Déclaration de Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports, à l'occasion du dixième anniversaire de la chute du mur de Berlin, Berlin le 10 novembre 1999.

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On ne fait pas le bonheur des peuples sans eux, et surtout sans leur jeunesse. Pour ceux qui l'ont oublié ou ignoré l'histoire a été impitoyable.
Je tiens à le dire ici avec solennité et une certaine émotion : si je suis présente aujourd'hui à Berlin, si j'ai accepté sans hésiter de m'exprimer dans ce lieu qui s'est identifié à un acte de résistance, à la fin d'une époque et à l'exigence de démocratie ; ce n'est pas malgré mes convictions politiques profondes, mais bien en raison de ces convictions.

Ce n'est pas malgré le passé, mais à cause du passé et de la nécessité d'en tirer tous les enseignements. Ce n'est pas malgré l'échec cinglant d'un certain type de société, mais bien en raison de l'idée que je me fais d'une société de partage, de justice, de liberté.
Je sais qu'il n'est pas habituel qu'en tant que Ministre, je m'exprime sur certains aspects de l'histoire du pays qui m'accueille avec amitié.
Mais chacun comprendra que dans le contexte tout à fait exceptionnel de cet anniversaire, et en raison même de la sensibilité politique qui est la mienne, je ressens le besoin d'en dire un peu plus que ne le voudrait le protocole.
Dix ans après la chute du mur de Berlin, le premier sentiment que j'éprouve est l'absence totale de nostalgie du passé.
Ni la nostalgie d'un monde divisé en deux camps, ni celle d'un système étatiste et autoritaire qui avait détourné un idéal, brisé des rêves, un système qui avait ignoré tragiquement qu'une société d'émancipation humaine doit d'abord se fonder sur la libre adhésion de chacun à ses valeurs et à ses principes.
Non, vraiment, il n'y a aucun regret à avoir quand disparaît un système figé, rejeté, incapable de se transformer pour répondre à des aspirations universelles.
De ce point de vue, l'histoire a rendu son verdict, et le pire serait de faire comme si rien ne s'était passé.
Mais l'histoire, précisément, n'est pas restée bloquée à la date du 9 novembre 1989. Dix ans ont passé. Dix ans après, des sommes de questions, d'espoirs et de révoltes qui ont poussé des femmes et des hommes à faire tomber des murs ou des forteresses, sont toujours d'actualité. Car regardant le monde tel qu'il est, avons-nous moins de raisons de lutter contre le racisme, le sexisme, l'exclusion, la violence, l'intolérance, le chômage, les injustices ?
Avons-nous moins de raisons de trouver révoltant qu'une partie de la planète meure de faim, du sida, du sous-développement, pendant que des fortunes s'accumulent inutilement ailleurs ?
En bref, et tout simplement, avons-nous moins de raisons d'espérer un monde meilleur. Certainement pas. La fin des anciens régimes qui dominaient l'Est de l'Europe, n'a pas mis fin à la quête d'une société plus juste, d'une vie plus humaine pour toutes et tous.
Votre engagement, même avec la diversité qui le caractérise, démontre à quel point, comme le disait Saint-Just : Il n'est rien de plus doux, pour l'oreille de la liberté, que le tumulte et les cris d'une assemblée du peuple.
Je dirai pour ma part aujourd'hui qu'est douce la parole d'une assemblée de jeunes, je vous la laisse ".
(Source http://www.sports.gouv.fr, le 03 décembre 1999)