Déclaration de M. Jean-François Mattéi, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, sur le traitement des cancers chez les adolescents et la politique de lutte contre le cancer, Villejuif le 20 janvier 2003.

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Circonstance : Inauguration de l'unité d'oncologie adolescents à l'Institut Gustave Roussy à Villejuif le 20 janvier 2003

Texte intégral

Monsieur le Directeur,
Mesdames et Messieurs.
J'aimerais tout d'abord vous dire mon très grand plaisir d'être ici, parmi vous, cette après midi. Parmi vous, c'est à dire parmi les soignants : infirmières, médecins, techniciens, personnels administratifs et logistiques. Vous, c'est à dire les adolescents pris en charge dans cette nouvelle unité de l'Institut Gustave Roussy que je viens de découvrir. Vous, c'est aussi les bénévoles et les associations de patients, qui contribuez pour beaucoup à rendre moins difficile le séjour des patients. Et bien sûr vous, les responsables, médicaux, administratifs et politiques, qui vous intéressez à la vie de cet Institut. J'ai toujours un grand plaisir à revenir dans l'hôpital, et à échanger de façon conviviale et détendue avec ceux qui, chaque jour, consacrent leur énergie pour faire face à la maladie.
Lorsque Monsieur le Professeur Tursz m'a proposé d'inaugurer cette nouvelle unité d'accueil et de prise en charge des adolescents atteints de cancer, je n'ai pas hésité longtemps à répondre que serais présent. Je n'ai pas hésité, car, vous le savez, la prise en charge des enfants à l'hôpital est un domaine qui me touche de près. Je n'ai pas hésité, car le département de pédiatrie de l'Institut Gustave Roussy mérite, je crois, l'hommage que je souhaite lui rendre aujourd'hui.
En effet, je n'oublie pas ce que la cancérologie pédiatrique doit à l'Institut Gustave Roussy, et en particulier à Odile Schweisgut, qui a créé l'oncopédiatrie française, il y a déjà près de 50 ans. Ce département, aujourd'hui dirigé par le Professeur Olivier Hartmann, est l'une des toutes premières structures d'oncologie pédiatrique en France. Je sais qu'il est reconnu internationalement pour ses travaux de recherche, et pour la formation qui y est dispensée. C'est ici que des avancées importantes ont été réalisées, dans les conditions de prise en charge, et dans les traitements offerts aux enfants atteints de cancer.
Depuis longtemps, ce département a su mettre en place un accueil global de l'enfant soigné, bien au-delà des seuls soins techniques : à travers un environnement et des locaux humanisés, un accompagnement scolaire, des spectacles de clowns, et des échanges avec l'extérieur. Ce que vous essayez de faire, c'est que l'enfant vive sa vie d'enfant, et qu'on ne le prive pas de ces instants de joie de vivre qui sont si importants. Je souhaite rendre hommage, ici, à toute cette équipe de médecins, de soignants, et à tous les bénévoles du département de pédiatrie. Cette équipe, je le sais, ne compte ni son temps, ni son énergie pour donner toutes leurs chances aux jeunes patients qui y sont soignés. Je sais aussi que les parents ne sont pas oubliés dans ce dispositif, la maison des parents, juste à côté, est là pour en témoigner.
Vous le savez, prendre en charge un enfant, en particulier dans le cas du cancer, c'est entrer en relation avec une famille dans la détresse. L'annonce d'un diagnostic difficile, l'explication d'un processus de prise en charge, et l'information non dissimulée sur les séquelles possibles d'une action thérapeutique sont à chaque fois une épreuve terrible, pour les parents, et pour leur enfant. C'est aussi une épreuve pour les soignants. C'est pour cela que tout doit être mis en oeuvre pour que l'enfant soit pris en charge, avec l'apport des thérapeutiques innovantes, mais aussi dans un souci permanent d'humanité. Ce qui est normal en cancérologie adulte devient impérieux en cancérologie pédiatrique. Et si, avec environ 2000 cas par an, les cancers de l'enfant représentent moins de 1% du total des cancers, c'est dans cette discipline que les progrès les plus importants ont été accomplis. En trente ans, l'espérance de guérison est passée de 30% à 75%, et les conditions de prise en charge ont profondément évolué, avec des traitements moins mutilants, et une reconnaissance des soins de support, comme la douleur ou l'accompagnement psychologique.
Dans ce processus, et je souhaite le rappeler clairement, la recherche clinique et la mise au point de protocoles évalués sont les seuls outils d'un progrès qui profite à tous les patients. Et si aujourd'hui une grande majorité d'enfants sont pris en charge pour leur cancer dans le cadre d'études cliniques, c'est à la fois une garantie pour chacun d'eux de bénéficier des meilleurs soins disponibles, et la possibilité, pour tous les suivants, de bénéficier plus tard de traitements nouveaux. Cependant, je crois qu'il ne faut jamais oublier la difficulté pour les familles à comprendre cette notion d'étude clinique, et je vous encourage, sur ce point précis, à multiplier les supports d'informations, permettant de compléter la fiche d'information habituelle de l'essai. Dans chaque situation, il vous faut veiller à ce que l'enfant et ses parents soient complètement associés au processus de prise en charge. Il vous faut veiller à rester toujours à leur écoute, et disponibles à leurs appels. Quelles que soient telle ou telle attitude individuelle dans des choix différents, hélas parfois polémiques, je veux redire à Thomas TURSZ mon soutien personnel dans les orientations de l'IGR. Il faut miser sur la rigueur, l'évaluation, le respect des équipes et l'action innovante au service des patients.
