Déclaration de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie, sur l'engagement de la France et le rôle important de la communauté française dans le processus de transition démocratique au Burundi, la sécurité des Français en Afrique, Bujumbura le 22 septembre 2002.

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Circonstance : Voyage de M. de Villepin dans la région des Grands lacs africains du 21 au 23 septembre 2002 : visite au Burundi et rencontre avec la communauté française le 22

Texte intégral

(Point de presse à Bujumbura, le 22 septembre 2002) :
Q - A l'occasion de votre visite ici au Burundi, puisque la France est informée de toutes les difficultés économiques et sociales auxquelles le Burundi fait face à cause de la guerre, qu'est-ce que la France entend faire pour sortir le Burundi de ses difficultés ?
R - Vous savez que les relations entre la France et le Burundi sont des relations anciennes de fidélité et d'amitié. J'ai eu l'occasion récemment de m'entretenir avec le président Buyoya, à New York, en marge de l'Assemblée générale. Le président Chirac a rencontré le président burundais à Paris et j'ai le plaisir de pouvoir poursuivre les discussions, entre nos deux pays, sur la situation du Burundi et sur la situation régionale. C'est vous dire l'importance que nous attachons à ce qui se passe ici. Des progrès importants ont été faits au cours des derniers mois et l'expérience de la transition démocratique est une expérience essentielle, originale et il faut la mener à bien. Nous accordons, dans ce contexte, une très grande importance à ce qu'un cessez-le-feu puisse très rapidement être conclu. C'est essentiel pour le Burundi, c'est essentiel pour la région. Vous posez la question de la situation économique et financière. Nous voulons prendre toute notre part pour aider les Burundais et c'est pour cela que nous allons très rapidement envoyer une mission financière. C'est pour cela aussi que nous encourageons la conclusion d'un accord avec le Fonds monétaire international. C'est pour cela enfin que nous souhaitons pouvoir étudier, dans le cadre du Club de Paris, la situation particulière du Burundi pour faire en sorte que la situation puisse se stabiliser et connaître un nouveau départ.
Le cessez-le-feu dans ce contexte est évidemment essentiel pour créer le climat de stabilité nécessaire au développement et à la reprise de l'aide internationale.
Q - Le cessez-le feu essentiel, est-ce une condition pour la reprise de la coopération ?
R - Nous sommes toujours aux côtés de nos amis, en toutes circonstances, et vous avez pu mesurer tout au long des années que cette solidarité et cette amitié n'ont pas manqué. Nous voulons donc accompagner, créer le mouvement, car nous avons confiance. Nous avons confiance dans la capacité du Burundi, dans la capacité du peuple burundais, dans la volonté des dirigeants du Burundi aujourd'hui et j'en ai longuement parlé avec le président Buyoya ; je vais voir tout à l'heure le vice-président, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat. Je sais que toutes les énergies sont mobilisées pour faire en sorte que ce processus politique puisse être une réussite. J'étais, vous le savez, ce matin en Tanzanie où j'ai longuement abordé la situation de votre pays avec le président Mkapa. Je serai tout à l'heure au Rwanda, puis ensuite en République démocratique du Congo. Je crois que toutes les énergies doivent être mobilisées pour que la situation de votre pays et la situation de la région puissent converger vers la stabilité. Je vous remercie.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 septembre 2002)
(Allocution devant la communauté française à Bujumbura, le 22 septembre 2002) :
Permettez-moi tout d'abord de vous dire tout le plaisir que j'ai d'être, aujourd'hui, à Bujumbura. J'ai eu l'occasion de venir dans les 25 ou 30 dernières années plusieurs fois dans ce pays, dans des circonstances heureuses, dans des circonstances dramatiques, et j'ai le sentiment de revenir aujourd'hui, à un moment important pour le Burundi, pour la région, pour l'Afrique et la stabilité du monde.
J'ai eu l'occasion de parler souvent au cours des derniers mois de ce qui se passe ici, et encore récemment à New York avec le président Buyoya. Nous avons eu l'occasion de nous réunir avec le Conseil de sécurité pour évoquer la question plus large des Grands Lacs, y compris le Burundi.
Nous avons eu aussi l'occasion d'en reparler très récemment à Paris, puisque vous savez que le président du Burundi était à Paris il y a quelques jours. Mais c'était important de venir ici pour rencontrer les principaux acteurs. C'était surtout l'occasion pour moi de vous rencontrer, vous.
Je sais que dans les différentes crises du monde, dans les différentes régions du monde confrontées à des situations difficiles comme c'est le cas ici et dans les Grands Lacs - j'étais il y a quelques semaines en Afghanistan, il y a quelques mois au Proche-Orient, dans les Balkans -, à chaque fois, nos communautés sont durement exposées. Je sais ce qu'il faut de courage au quotidien. Je sais ce qu'il faut de courage pour maintenir une école ouverte, ce qu'il faut d'énergie pour assurer la vie quotidienne et ce n'est pas simple lorsque l'on est confronté à d'importantes difficultés.
Je sais aussi que dans la relation avec le Burundi, vous jouez un rôle important, les ONG, les Français installés au Burundi de très longue date et qui font partie désormais de la vie du Burundi, les fonctionnaires français qui représentent leur pays et qui servent les relations entre la France et le Burundi, les entreprises présentes ici et qui s'efforcent de maintenir vivante la relation commerciale entre nos deux pays, les missionnaires et tous ceux qui servent leur croyance, leur foi auprès des populations les plus démunies.
