Texte intégral
(Interview à la presse française à New York, le 16 septembre 2002) :
En propos introductifs, je vais faire un rapide bilan de ces journées et je reviendrai un peu plus en détails sur cette dernière journée. Comme vous l'avez vu dans le discours prononcé à la tribune des Nations unies, j'ai cherché à préciser les grands axes et les grandes orientations de la diplomatie française en fixant clairement les principes qui sont les nôtres aujourd'hui dans un ordre international imprévisible et dangereux, axé sur le souci de la légitimité de l'action internationale, de la responsabilité et de la solidarité. J'ai pu rencontrer une cinquantaine de chefs d'Etat et de gouvernement ou de ministres correspondant aux régions les plus sensibles, aux grands arcs de crise, de l'Afghanistan jusqu'au Moyen-Orient, mais aussi des responsables africains, sud-américains et asiatiques.
Je retiens pour l'essentiel, tout d'abord l'affirmation du rôle incontournable des Nations unies dans le jeu mondial. Tous ceux qui ont pris la parole devant l'Assemblée générale ont souligné l'importance de ce rôle et salué l'action du Secrétaire général et l'importance de son discours. Je crois qu'on le vérifie à travers l'ensemble des crises sur la scène internationale mais aussi en ce qui concerne les grands enjeux, qu'il s'agisse de la paix, du développement et de la solidarité.
Deuxième axe de réflexion, la nécessité dans la recherche d'un règlement des crises, de voir l'ensemble des facteurs et des paramètres, qu'il s'agisse des données économiques, politiques, sociales ou culturelles. Je crois qu'il faut garder en tête la complexité de ces crises et la nécessité de les aborder avec un souci de traitement global.
Souci aussi de voir les liens et l'interdépendance sur la scène internationale, liens entre les différentes crises. Il est évident que si l'on prend la crise iraquienne, il ne faut pas oublier la situation encore fragile en Afghanistan, la situation de tension entre l'Inde et le Pakistan, la situation du Moyen-Orient. Il ne faut pas oublier évidemment, au bénéfice des crises les plus immédiates, certaines crises encore anciennes et pas complètement résolues. Je pense aux Balkans, à un certain nombre de crises africaines en dépit des progrès remarqués au cours des dernières semaines et des derniers mois.
Je veux noter aussi le lien important entre les grands facteurs que sont l'impératif de sécurité, l'exigence de paix, la démocratie et le développement. On voit bien qu'il y a là toute une série de facteurs qui interagissent étroitement les uns avec les autres et qu'il faut bien poursuivre l'ensemble de ces buts si l'on veut contribuer à un monde plus stable.
Enfin, je crois important de souligner la nécessité de rester concentrés dans nos efforts dans la lutte contre le terrorisme, ce qui implique une grande détermination de la communauté internationale. On voit bien l'importance des résultats obtenus au cours de l'année passée, qu'il s'agisse de la coopération dans le domaine judiciaire, du renseignement, policier, et l'on voit que cette détermination est payante. Cela exige du temps et doit donc s'inscrire dans le long terme.
Je voudrais enfin souligner l'importance de cette journée consacrée au NEPAD. C'est la première fois que l'Assemblée générale consacre une journée entière à l'Afrique avec de nombreux chefs d'Etat fondateurs du NEPAD, qui sont venus s'exprimer à la tribune de l'Assemblée générale, en particulier le président Wade, le président Obasanjo, le président Mbeki, le président Bouteflika et de nombreux autres chefs d'Etat. Colin Powell est intervenu, je suis moi-même intervenu. Ce projet du NEPAD ouvre des perspectives importantes, aussi bien pour l'Afrique que pour les pays du Nord parce qu'il s'agit à la fois d'un partenariat avec les pays africains, ce qui veut dire une réciprocité des engagements communs, et en même temps d'une appropriation par les Africains eux-mêmes de leur destin. On le voit à travers la mise en avant d'arguments comme la bonne gouvernance, le contrôle par les pairs de leur propre action. Il y a là un chemin nouveau qui est extrêmement important. La journée s'est ouverte par un petit déjeuner, offert par la France et la Grande Bretagne à un certain nombre de pays africains représentatifs du NEPAD, ce qui a permis d'affirmer une collaboration étroite entre nos deux pays, à la fois dans le règlement de certaines crises, comme celle des Grands Lacs, mais aussi dans l'approche commune que nous voulons avoir des problèmes du NEPAD et du développement.
