Déclaration de M. Jean-François Mattéi, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, sur la politique du médicament, notamment le déremboursement de certains médicaments et la mise sur le marché de médicaments innovants, Paris le 25 septembre 2002.

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Circonstance : Réunion de rentrée de l'Association des cadres de l'industrie pharmaceutique (ACIP) à Paris le 25 septembre 2002

Texte intégral

Madame la Présidente,
Mesdames, Messieurs,
Permettez moi tout d'abord de vous remercier de l'honneur que vous me faites en m'invitant à la réunion de rentrée de l'association des cadres de l'industrie pharmaceutique. Je salue la prescience des organisateurs qui ont su anticiper le décalage de la réunion de présentation des comptes de la sécurité sociale en fixant ce rendez vous.
Je ne voudrais pas toutefois me limiter au seul projet de loi sur les finances de la sécurité sociale. Comme vous le savez, la politique du médicament ne se fait pas qu'au travers de la loi, la plupart des mesures évoquées relèvent de textes réglementaires ou conventionnels ! Le message que je souhaite vous adresser ce soir s'articule autour de trois préoccupations :
Un souci d'efficience ;
Un souci de progrès ;
Un souci de clarté et de simplification.
1- Premièrement un souci d'efficience :
Mon premier souci est avant tout sanitaire, d'abord au regard de la santé publique : nous devons régulièrement, en fonction des nouvelles connaissances, passer au crible les produits anciens parfois peu efficaces, voire même déconseillés. Cette remise en cause est une nécessité. Elle engage d'ailleurs notre responsabilité.
Mon autre préoccupation vise à assurer la meilleure utilisation de l'argent des cotisants. C'est pour cela que je souhaite accélérer le développement des génériques et procéder au déremboursement de produits que la collectivité ne peut plus prendre en charge. Vous le savez comme moi, les budgets ne sont pas extensibles. Il faut donc faire des choix et orienter la solidarité nationale sur les priorités de soins.
Ce sont ces deux considérations qui ont guidé mes choix.
Concernant les génériques, tout le monde comprend une pédagogie simple : on ne peut pas accepter de payer plus cher une même molécule avec la même efficacité. Vous êtes des gens d'entreprises. Je sais que c'est votre raisonnement de base. Si vous pensez comme moi qu'il faut toujours payer au juste prix, vous devez comprendre cette démarche quelles que soient vos légitimes arguments industriels ou commerciaux. Je suis comptable de l'argent des cotisants et j'ai le devoir de l'utiliser animé par un souci d'économie. Je suis donc persuadé que nous devons promouvoir les molécules génériquées.
Les efforts faits depuis trois ans en direction des pharmaciens d'une part, des laboratoires d'autre part devront être intensifiés. L'accord que les caisses d'assurance maladie ont passé avec les représentants des médecins porte déjà ses fruits. Le forfait de remboursement vient en complément de la politique de substitution. Lorsque cela sera jugé utile, les pouvoirs publics pourront l'employer pour accélérer les gains financiers qui doivent être réalisées sur les génériques. Cette mesure a fait ses preuves dans d'autres pays. Elle responsabilise le patient qui paie la différence s'il veut assumer l'écart de prix pour des convenances personnelles. Elle offre une marge de manoeuvre au producteur de princeps qui est libre de définir sa stratégie de prix : maintien de son prix, réduction de l'écart de prix avec les génériques ou encore alignement. Promouvoir le générique n'est pas une atteinte à la liberté de l'industriel.
Le principe de poursuivre les déremboursement des médicaments à SMR insuffisants vise trois objectifs :
un objectif de santé publique : un certain nombre de produits peu efficaces n'ont plus leur place dans la stratégie thérapeutique et, à mon sens, sont même déconseillés.
un objectif de responsabilisation : l'assurance maladie doit se concentrer sur le remboursement des pathologies les plus graves. Nos concitoyens peuvent le comprendre. Ils acceptent bien de payer pour le synthol, l'alvityl et le mytosyl ou plus récemment encore pour le rhinathiol ou le maalox alors que ses produits étaient à l'origine remboursables. Avec l'aide des médecins et des pharmaciens, avec votre engagement, nous arriverons à les en persuader. Vous l'avez compris cette mesure doit être une formidable incitation à l'automédication. J'accompagnerai ce plan des mesures nécessaires à son développement. Encore une fois, si l'on se compare à d'autres pays européens, notre retard en la matière est flagrant.
