra son cur autant que sa raison.
Je parle du cur mais aussi de la raison car nous avons la profonde conviction que, face à la mondialisation, l'Afrique et la France partagent des intérêts objectifs communs.
J'ai évoqué lors de nos débats notre intérêt à défendre ensemble nos cultures respectives. Je pourrais aussi évoquer la gestion des crises et les discussions en cours au Conseil de sécurité des Nations unies sur l'Iraq dans lequel nos représentants travaillent en étroite concertation pour faire prévaloir une vision commune d'un monde multipolaire et du droit international.
Je pourrais aussi citer nos relations économiques. Alors que l'Afrique représente environ 2 % du commerce mondial, elle représente près de 5 % de notre commerce extérieur. Nos échanges avec le continent africain sont supérieurs à ceux que nous avons avec l'Europe de l'Est et l'ex-URSS, le Proche et le Moyen-Orient ou encore l'Amérique latine. Le développement de l'Afrique n'est pas simplement un impératif moral mais présente aussi un intérêt direct et évident pour nos économies, nos entrepreneurs, nos emplois.
Dans ce contexte, la France ne peut accueillir qu'avec enthousiasme l'offre de partenariat formulée par l'Afrique à travers le NEPAD et son objectif de renaissance africaine. Cette nouvelle approche autour de laquelle s'est mobilisé l'ensemble du continent répond aux défis dont nous venons de discuter et tire les leçons de l'impasse d'une logique d'assistance.
Je me garderai bien de vous donner une version ou une interprétation française du NEPAD car ce serait contraire à l'essence même de ce projet qui tire sa force et sa dynamique de son origine africaine. Le NEPAD est un projet africain et doit le rester. Je souhaite toutefois vous dire pourquoi nous accueillons si favorablement cette initiative en évoquant quelques-uns uns de ses thèmes.
Il s'agit tout d'abord de sa dimension politique à travers la priorité accordée à la paix et la sécurité ainsi qu'à la prévention des conflits. Ces deux thèmes ont en effet toute leur place dans un plan de développement. Les événements de Côte d'Ivoire et leurs conséquences économiques dramatiques pour le pays, mais aussi pour ses voisins qui utilisent ses infrastructures pour commercer avec le reste du monde, nous rappellent aujourd'hui le lien évident entre la paix et le développement.
Il s'agit ensuite de l'accent mis sur la bonne gouvernance. Ce thème, qui n'est pas nouveau, prend toutefois un sens particulier dans ce projet à partir du moment où il est associé au mécanisme de "l'évaluation par les pairs". Beaucoup d'Africains acceptent mal de dépendre d'un jugement émanant de l'étranger. C'est compréhensible. C'est le propre d'ailleurs de toute nation. Mais cela ne doit pas, pour autant, exonérer les dirigeants de tout contrôle. La formule originale proposée par le NEPAD permet d'atteindre ce but tout en respectant le souhait légitime des Africains d'assurer eux-mêmes la bonne application des règles du jeu, grâce à l'évaluation par les pairs.
La pertinence du NEPAD tient enfin à la réaffirmation de l'importance du cadre sous-régional. Ce cadre existe déjà et les organisations sous-régionales sont nombreuses sur le continent mais le processus d'intégration se heurte inévitablement à la défense des intérêts nationaux à court terme. Ce n'est pas le propre de l'Afrique. Le long processus d'intégration européenne est en permanence confrontée aux mêmes obstacles. La dynamique du NEPAD et la force de son ambition offrent une nouvelle occasion de relancer ces mécanismes d'intégration.
Face aux défis de la mondialisation, le renforcement des organisations sous-régionales doit permettre aux économies nationales d'atteindre la masse critique nécessaire pour attirer les investissements, pour peser sur les marchés et dans les négociations commerciales. Ces organisations offrent également, je l'ai déjà mentionné, le cadre adapté pour la prévention et le règlement des conflits. Le rôle joué par la CEDEAO en Côte d'Ivoire, par la CEMAC en RCA ou encore par l'IGAD dans la corne de l'Afrique illustre cette dimension nouvelle et importante des organisations inter-étatiques sous-régionales.
Je voudrais insister un instant sur ce sujet, dont l'actualité et l'importance n'échapperont à personne.
