Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Le 6 mai dernier, nous étions réunis pour la première fois en Conférence Nationale de la Famille dans le but de donner un nouvel élan à notre politique familiale.
Ensemble nous avons décidé ce jour-là d'engager un processus de réforme de notre politique familiale fondée sur une concertation approfondie et continue entre tous ceux dont l'action a, un titre ou à un autre, influe sur la vie des familles.
C'est donc presque comme s'il s'agissait de reprendre une séance de travail entre partenaires décidés à travailler ensemble, dans la durée, que j'ouvre aujourd'hui cette seconde Conférence Nationale de la Famille.
Je souhaiterais à cet égard rendre hommage au président BURNEL qui a tant oeuvré pour introduire dans la pratique gouvernementale puis dans la loi cette conférence qui nous réunit aujourd'hui.
M. BURNEL a quitté la présidence de l'UNAF après de longues années d'action opiniâtre pour la cause des familles. II a su tous nous convaincre qu'il n'y a de politique familiale digne de ce nom que si celle-ci est globale. C'est dans cet esprit que nous avons travaillé le 6 mai dernier et que nous travaillerons, je l'espère, aujourd'hui.
Je sais, en effet, M. le président BRIN, que vous êtes animé de la même volonté que votre prédécesseur d'enraciner dans notre vie publique cet état d'esprit visant à placer au centre de toutes les politiques publiques la prise en compte du fait familial.
Je souhaite pour ma part que notre réunion d'aujourd'hui nous permette d'avancer de manière déterminante dans cette vole.
Pour préparer la seconde conférence de la famille, nous avions demandé, le 6 mai dernier, à Mme GISSEROT de conduire une concertation en profondeur avec tous les acteurs de notre politique familiale.
Cette concertation s'est déroulée dans le cadre de cinq ateliers qui ont permis de couvrir l'ensemble du champs de la politique familiale:
la famille aujourd'hui, présidé par Mme RUBELLIN DEVICHI;
la compensation des charges familiales, présidé par M. LAGRAVE:
la famille avec enfant et son environnement, présidé par Mme BEUZELIN;
- les relations entre les générations, présidé par M. HUDE;
· et enfin la famille et le travail, présidé par Mme MILLE.
Je voudrais ici saluer la qualité de cette concertation qui s'est déroulée sur plusieurs mois et qui a réuni plus de 500 participants et intervenants. Je veux tout particulièrement remercier pour leur engagement les présidents des ateliers. C'est grâce à eux que nous avons respecté notre calendrier. Je mesure tout ce que cela a représenté pour eux d'investissement et de mobilisation.
Mme GISSEROT, aidée du comité de pilotage qu'elle a constitué auprès d'elle, a synthétisé les réflexions de ces ateliers dans un rapport remis à Jacques BARROT en janvier dernier. Je tiens ici à rendre hommage à l'intelligence de ce rapport, pour reprendre les termes mêmes dans lesquels l'UNAF l'a salué, ainsi qu'à la qualité des propositions qu'il contient. Celles-ci vent réellement susceptibles, comme nous l'avons souhaité le 6 mai dernier, de nous permettre de poser les bases d'une nouvelle politique familiale.
Je souhaite que, juste après le propos introductif de Jacques BARROT et avant de passer la parole à M. BRIN, Mme GISSEROT puisse ainsi nous rappeler les principales orientations qui se vent dégagées à l'issue de la très large concertation à laquelle elle a présidé.
Parallèlement à ce processus de concertation, le Gouvernement a entendu tirer dans ses actions depuis le 6 mai dernier les premières conclusions des analyses et des propositions qui avaient été présentées lors de cette première conférence.
D'abord en matière fiscale. Les participants à la conférence du 6 mai avaient indiqué leur hostilité à toute mesure de fiscalisation des allocations familiales. J'avais, quant à moi, fait connaître le souci de justice qui me paraissait pouvoir présider à une telle mesure et indiqué qu'il ne s'agissait évidemment pas de spolier les familles au profit du budget de l'Etat, mais de faciliter la mise en oeuvre de mesures nouvelles, en particulier pour les grands enfants.
A la suite de nos échanges, j'ai décidé de ne pas inclure en définitive dans la réforme de l'impôt sur le revenu la fiscalisation des allocations familiales, tout en maintenant mon projet de construire cette réforme dans l'intérêt des familles.
Les fa mi lies, no us le savons tous, supportent, en effet, des charges importantes liées à l'éducation des enfants. II était donc juste et logique qu'elles soient les principales bénéficiaires de cette réforme.
Ainsi, pour ne prendre que deux chiffres, sur 75 MdsF de baisse d'impôts en cinq ans, 32 MdsF bénéficieront aux familles et 1,4 million de familles supplémentaires seront exonérées de l'impôt sur le revenu, soit 30 % de plus qu'aujourd'hui.
Deuxième axe de notre action depuis mai dernier: le renforcement de la solidarité entre les générations avec la création de la prestation spécifique dépendance. Cette nouvelle prestation qui bénéficiera dès cette année à 300.000 personnes répond aux besoins d'aide de nos aînés dépendants. Etape essentielle vers la création de la prestation d'autonomie voulue par le Président de la République, la prestation spécifique dépendance est la preuve que, malgré les contraintes économiques et, sans en faire abstraction, nous pouvons faire évoluer avec ambition les instruments de notre protection sociale.
Troisième axe de l'action engagée par le Gouvernement protection de l'enfance maltraitée.
Avec les associations et en particulier l'UNAF qui se battent depuis si longtemps pour la cause des enfants, j'ai engagé personnellement, en septembre dernier, juste après la conférence de Stockholm, une concertation active. Nous avons ainsi construit avec elles un programme d'action pour la protection de l'enfance maltraitée qui se met en oeuvre de façon accélérée sous l'impulsion de Xavier EMMANUELLI.
Parallèlement, le Garde des Sceaux a préparé également en étroite concertation avec toutes avec les parties prenantes, et en particulier les instances d'éthique, un projet de loi visant à mieux prévenir et réprimer plus efficacement la maltraitance à enfant, et notamment les abus sexuels en prévoyant une peine de suivi médical.
J'ai souhaité enfin que la protection de l'enfance maltraitée soit choisie comme la Grande Cause Nationale pour 1997.
Quatrième axe de l'action du Gouvernement en faveur des familles: la dimension d'aide à la famille qui figure dans le projet de loi de cohésion sociale.
Le 6 mai dernier, beaucoup d'entre vous avez, en effet, souligné les difficultés croissantes des familles et le fait qu'un nombre grandissant d'entre elles étaient en situation d'exclusion ou menacés de l'être.
C'est pour répondre à cette situation si préoccupante que le projet de loi de cohésion sociale consacre une place importante à l'aide aux familles en difficulté en facilitant l'accès aux prestations familiales, en renforçant le droit à une vie familiale normale, en rendant plus facile l'accès au logement et en favorisant le maintien dans celui-ci.
Cinquième axe: la représentation des familles. Lors de la première conférence de la famille, beaucoup d'entre vous, après avoir salué la place qui avait été faite au mouvement familial dans les conseils des caisses de
sécurité sociale par l'ordonnance du 24 avril 1996, avaient regretté que le mouvement familial ne soit pas mieux associé à la lutte pour l'emploi, notamment des jeunes.
C'est pour répondre à cette demande tout à fait légitime que j'ai voulu que l'UNAF participe de 10 février dernier à la conférence nationale pour l'emploi des jeunes. Nous avons pu constater à quel point cette participation du mouvement familial avait été positive dans la mobilisation de tous les acteurs pour lutter contre ce fléau qu'est le chômage des Jeunes.
Enfin, lors de la conférence du 6 mai, plusieurs participants avaient appelé de leurs voeux l'apport de ressources nouvelles au profit de la branche famille. Dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement a répondu à cette demande, en apportant au titre de l'élargissement de la CSG et de la hausse des cotisations familiales de l'Etat et des entreprises publiques près de 5 MdsF de ressources nouvelles.
Je ne voudrais pas, enfin, conclure cette présentation de la politique conduite par le Gouvernement depuis le 6 mai sans rappeler deux mesures essentielles pour les familles. La réalisation de l'égalité devant les prestations familiales dans les départements d'outre-mer et la loi visant à faciliter l'adoption qui a été adoptée par le Parlement sous l'impulsion de M. MATTEI
II nous appartient aujourd'hui de prolonger et d'amplifier cette dynamique de concertation et d'action, et cela pour jeter les bases de la politique familiale du XXlème siècle.
Ce grand dessein nous devons le réaliser ensemble avec réalisme et ambition.
Ensemble, car nous le savons tous, rien ne se fera si nous ne parvenons pas à mobiliser tous les acteurs de notre politique familiale. Celle-ci n'est pas seulement l'affaire de l'Etat ou du mouvement familial. Elle est de plus en plus aussi celle des partenaires sociaux, des collectivités territoriales et du monde associatif.
Et c'est bien pour cela que j'ai souhaité que la conférence d'aujourd'hui fasse une place à tous ces acteurs et j'attends de chacun qu'il contribue au nouvel élan que nous voulons donner à notre politique familiale.