Q - Si jamais l'Iraq annonce qu'il accepte un retour sans condition des inspecteurs, qu'est-ce que cela va vouloir dire pour le Conseil de sécurité ? Est-ce que dans un premier temps on va essayer de donner une chance à ce processus ou est-ce qu'au contraire, comme les Américains et les Britanniques semblent le suggérer, il faudrait quand même une résolution du Conseil de sécurité qui demande l'application de toutes les résolutions précédentes c'est-à-dire bien au-delà du retour des inspecteurs ?
R - Nous sommes tous d'accord pour demander l'application des résolutions des Nations unies. Mais je crois qu'il faut se concentrer aujourd'hui sur l'essentiel. Il y a une priorité, vous la connaissez, c'est la lutte contre la prolifération. C'est bien là qu'est l'attitude de la communauté internationale. Et dans ce contexte, le retour des inspecteurs est évidemment la nécessité qui permettra d'évaluer la situation sur place. On l'a vu entre 1991 et 1998, on a pu faire une évaluation des moyens dont pouvait disposer l'Iraq. Il est important, puisque nous sommes sans nouvelles informations depuis 1998, d'actualiser ce travail. C'est la responsabilité de M. Blix et de l'équipe des inspecteurs. Il faudra donc, si l'Iraq accepte ce retour, prendre toutes les dispositions pour que, très rapidement - vous savez que nous voulons inscrire l'action des inspecteurs dans le cadre d'un délai limité - soit fixé un calendrier qui soit le plus court possible de façon à ce que la communauté internationale puisse disposer de tous les éléments nécessaires.
Q - Cela veut dire qu'il faudra quand même une résolution. Si l'Iraq dit qu'il est prêt à un retour sans condition des inspecteurs, est-ce que le Conseil de sécurité adoptera une nouvelle résolution dans laquelle serait fixé un délai ?
R - Différentes options sont ouvertes. On peut parfaitement imaginer une nouvelle résolution. Nous en discuterons avec nos partenaires du Conseil de sécurité, ne serait-ce que pour fixer clairement le mode de travail des inspecteurs sur place. Vous savez qu'il y a déjà une résolution, très largement inspirée par les Etats-Unis, la résolution 1284 de 1999, qui prévoyait les dispositions pratiques, concrètes, nécessaires pour le travail des inspecteurs. On pourrait parfaitement imaginer une nouvelle résolution qui reprendrait ces éléments.
Q - Est-ce que la dynamique diplomatique française vous donne l'impression d'être libérée des pesanteurs qui pouvaient être liées à la cohabitation ?
R - Je voudrais éviter, surtout à l'étranger, de faire de la politique intérieure. Ce qui est certain, c'est que le monde change très vite et que le désordre mondial, les difficultés du monde rendent nécessaires évidemment plus d'actions, plus de coordination sur la scène internationale. Je crois que la diplomatie française aujourd'hui a une politique franche, non seulement pour parler d'une seule voix - et vous savez que cela a été l'exigence française pendant toute cette période de cohabitation - mais aussi pour vouloir ensemble, en toute circonstance et à tout moment. Certainement, l'action diplomatique française s'en trouve aujourd'hui facilitée. Elle peut évidemment avoir une détermination plus forte, voir plus clair encore. Cela fait partie aujourd'hui des exigences de la diplomatie française.
Q - Si l'on a une déclaration iraquienne, sait-on combien de temps sera nécessaire avant le retour des inspecteurs ?
R - Je crois que quelques jours seront suffisants. On peut compter au maximum quelques semaines, mais je pense que dans un délai très court le départ peut être effectué. Une fois sur place, il faudra prendre les dispositions pour que cette équipe soit opérationnelle. Elle pourra commencer très vite son action mais il faut néanmoins disposer des éléments technologiques permettant très rapidement de retrouver à la fois le contrôle des nouveaux bâtiments et des bâtiments anciens. Tout ceci peut être un peu plus long mais c'est à M. Hans Blix de fixer lui-même son mode de travail et il est donc le mieux placé pour apprécier ces délais. Il avait évoqué une période de quelques mois, quatre à cinq mois je crois, pour être véritablement opérationnel, je souhaite que ce soit le plus court possible bien évidemment.