Le troisième objectif poursuivi est industriel. Depuis longtemps et singulièrement depuis 1999, les industriels qui produisent des médicaments jugés à SMR insuffisants vivent dans l'incertitude. Aucune lisibilité d'ensemble ne leur a été donnée. On a évoqué le déremboursement, des baisses de prix ont été finalement décidées Certains d'entre vous se sont préparés. Ils ont organisé des déremboursements. Le citrate de bétaïne ou " l'aspirine vitamine C ", produits à smr insuffisants, ont été déremboursés l'année dernière à l'initiative des industriels eux-mêmes, je veux les féliciter ! C'est cela anticiper et préparer l'avenir. Les derniers chiffres témoignent d'ailleurs d'une hausse du chiffre d'affaires de " l' aspirine vitamine C ". Le déremboursement ne signifie pas la fin du produit ! D'autres industriels se sont diversifiés, certains d'entre vous se sont lancés dans les biotechnologies.
Vous savez désormais le choix du gouvernement. Mais pour permettre aux médecins et aux patients de changer leurs habitudes, et aux industriels de s'adapter aucune mesure ne sera brutale. Les procédures légales seront scrupuleusement respectées et chaque produit faisant l'objet d'une contestation sera réexaminé spécifiquement. Nous nous sommes donnés 3 ans et aucune liste n'est établie a priori. Nous saurons faire la différence entre les produits que nous souhaitons voir disparaitre, ceux qui relèvent de l'automédication et ceux qui, ayant certes un SMR insuffisant, n'ont pas de substitut plus efficaces. Il ne s'agit pas de brusquer les choix mais de vous donner une lisibilité pour vous permettre de prendre les mesures nécessaires. L'industrie pharmaceutique est une industrie d'innovation. Ce sont les nouveaux produits qui permettent de vous développer. J'ai décidé de vous aider.
2- Un souci de progrès
Les efforts de recherche doivent être soutenus en encourageant les produits innovants, en accélérant leur mise sur le marché et en aidant au développement des médicaments de demain.
Je souhaite pouvoir renforcer la politique d'encouragement à l'innovation mise en place dans le cadre conventionnel sous l'égide du président du CEPS, Noël Renaudin. Il faut aider la diffusion de produits reconnus comme particulièrement importants. Je veux donc non seulement maintenir le dispositif existant mais encore le renforcer en allongeant notamment la durée d'exonération. Il nous appartient aussi d'approfondir la notion d'innovation. Les médicaments aux ASMR 1 et 2 sont-ils vraiment les seuls à être innovants ? Sans doute pas ! Dans certains domaines, une ASMR de niveau 3 voire 4 peut marquer déjà une innovation. Ces questions devront être abordées lors de la renégociation de l'accord cadre. En outre, une enveloppe spéciale de 200 millions d'euros supplémentaire sera affectée à l'achat par les hôpitaux de médicaments innovants.
La mise sur le marché des médicaments innovants doit être accélérée. J'ai entendu votre demande, une disposition du PLFSS pose le principe d'un dépôt de prix. Les modalités pratiques de ce dispositif que ce soit la fixation du prix ou les médicaments éligibles devront être discutées avec vous dans le cadre de l'accord sectoriel. Avec le dispositif des ATU dont nous disposons déjà, et ce nouveau système, les patients accèderont plus vite aux nouveaux traitements. Les industriels, eux, allongeront la durée de commercialisation sous protection du brevet.