C'est également pour cela que j'ai voulu réunir autour de moi les ministres qui dans leurs domaines de compétence doivent participer à cette construction et veiller à ce que dans chacune de leurs actions la dimension familiale des politiques publiques soit prise en compte.
Cette nouvelle politique familiale nous devons également la mettre en oeuvre avec réalisme.
Ce réalisme passe d'abord par la pleine conscience de l'importance de l'effort de la Nation en faveur des familles. Nous devons garder, en effet, à l'esprit que c'est plus de 250 MdsF par an de prestations et près de 100 MdsF d'aide fiscale dont bénéficient les familles.
Nous devons aussi être fiers et valoriser les acquis récents de notre politique familiale. Je pense, bien entendu, à la "loi famille" de juillet 1994 qui a considérablement amélioré l'aide à la petite enfance. En deux ans, c'est ainsi 400.000 familles en plus qui ont bénéficié soit de l'Allocation Parentale d'Education (APE), soit de l'Allocation de Garde d'Enfants à Domicile (AGED) soit de l'Allocation Familiale pour l'Emploi d'Assistance Maternelle Agréé (AFEAMA). Au total, les dépenses liées à ces prestations ont doublé en deux ans passant de 10 à 20 MdsF. Et nous le savons déjà, elles dépasseront 25 MdsF à la fin de cette année.
L'approche réaliste que j'appelle ici de mes voeux passe également par la conscience que nous ne pourrons pas faire tout, tout de suite, car des contraintes financières importantes existent.
Celles-ci ne doivent pas nous paralyser. II nous fait, en effet, mieux mobiliser l'effort de la Nation pour mieux aider les familles. C'est affaire d'imagination et de volonté. Mais nous ne pouvons pas non plus faire totalement abstraction de ces contraintes. Rien ne serait pire, en effet, que de construire une nouvelle politique familiale à crédit. Car plus de dépenses, c'est mécaniquement plus de déficits et très vite plus d'impôts, plus de charges, et donc plus de chômage et de difficultés pour les familles.
Je suis le premier à penser que la politique familiale doit être considérée comme un investissement essentiel de la Nation, mais ne trompons pas les familles en leur faisant ensuite payer pendant des années des décisions aventureuses.
Je sais cependant que certains continuent, non sans démagogie et irresponsabilité, à prêcher pour que l'on fasse abstraction de ces principes de réalisme et de bon sens.
Pour ma part, je n'ai qu'un objectif: donner à nos enfants les moyens de vivre mieux que leurs parents en rétablissant les conditions d'une croissance économique forte et durable. Cela passe, dans le respect de nos acquis sociaux, par la réduction des charges et des entraves qui pèsent sur ceux qui entreprennent et par la construction d'une Europe unie et qui puisse tenir son rang dans la compétition économique internationale.
Mais le réalisme n'exclut aucunement l'ambition.
Le rapport GISSEROT le montre bien, nous pouvons d'ores et déjà prendre des mesures importantes pour améliorer la vie des familles dès 1997.
Je souhaite ainsi que notre conférence d'aujourd'hui puisse nous permettre d'arrêter des mesures fortes, et cela notamment dans trots domaines qui me paraissent essentiels pour les familles:
- l'amélioration des dispositifs d'aide aux familles;
- la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.
Je souhaiterais tout particulièrement insister sur ce point. En dépit de tous les efforts nous sommes bien loin d'une société du temps choisi qui permette de concilier temps au travail et temps pour la famille. II nous faut ensemble innover pour permettre de travailler autrement, de travailler mieux, notamment en facilitant une meilleure harmonisation des temps entre les membres de la famille. A la rigidité, il faut substituer la souplesse. A la discordance, la fluidité. Cette nouvelle gestion de temps, à inventer, est un enjeu central. Pour les familles, certes, mais plus largement pour toute notre société et son équilibre.
enfin, dernier thème sur lequel je souhaite que nous puissions avancer aujourd'hui: l'amélioration de la place et de la représentation des familles.
Dans chacun de ces domaines, il nous faut écarter les solutions toutes faites et savoir avancer avec pragmatisme et imagination. Au delà de notre diversité, c'est une même volonté pour les familles qui nous réunit C'est pourquoi j'ai confiance qu'ensemble nous commencerons aujourd'hui à répondre plus complètement et plus concrètement aux attentes et aux besoins des familles. Car nous le savons, c'est sur elles que repose plus que jamais notre avenir collectif.
M. JUPPE.- Nous venons donc d'achever les travaux de cette deuxième conférence nationale de la famille qui nous ont rassemblés pendant près de 5 heures. Je dis "deuxième" parce que, vous vous en souvenez, l'année dernière, au mois de mai, nous nous étions déjà réunis et nous avions, à cette occasion, lancé tout un processus de concertation et de dicussion qui s'est déroulé jusqu'au mois de novembre dernier. Plusieurs groupes de travail ont planché, et Madame Gisserot, entourée d'un comité de pilotage, a tiré les enseignements de cette concertation. Tout le monde, d'ailleurs, s'est plu à reconnaître la qualité du travail qui avait été ainsi réalisé.
Aujourd'hui, nous avions autour de la table, outre plusieurs ministres, le Mouvement Familial, et je salue ici le Président de l'UNAF, également les partenaires sociaux et plusieurs associations, grandes associations, ainsi que les représentants du Parlement et des collectivités territoriales, puisque l'Association des Maires de France, l'Association des Présidents de Conseils Généraux et des Présidents de Conseils Régionaux, étaient également représentées.
Avant de vous dire en substance les grandes orientations qui ont été arrêtées au cours de cette conférence, je voudrais rappeler - c'est ce que j'ai fait en introduction - tout ce qui a déjà été accompli depuis deux ou trois ans en direction des familles.
La loi de la famille du 25 juillet 1995, qui entre donc dans sa troisième année, a permis d'améliorer très significativement les aides à la petite enfance. Je ne vais pas entrer dans le détail, vous connaissez ces aides : l'allocation parentale d'éducation, l'aide à la garde d'enfants à domicile, etc.
Pour aller à l'essentiel, je dirai que le nombre de familles qui bénéficient de ces aides à la petite enfance a pratiquement doublé, 400.000 de plus aujourd'hui qu'en 1994, et que l'enveloppe budgétaire qui a été consacrée à cette action a également doublé, puisque nous sommes passés de 10 milliards à un peu plus de 20 milliards. Et, bien sûr, la loi va continuer à donner tous ses effets.
Deuxième initiative importante qui a été prise en direction des familles, cette fois-ci en 1996 et 1997, c'est la réforme fiscale, la réforme de l'impôt sur les revenus puisque, sur 75 milliards de baisse programmée pour les cinq prochaines années, à peu près la moitié, pas tout à fait, 32 milliards iront aux familles, et on peut estimer que le nombre de familles complètement exonérées de l'impôt sur le revenu, grâce à la réforme du système de la décote, augmentera de près d'un tiers, 30 %.
Nous avons également l'initiative du Sénat : mise en place de la prestation spécifique dépendance qui est la première étape vers la prestation d'autonomie et qui intéresse les familles puisqu'il s'agit des aînés.
Nous avons, en quatrième lieu, intégré la dimension familiale dans la loi de cohésion sociale qui va être examinée par le Parlement dans quelques semaines, puisqu'elle s'applique tout particulièrement aux familles en difficulté.
Nous avons, enfin, fait de la protection de l'enfance maltraitée une grande cause nationale pour 1997. J'ai eu l'occasion de vous en parler la semaine dernière avec, à la fois, le programme d'actions élaboré par Xavier Emmanuelli et le projet de loi préparé par le Garde des Sceaux pour réprimer, en particulier, la récidive des abus sexuels commis contre les enfants.
Enfin, nous avons essayé de développer la présence des familles dans un certain nombre de grands rendez-vous d'instances importantes. Cela a été le cas pour les caisses de Sécurité sociale, avec les ordonnances de 1996, et cela a été le cas, tout récemment, de la conférence nationale pour l'emploi des jeunes où le Mouvement familial avait été invité.
Voilà un très bref bilan.
Aujourd'hui, nous avons essayé de tracer des perspectives d'avenir, avec, bien sûr, et je l'ai dit sans fard, une contrainte budgétaire que chacun connaît. Si l'on place la barre du succès de cette conférence nationale en termes de dizaines de milliards de francs, avec une approche qui est peut-être un petit peu exagérément comptable, si vous me permettez de le dire, eh bien, c'est vrai que l'on peut manifester de la déception. Mais prendre aujourd'hui des décisions qui auraient été génératrices, nous le savons bien, de chômage pour demain, parce que, alourdir les charges qui pèsent aujourd'hui sur nos entreprises, c'est créer du chômage demain, cela n'aurait pas été responsable. Et j'ai préféré le dire très franchement et très librement à nos interlocuteurs qui, pour une très grande partie d'entre eux, tout en le regrettant parfois, l'ont évidemment bien compris. Nous franchissons une étape et seulement une étape, mais une étape importante.