Vous tous, vous représentez une certaine image de notre pays. C'est un visage de la France, de la France attachée à l'Afrique. Je l'ai dit, dès mon arrivée au ministère des Affaires étrangères, et le président de la République n'a cessé de le répéter, l'Afrique occupe une place à part dans la politique étrangère de la France. Lorsque je parle de la politique étrangère de la France en Afrique, c'est presque d'ailleurs une contradiction, tant les problèmes de ce continent sont des problèmes qui sont proches à chacun d'entre nous.
Aujourd'hui, dans ce moment central de la vie du Burundi, à un moment où une expérience pilote est engagée, une expérience de transition démocratique où toutes les forces politiques de ce pays sont mobilisées pour essayer de réussir, tous les interlocuteurs que j'ai rencontrés frappent par leurs qualités intellectuelles, leurs qualités personnelles, l'engagement qui est le leur, au service d'un objectif.
Cet objectif, nous voulons aider le Burundi à l'atteindre. Evidemment, lorsque je dis "nous voulons", c'est la France, l'Union européenne et la communauté internationale. Le fait que le Conseil de sécurité ait consacré une grande réunion il y a quelques jours à la question des Grands Lacs, le fait qu'il se soit concentré sur la situation particulière de ce pays, montre bien l'attention qui est la nôtre sur ce qui se passe ici. Réussir une transition démocratique, faire en sorte que, passé le cap des 18 premiers mois, le pouvoir puisse changer de mains de façon pacifique en respectant les équilibres et chacune des communautés, c'est en effet un pari difficile. Nous oeuvrons pour faire en sorte qu'avec l'ensemble des responsables de ce pays, l'objectif d'un cessez-le-feu, l'objectif d'une véritable paix puisse constituer le gage d'une réussite supplémentaire dans la voie politique qui a été choisie.
Dans ce contexte, nous voulons aussi, évidemment, accompagner sur le plan économique et financier ce qui est engagé ; on me l'a dit, on me l'a redit, faut-il attendre que tous les problèmes soient résolus pour que nous puissions répondre davantage encore présent aux problèmes auxquels est aujourd'hui confronté le Burundi ?
Notre intention, c'est d'envoyer dans les prochains jours une mission du Trésor pour tenter d'évaluer les nouveaux besoins financiers de ce pays au cours des prochains mois, essayer d'y répondre de la meilleure façon possible. Nous devons essayer de reprendre le chemin d'une coopération normale et qui sera facilitée par la perspective d'un accord entre le Fonds monétaire international (FMI), les grandes institutions financières internationales et le Burundi.
Vous savez, sur la scène internationale, la confiance n'est pas quelque chose qui se décrète. Ce n'est pas quelque chose que l'on peut, d'un coup de baguette magique, réussir à créer. Mais tout l'intérêt de se concentrer à un moment donné sur un pays comme celui-ci qui vit les difficultés quotidiennes de la paix, c'est justement de pouvoir créer l'intérêt, la mobilisation, de pouvoir faire en sorte que chacun comprenne mieux et partout ce qui se passe ici. C'est pour cela qu'il était important pour moi de venir, de voir, sur place. Parce que, entendre, comme on me l'a dit, c'est facile, mais voir, c'est déjà prendre part, c'est déjà être dans l'action quotidienne d'un pays qui cherche à avancer vers la paix.
C'était donc le but de cette visite et, après mon passage ce matin en Tanzanie, je serai dans quelques heures au Rwanda, puis en République démocratique du Congo ; vous le savez, d'autres régions de l'Afrique sollicitent l'attention et l'émotion de la France. C'est le cas en ce moment de la situation en Côte d'Ivoire où nous venons de renforcer la présence de nos militaires pour assurer la sécurité de notre communauté française et la sécurité de la communauté internationale qui est fortement présente. Nous avons, en effet, plus de 20.000 ressortissants français en Côte d'Ivoire.
Je voulais vous dire aussi que la sécurité de nos communautés aujourd'hui en Afrique est l'une de nos préoccupations majeures.
C'est pour cela qu'en liaison avec nos ambassadeurs, nos chefs de postes, nos consuls, nous avons pris le soin, depuis quelques mois, de redoubler d'efforts dans ce domaine, pour réactualiser les plans de sécurité, pour faire en sorte que les moyens techniques nous permettent de répondre à toute situation. Cette mobilisation dépend aussi beaucoup de la capacité d'entraide qui existe au sein de notre communauté. Je sais que dans votre communauté en particulier, beaucoup est fait pour maintenir les liens et pour faire en sorte que nos compatriotes ne se sentent pas isolés, quelles que soient les circonstances, quelles que soient les difficultés.
Je veux enfin saluer les efforts engagés par nombre d'entre vous, parents d'élèves, pour faire vivre dans des conditions que je sais difficiles une école française toujours présente. C'est important que de pouvoir faire vivre la culture de la France, maintenir l'enseignement, maintenir une école ouverte qui puisse permettre aux différents responsables burundais, à la jeunesse burundaise d'avoir un autre regard sur la culture et sur l'apprentissage.
Je ne vais pas parler trop longtemps car j'ai beaucoup à écouter de chacun d'entre vous. Je sais qu'il est frustrant de voir un ministre passer, mais je voulais vous dire qu'une partie de mon coeur est un peu avec vous. Merci.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 septembre 2002)