Pour pouvoir agir, lorsqu'un conflit menace d'éclater, ou pour enrayer son développement lorsqu'il a éclaté, les organisations sous-régionales doivent pouvoir disposer de moyens directement opérationnels. La capacité à mobiliser très rapidement et à acheminer sur place les forces militaires nécessaires conditionne l'efficacité de l'action, que celle-ci soit de nature diplomatique et politique, ou qu'elle comporte l'envoi sur place de troupes équipées, chargées d'une mission de maintien ou de rétablissement de la paix.
Or les moyens dont peuvent disposer actuellement les organisations sous-régionales qui sont confrontées à de conflits intéressant un ou plusieurs de leurs membres ne répondent pas pleinement aux impératifs de disponibilité et de rapidité qui s'imposent.
Puisque nous souhaitons, ensemble, que l'Afrique soit préservée à l'avenir des coups d'Etat et des opérations de déstabilisation des institutions démocratiquement élues, puisque les Africains veulent, à juste titre, régler eux-mêmes les conflits en Afrique, il convient de s'en donner les moyens. Comme la justice, la diplomatie reste impuissante si elle est privée de moyens.
Vous le savez, la France a mis en uvre son programme de Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix (RECAMP).
Il est destiné à former et à équiper les forces africaines appelées à participer aux opérations de maintien de la paix. Ce programme a été et est actuellement opérationnel.
De leur coté, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont mis en place des systèmes qui s'inspirent des mêmes principes. Nous assurons une bonne liaison avec eux.
Dans le contexte du nécessaire renforcement des moyens de prévention des conflits et du rétablissement de la paix, nous sommes prêts à envisager, en concertation avec vous, les adaptations qui seraient opportunes pour accroître l'efficacité de ce programme.
Je soumets ces observations à votre réflexion, en souhaitant que nous puissions évoquer à nouveau ce sujet, qui me paraît très important non seulement pour les pays ou les régions en proie à des conflits, mais pour la stabilité et pour l'image de l'Afrique tout entière.
Dans ce domaine, comme dans les autres, le partenariat s'impose aujourd'hui comme la seule méthode efficace, la seule solution responsable.
C'est vrai des relations entre la France et l'Afrique. C'est vrai aussi des relations entre l'Afrique et le reste du monde.
Pour relever les défis de la mondialisation, sujet de notre conférence, l'Afrique a intérêt à se renforcer, à s'unir et à s'appuyer sur ses plus fidèles alliés, ses plus solides amis dans le monde, au premier rang desquels la France veut plus que jamais figurer.
C'est pourquoi la France propose que le partenariat soit au cur de la prochaine rencontre de nos chefs d'Etat et de gouvernement à Paris en février prochain pour un sommet dont le thème pourrait être, si vous en êtes d'accord, "L'Afrique et la France, ensemble dans le nouveau partenariat". Ce thème permettrait de traiter notamment de sujets importants tels que l'énergie, l'environnement, l'eau, la sécurité. Nous avons beaucoup à faire ensemble. Je m'en réjouis et j'ai confiance en nos capacités, si nous savons conjuguer nos efforts. Nous serons ainsi au cur de l'actualité.
Je vous remercie de votre attention et j'espère vous revoir prochainement à Paris.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 novembre 2002)
Monsieur le Ministre d'Etat, Ministre des Affaires étrangères
de la République du Cameroun, Excellence M. François Xavier Ngoubeyou,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs, les Ambassadeurs et Chefs de Délégations,
Distingués Invités,
Mesdames, Messieurs,
Je suis particulièrement heureux d'ouvrir cette conférence ministérielle de suivi de la XXIème Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement d'Afrique et de France. D'autant plus heureux que c'est la première fois que je participe à une réunion de cette conférence ministérielle depuis ma nomination dans le gouvernement français, en qualité de ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie.
Je tiens aussi à excuser le ministre des Affaires Etrangères, M. Dominique de Villepin, qui avait prévu d'assister à l'ouverture de cette conférence, mais qui a été retenu à Paris par les discussions en cours aux Nations unies sur l'Iraq.
Permettez-moi, tout d'abord, de remercier le président de la République du Cameroun, son Excellence M. Paul Biya, ainsi que le gouvernement camerounais, pour l'accueil qu'ils nous ont réservé et auquel nous sommes très sensibles.
Les questions dont nous avons à débattre pendant ces deux jours sont bien au cur des problèmes de l'Afrique et le remarquable travail préparatoire effectué par le Cameroun nous propose des axes de réflexion très fructueux.