Q - (A propos du refus de la France de soutenir la résolution 1284)
R - Je crois que la résolution 1284 aujourd'hui fixe bien le cadre dans lequel le travail des inspecteurs pourrait se dérouler. Il y a là une base de référence qui est susceptible d'avoir l'accord de l'ensemble des parties.
Q - A l'époque, la France avait trouvé le système de sortie des sanctions un peu lourd. Est-ce que cette position a évolué ?
R - La référence de la résolution 1284 marque bien les différentes modalités de travail des inspecteurs et, en même temps prévoit, au terme d'un processus de démantèlement de l'ensemble des installations concernées, la suspension des sanctions, puis leur levée.
Q - Sur ce point de la résolution 1284, jusqu'à présent on n'a pas l'impression que les Américains soient prêts à accepter une quelconque résolution, même si l'Iraq fait une déclaration annonçant le retour des inspecteurs.
R - J'ai bien dit que tout ceci ne serait possible qu'au terme d'un processus qui aurait vu l'élimination de toute menace et la vérification véritable de cette menace.
Q - Les Américains ont annoncé que depuis plusieurs années, l'Iraq n'a pas respecté un certain nombre de résolutions. Le ministre syrien a répondu qu'Israël devait encore respecter 28 résolutions de l'ONU. Comment la France parvient-elle à articuler sa diplomatie face à ce qui apparaît comme une contradiction ?
R - Dans l'esprit de responsabilité que vous connaissez, notre conviction est qu'il y a une responsabilité globale de la communauté internationale et des Nations unies et nous souhaitons effectivement, puisque vous mentionnez le cas du Moyen-Orient, que la communauté internationale soit davantage en initiative. Il y aura demain une réunion au niveau ministériel du Quartet. C'est évidemment une échéance importante et il faut faire preuve de détermination. Il est important de maintenir une perspective politique sur un dossier comme celui-ci. J'ai eu, lors de l'ensemble de mes entretiens, l'occasion de dire l'importance d'être à l'initiative sur l'ensemble des crises. Il faut rester actif et il est évident qu'aujourd'hui ces crises ont des liens et que les exigences d'avancée sur l'ensemble de ces différents théâtres ne pourront donc pas être oubliées.
Q - Sur le NEPAD, malgré les discours, on a l'impression que l'on n'avance pas. On dit toujours :" maintenant il va falloir commencer", mais quand ?
R - A chaque étape les choses se précisent. Il y a une donnée profondément nouvelle, c'est qu'aujourd'hui l'Afrique et le NEPAD sont au coeur des préoccupations de la communauté internationale. Et quand on voit le chemin parcouru depuis Monterrey, Kananaskis, Johannesburg, on voit bien que les choses évoluent très profondément et que ce qui n'était que la préoccupation de quelques-uns, est aujourd'hui au coeur de la préoccupation de tous. C'est déjà un immense progrès.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 septembre 2002)
(Interview à des radios à New York, le 16 septembre 2002) :
Q - Si, comme on le dit, l'Iraq accepte un retour inconditionnel des inspecteurs auprès des gouvernements de l'ONU sur son territoire, comment l'ONU ou le Conseil de sécurité va-t-il s'assurer qu'on ne va pas retomber dans le jeu qu'il y a eu pendant plusieurs années ? Qu'est-ce qui vous fait croire que cette fois-ci, l'Iraq voudra réellement laisser les inspecteurs faire leur travail ?
R - La communauté internationale, à travers les Nations unies, a adressé un message très clair à l'Iraq, exigeant le retour sans condition et sans restriction des inspecteurs. Il appartient à l'Iraq de confirmer cette acceptation.