D'abord, en ce qui concerne les prestations familiales elles-mêmes, nous accélérons le calendrier de versement des allocations familiales aux grands enfants. La loi de 1994 prévoyait que devait être accéléré ce calendrier en 1999, nous gagnons une année puisque, au 1er janvier 1998, les allocations familiales seront versées jusqu'à l'âge de 19 ans pour les familles de trois enfants et plus. Cette mesure coûtera quelques centaines de millions.
Nous avons également proposé une amélioration de l'allocation de parent isolé, ce qu'on appelle l'A.P.I.. On nous avait fait observer, en effet, que très souvent les mécanismes actuels de l'A.P.I. dissuadaient le parent isolé de reprendre un travail. Nous avons voulu éviter cela et nous allons donc maintenir l'A.P.I. pendant les trois mois qui suivront la reprise d'une activité professionnelle. Ceci est inscrit dans une proposition de loi qui a été élaborée par Madame Catala et qui sera discutée dans les prochaines semaines à l'Assemblée nationale.
Nous avons, toujours dans le domaine des prestations, discuté de manière très approfondie avec l'UNAF, au cours des dernières semaines, de la réforme du barème des aides personnelles au logement. Le système actuel est injuste. Il comporte deux barèmes - je n'entre pas dans les détails techniques, Monsieur Périssol est là, il en parlerait plus savamment que moi - mais je dirais en substance que nous étions dans une situation d'injustice puisque des familles, habitant dans des logements comparables et disposant de revenus comparables, étaient aidées de manière souvent assez différente. Donc, nous avons voulu fusionner tout cela sur une logique de taux d'effort, c'est-à-dire du pourcentage du revenu de la famille consacré au logement. Et nous avons trouvé les dispositions pour que cette réforme ne pénalise pas les familles modestes.
Voilà, pour l'essentiel, ce qui concerne ce premier grand chapitre. J'ajoute néanmoins que nous avons évoqué la manière de relancer l'action sociale en faveur des familles, et ceci sera particulièrement pris en compte lors de la discussion de la convention d'objectifs entre l'Etat et la Caisse Nationale d'Allocations Familiales.
Enfin, il y a un vieux débat qui n'a jamais été véritablement tranché, qui est celui de savoir qui paie quoi à juste titre ou pas à juste titre ? et, donc, nous avons décidé de confier à Monsieur Chadelas, qui est Président du Fonds de solidarité vieillesse, une mission en vue de préciser, aussi exactement que possible, les conditions dans lesquelles la branche Famille pourrait être allégée de telle ou telle dépense. Je pense en particulier aux modalités de prise en charge de l'assurance vieillesse des parents au foyer.
Deuxième grand chapitre, et c'est peut-être celui pour lequel le débat de cet après-midi a été le plus nourri, le plus dense et, je crois, le plus novateur, parce que c'est une réflexion qui nous engage pour les cinq, dix ou quinze prochaines années : comment mieux concilier la vie familiale et la vie professionnelle ?
Je voudrais d'emblée m'inscrire en faux contre certains contresens qui ont été faits dès cet après-midi, si j'en juge les dépêches, avec plus ou moins de bonne foi d'ailleurs, j'ai lu que nous nous préparions à remettre les femmes au foyer. C'est un contresens absolu sur tout ce qui a été fait cet après-midi. Il s'agit au contraire, non pas de donner le choix entre la vie professionnelle ou la vie familiale, mais de voir comment concilier les deux ? Comment pouvoir continuer à travailler et, en même temps, s'occuper mieux de ses enfants, que l'on soit d'ailleurs le père ou la mère puisque cette réflexion concerne l'ensemble de la famille ?
Personne ne peut nier qu'il s'agit là d'une aspiration très profonde des hommes et des femmes de notre pays et, en même temps, un sujet d'action et de réflexion pour tous ceux qui s'intéressent à la famille.
Dans cet esprit, nous avons lancé un certain nombre d'idées et parfois pris un certain nombre de décisions :
Première décision : le congé parental d'éducation.
Vous savez qu'aujourd'hui il peut être pris en bloc pendant les trois années qui suivent la naissance de l'enfant. Or, les temps changent, les modes de vie évoluent, on doit s'occuper des enfants quand ils sont très jeunes, mais il y a aussi beaucoup de modes de garde qui se développent. Inversement, lorque l'âge vient, lorsque l'enfant est adolescent, il a souvent aussi besoin de ses parents et, là, il est plus difficile de se libérer de ses obligations. D'où l'idée de fractionner le congé parental d'éducation pour qu'il ne soit pas forcément pris en bloc pendant trois ans, mais qu'il puisse être pris par séquence annuelle. Nous allons étudier cela plus en détail.
Dans le même temps, nous allons réfléchir à la manière de fractionner l'allocation parentale d'éducation. Et, en même temps que le congé parental, ceci nécessite quelques expertises complémentaires.
Je ne veux pas rentrer dans le détail parce que vous aurez un dossier de presse. Je mets l'accent sur l'essentiel.
Le deuxième point essentiel dans toute cette réflexion sur la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, c'est la reconnaisance de ce que j'ai appelé - je ne sais pas si le mot est excessif ou pas - un véritable droit au temps choisi.
C'est aussi une aspiration très profonde. Evidemment, il n'est pas question de le décrèter par un texte de loi, ceci relève de la discussion entre les partenaires sociaux. Mais nous les avons invités très vivement à s'engager dans cette voie pour réfléchir à la manière de bien concilier le temps choisi et le temps scolaire des enfants, pour voir comment développer l'accès individuel aux horaires variables, pour voir comment utliser le compte-épargne temps, etc. Cette discussion, nous souhaitons qu'elle se déroule assez vite puisque le projet de Jacques Barrot est de déposer un projet de loi avant le 30 juin de cette année sur ces sujets.
Le troisième grand thème de réflexion est tout ce qui concerne les aspects plus juridiques ou plus institutionnels de la politique familiale.
Le Garde des Sceaux a présenté un projet qui correspond à une demande d'une grande partie du Mouvement familial et qui concerne les droits de succession. Il s'agit de faire du conjoint survivant, souvent de la veuve ou du veuf, bien sûr, un héritier réservataire en pleine propriété, à l'instar des enfants ou des ascendants, alors que, vous le savez, notre Code civil, à l'heure actuelle, traite assez mal le conjoint survivant. Cette réforme importante aura des effets très sensibles à l'avenir.
Place de la famille dans le système institutionnel, c'est aussi l'accord que j'ai donné à une demande du Mouvement familial de nommer un délégué interministériel à la famille qui sera chargé de coordonner l'ensemble des politiques en faveur des familles et de s'attacher notamment à deux réformes plus précises :
1 - l'élaboration d'un code de la famille qui consistera à mettre dans un document d'usage aussi simple que possible tout ce qui concerne la famille.
2 - la refonte du livret de famille, dans l'idée de donner aux familles, au moment de la naissance de l'enfant, toutes les informations nécessaires sur ce que la solidarité nationale peut faire jouer à leur égard.
Les familles sont également très soucieuses d'avoir une meilleure vision, pas simplement chiffrée, mais aussi qualitative, de l'évolution de la situation des familles. Plutôt que de créer une institution nouvelle, à ce propos, nous avons pensé que, autour de l'UNAF, la CNAF, l'INSEE, le CIDEF, le Centre International pour l'Enfance et la Famille, nous pourrions élaborer périodiquement un rapport sur l'évolution de la situation des familles et notamment sur l'évolution du coût de l'enfant qui pourrait servir d'indications précieuses pour la conduite de la politique familiale.
Enfin, là aussi, à la demande du Mouvement familial, nous allons étudier en détail la manière de mieux représenter le Mouvement familial dans certaines instances administratives, et notamment toutes celles qui sont compétentes en matière de médias et d'aménagement du territoire.
Nous nous réunirons à nouveau, puisque la conférence sur la famille est une conférence annuelle, au début de l'année prochaine. Mais d'ici là, pour faire le point et pour mieux associer la représentation nationale à toutes ces réflexions, j'ai indiqué que nous étions prêts à organiser un débat d'orientation sur la politique familiale au cours de la prochaine session parlementaire.
J'ai été un petit peu long, mais comme j'ai tellement entendu dire qu'il ne sortirait rien de cette conférence, j'ai tout de même essayé de vous montrer qu'il en était sorti beaucoup de choses.
Monsieur le Président, vous avez la parole.
M. BRUN.-.- Merci, Monsieur le Premier ministre.
Effectivement, on peut avoir une vision partielle de cette conférence si on ne regarde qu'à l'aune des décisions qui ont été prises sur le plan financier.
Comme je l'ai dit tout à l'heure au Premier ministre, c'est vrai que les demandes que nous avions formulées n'ont pas, toutes, reçu une réponse positive. C'est vrai que, sur la question du remboursement de la dette sociale, nous avons encore à débattre entre nous et à essayer de vous convaincre de la justesse de nos positions. Mais c'est vrai aussi que, y compris sur les prestations financières, des dossiers ont été ouverts, des pratiques ont été mises en oeuvre qui apparaissent tout à fait porteuses d'espoir.
En termes de dossier, je considère que, même si nous sommes encore à un instant T, pas tout à fait sur ce que nous avions souhaité par rapport aux jeunes adultes, le dossier des jeunes adultes a été ouvert. Et je crois que c'était là une réponse à une attente forte des familles aujourd'hui.