Mesdames et Messieurs les Ministres, Chers collègues,
L'Afrique est confrontée au défi de la mondialisation et aux risques de la marginalisation. C'est le thème de nos travaux. Il n'y a pas de réponse simple à ce défi. Certains peuvent être tentés par des réactions pessimistes, par le découragement, voire par un certain désintérêt. Les crises qui secouent périodiquement le continent les confortent, évidemment, dans une attitude de repli. Il est vrai que l'histoire récente a pu fournir des raisons de douter.
Je suis venu vous dire que ce n'est pas l'état d'esprit de la France. Les thèmes que le dernier sommet de nos Chefs d'Etat et de Gouvernement nous ont transmis vont me permettre, au contraire, d'illustrer notre optimisme raisonné. Depuis le sommet de janvier 2001, de nombreux événements ont changé la nature des rapports Nord/Sud.
Je suis intimement convaincu qu'au-delà des crises et des guerres nous assistons au grand retour de l'Afrique sur la scène mondiale, grand retour qui coïncide avec une nouvelle volonté politique de la France.
Dans ce propos introductif, j'évoquerai tout d'abord les difficultés à surmonter dans un monde marqué par les crises et guerres, puis les raisons d'espérer et d'agir, et enfin les nouvelles orientations de la politique de la France à l'égard de l'Afrique.
I - Un monde de crises et de guerre
Depuis le 11 septembre 2001 tout a changé ; nouvelle date charnière dans l'histoire d'une humanité déjà frappée par des épreuves souvent tragiques, cette entrée brutale dans le XXIème siècle nous a rappelé que la technologie moderne mêlée au fanatisme idéologique ou religieux permettait à la folie meurtrière de circuler aussi librement que les capitaux. La prise de conscience que la mondialisation pouvait être la pire et la meilleure des choses va de pair avec un certain recul de la croyance dans la fraternité entre les peuples. Nous ne devons pas nous y résigner.
Depuis les attentats de septembre la France a été marquée deux fois par le terrorisme. L'Orient vient de subir les mêmes affres. L'Afrique aussi a vécu le prélude à ces événements dramatiques, je pense aux attentats au Kenya et en Tanzanie.
Notons-le d'ailleurs, ce ne sont pas les populations des pays les plus pauvres qui se sont rangées derrière la bannière du terrorisme, même si certaines organisations s'efforcent de les manipuler. Ce ne sont pas elles qui nourrissent contre l'Occident une haine aveugle. On est bien loin de l'explication simpliste des "damnés de la terre".
A des milliers de kilomètres de Manhattan, de nombreux pays africains continuent, quant à eux, de subir des conflits armés. Je pense tout d'abord à la crise en Côte d'Ivoire ou à la récente tentative de coup d'Etat en République centrafricaine. Les affrontements qui persistent en République démocratique du Congo, au Burundi et en Somalie, des pays qui peinent à retrouver leur unité, sont autant de crises qui affaiblissent l'Afrique tout entière et nuisent aux efforts humains et financiers effectués depuis des décennies.
Ces conflits entraînent de nombreux pays africains dans un cercle vicieux : la guerre amplifie la misère, l'état de pauvreté nourrit les conflits.
Cette misère en Afrique qui ne cesse d'accentuer le fossé entre des pays riches, de plus en plus riches, et des pays pauvres, de plus en plus pauvres.
Dois-je rappeler aussi que les grandes pandémies déciment des populations entières dans certaines régions d'Afrique. La recrudescence de la tuberculose et du paludisme, le sida qui progresse et continue ses ravages. Lorsque l'on sait que certains pays voient 35 % des 15-39 ans atteints du sida, c'est le quart des forces vives de ces pays qui risquent de disparaître d'ici 10 ans.
Alors, mes Chers Collègues, je comprends la tentation du renoncement éprouvée par certains, mais je ne l'admets pas car l'énoncé de ces grands fléaux de notre temps nous montre au contraire combien il est urgent d'agir. Vous le savez vous-mêmes, ces fléaux provoquent aussi, par leurs dimensions même une plus grande prise de conscience des réalités actuelles du Sud par les opinions publiques du Nord. La question des rapports Nord/Sud est revenue au centre des préoccupations de l'Occident. C'est nouveau et c'est encourageant.