Evidemment, la communauté internationale sera vigilante dans le fonctionnement et le suivi du travail de ces inspecteurs s'ils peuvent retourner en Iraq. C'est la responsabilité du Secrétaire général des Nations unies, en liaison avec M. Blix, le chef des inspecteurs, de faire en sorte que les conditions soient effectivement trouvées pour que ce travail soit fait.
Le chef des inspecteurs, M. Blix fera un rapport au Secrétaire général indiquant les conditions dans lesquelles ce travail est fait. A partir de là, la communauté internationale pourra en tirer toutes les conclusions. Il est évident que cet exercice de responsabilité va se poursuivre dans tous les cas de figures, au cours des prochaines semaines et des prochains mois.
Q - Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne avaient l'air de dire que c'est très bien si l'Iraq accepte un retour des inspecteurs mais que cela ne suffit pas, qu'il faut malgré tout voter une résolution qui comprenne l'application de toutes les résolutions précédentes. Les Russes ont l'air de dire que, dans un premier temps, il va falloir une nouvelle résolution mais qu'il faudrait d'abord laisser rentrer les inspecteurs. Quelle est la position de la France sur ce sujet ?
R - Nous restons bien évidemment attachés à ce que l'ensemble des résolutions des Nations unies puissent être appliquées mais nous voulons aujourd'hui nous concentrer sur l'essentiel. Il y a une priorité : la grande préoccupation de la communauté internationale, c'est le risque de prolifération. Dans ce contexte, l'essentiel c'est le retour des inspecteurs. A partir de là, il faudra examiner le suivi concernant les autres dossiers et maintenir les exigences de la communauté internationale.
Q - Comment réagissez-vous au voyage de trois députés de la majorité en Iraq ?
R - La France, le gouvernement français n'a pas soutenu cette initiative. Nous leur avions recommandé de ne pas se rendre en Iraq dans cette période. Ils ont décidé de passer outre. C'est leur responsabilité de parlementaires. Vous savez que d'autres parlementaires - américains notamment - se sont récemment rendus en Iraq. C'est leur responsabilité propre, cela n'engage en aucune façon évidemment le gouvernement français.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 septembre 2002)
(Point de presse devant la presse française à New York, le 16 septembre 2002) :
Q - Quelle est votre réaction à l'envoi de la lettre iraquienne à Kofi Annan ?
R - C'est la réponse de l'Iraq à la demande très ferme et très claire de la communauté internationale. Il faut maintenant prendre Saddam Hussein au mot. Les inspecteurs doivent être envoyés en Iraq, ils doivent pouvoir travailler sans entrave, contrôler les différents sites et faire rapport au Secrétaire général. Vous le savez, les arrangements techniques permettant aux inspecteurs de travailler sont déjà prévus par les Nations unies, par la résolution 1284 de 1999. Les choses doivent donc pouvoir aller très rapidement et si tout cela était confirmé et rendu possible, cela montrerait à quel point la communauté internationale peut obtenir des résultats quand elle est unie. Et elle doit rester unie dans les semaines et les mois qui viennent pour mener et prévoir une action concertée, décidée, face à la situation de l'Iraq.
Q - Dans quel délai les inspecteurs vont-ils pouvoir aller en Iraq ?
R - Il appartient à Hans Blix, le chef des inspecteurs des Nations unies, de le dire. Mais il doit pouvoir le faire dans les tout prochains jours en souhaitant que son équipe puisse être opérationnelle rapidement.
Q - Est-ce que cela peut suffire aux Américains ?
R - Nous aurons l'occasion d'examiner dans la journée de mardi au Conseil de sécurité la lettre iraquienne et nous aurons l'occasion d'examiner la réponse qui doit être faite dans ce cadre. Nous estimons que les Nations unies disposent aujourd'hui de l'ensemble des éléments. Les arrangements techniques sont prévus par la résolution 1284. Nous souhaitons donc pouvoir agir sans délai. La communauté internationale doit maintenant envoyer les inspecteurs et ceux-ci doivent pouvoir rapidement commencer leur travail.
Q - Avec une nouvelle résolution ?