S'agissant des pratiques qui ont été mises en oeuvre, je voudrais faire référence aux négociations qui ont eu cours, pendant ces quelques mois, avec le Ministère du Logement et où, là, véritablement il y a eu débat, il y a eu argumentation, il y a eu confrontation de chiffres. Et nous sommes arrivés, sur le barême des prestations logement, à une situation plutôt correcte par rapport à l'ensemble des familles et par rapport à l'objectif poursuivi qui est, effectivement, la simplification.
Mais encore une fois nous sommes à un instant T par rapport aux prestations financières et nous continuerons, demain, à discuter à nouveau sur les aspects financiers.
Dans le deuxième point, je voudrais - comme l'a fait le Premier ministre - insister sur la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle parce que c'est sûrement, là, où il y a eu le plus de novations et de novations qui durent depuis 8-10 mois, depuis l'ouverture des travaux des ateliers.
Le fait que, autour de la même table, on retrouve, à la fois, les organisations syndicales, les organisations familiales, les collectivités territoriales et le Gouvernement, pour discuter de ce que pourrait être la politique familiale, cela a permis la rencontre avec les autres partenaires sociaux, et notamment les partenaires du monde de l'entreprise où, là, nous avons pu constater que tous ont, effectivement, la volonté de prise en compte de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, parce que c'est l'enjeu pour les 15 ans qui viennent.
C'est vrai que nous aurons toujours, ici ou là, des remarques qui nous feront dire : "Mais vous voulez faire retourner les femmes à la maison". Je crois que, sur le plan du Mouvement familial, ce type d'argumentation ne nous gêne pas trop, parce que nous commençons toujours par dire que "le droit au travail fait partie de la dignité humaine et qu'il n'y a aucune raison de le limiter pour les hommes comme pour les femmes."
Ce que nous recherchons dans la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, c'est effectivement une meilleure prise en compte de la fonction parentale dans l'organisatin du temps de travail. Les dispositions qui sont en germe autour du fractionnement du congé parental d'éducation nous semblent être tout à fait intéressantes. Et le lien avec l'allocation parentale d'éducation peut venir effectivement compléter le dispositif de manière assez intéressante. Excusez-moi d'utiliser deux fois le même mot.
Sur le troisième volet qui est le volet plus "statut juridique", plus "représentation institutionnelle", nous avons apprécié de manière extrêmement positive le fait qu'il y ait une mise en place d'un outil d'évaluation de la politique familiale. Nous apprécions la démarche qui est proposée par rapport au coût de l'enfant parce que, pour nous, c'est un indicateur social qui nous semble extrêmement important pour l'avenir, pour mesurer à la fois l'évolution des charges des familles, mais également mesurer l'évolution des investissements, à conduire tant au niveau national qu'au niveau des collectivités territoriales et des municipalités.
Dans ce cadre-là, c'est vrai que, encore une fois, globalement, on peut s'arrêter aux seuls aspects financiers et dire qu'il n'y a rien. Je dirai que, même si par rapport aux aspects financiers, nous n'avons pas tout ce que nous avons voulu, il y a des portes qui sont ouvertes, il y a des dossiers qui sont ouverts, il y a des avancées qui peuvent être mesurées significativement. Et il y a surtout tout le reste qui a été ouvert, et dans ce sens, je crois que nous avons, là, quelques travaux encore pour demain et pour la prochaine conférence en février 1998.
M. JUPPE.- Merci, Président, de votre franchise. Et puis, en toute hypothèse, je ne m'attendais pas à ce que le dossier soit clos ce soir. J'espère que nous avons du pain sur la planche pour bien d'autres réunions.
Avez-vous quelques questions, mesdames et messieurs les journalistes ?
JOURNALISTE.- Pour revenir à l'aspect financier, vous avez annoncé quelques mesures. Pouvez-vous en détailler le coût et le financement, à la fois, global et en le ventilant ?
M. JUPPE.- On m'accuse parfois de prêter trop d'attention aux aspects comptables, mais je vois qu'il n'y a que cela qui intéresse.
Je crois pouvoir vous dire que ce que nous avons mis sur la table tourne autour d'un milliard environ, avec une grosse moitié qui concerne l'accélération du versement des allocations familiales à 19 ans, puisqu'il y a, à la fois, le volet "allocations familiales" et le côté "APL", plus la mesure A.P.I, plus un certain nombre d'autres mesures, et tout ceci sera financé...
M. BARROT.- ... Et le Fonds d'action sociale et d'animation familiale de la CNAF qui va être étoffé par une politique de partenariat avec les collectivités locales.
M. JUPPE.- Voilà ! Et tout ceci sera financé dans le cadre d'un exercice budgétaire.
JOURNALISTE.-Vous avez parlé simplement, dans le communiqué, du Fonds de Solidarité familiale, cela figurait dans le rapport Gisserot, c'est une mesure qui ne coûte pas très cher, - je vois que vous le renvoyez au Conseil Economique et Social - qu'attendez-vous de ce type de mesure ?
M. BARROT.- C'est je crois, devant Monsieur Brun et le Premier ministre, une mesure qui avait recueilli un avis assez favorable sur le principe de l'UNAF et du Groupe Gisserot.
Il s'agit simplement d'organiser, de faciliter à l'intérieur d'une même famille, une sorte de mise en commun de quelques ressources qui sont là pour faire face à des difficultés que peut traverser tel ou tel membre de la famille.
Il y a eu une discussion tout à l'heure en disant : "Mais allez-vous remplacer les solidarités nationales par une solidarité familiale ?", bien sûr que non ! Mais pourquoi ne pas favoriser ce type de solidarité familiale, bien sûr très limitée, mais qui peut être un complément très utile à toute la solidarité nationale qui s'exprime par ailleurs.
Donc, il y a projet favorable et il y a mise à l'étude de ce que pourrait être ce fonds familial qui ne correspond pas, Monsieur Brun l'a dit tout à l'heure, à je ne sais quelle capitalisation ! Il s'agit simplement d'un mécanisme à l'intérieur de la famille, au sens large.
JOURNALISTE.- Pardonnez-moi de parler encore un peu d'argent, mais simplement avez-vous définitivement renoncé à fiscaliser les allocations familiales ou bien pensez-vous que c'est un projet qui pourrait être remis sur la table dans quelques mois, voire quelques années ?
M. JUPPE.- Chacun sait bien ce que j'en pense au fond, Monsieur Brun le sait ! Mais je ne ferai rien tant que le Mouvement familial n'aura pas, sur ce sujet, fait d'éventuelles ouvertures. Il ne s'agit pas d'imposer quoi que ce soit. Si la réflexion avançait, nous pourrions en reparler.
M. BARROT.- Je voudrais simplement dire aussi que, ce qui n'allait peut-être pas de soi, le Gouvernement a accepté de continuer à suivre financièrement la montée en régime très rapide de l'allocation parentale d'éducation.
C'est ainsi que, normalement, depuis la date d'entrée en application de la loi, nous allons être obligés, probablement, de provisionner cette année 5 milliards de plus par rapport aux prévisions. Nous sommes passés déjà de 10 milliards à 21 milliards, et nous irons probablement à 25 milliards. Et cela aussi, je crois qu'on l'a bien indiqué, Monsieur le Premier ministre, en disant que nous voulions continuer cette politique qui avait fait ses preuves et qui, en effet, n'est pas sans un coût qui n'est pas tout à fait second.
M. JUPPE.- Ne parlons pas chiffres, cela fâche toujours ! Je voudrais quand même rappeler que la France, après un ou deux pays d'Europe du Nord, le Danemark, sans doute,....
M. BARROT.-... et le Luxembourg.
M. JUPPE.-... - et le Luxembourg, mais, enfin, là, l'échelle est un peu différente - est le pays développé qui fait le plus, de quelque manière que l'on compte, pour ses familles. Bien sûr, ce n'est jamais assez, et je dis cela sans ironie, mais il faut aussi tenir compte de la base dont nous partons.
J'ai eu l'occasion de le dire : "J'ai trouvé que certaines propositions, qui conduisaient à charger la barque entre 60 et 140 milliards, selon la manière dont on compte, n'étaient pas marquées au sceau du réalisme", et ce soir, après 5 heures de réunion, je suis gentil.
Pas d'autres questions ?
JOURNALISTE.- Sur la généralisation du compte épargne temps, jusqu'où est-on allé et a-t-on avancé vraiment sur la récupération des heures supplémentaires pour les parents qui pourraient utiliser ces temps au moment des vacances de leurs enfants ?
M. JUPPE.- Je parle sous le contrôle de Monsieur Barrot qui connaît cela beaucoup mieux que moi, mais c'est un sujet de négociation entre les partenaires sociaux.
M. BARROT.- Ce que nous voulons surtout, c'est étendre l'usage de ce compte épargne temps. On peut aussi, par exemple, l'utiliser pour abonder du temps partiel choisi. Voilà un exemple d'extension. Et comme le dit le Premier ministre, tout cela va être maintenant l'objet d'une concertation, voire d'une négociation entre partenaires sociaux.