A rebours du pessimisme, j'ai donc, Mesdames et Messieurs les Ministres, de nombreuses raisons d'espérer. Mon premier espoir vient de l'Afrique elle-même et de sa volonté de prendre en main son destin ; mon deuxième espoir est dans la détermination de la France d'être au coté de l'Afrique pour relever ces défis.
II - Les raisons d'espérer
A - L'Afrique prend en main son destin
On l'a vu avec le dernier sommet de l'Union africaine à Durban, on le constate avec le Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique, le NEPAD, votre continent s'organise, se mobilise et revendique à juste titre son droit à prendre en main son propre destin. Voilà la réponse politique au défi de la mondialisation. L'Union africaine est une étape essentielle car elle met en place des mécanismes pour la prévention et la gestion des conflits et organise aussi à l'échelle du continent des instances de coordination ; ce sont là des indices de la volonté de toute l'Afrique de prendre une plus grande place sur la scène internationale.
Il est à peine besoin de le rappeler : l'Afrique a été au cur du calendrier international en 2002 : à Monterrey, à Johannesburg, à Kananaskis. Elle le sera en juin 2003 à Evian ou au Sommet de Paris ; jamais, en si peu de temps, autant d'idées et de projets n'auront été échangés, de problèmes débattus, de décisions arrêtées pour aider l'Afrique à prendre en main son destin.
L'initiative du NEPAD mérite à ce titre d'être soulignée. La France la soutient car elle place sur le devant de la scène la logique du partenariat. Surtout, elle intègre le développement dans un contexte : le respect de l'Etat de droit, la transparence financière et la bonne gouvernance. Le dispositif très novateur et même audacieux de "l'évaluation par les pairs" et le rôle important reconnu au secteur privé dans le financement du développement sont autant d'éléments capables de créer une dynamique pour mobiliser les décideurs politiques et économiques.
L'Afrique, enfin, s'efforce activement de régler ses conflits par des voies politiques ou selon des procédures juridiques. Cette démarche devrait se confirmer chaque jour davantage, que ce soit en Côte d'Ivoire avec la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), en RCA avec la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale (CEMAC). Elle ne doit pas renoncer à ses efforts dans la Corne de l'Afrique avec l'Autorité intergouvernementale de Développement (IGAD) ou dans la région des Grands Lacs. La stabilisation et la résolution des conflits ne peuvent être acquises que dans le respect des règles et des principes que se donne et se donnera l'Union africaine.
Certaines récentes évolutions incitent aussi à l'optimisme : la fin de la guerre civile en Angola et les perspectives de paix au Soudan, deux des plus anciens conflits du continent Africain.
L'Afrique devient un acteur plus actif sur la scène internationale. Elle peut s'imposer à l'affiche autrement que par les crises ou les guerres. Elle construit sa vision du monde ; notre conférence Afrique-France doit y ajouter ses propres réponses.
Vous le savez comme moi, mes chers Collègues, à l'intérieur des Etats, c'est par des voies démocratiques que doivent venir les réponses aux aspirations légitimes des populations. Après l'Amérique latine et l'Asie, l'Afrique doit tourner la page des coups d'Etat. Les aspirants aux coups de force doivent comprendre que c'est fini ; ils ne bénéficieront d'aucune complaisance, d'où que ce soit.
Je voudrais enfin souligner que ce retour de l'Afrique sur le devant de la scène coïncide avec la prise de conscience des atouts et des attraits de l'Afrique pour l'avenir de la planète, dépassant l'approche traditionnelle des ressources primaires.
Sur le plan des richesses culturelles, à côté de ses valeurs, l'Afrique apporte à la "civilisation globale" une créativité qui revitalise les arts plastiques, la musique, la danse, la littérature, le cinéma. Cet élan se retrouve de plus en plus dans le sport, il s'exprime aussi et surtout dans cette jeunesse africaine, avide de progrès, impatiente d'entreprendre, pour peu qu'on lui ouvre ses horizons.
Mais aussi sur le plan de l'environnement. L'Afrique est porteuse de réponses. Votre continent donne à notre planète un patrimoine naturel unique avec ses espaces, ses forêts, sa faune, sa flore. L'Afrique est, pour l'humanité, un immense potentiel presque intact. Avec ce capital, l'Afrique doit devenir un acteur décisif d'un nouvel équilibre écologique mondial. Elle peut et doit être le terrain d'élection du développement durable, avec ce qu'il sous-tend de solidarité, d'efforts, de co-développement et d'ouverture extérieure.