L'aide à l'innovation ne se limite pas aux produits d'aujourd'hui. Il est important de préparer les médicaments de demain. Un constat d'abord : plus de 50% des nouveaux médicaments sont liés aux biotechnologies, 90% des sociétés de biotechnologies se situent dans le domaine de la pharmacie ou des technologies associées. Le ministère de la Santé participe activement aux travaux interministériels pour inciter au développement des biotechnologies. Nous intervenons notamment sur les réflexions actuellement menées, notamment sur le statut de jeune entreprise innovante. Nous souhaitons aussi pouvoir capitaliser sur notre connaissance spécifique du médicament et de son environnement réglementaire pour aider ce secteur. Je souhaite aussi pouvoir aider à la commercialisation de ces produits. J'appelle de mes voeux le rapprochement entre entreprises de bio-technologies et entreprises pharmaceutiques notamment de taille moyenne. Le recours à des recherches extérieures doit permettre à certaines firmes de pharmacie de compléter leur catalogue. 50% des molécules récemment commercialisées par les grands groupes de pharmacie sont issus de recherches menées à l'extérieur de ces entreprises.
Le soutien à l'innovation passe aussi par une juste rémunération des recherches réalisées. Le commerce parallèle qui connaît un fort développement en Europe constitue une menace grave pour les entreprises du médicament. Il n'est pas légitime que des intermédiaires jouent sur les écarts de prix imposés aux entreprises pour dégager du profit. Je souhaite pouvoir intervenir au niveau européen pour mettre fin à ce problème. J'ai ainsi accepté de participer au groupe G10. Pour ce qui concerne la France, je souhaite pouvoir étudier le principe d'un prix aligné sur celui de pays européens à prix libre assorti d'une remise.
3- Mon troisième souci est de nous doter d'un système fiabilisé et modernisé.
Je vous entends dire que le système français est compliqué, parfois opaque et souvent lent. Je voudrais d'abord rendre hommage aux femmes et aux hommes qui le font fonctionner. Notre dispositif n'est certes pas parfait, nous pouvons encore l'améliorer. Trois pistes me semblent particulièrement importantes : l'intervention sur les délais, la fiscalité et le dispositif d'admission au remboursement.
En ce qui concerne le traitement des dossiers, je constate que certains délais administratifs sont importants, en moyenne 71 jours : il faut les réduire de moitié voire des deux tiers. J'ai demandé à mes services d'y travailler. Cette mesure viendra réduire le temps d'instruction des dossiers pour l'ensemble des médicaments et pas seulement pour les produits les plus innovants.
La fiscalité spécifique qui pèse sur l'industrie pharmaceutique est critiquée. Vous supportez 4 taxes, les assiettes sont différentes. Certaines de ces taxes font l'objet de contestation. Le PLFSS organise une simplification de la taxe sur la promotion. L'assiette, mieux définie, ne sera plus contestée. Certaines dépenses comme les colloques ne seront plus pris en compte. C'est un début ! A terme, je souhaite pouvoir poursuivre et amplifier la simplification de la fiscalité. Vous le savez, c'est un domaine complexe, une modification entraîne souvent des redistributions importantes. Il est donc essentiel que l'on se donne le temps de la réflexion et de la concertation.
Nous disposons désormais d'une expérience suffisante sur le dispositif d'admission au remboursement des médicaments pour s'interroger sur les réformes possibles. Les critiques que j'ai entendues sont nombreuses. Je souhaite en peser le bien fondé. Il faut étudier les structures, les modes de fonctionnement et les critères utilisés. Je souhaite pouvoir associer à cette réflexion l'ensemble des acteurs : responsables des différents organes impliqués mais aussi utilisateurs. Je me suis fixé pour objectif de mettre en place le dispositif rénové lors du renouvellement de la commission de la transparence en juillet prochain.
Je voudrais conclure en insistant sur l'importance du partenariat et de la responsabilisation de l'ensemble des acteurs. Acteurs de l'assurance maladie, professionnels de santé, industriels et patients doivent ensemble nous aider à faire évoluer notre système de santé.
Il faut que nous puissions travailler dans un dialogue permanent. La légalisation de l'accord cadre peut contribuer à affirmer cette volonté. Je suis naturellement très favorable au renouvellement de l'accord sectoriel qui incarne cette volonté de travail en commun. Il serait illusoire de penser que les pouvoirs publics peuvent seuls régler les défis de notre système de santé.



(Source http://www.sante.gouv.fr, le 29 janvier 2003)