R - Nous en discuterons au Conseil de sécurité. Il faut examiner en détail la lettre adressée par les Iraquiens, en parler avec le Secrétaire général. Mais je crois que d'ores et déjà tous les éléments pour agir sont là.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 septembre 2002)
En propos introductifs, je vais faire un rapide bilan de ces journées et je reviendrai un peu plus en détails sur cette dernière journée. Comme vous l'avez vu dans le discours prononcé à la tribune des Nations unies, j'ai cherché à préciser les grands axes et les grandes orientations de la diplomatie française en fixant clairement les principes qui sont les nôtres aujourd'hui dans un ordre international imprévisible et dangereux, axé sur le souci de la légitimité de l'action internationale, de la responsabilité et de la solidarité. J'ai pu rencontrer une cinquantaine de chefs d'Etat et de gouvernement ou de ministres correspondant aux régions les plus sensibles, aux grands arcs de crise, de l'Afghanistan jusqu'au Moyen-Orient, mais aussi des responsables africains, sud-américains et asiatiques.
Je retiens pour l'essentiel, tout d'abord l'affirmation du rôle incontournable des Nations unies dans le jeu mondial. Tous ceux qui ont pris la parole devant l'Assemblée générale ont souligné l'importance de ce rôle et salué l'action du Secrétaire général et l'importance de son discours. Je crois qu'on le vérifie à travers l'ensemble des crises sur la scène internationale mais aussi en ce qui concerne les grands enjeux, qu'il s'agisse de la paix, du développement et de la solidarité.
Deuxième axe de réflexion, la nécessité dans la recherche d'un règlement des crises, de voir l'ensemble des facteurs et des paramètres, qu'il s'agisse des données économiques, politiques, sociales ou culturelles. Je crois qu'il faut garder en tête la complexité de ces crises et la nécessité de les aborder avec un souci de traitement global.
Souci aussi de voir les liens et l'interdépendance sur la scène internationale, liens entre les différentes crises. Il est évident que si l'on prend la crise iraquienne, il ne faut pas oublier la situation encore fragile en Afghanistan, la situation de tension entre l'Inde et le Pakistan, la situation du Moyen-Orient. Il ne faut pas oublier évidemment, au bénéfice des crises les plus immédiates, certaines crises encore anciennes et pas complètement résolues. Je pense aux Balkans, à un certain nombre de crises africaines en dépit des progrès remarqués au cours des dernières semaines et des derniers mois.
Je veux noter aussi le lien important entre les grands facteurs que sont l'impératif de sécurité, l'exigence de paix, la démocratie et le développement. On voit bien qu'il y a là toute une série de facteurs qui interagissent étroitement les uns avec les autres et qu'il faut bien poursuivre l'ensemble de ces buts si l'on veut contribuer à un monde plus stable.
Enfin, je crois important de souligner la nécessité de rester concentrés dans nos efforts dans la lutte contre le terrorisme, ce qui implique une grande détermination de la communauté internationale. On voit bien l'importance des résultats obtenus au cours de l'année passée, qu'il s'agisse de la coopération dans le domaine judiciaire, du renseignement, policier, et l'on voit que cette détermination est payante. Cela exige du temps et doit donc s'inscrire dans le long terme.
Je voudrais enfin souligner l'importance de cette journée consacrée au NEPAD. C'est la première fois que l'Assemblée générale consacre une journée entière à l'Afrique avec de nombreux chefs d'Etat fondateurs du NEPAD, qui sont venus s'exprimer à la tribune de l'Assemblée générale, en particulier le président Wade, le président Obasanjo, le président Mbeki, le président Bouteflika et de nombreux autres chefs d'Etat. Colin Powell est intervenu, je suis moi-même intervenu. Ce projet du NEPAD ouvre des perspectives importantes, aussi bien pour l'Afrique que pour les pays du Nord parce qu'il s'agit à la fois d'un partenariat avec les pays africains, ce qui veut dire une réciprocité des engagements communs, et en même temps d'une appropriation par les Africains eux-mêmes de leur destin. On le voit à travers la mise en avant d'arguments comme la bonne gouvernance, le contrôle par les pairs de leur propre action. Il y a là un chemin nouveau qui est extrêmement important. La journée s'est ouverte par un petit déjeuner, offert par la France et la Grande Bretagne à un certain nombre de pays africains représentatifs du NEPAD, ce qui a permis d'affirmer une collaboration étroite entre nos deux pays, à la fois dans le règlement de certaines crises, comme celle des Grands Lacs, mais aussi dans l'approche commune que nous voulons avoir des problèmes du NEPAD et du développement.