B - Une nouvelle volonté politique en France
Je n'ai pas besoin de vous rappeler que la France a vécu, au cours de la période récente, des événements politiques majeurs. Le président de la République française, M. Jacques Chirac, a pris l'engagement devant les Français de soutenir l'Afrique. C'était un thème dominant de sa campagne électorale, fait unique dans notre vie démocratique.
Nous avons depuis lors mis en route le grand chantier de la rénovation de notre politique de coopération. Conformément aux orientations fixées par le président de la République Jacques Chirac, et en accord avec le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin et le ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, j'ai défini notre nouvelle politique de coopération autour de 10 objectifs :
- Augmenter le volume de notre APD ; il s'agit d'augmenter de 50 % en 5 ans notre effort d'APD. Celle-ci passera dès l'année prochaine à 0,39 % de notre PIB, alors qu'elle se situait à 0,32 % en 2001.
- Rééquilibrer nos efforts en faveur de l'aide bilatérale : cela permet une intervention plus rapide, plus ciblée et moins complexe dans les procédures. Dès 2003 la part du bilatéral passera de 63 % à 69 %.
- Accroître notre coopération avec l'Afrique : vous êtes les premiers bénéficiaires de notre aide : 44 % au sud du Sahara et 20 % pour l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient ; s'agissant plus particulièrement des crédits gérés par le ministère français des Affaires étrangères, la part de l'Afrique subsaharienne franchira la barre des 50 % (+ 9,4), avec plus de 65 % pour l'ensemble du continent.
- Substituer le partenariat à l'assistance.
- Développer la coopération décentralisée.
- Accentuer le partenariat avec la société civile, le monde de l'entreprise, les ONG.
- Promouvoir le volontariat associatif : il s'agit de permettre aux jeunes Français de s'engager plus facilement durant une période de leur vie dans l'aide au développement.
- Renforcer l'expertise française en matière de coopération : nous souhaitons mobiliser nos chercheurs, nos scientifiques, nos gestionnaires, pour cette grande cause qu'est la coopération.
- Assurer une coordination plus efficace de nos instruments administratifs, techniques et financiers : la France s'impose elle aussi des réformes de structures et de méthodes dans sa politique de coopération.
- Accentuer notre présence politique et diplomatique dans les pays avec lesquels nous coopérons : je pense plus particulièrement à la modernisation et au rassemblement de toutes nos structures à l'étranger.
Comme je l'ai dit, la France aura, à compter du 1er janvier, à exercer la présidence du G8 et à préparer les travaux du sommet d'Evian en juin 2003. Elle compte pousser plus loin les avancées du sommet de Kananaskis dans leur volet africain. Pour ce faire, nos propositions, aujourd'hui à Yaoundé puis à Paris en février 2003, celles qui vont émerger dans un cadre eurafricain, cette fois à Ouagadougou, à la fin du mois de novembre, puis lors du sommet de Lisbonne en avril, seront autant de maillons dans la longue chaîne qui se forme pour mieux organiser et pour renforcer dans la forme et dans le fond le dialogue entre l'Afrique et le monde.
Alors, Monsieur le Ministre d'Etat, Mesdames et Messieurs les Ministres et Chefs de délégations, je crois que nous avons beaucoup à nous dire.
J'aborde les travaux de cette conférence Afrique-France avec beaucoup de confiance, car nous avons une voix originale à faire entendre. Nos communautés de destin, nos affinités culturelles, les liens intimes entre nos populations et nos dirigeants, notre voisinage de part et d'autre de la Méditerranée et, pour tout dire, notre amitié et notre solidarité font que le message de la Conférence des chefs d'Etats et de gouvernement d'Afrique et de France doit porter loin, car il est unique et exemplaire ! .
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 novembre 2002)
(Discours de clôture à Yaoundé, le 5 novembre 2002) :
Monsieur le Ministre d'Etat,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Chefs de délégation,
Mesdames et Messieurs,
Au terme de ces deux journées de débats ouverts et constructifs, nous avons clairement identifié les défis posés à l'Afrique. Ils sont devant nous, mais les réponses que nous entendons y apporter se précisent et se structurent.
Ces discussions sont particulièrement utiles à la veille de grandes échéances internationales qui seront centrées sur l'Afrique et dont on peut attendre des résultats concrets.