M. JUPPE.- Voilà ! Je vous remercie.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 14 mai 2002)
Mesdames et Messieurs,
Le 6 mai dernier, nous étions réunis pour la première fois en Conférence Nationale de la Famille dans le but de donner un nouvel élan à notre politique familiale.
Ensemble nous avons décidé ce jour-là d'engager un processus de réforme de notre politique familiale fondée sur une concertation approfondie et continue entre tous ceux dont l'action a, un titre ou à un autre, influe sur la vie des familles.
C'est donc presque comme s'il s'agissait de reprendre une séance de travail entre partenaires décidés à travailler ensemble, dans la durée, que j'ouvre aujourd'hui cette seconde Conférence Nationale de la Famille.
Je souhaiterais à cet égard rendre hommage au président BURNEL qui a tant oeuvré pour introduire dans la pratique gouvernementale puis dans la loi cette conférence qui nous réunit aujourd'hui.
M. BURNEL a quitté la présidence de l'UNAF après de longues années d'action opiniâtre pour la cause des familles. II a su tous nous convaincre qu'il n'y a de politique familiale digne de ce nom que si celle-ci est globale. C'est dans cet esprit que nous avons travaillé le 6 mai dernier et que nous travaillerons, je l'espère, aujourd'hui.
Je sais, en effet, M. le président BRIN, que vous êtes animé de la même volonté que votre prédécesseur d'enraciner dans notre vie publique cet état d'esprit visant à placer au centre de toutes les politiques publiques la prise en compte du fait familial.
Je souhaite pour ma part que notre réunion d'aujourd'hui nous permette d'avancer de manière déterminante dans cette vole.
Pour préparer la seconde conférence de la famille, nous avions demandé, le 6 mai dernier, à Mme GISSEROT de conduire une concertation en profondeur avec tous les acteurs de notre politique familiale.
Cette concertation s'est déroulée dans le cadre de cinq ateliers qui ont permis de couvrir l'ensemble du champs de la politique familiale:
la famille aujourd'hui, présidé par Mme RUBELLIN DEVICHI;
la compensation des charges familiales, présidé par M. LAGRAVE:
la famille avec enfant et son environnement, présidé par Mme BEUZELIN;
- les relations entre les générations, présidé par M. HUDE;
· et enfin la famille et le travail, présidé par Mme MILLE.
Je voudrais ici saluer la qualité de cette concertation qui s'est déroulée sur plusieurs mois et qui a réuni plus de 500 participants et intervenants. Je veux tout particulièrement remercier pour leur engagement les présidents des ateliers. C'est grâce à eux que nous avons respecté notre calendrier. Je mesure tout ce que cela a représenté pour eux d'investissement et de mobilisation.
Mme GISSEROT, aidée du comité de pilotage qu'elle a constitué auprès d'elle, a synthétisé les réflexions de ces ateliers dans un rapport remis à Jacques BARROT en janvier dernier. Je tiens ici à rendre hommage à l'intelligence de ce rapport, pour reprendre les termes mêmes dans lesquels l'UNAF l'a salué, ainsi qu'à la qualité des propositions qu'il contient. Celles-ci vent réellement susceptibles, comme nous l'avons souhaité le 6 mai dernier, de nous permettre de poser les bases d'une nouvelle politique familiale.
Je souhaite que, juste après le propos introductif de Jacques BARROT et avant de passer la parole à M. BRIN, Mme GISSEROT puisse ainsi nous rappeler les principales orientations qui se vent dégagées à l'issue de la très large concertation à laquelle elle a présidé.
Parallèlement à ce processus de concertation, le Gouvernement a entendu tirer dans ses actions depuis le 6 mai dernier les premières conclusions des analyses et des propositions qui avaient été présentées lors de cette première conférence.
D'abord en matière fiscale. Les participants à la conférence du 6 mai avaient indiqué leur hostilité à toute mesure de fiscalisation des allocations familiales. J'avais, quant à moi, fait connaître le souci de justice qui me paraissait pouvoir présider à une telle mesure et indiqué qu'il ne s'agissait évidemment pas de spolier les familles au profit du budget de l'Etat, mais de faciliter la mise en oeuvre de mesures nouvelles, en particulier pour les grands enfants.
A la suite de nos échanges, j'ai décidé de ne pas inclure en définitive dans la réforme de l'impôt sur le revenu la fiscalisation des allocations familiales, tout en maintenant mon projet de construire cette réforme dans l'intérêt des familles.
Les fa mi lies, no us le savons tous, supportent, en effet, des charges importantes liées à l'éducation des enfants. II était donc juste et logique qu'elles soient les principales bénéficiaires de cette réforme.
Ainsi, pour ne prendre que deux chiffres, sur 75 MdsF de baisse d'impôts en cinq ans, 32 MdsF bénéficieront aux familles et 1,4 million de familles supplémentaires seront exonérées de l'impôt sur le revenu, soit 30 % de plus qu'aujourd'hui.
Deuxième axe de notre action depuis mai dernier: le renforcement de la solidarité entre les générations avec la création de la prestation spécifique dépendance. Cette nouvelle prestation qui bénéficiera dès cette année à 300.000 personnes répond aux besoins d'aide de nos aînés dépendants. Etape essentielle vers la création de la prestation d'autonomie voulue par le Président de la République, la prestation spécifique dépendance est la preuve que, malgré les contraintes économiques et, sans en faire abstraction, nous pouvons faire évoluer avec ambition les instruments de notre protection sociale.
Troisième axe de l'action engagée par le Gouvernement protection de l'enfance maltraitée.
Avec les associations et en particulier l'UNAF qui se battent depuis si longtemps pour la cause des enfants, j'ai engagé personnellement, en septembre dernier, juste après la conférence de Stockholm, une concertation active. Nous avons ainsi construit avec elles un programme d'action pour la protection de l'enfance maltraitée qui se met en oeuvre de façon accélérée sous l'impulsion de Xavier EMMANUELLI.
Parallèlement, le Garde des Sceaux a préparé également en étroite concertation avec toutes avec les parties prenantes, et en particulier les instances d'éthique, un projet de loi visant à mieux prévenir et réprimer plus efficacement la maltraitance à enfant, et notamment les abus sexuels en prévoyant une peine de suivi médical.
J'ai souhaité enfin que la protection de l'enfance maltraitée soit choisie comme la Grande Cause Nationale pour 1997.
Quatrième axe de l'action du Gouvernement en faveur des familles: la dimension d'aide à la famille qui figure dans le projet de loi de cohésion sociale.
Le 6 mai dernier, beaucoup d'entre vous avez, en effet, souligné les difficultés croissantes des familles et le fait qu'un nombre grandissant d'entre elles étaient en situation d'exclusion ou menacés de l'être.
C'est pour répondre à cette situation si préoccupante que le projet de loi de cohésion sociale consacre une place importante à l'aide aux familles en difficulté en facilitant l'accès aux prestations familiales, en renforçant le droit à une vie familiale normale, en rendant plus facile l'accès au logement et en favorisant le maintien dans celui-ci.
Cinquième axe: la représentation des familles. Lors de la première conférence de la famille, beaucoup d'entre vous, après avoir salué la place qui avait été faite au mouvement familial dans les conseils des caisses de
sécurité sociale par l'ordonnance du 24 avril 1996, avaient regretté que le mouvement familial ne soit pas mieux associé à la lutte pour l'emploi, notamment des jeunes.
C'est pour répondre à cette demande tout à fait légitime que j'ai voulu que l'UNAF participe de 10 février dernier à la conférence nationale pour l'emploi des jeunes. Nous avons pu constater à quel point cette participation du mouvement familial avait été positive dans la mobilisation de tous les acteurs pour lutter contre ce fléau qu'est le chômage des Jeunes.
Enfin, lors de la conférence du 6 mai, plusieurs participants avaient appelé de leurs voeux l'apport de ressources nouvelles au profit de la branche famille. Dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement a répondu à cette demande, en apportant au titre de l'élargissement de la CSG et de la hausse des cotisations familiales de l'Etat et des entreprises publiques près de 5 MdsF de ressources nouvelles.
Je ne voudrais pas, enfin, conclure cette présentation de la politique conduite par le Gouvernement depuis le 6 mai sans rappeler deux mesures essentielles pour les familles. La réalisation de l'égalité devant les prestations familiales dans les départements d'outre-mer et la loi visant à faciliter l'adoption qui a été adoptée par le Parlement sous l'impulsion de M. MATTEI
II nous appartient aujourd'hui de prolonger et d'amplifier cette dynamique de concertation et d'action, et cela pour jeter les bases de la politique familiale du XXlème siècle.
Ce grand dessein nous devons le réaliser ensemble avec réalisme et ambition.
Ensemble, car nous le savons tous, rien ne se fera si nous ne parvenons pas à mobiliser tous les acteurs de notre politique familiale. Celle-ci n'est pas seulement l'affaire de l'Etat ou du mouvement familial. Elle est de plus en plus aussi celle des partenaires sociaux, des collectivités territoriales et du monde associatif.
Et c'est bien pour cela que j'ai souhaité que la conférence d'aujourd'hui fasse une place à tous ces acteurs et j'attends de chacun qu'il contribue au nouvel élan que nous voulons donner à notre politique familiale.