Q - Si jamais l'Iraq annonce qu'il accepte un retour sans condition des inspecteurs, qu'est-ce que cela va vouloir dire pour le Conseil de sécurité ? Est-ce que dans un premier temps on va essayer de donner une chance à ce processus ou est-ce qu'au contraire, comme les Américains et les Britanniques semblent le suggérer, il faudrait quand même une résolution du Conseil de sécurité qui demande l'application de toutes les résolutions précédentes c'est-à-dire bien au-delà du retour des inspecteurs ?
R - Nous sommes tous d'accord pour demander l'application des résolutions des Nations unies. Mais je crois qu'il faut se concentrer aujourd'hui sur l'essentiel. Il y a une priorité, vous la connaissez, c'est la lutte contre la prolifération. C'est bien là qu'est l'attitude de la communauté internationale. Et dans ce contexte, le retour des inspecteurs est évidemment la nécessité qui permettra d'évaluer la situation sur place. On l'a vu entre 1991 et 1998, on a pu faire une évaluation des moyens dont pouvait disposer l'Iraq. Il est important, puisque nous sommes sans nouvelles informations depuis 1998, d'actualiser ce travail. C'est la responsabilité de M. Blix et de l'équipe des inspecteurs. Il faudra donc, si l'Iraq accepte ce retour, prendre toutes les dispositions pour que, très rapidement - vous savez que nous voulons inscrire l'action des inspecteurs dans le cadre d'un délai limité - soit fixé un calendrier qui soit le plus court possible de façon à ce que la communauté internationale puisse disposer de tous les éléments nécessaires.
Q - Cela veut dire qu'il faudra quand même une résolution. Si l'Iraq dit qu'il est prêt à un retour sans condition des inspecteurs, est-ce que le Conseil de sécurité adoptera une nouvelle résolution dans laquelle serait fixé un délai ?
R - Différentes options sont ouvertes. On peut parfaitement imaginer une nouvelle résolution. Nous en discuterons avec nos partenaires du Conseil de sécurité, ne serait-ce que pour fixer clairement le mode de travail des inspecteurs sur place. Vous savez qu'il y a déjà une résolution, très largement inspirée par les Etats-Unis, la résolution 1284 de 1999, qui prévoyait les dispositions pratiques, concrètes, nécessaires pour le travail des inspecteurs. On pourrait parfaitement imaginer une nouvelle résolution qui reprendrait ces éléments.
Q - Est-ce que la dynamique diplomatique française vous donne l'impression d'être libérée des pesanteurs qui pouvaient être liées à la cohabitation ?
R - Je voudrais éviter, surtout à l'étranger, de faire de la politique intérieure. Ce qui est certain, c'est que le monde change très vite et que le désordre mondial, les difficultés du monde rendent nécessaires évidemment plus d'actions, plus de coordination sur la scène internationale. Je crois que la diplomatie française aujourd'hui a une politique franche, non seulement pour parler d'une seule voix - et vous savez que cela a été l'exigence française pendant toute cette période de cohabitation - mais aussi pour vouloir ensemble, en toute circonstance et à tout moment. Certainement, l'action diplomatique française s'en trouve aujourd'hui facilitée. Elle peut évidemment avoir une détermination plus forte, voir plus clair encore. Cela fait partie aujourd'hui des exigences de la diplomatie française.
Q - Si l'on a une déclaration iraquienne, sait-on combien de temps sera nécessaire avant le retour des inspecteurs ?
R - Je crois que quelques jours seront suffisants. On peut compter au maximum quelques semaines, mais je pense que dans un délai très court le départ peut être effectué. Une fois sur place, il faudra prendre les dispositions pour que cette équipe soit opérationnelle. Elle pourra commencer très vite son action mais il faut néanmoins disposer des éléments technologiques permettant très rapidement de retrouver à la fois le contrôle des nouveaux bâtiments et des bâtiments anciens. Tout ceci peut être un peu plus long mais c'est à M. Hans Blix de fixer lui-même son mode de travail et il est donc le mieux placé pour apprécier ces délais. Il avait évoqué une période de quelques mois, quatre à cinq mois je crois, pour être véritablement opérationnel, je souhaite que ce soit le plus court possible bien évidemment.