Je suis ici pour inaugurer cette nouvelle unité de prise en charge de l'adolescent et des jeunes adultes. J'ai visité cette unité, et à nouveau, j'ai pu constater la créativité de l'Institut pour inventer une prise en charge, la plus adaptée possible à la situation particulière des adolescents. Cette unité, qui a vu le jour grâce au soutien de partenaires extérieurs est je crois à peu près unique en son genre. Elle tente de répondre globalement aux attentes et au contexte particulier des adolescents et des cancers de l'adolescent. C'est une organisation médicale adaptée aux cancers de l'adolescent et du jeune adulte ; c'est un lieu de vie ''pour les jeunes'', avec notamment une médiathèque ; c'est aussi le souci de conserver aux jeunes patients la possibilité d'avoir, plus tard, des enfants. Située dans le département de pédiatrie, parce que ce sont les traitements pédiatriques qui sont les plus efficaces pour les adolescents, cette unité, m'apparaît comme un exemple très original d' approche globale et adaptée de la prise en charge. Je serai d'ailleurs intéressé de connaître les résultats de ce dispositif.
A ce stade de mon intervention, je pense que vous attendez tous que je vous parle du chantier cancer voulu par le Président de la république ? Jeudi dernier, la commission d'orientation que Claudie Haigneré et moi-même avons mise en place le 9 septembre, nous a rendu son rapport. Rapport dense, riche, et porteur de plusieurs propositions très intéressantes. Je ne veux pas ici reprendre en détail ce rapport ni ses propositions, mais vous dire mon sentiment sur deux points : un point sur la recherche, et un point sur les soins.
Tout d'abord, la recherche. La France a aujourd'hui besoin d'une recherche cancérologique plus forte et plus large. Plus forte pour relever le défi de la génomique, qui constitue un champ nouveau d'investigation ; plus forte pour être capable de conduire les grands essais de stratégie qui détermineront les attitudes thérapeutiques de demain. Plus forte enfin pour transférer les avancées expérimentales vers les patients sans délai. Plus large, car aujourd'hui, des domaines entiers de recherche sont négligés ou sous dimensionnés, comme la recherche en épidémiologie et en sciences humaines et sociales. Je sais que sur ces points l'Institut Gustave Roussy entend jouer un rôle de premier plan, et la coopération forte que vous envisagez avec l'Institut Curie, et dans le cadre du cancéropôle, avec l'Hôpital Saint Louis, me semble particulièrement opportune, et en accord avec les orientations que je pense proposer prochainement au Président de la République, dans le plan cancer.
Dans le plan cancer, il y aura de la recherche, il y aura bien sûr de la prévention, mais il y aura aussi des mesures relatives aux soins.
Concernant les soins, vous devez savoir que le dispositif de prise en charge des patients va être confronté, dans les années qui viennent, à une augmentation importante de la demande. Augmentation liée à la croissance du nombre de malades, souvent âgés, ainsi qu'à l'émergence de nouveaux traitements. Nous allons, heureusement, traiter plus et mieux, des cancers qui jusqu'ici n'avaient que peu d'options thérapeutiques. Cette évolution, vous la vivez déjà, très directement, au sein de cet hôpital. De mon point de vue, il n'y a qu'un moyen de prendre en charge mieux, un plus grand nombre de patients. Ce moyen, c'est la coopération de toutes les structures de soins autour du patient.
J'ai l'intention, dans les mesures que je proposerai au Président de la République, de retenir le principe de l'organisation en réseau pour tous les acteurs de la prise en charge du cancer : dans cette configuration, la qualité du processus thérapeutique pourra être mieux assurée, pour chaque patient. Dans le cadre du réseau, c'est également la possibilité de faire intervenir un plus grand nombre de médecins spécialistes, pas nécessairement cancérologues. Le réseau apportera à ces médecins la pratique multidisciplinaire et les référentiels de prise en charge, assurant aux patients l'égalité des chances. Pour la mise en place des ces réseaux, je compte en tout premier lieu sur les établissements de référence, qui auront un rôle d'impulsion et de coordination à jouer, au plan régional. Je souhaite que l'Institut Gustave Roussy, en association avec les autres centres de lutte contre le cancer de la région joue un rôle moteur en Ile de France. Je souhaite qu'il joue ce rôle en concertation forte avec l'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, et en lien étroit avec l'Agence Régionale de l'Hospitalisation. Le plan contiendra des mesures d'aide à ces fonctions de coordination.
Je vais m 'arrêter là, en espérant ne pas avoir été trop long, en remerciant encore Thomas Tursz et toute son équipe de votre chaleureux accueil. Vous avez ma confiance, et mon estime.

(Source http://www.sante.gouv.fr, le 23 janvier 2003)