C'est également pour cela que j'ai voulu réunir autour de moi les ministres qui dans leurs domaines de compétence doivent participer à cette construction et veiller à ce que dans chacune de leurs actions la dimension familiale des politiques publiques soit prise en compte.
Cette nouvelle politique familiale nous devons également la mettre en oeuvre avec réalisme.
Ce réalisme passe d'abord par la pleine conscience de l'importance de l'effort de la Nation en faveur des familles. Nous devons garder, en effet, à l'esprit que c'est plus de 250 MdsF par an de prestations et près de 100 MdsF d'aide fiscale dont bénéficient les familles.
Nous devons aussi être fiers et valoriser les acquis récents de notre politique familiale. Je pense, bien entendu, à la "loi famille" de juillet 1994 qui a considérablement amélioré l'aide à la petite enfance. En deux ans, c'est ainsi 400.000 familles en plus qui ont bénéficié soit de l'Allocation Parentale d'Education (APE), soit de l'Allocation de Garde d'Enfants à Domicile (AGED) soit de l'Allocation Familiale pour l'Emploi d'Assistance Maternelle Agréé (AFEAMA). Au total, les dépenses liées à ces prestations ont doublé en deux ans passant de 10 à 20 MdsF. Et nous le savons déjà, elles dépasseront 25 MdsF à la fin de cette année.
L'approche réaliste que j'appelle ici de mes voeux passe également par la conscience que nous ne pourrons pas faire tout, tout de suite, car des contraintes financières importantes existent.
Celles-ci ne doivent pas nous paralyser. II nous fait, en effet, mieux mobiliser l'effort de la Nation pour mieux aider les familles. C'est affaire d'imagination et de volonté. Mais nous ne pouvons pas non plus faire totalement abstraction de ces contraintes. Rien ne serait pire, en effet, que de construire une nouvelle politique familiale à crédit. Car plus de dépenses, c'est mécaniquement plus de déficits et très vite plus d'impôts, plus de charges, et donc plus de chômage et de difficultés pour les familles.
Je suis le premier à penser que la politique familiale doit être considérée comme un investissement essentiel de la Nation, mais ne trompons pas les familles en leur faisant ensuite payer pendant des années des décisions aventureuses.
Je sais cependant que certains continuent, non sans démagogie et irresponsabilité, à prêcher pour que l'on fasse abstraction de ces principes de réalisme et de bon sens.
Pour ma part, je n'ai qu'un objectif: donner à nos enfants les moyens de vivre mieux que leurs parents en rétablissant les conditions d'une croissance économique forte et durable. Cela passe, dans le respect de nos acquis sociaux, par la réduction des charges et des entraves qui pèsent sur ceux qui entreprennent et par la construction d'une Europe unie et qui puisse tenir son rang dans la compétition économique internationale.
Mais le réalisme n'exclut aucunement l'ambition.
Le rapport GISSEROT le montre bien, nous pouvons d'ores et déjà prendre des mesures importantes pour améliorer la vie des familles dès 1997.
Je souhaite ainsi que notre conférence d'aujourd'hui puisse nous permettre d'arrêter des mesures fortes, et cela notamment dans trots domaines qui me paraissent essentiels pour les familles:
- l'amélioration des dispositifs d'aide aux familles;
- la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.
Je souhaiterais tout particulièrement insister sur ce point. En dépit de tous les efforts nous sommes bien loin d'une société du temps choisi qui permette de concilier temps au travail et temps pour la famille. II nous faut ensemble innover pour permettre de travailler autrement, de travailler mieux, notamment en facilitant une meilleure harmonisation des temps entre les membres de la famille. A la rigidité, il faut substituer la souplesse. A la discordance, la fluidité. Cette nouvelle gestion de temps, à inventer, est un enjeu central. Pour les familles, certes, mais plus largement pour toute notre société et son équilibre.
enfin, dernier thème sur lequel je souhaite que nous puissions avancer aujourd'hui: l'amélioration de la place et de la représentation des familles.
Dans chacun de ces domaines, il nous faut écarter les solutions toutes faites et savoir avancer avec pragmatisme et imagination. Au delà de notre diversité, c'est une même volonté pour les familles qui nous réunit C'est pourquoi j'ai confiance qu'ensemble nous commencerons aujourd'hui à répondre plus complètement et plus concrètement aux attentes et aux besoins des familles. Car nous le savons, c'est sur elles que repose plus que jamais notre avenir collectif.
M. JUPPE.- Nous venons donc d'achever les travaux de cette deuxième conférence nationale de la famille qui nous ont rassemblés pendant près de 5 heures. Je dis "deuxième" parce que, vous vous en souvenez, l'année dernière, au mois de mai, nous nous étions déjà réunis et nous avions, à cette occasion, lancé tout un processus de concertation et de dicussion qui s'est déroulé jusqu'au mois de novembre dernier. Plusieurs groupes de travail ont planché, et Madame Gisserot, entourée d'un comité de pilotage, a tiré les enseignements de cette concertation. Tout le monde, d'ailleurs, s'est plu à reconnaître la qualité du travail qui avait été ainsi réalisé.
Aujourd'hui, nous avions autour de la table, outre plusieurs ministres, le Mouvement Familial, et je salue ici le Président de l'UNAF, également les partenaires sociaux et plusieurs associations, grandes associations, ainsi que les représentants du Parlement et des collectivités territoriales, puisque l'Association des Maires de France, l'Association des Présidents de Conseils Généraux et des Présidents de Conseils Régionaux, étaient également représentées.
Avant de vous dire en substance les grandes orientations qui ont été arrêtées au cours de cette conférence, je voudrais rappeler - c'est ce que j'ai fait en introduction - tout ce qui a déjà été accompli depuis deux ou trois ans en direction des familles.
La loi de la famille du 25 juillet 1995, qui entre donc dans sa troisième année, a permis d'améliorer très significativement les aides à la petite enfance. Je ne vais pas entrer dans le détail, vous connaissez ces aides : l'allocation parentale d'éducation, l'aide à la garde d'enfants à domicile, etc.
Pour aller à l'essentiel, je dirai que le nombre de familles qui bénéficient de ces aides à la petite enfance a pratiquement doublé, 400.000 de plus aujourd'hui qu'en 1994, et que l'enveloppe budgétaire qui a été consacrée à cette action a également doublé, puisque nous sommes passés de 10 milliards à un peu plus de 20 milliards. Et, bien sûr, la loi va continuer à donner tous ses effets.
Deuxième initiative importante qui a été prise en direction des familles, cette fois-ci en 1996 et 1997, c'est la réforme fiscale, la réforme de l'impôt sur les revenus puisque, sur 75 milliards de baisse programmée pour les cinq prochaines années, à peu près la moitié, pas tout à fait, 32 milliards iront aux familles, et on peut estimer que le nombre de familles complètement exonérées de l'impôt sur le revenu, grâce à la réforme du système de la décote, augmentera de près d'un tiers, 30 %.
Nous avons également l'initiative du Sénat : mise en place de la prestation spécifique dépendance qui est la première étape vers la prestation d'autonomie et qui intéresse les familles puisqu'il s'agit des aînés.
Nous avons, en quatrième lieu, intégré la dimension familiale dans la loi de cohésion sociale qui va être examinée par le Parlement dans quelques semaines, puisqu'elle s'applique tout particulièrement aux familles en difficulté.
Nous avons, enfin, fait de la protection de l'enfance maltraitée une grande cause nationale pour 1997. J'ai eu l'occasion de vous en parler la semaine dernière avec, à la fois, le programme d'actions élaboré par Xavier Emmanuelli et le projet de loi préparé par le Garde des Sceaux pour réprimer, en particulier, la récidive des abus sexuels commis contre les enfants.
Enfin, nous avons essayé de développer la présence des familles dans un certain nombre de grands rendez-vous d'instances importantes. Cela a été le cas pour les caisses de Sécurité sociale, avec les ordonnances de 1996, et cela a été le cas, tout récemment, de la conférence nationale pour l'emploi des jeunes où le Mouvement familial avait été invité.
Voilà un très bref bilan.
Aujourd'hui, nous avons essayé de tracer des perspectives d'avenir, avec, bien sûr, et je l'ai dit sans fard, une contrainte budgétaire que chacun connaît. Si l'on place la barre du succès de cette conférence nationale en termes de dizaines de milliards de francs, avec une approche qui est peut-être un petit peu exagérément comptable, si vous me permettez de le dire, eh bien, c'est vrai que l'on peut manifester de la déception. Mais prendre aujourd'hui des décisions qui auraient été génératrices, nous le savons bien, de chômage pour demain, parce que, alourdir les charges qui pèsent aujourd'hui sur nos entreprises, c'est créer du chômage demain, cela n'aurait pas été responsable. Et j'ai préféré le dire très franchement et très librement à nos interlocuteurs qui, pour une très grande partie d'entre eux, tout en le regrettant parfois, l'ont évidemment bien compris. Nous franchissons une étape et seulement une étape, mais une étape importante.