Q - (A propos du refus de la France de soutenir la résolution 1284)
R - Je crois que la résolution 1284 aujourd'hui fixe bien le cadre dans lequel le travail des inspecteurs pourrait se dérouler. Il y a là une base de référence qui est susceptible d'avoir l'accord de l'ensemble des parties.
Q - A l'époque, la France avait trouvé le système de sortie des sanctions un peu lourd. Est-ce que cette position a évolué ?
R - La référence de la résolution 1284 marque bien les différentes modalités de travail des inspecteurs et, en même temps prévoit, au terme d'un processus de démantèlement de l'ensemble des installations concernées, la suspension des sanctions, puis leur levée.
Q - Sur ce point de la résolution 1284, jusqu'à présent on n'a pas l'impression que les Américains soient prêts à accepter une quelconque résolution, même si l'Iraq fait une déclaration annonçant le retour des inspecteurs.
R - J'ai bien dit que tout ceci ne serait possible qu'au terme d'un processus qui aurait vu l'élimination de toute menace et la vérification véritable de cette menace.
Q - Les Américains ont annoncé que depuis plusieurs années, l'Iraq n'a pas respecté un certain nombre de résolutions. Le ministre syrien a répondu qu'Israël devait encore respecter 28 résolutions de l'ONU. Comment la France parvient-elle à articuler sa diplomatie face à ce qui apparaît comme une contradiction ?
R - Dans l'esprit de responsabilité que vous connaissez, notre conviction est qu'il y a une responsabilité globale de la communauté internationale et des Nations unies et nous souhaitons effectivement, puisque vous mentionnez le cas du Moyen-Orient, que la communauté internationale soit davantage en initiative. Il y aura demain une réunion au niveau ministériel du Quartet. C'est évidemment une échéance importante et il faut faire preuve de détermination. Il est important de maintenir une perspective politique sur un dossier comme celui-ci. J'ai eu, lors de l'ensemble de mes entretiens, l'occasion de dire l'importance d'être à l'initiative sur l'ensemble des crises. Il faut rester actif et il est évident qu'aujourd'hui ces crises ont des liens et que les exigences d'avancée sur l'ensemble de ces différents théâtres ne pourront donc pas être oubliées.
Q - Sur le NEPAD, malgré les discours, on a l'impression que l'on n'avance pas. On dit toujours :" maintenant il va falloir commencer", mais quand ?
R - A chaque étape les choses se précisent. Il y a une donnée profondément nouvelle, c'est qu'aujourd'hui l'Afrique et le NEPAD sont au coeur des préoccupations de la communauté internationale. Et quand on voit le chemin parcouru depuis Monterrey, Kananaskis, Johannesburg, on voit bien que les choses évoluent très profondément et que ce qui n'était que la préoccupation de quelques-uns, est aujourd'hui au coeur de la préoccupation de tous. C'est déjà un immense progrès.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 septembre 2002)
(Interview à des radios à New York, le 16 septembre 2002) :
Q - Si, comme on le dit, l'Iraq accepte un retour inconditionnel des inspecteurs auprès des gouvernements de l'ONU sur son territoire, comment l'ONU ou le Conseil de sécurité va-t-il s'assurer qu'on ne va pas retomber dans le jeu qu'il y a eu pendant plusieurs années ? Qu'est-ce qui vous fait croire que cette fois-ci, l'Iraq voudra réellement laisser les inspecteurs faire leur travail ?
R - La communauté internationale, à travers les Nations unies, a adressé un message très clair à l'Iraq, exigeant le retour sans condition et sans restriction des inspecteurs. Il appartient à l'Iraq de confirmer cette acceptation.
Evidemment, la communauté internationale sera vigilante dans le fonctionnement et le suivi du travail de ces inspecteurs s'ils peuvent retourner en Iraq. C'est la responsabilité du Secrétaire général des Nations unies, en liaison avec M. Blix, le chef des inspecteurs, de faire en sorte que les conditions soient effectivement trouvées pour que ce travail soit fait.