Je pense au sommet qui réunira nos chefs d'Etat et de gouvernement du 19 au 21 février 2003 à Paris, au Sommet Union européenne/Afrique de Lisbonne en avril prochain mais aussi au prochain sommet du G8 dont la France assurera la présidence en 2003. Ce forum a déjà permis d'apporter à Kananaskis une première réponse des pays industrialisés à la nouvelle ambition portée par le NEPAD. Il convient de la préciser et surtout de la mettre en pratique.
En 2003, la France s'affirmera plus que jamais aux côtés de l'Afrique. D'une manière générale, elle se mettra au service de l'ambition africaine, dans la mesure où cette ambition sera aussi la sienne. Autant qu'elle le pourra, elle plaidera la cause de l'Afrique auprès de la communauté internationale, notamment au sein de l'Union européenne : elle y fera à nouveau entendre distinctement sa voix, forte de sa connaissance intime de l'Afrique et de la confiance que celle-ci place en elle. Mais la plaidoirie ne suffit pas, si l'avocat n'a pas un bon dossier. C'est bien d'un double effort qu'il s'agit. Dans ce rôle d'avocat de l'Afrique, la France mettra son cur autant que sa raison.
Je parle du cur mais aussi de la raison car nous avons la profonde conviction que, face à la mondialisation, l'Afrique et la France partagent des intérêts objectifs communs.
J'ai évoqué lors de nos débats notre intérêt à défendre ensemble nos cultures respectives. Je pourrais aussi évoquer la gestion des crises et les discussions en cours au Conseil de sécurité des Nations unies sur l'Iraq dans lequel nos représentants travaillent en étroite concertation pour faire prévaloir une vision commune d'un monde multipolaire et du droit international.
Je pourrais aussi citer nos relations économiques. Alors que l'Afrique représente environ 2 % du commerce mondial, elle représente près de 5 % de notre commerce extérieur. Nos échanges avec le continent africain sont supérieurs à ceux que nous avons avec l'Europe de l'Est et l'ex-URSS, le Proche et le Moyen-Orient ou encore l'Amérique latine. Le développement de l'Afrique n'est pas simplement un impératif moral mais présente aussi un intérêt direct et évident pour nos économies, nos entrepreneurs, nos emplois.
Dans ce contexte, la France ne peut accueillir qu'avec enthousiasme l'offre de partenariat formulée par l'Afrique à travers le NEPAD et son objectif de renaissance africaine. Cette nouvelle approche autour de laquelle s'est mobilisé l'ensemble du continent répond aux défis dont nous venons de discuter et tire les leçons de l'impasse d'une logique d'assistance.
Je me garderai bien de vous donner une version ou une interprétation française du NEPAD car ce serait contraire à l'essence même de ce projet qui tire sa force et sa dynamique de son origine africaine. Le NEPAD est un projet africain et doit le rester. Je souhaite toutefois vous dire pourquoi nous accueillons si favorablement cette initiative en évoquant quelques-uns uns de ses thèmes.
Il s'agit tout d'abord de sa dimension politique à travers la priorité accordée à la paix et la sécurité ainsi qu'à la prévention des conflits. Ces deux thèmes ont en effet toute leur place dans un plan de développement. Les événements de Côte d'Ivoire et leurs conséquences économiques dramatiques pour le pays, mais aussi pour ses voisins qui utilisent ses infrastructures pour commercer avec le reste du monde, nous rappellent aujourd'hui le lien évident entre la paix et le développement.
Il s'agit ensuite de l'accent mis sur la bonne gouvernance. Ce thème, qui n'est pas nouveau, prend toutefois un sens particulier dans ce projet à partir du moment où il est associé au mécanisme de "l'évaluation par les pairs". Beaucoup d'Africains acceptent mal de dépendre d'un jugement émanant de l'étranger. C'est compréhensible. C'est le propre d'ailleurs de toute nation. Mais cela ne doit pas, pour autant, exonérer les dirigeants de tout contrôle. La formule originale proposée par le NEPAD permet d'atteindre ce but tout en respectant le souhait légitime des Africains d'assurer eux-mêmes la bonne application des règles du jeu, grâce à l'évaluation par les pairs.