D'abord, en ce qui concerne les prestations familiales elles-mêmes, nous accélérons le calendrier de versement des allocations familiales aux grands enfants. La loi de 1994 prévoyait que devait être accéléré ce calendrier en 1999, nous gagnons une année puisque, au 1er janvier 1998, les allocations familiales seront versées jusqu'à l'âge de 19 ans pour les familles de trois enfants et plus. Cette mesure coûtera quelques centaines de millions.
Nous avons également proposé une amélioration de l'allocation de parent isolé, ce qu'on appelle l'A.P.I.. On nous avait fait observer, en effet, que très souvent les mécanismes actuels de l'A.P.I. dissuadaient le parent isolé de reprendre un travail. Nous avons voulu éviter cela et nous allons donc maintenir l'A.P.I. pendant les trois mois qui suivront la reprise d'une activité professionnelle. Ceci est inscrit dans une proposition de loi qui a été élaborée par Madame Catala et qui sera discutée dans les prochaines semaines à l'Assemblée nationale.
Nous avons, toujours dans le domaine des prestations, discuté de manière très approfondie avec l'UNAF, au cours des dernières semaines, de la réforme du barème des aides personnelles au logement. Le système actuel est injuste. Il comporte deux barèmes - je n'entre pas dans les détails techniques, Monsieur Périssol est là, il en parlerait plus savamment que moi - mais je dirais en substance que nous étions dans une situation d'injustice puisque des familles, habitant dans des logements comparables et disposant de revenus comparables, étaient aidées de manière souvent assez différente. Donc, nous avons voulu fusionner tout cela sur une logique de taux d'effort, c'est-à-dire du pourcentage du revenu de la famille consacré au logement. Et nous avons trouvé les dispositions pour que cette réforme ne pénalise pas les familles modestes.
Voilà, pour l'essentiel, ce qui concerne ce premier grand chapitre. J'ajoute néanmoins que nous avons évoqué la manière de relancer l'action sociale en faveur des familles, et ceci sera particulièrement pris en compte lors de la discussion de la convention d'objectifs entre l'Etat et la Caisse Nationale d'Allocations Familiales.
Enfin, il y a un vieux débat qui n'a jamais été véritablement tranché, qui est celui de savoir qui paie quoi à juste titre ou pas à juste titre ? et, donc, nous avons décidé de confier à Monsieur Chadelas, qui est Président du Fonds de solidarité vieillesse, une mission en vue de préciser, aussi exactement que possible, les conditions dans lesquelles la branche Famille pourrait être allégée de telle ou telle dépense. Je pense en particulier aux modalités de prise en charge de l'assurance vieillesse des parents au foyer.
Deuxième grand chapitre, et c'est peut-être celui pour lequel le débat de cet après-midi a été le plus nourri, le plus dense et, je crois, le plus novateur, parce que c'est une réflexion qui nous engage pour les cinq, dix ou quinze prochaines années : comment mieux concilier la vie familiale et la vie professionnelle ?
Je voudrais d'emblée m'inscrire en faux contre certains contresens qui ont été faits dès cet après-midi, si j'en juge les dépêches, avec plus ou moins de bonne foi d'ailleurs, j'ai lu que nous nous préparions à remettre les femmes au foyer. C'est un contresens absolu sur tout ce qui a été fait cet après-midi. Il s'agit au contraire, non pas de donner le choix entre la vie professionnelle ou la vie familiale, mais de voir comment concilier les deux ? Comment pouvoir continuer à travailler et, en même temps, s'occuper mieux de ses enfants, que l'on soit d'ailleurs le père ou la mère puisque cette réflexion concerne l'ensemble de la famille ?
Personne ne peut nier qu'il s'agit là d'une aspiration très profonde des hommes et des femmes de notre pays et, en même temps, un sujet d'action et de réflexion pour tous ceux qui s'intéressent à la famille.
Dans cet esprit, nous avons lancé un certain nombre d'idées et parfois pris un certain nombre de décisions :
Première décision : le congé parental d'éducation.
Vous savez qu'aujourd'hui il peut être pris en bloc pendant les trois années qui suivent la naissance de l'enfant. Or, les temps changent, les modes de vie évoluent, on doit s'occuper des enfants quand ils sont très jeunes, mais il y a aussi beaucoup de modes de garde qui se développent. Inversement, lorque l'âge vient, lorsque l'enfant est adolescent, il a souvent aussi besoin de ses parents et, là, il est plus difficile de se libérer de ses obligations. D'où l'idée de fractionner le congé parental d'éducation pour qu'il ne soit pas forcément pris en bloc pendant trois ans, mais qu'il puisse être pris par séquence annuelle. Nous allons étudier cela plus en détail.
Dans le même temps, nous allons réfléchir à la manière de fractionner l'allocation parentale d'éducation. Et, en même temps que le congé parental, ceci nécessite quelques expertises complémentaires.
Je ne veux pas rentrer dans le détail parce que vous aurez un dossier de presse. Je mets l'accent sur l'essentiel.
Le deuxième point essentiel dans toute cette réflexion sur la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, c'est la reconnaisance de ce que j'ai appelé - je ne sais pas si le mot est excessif ou pas - un véritable droit au temps choisi.
C'est aussi une aspiration très profonde. Evidemment, il n'est pas question de le décrèter par un texte de loi, ceci relève de la discussion entre les partenaires sociaux. Mais nous les avons invités très vivement à s'engager dans cette voie pour réfléchir à la manière de bien concilier le temps choisi et le temps scolaire des enfants, pour voir comment développer l'accès individuel aux horaires variables, pour voir comment utliser le compte-épargne temps, etc. Cette discussion, nous souhaitons qu'elle se déroule assez vite puisque le projet de Jacques Barrot est de déposer un projet de loi avant le 30 juin de cette année sur ces sujets.
Le troisième grand thème de réflexion est tout ce qui concerne les aspects plus juridiques ou plus institutionnels de la politique familiale.
Le Garde des Sceaux a présenté un projet qui correspond à une demande d'une grande partie du Mouvement familial et qui concerne les droits de succession. Il s'agit de faire du conjoint survivant, souvent de la veuve ou du veuf, bien sûr, un héritier réservataire en pleine propriété, à l'instar des enfants ou des ascendants, alors que, vous le savez, notre Code civil, à l'heure actuelle, traite assez mal le conjoint survivant. Cette réforme importante aura des effets très sensibles à l'avenir.
Place de la famille dans le système institutionnel, c'est aussi l'accord que j'ai donné à une demande du Mouvement familial de nommer un délégué interministériel à la famille qui sera chargé de coordonner l'ensemble des politiques en faveur des familles et de s'attacher notamment à deux réformes plus précises :
1 - l'élaboration d'un code de la famille qui consistera à mettre dans un document d'usage aussi simple que possible tout ce qui concerne la famille.
2 - la refonte du livret de famille, dans l'idée de donner aux familles, au moment de la naissance de l'enfant, toutes les informations nécessaires sur ce que la solidarité nationale peut faire jouer à leur égard.
Les familles sont également très soucieuses d'avoir une meilleure vision, pas simplement chiffrée, mais aussi qualitative, de l'évolution de la situation des familles. Plutôt que de créer une institution nouvelle, à ce propos, nous avons pensé que, autour de l'UNAF, la CNAF, l'INSEE, le CIDEF, le Centre International pour l'Enfance et la Famille, nous pourrions élaborer périodiquement un rapport sur l'évolution de la situation des familles et notamment sur l'évolution du coût de l'enfant qui pourrait servir d'indications précieuses pour la conduite de la politique familiale.
Enfin, là aussi, à la demande du Mouvement familial, nous allons étudier en détail la manière de mieux représenter le Mouvement familial dans certaines instances administratives, et notamment toutes celles qui sont compétentes en matière de médias et d'aménagement du territoire.
Nous nous réunirons à nouveau, puisque la conférence sur la famille est une conférence annuelle, au début de l'année prochaine. Mais d'ici là, pour faire le point et pour mieux associer la représentation nationale à toutes ces réflexions, j'ai indiqué que nous étions prêts à organiser un débat d'orientation sur la politique familiale au cours de la prochaine session parlementaire.
J'ai été un petit peu long, mais comme j'ai tellement entendu dire qu'il ne sortirait rien de cette conférence, j'ai tout de même essayé de vous montrer qu'il en était sorti beaucoup de choses.
Monsieur le Président, vous avez la parole.
M. BRUN.-.- Merci, Monsieur le Premier ministre.
Effectivement, on peut avoir une vision partielle de cette conférence si on ne regarde qu'à l'aune des décisions qui ont été prises sur le plan financier.
Comme je l'ai dit tout à l'heure au Premier ministre, c'est vrai que les demandes que nous avions formulées n'ont pas, toutes, reçu une réponse positive. C'est vrai que, sur la question du remboursement de la dette sociale, nous avons encore à débattre entre nous et à essayer de vous convaincre de la justesse de nos positions. Mais c'est vrai aussi que, y compris sur les prestations financières, des dossiers ont été ouverts, des pratiques ont été mises en oeuvre qui apparaissent tout à fait porteuses d'espoir.
En termes de dossier, je considère que, même si nous sommes encore à un instant T, pas tout à fait sur ce que nous avions souhaité par rapport aux jeunes adultes, le dossier des jeunes adultes a été ouvert. Et je crois que c'était là une réponse à une attente forte des familles aujourd'hui.