Le chef des inspecteurs, M. Blix fera un rapport au Secrétaire général indiquant les conditions dans lesquelles ce travail est fait. A partir de là, la communauté internationale pourra en tirer toutes les conclusions. Il est évident que cet exercice de responsabilité va se poursuivre dans tous les cas de figures, au cours des prochaines semaines et des prochains mois.
Q - Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne avaient l'air de dire que c'est très bien si l'Iraq accepte un retour des inspecteurs mais que cela ne suffit pas, qu'il faut malgré tout voter une résolution qui comprenne l'application de toutes les résolutions précédentes. Les Russes ont l'air de dire que, dans un premier temps, il va falloir une nouvelle résolution mais qu'il faudrait d'abord laisser rentrer les inspecteurs. Quelle est la position de la France sur ce sujet ?
R - Nous restons bien évidemment attachés à ce que l'ensemble des résolutions des Nations unies puissent être appliquées mais nous voulons aujourd'hui nous concentrer sur l'essentiel. Il y a une priorité : la grande préoccupation de la communauté internationale, c'est le risque de prolifération. Dans ce contexte, l'essentiel c'est le retour des inspecteurs. A partir de là, il faudra examiner le suivi concernant les autres dossiers et maintenir les exigences de la communauté internationale.
Q - Comment réagissez-vous au voyage de trois députés de la majorité en Iraq ?
R - La France, le gouvernement français n'a pas soutenu cette initiative. Nous leur avions recommandé de ne pas se rendre en Iraq dans cette période. Ils ont décidé de passer outre. C'est leur responsabilité de parlementaires. Vous savez que d'autres parlementaires - américains notamment - se sont récemment rendus en Iraq. C'est leur responsabilité propre, cela n'engage en aucune façon évidemment le gouvernement français.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 septembre 2002)
(Point de presse devant la presse française à New York, le 16 septembre 2002) :
Q - Quelle est votre réaction à l'envoi de la lettre iraquienne à Kofi Annan ?
R - C'est la réponse de l'Iraq à la demande très ferme et très claire de la communauté internationale. Il faut maintenant prendre Saddam Hussein au mot. Les inspecteurs doivent être envoyés en Iraq, ils doivent pouvoir travailler sans entrave, contrôler les différents sites et faire rapport au Secrétaire général. Vous le savez, les arrangements techniques permettant aux inspecteurs de travailler sont déjà prévus par les Nations unies, par la résolution 1284 de 1999. Les choses doivent donc pouvoir aller très rapidement et si tout cela était confirmé et rendu possible, cela montrerait à quel point la communauté internationale peut obtenir des résultats quand elle est unie. Et elle doit rester unie dans les semaines et les mois qui viennent pour mener et prévoir une action concertée, décidée, face à la situation de l'Iraq.
Q - Dans quel délai les inspecteurs vont-ils pouvoir aller en Iraq ?
R - Il appartient à Hans Blix, le chef des inspecteurs des Nations unies, de le dire. Mais il doit pouvoir le faire dans les tout prochains jours en souhaitant que son équipe puisse être opérationnelle rapidement.
Q - Est-ce que cela peut suffire aux Américains ?
R - Nous aurons l'occasion d'examiner dans la journée de mardi au Conseil de sécurité la lettre iraquienne et nous aurons l'occasion d'examiner la réponse qui doit être faite dans ce cadre. Nous estimons que les Nations unies disposent aujourd'hui de l'ensemble des éléments. Les arrangements techniques sont prévus par la résolution 1284. Nous souhaitons donc pouvoir agir sans délai. La communauté internationale doit maintenant envoyer les inspecteurs et ceux-ci doivent pouvoir rapidement commencer leur travail.
Q - Avec une nouvelle résolution ?
R - Nous en discuterons au Conseil de sécurité. Il faut examiner en détail la lettre adressée par les Iraquiens, en parler avec le Secrétaire général. Mais je crois que d'ores et déjà tous les éléments pour agir sont là.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 septembre 2002)