La pertinence du NEPAD tient enfin à la réaffirmation de l'importance du cadre sous-régional. Ce cadre existe déjà et les organisations sous-régionales sont nombreuses sur le continent mais le processus d'intégration se heurte inévitablement à la défense des intérêts nationaux à court terme. Ce n'est pas le propre de l'Afrique. Le long processus d'intégration européenne est en permanence confrontée aux mêmes obstacles. La dynamique du NEPAD et la force de son ambition offrent une nouvelle occasion de relancer ces mécanismes d'intégration.
Face aux défis de la mondialisation, le renforcement des organisations sous-régionales doit permettre aux économies nationales d'atteindre la masse critique nécessaire pour attirer les investissements, pour peser sur les marchés et dans les négociations commerciales. Ces organisations offrent également, je l'ai déjà mentionné, le cadre adapté pour la prévention et le règlement des conflits. Le rôle joué par la CEDEAO en Côte d'Ivoire, par la CEMAC en RCA ou encore par l'IGAD dans la corne de l'Afrique illustre cette dimension nouvelle et importante des organisations inter-étatiques sous-régionales.
Je voudrais insister un instant sur ce sujet, dont l'actualité et l'importance n'échapperont à personne.
Pour pouvoir agir, lorsqu'un conflit menace d'éclater, ou pour enrayer son développement lorsqu'il a éclaté, les organisations sous-régionales doivent pouvoir disposer de moyens directement opérationnels. La capacité à mobiliser très rapidement et à acheminer sur place les forces militaires nécessaires conditionne l'efficacité de l'action, que celle-ci soit de nature diplomatique et politique, ou qu'elle comporte l'envoi sur place de troupes équipées, chargées d'une mission de maintien ou de rétablissement de la paix.
Or les moyens dont peuvent disposer actuellement les organisations sous-régionales qui sont confrontées à de conflits intéressant un ou plusieurs de leurs membres ne répondent pas pleinement aux impératifs de disponibilité et de rapidité qui s'imposent.
Puisque nous souhaitons, ensemble, que l'Afrique soit préservée à l'avenir des coups d'Etat et des opérations de déstabilisation des institutions démocratiquement élues, puisque les Africains veulent, à juste titre, régler eux-mêmes les conflits en Afrique, il convient de s'en donner les moyens. Comme la justice, la diplomatie reste impuissante si elle est privée de moyens.
Vous le savez, la France a mis en uvre son programme de Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix (RECAMP).
Il est destiné à former et à équiper les forces africaines appelées à participer aux opérations de maintien de la paix. Ce programme a été et est actuellement opérationnel.
De leur coté, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont mis en place des systèmes qui s'inspirent des mêmes principes. Nous assurons une bonne liaison avec eux.
Dans le contexte du nécessaire renforcement des moyens de prévention des conflits et du rétablissement de la paix, nous sommes prêts à envisager, en concertation avec vous, les adaptations qui seraient opportunes pour accroître l'efficacité de ce programme.
Je soumets ces observations à votre réflexion, en souhaitant que nous puissions évoquer à nouveau ce sujet, qui me paraît très important non seulement pour les pays ou les régions en proie à des conflits, mais pour la stabilité et pour l'image de l'Afrique tout entière.
Dans ce domaine, comme dans les autres, le partenariat s'impose aujourd'hui comme la seule méthode efficace, la seule solution responsable.
C'est vrai des relations entre la France et l'Afrique. C'est vrai aussi des relations entre l'Afrique et le reste du monde.
Pour relever les défis de la mondialisation, sujet de notre conférence, l'Afrique a intérêt à se renforcer, à s'unir et à s'appuyer sur ses plus fidèles alliés, ses plus solides amis dans le monde, au premier rang desquels la France veut plus que jamais figurer.
C'est pourquoi la France propose que le partenariat soit au cur de la prochaine rencontre de nos chefs d'Etat et de gouvernement à Paris en février prochain pour un sommet dont le thème pourrait être, si vous en êtes d'accord, "L'Afrique et la France, ensemble dans le nouveau partenariat". Ce thème permettrait de traiter notamment de sujets importants tels que l'énergie, l'environnement, l'eau, la sécurité. Nous avons beaucoup à faire ensemble. Je m'en réjouis et j'ai confiance en nos capacités, si nous savons conjuguer nos efforts. Nous serons ainsi au cur de l'actualité.
Je vous remercie de votre attention et j'espère vous revoir prochainement à Paris.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 novembre 2002)