S'agissant des pratiques qui ont été mises en oeuvre, je voudrais faire référence aux négociations qui ont eu cours, pendant ces quelques mois, avec le Ministère du Logement et où, là, véritablement il y a eu débat, il y a eu argumentation, il y a eu confrontation de chiffres. Et nous sommes arrivés, sur le barême des prestations logement, à une situation plutôt correcte par rapport à l'ensemble des familles et par rapport à l'objectif poursuivi qui est, effectivement, la simplification.
Mais encore une fois nous sommes à un instant T par rapport aux prestations financières et nous continuerons, demain, à discuter à nouveau sur les aspects financiers.
Dans le deuxième point, je voudrais - comme l'a fait le Premier ministre - insister sur la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle parce que c'est sûrement, là, où il y a eu le plus de novations et de novations qui durent depuis 8-10 mois, depuis l'ouverture des travaux des ateliers.
Le fait que, autour de la même table, on retrouve, à la fois, les organisations syndicales, les organisations familiales, les collectivités territoriales et le Gouvernement, pour discuter de ce que pourrait être la politique familiale, cela a permis la rencontre avec les autres partenaires sociaux, et notamment les partenaires du monde de l'entreprise où, là, nous avons pu constater que tous ont, effectivement, la volonté de prise en compte de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, parce que c'est l'enjeu pour les 15 ans qui viennent.
C'est vrai que nous aurons toujours, ici ou là, des remarques qui nous feront dire : "Mais vous voulez faire retourner les femmes à la maison". Je crois que, sur le plan du Mouvement familial, ce type d'argumentation ne nous gêne pas trop, parce que nous commençons toujours par dire que "le droit au travail fait partie de la dignité humaine et qu'il n'y a aucune raison de le limiter pour les hommes comme pour les femmes."
Ce que nous recherchons dans la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, c'est effectivement une meilleure prise en compte de la fonction parentale dans l'organisatin du temps de travail. Les dispositions qui sont en germe autour du fractionnement du congé parental d'éducation nous semblent être tout à fait intéressantes. Et le lien avec l'allocation parentale d'éducation peut venir effectivement compléter le dispositif de manière assez intéressante. Excusez-moi d'utiliser deux fois le même mot.
Sur le troisième volet qui est le volet plus "statut juridique", plus "représentation institutionnelle", nous avons apprécié de manière extrêmement positive le fait qu'il y ait une mise en place d'un outil d'évaluation de la politique familiale. Nous apprécions la démarche qui est proposée par rapport au coût de l'enfant parce que, pour nous, c'est un indicateur social qui nous semble extrêmement important pour l'avenir, pour mesurer à la fois l'évolution des charges des familles, mais également mesurer l'évolution des investissements, à conduire tant au niveau national qu'au niveau des collectivités territoriales et des municipalités.
Dans ce cadre-là, c'est vrai que, encore une fois, globalement, on peut s'arrêter aux seuls aspects financiers et dire qu'il n'y a rien. Je dirai que, même si par rapport aux aspects financiers, nous n'avons pas tout ce que nous avons voulu, il y a des portes qui sont ouvertes, il y a des dossiers qui sont ouverts, il y a des avancées qui peuvent être mesurées significativement. Et il y a surtout tout le reste qui a été ouvert, et dans ce sens, je crois que nous avons, là, quelques travaux encore pour demain et pour la prochaine conférence en février 1998.
M. JUPPE.- Merci, Président, de votre franchise. Et puis, en toute hypothèse, je ne m'attendais pas à ce que le dossier soit clos ce soir. J'espère que nous avons du pain sur la planche pour bien d'autres réunions.
Avez-vous quelques questions, mesdames et messieurs les journalistes ?
JOURNALISTE.- Pour revenir à l'aspect financier, vous avez annoncé quelques mesures. Pouvez-vous en détailler le coût et le financement, à la fois, global et en le ventilant ?
M. JUPPE.- On m'accuse parfois de prêter trop d'attention aux aspects comptables, mais je vois qu'il n'y a que cela qui intéresse.
Je crois pouvoir vous dire que ce que nous avons mis sur la table tourne autour d'un milliard environ, avec une grosse moitié qui concerne l'accélération du versement des allocations familiales à 19 ans, puisqu'il y a, à la fois, le volet "allocations familiales" et le côté "APL", plus la mesure A.P.I, plus un certain nombre d'autres mesures, et tout ceci sera financé...
M. BARROT.- ... Et le Fonds d'action sociale et d'animation familiale de la CNAF qui va être étoffé par une politique de partenariat avec les collectivités locales.
M. JUPPE.- Voilà ! Et tout ceci sera financé dans le cadre d'un exercice budgétaire.
JOURNALISTE.-Vous avez parlé simplement, dans le communiqué, du Fonds de Solidarité familiale, cela figurait dans le rapport Gisserot, c'est une mesure qui ne coûte pas très cher, - je vois que vous le renvoyez au Conseil Economique et Social - qu'attendez-vous de ce type de mesure ?
M. BARROT.- C'est je crois, devant Monsieur Brun et le Premier ministre, une mesure qui avait recueilli un avis assez favorable sur le principe de l'UNAF et du Groupe Gisserot.
Il s'agit simplement d'organiser, de faciliter à l'intérieur d'une même famille, une sorte de mise en commun de quelques ressources qui sont là pour faire face à des difficultés que peut traverser tel ou tel membre de la famille.
Il y a eu une discussion tout à l'heure en disant : "Mais allez-vous remplacer les solidarités nationales par une solidarité familiale ?", bien sûr que non ! Mais pourquoi ne pas favoriser ce type de solidarité familiale, bien sûr très limitée, mais qui peut être un complément très utile à toute la solidarité nationale qui s'exprime par ailleurs.
Donc, il y a projet favorable et il y a mise à l'étude de ce que pourrait être ce fonds familial qui ne correspond pas, Monsieur Brun l'a dit tout à l'heure, à je ne sais quelle capitalisation ! Il s'agit simplement d'un mécanisme à l'intérieur de la famille, au sens large.
JOURNALISTE.- Pardonnez-moi de parler encore un peu d'argent, mais simplement avez-vous définitivement renoncé à fiscaliser les allocations familiales ou bien pensez-vous que c'est un projet qui pourrait être remis sur la table dans quelques mois, voire quelques années ?
M. JUPPE.- Chacun sait bien ce que j'en pense au fond, Monsieur Brun le sait ! Mais je ne ferai rien tant que le Mouvement familial n'aura pas, sur ce sujet, fait d'éventuelles ouvertures. Il ne s'agit pas d'imposer quoi que ce soit. Si la réflexion avançait, nous pourrions en reparler.
M. BARROT.- Je voudrais simplement dire aussi que, ce qui n'allait peut-être pas de soi, le Gouvernement a accepté de continuer à suivre financièrement la montée en régime très rapide de l'allocation parentale d'éducation.
C'est ainsi que, normalement, depuis la date d'entrée en application de la loi, nous allons être obligés, probablement, de provisionner cette année 5 milliards de plus par rapport aux prévisions. Nous sommes passés déjà de 10 milliards à 21 milliards, et nous irons probablement à 25 milliards. Et cela aussi, je crois qu'on l'a bien indiqué, Monsieur le Premier ministre, en disant que nous voulions continuer cette politique qui avait fait ses preuves et qui, en effet, n'est pas sans un coût qui n'est pas tout à fait second.
M. JUPPE.- Ne parlons pas chiffres, cela fâche toujours ! Je voudrais quand même rappeler que la France, après un ou deux pays d'Europe du Nord, le Danemark, sans doute,....
M. BARROT.-... et le Luxembourg.
M. JUPPE.-... - et le Luxembourg, mais, enfin, là, l'échelle est un peu différente - est le pays développé qui fait le plus, de quelque manière que l'on compte, pour ses familles. Bien sûr, ce n'est jamais assez, et je dis cela sans ironie, mais il faut aussi tenir compte de la base dont nous partons.
J'ai eu l'occasion de le dire : "J'ai trouvé que certaines propositions, qui conduisaient à charger la barque entre 60 et 140 milliards, selon la manière dont on compte, n'étaient pas marquées au sceau du réalisme", et ce soir, après 5 heures de réunion, je suis gentil.
Pas d'autres questions ?
JOURNALISTE.- Sur la généralisation du compte épargne temps, jusqu'où est-on allé et a-t-on avancé vraiment sur la récupération des heures supplémentaires pour les parents qui pourraient utiliser ces temps au moment des vacances de leurs enfants ?
M. JUPPE.- Je parle sous le contrôle de Monsieur Barrot qui connaît cela beaucoup mieux que moi, mais c'est un sujet de négociation entre les partenaires sociaux.
M. BARROT.- Ce que nous voulons surtout, c'est étendre l'usage de ce compte épargne temps. On peut aussi, par exemple, l'utiliser pour abonder du temps partiel choisi. Voilà un exemple d'extension. Et comme le dit le Premier ministre, tout cela va être maintenant l'objet d'une concertation, voire d'une négociation entre partenaires sociaux.
M. JUPPE.- Voilà ! Je vous remercie.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 14 mai 2002)